WHY MOSCOW’S FOREIGN PHILOSOPHY IS “WESTPHALIAN”
Pour quelles raisons la politique étrangère de Moscou est-elle « Westphalienne » ?
Le 11 AVRIL 11, 2018 par PATRICK ARMSTRONG
Actuellement, il existe deux sortes de politiques étrangères : Ici l’une, Westphalienne, Paul Robinson les décrit : l’une d’elle traditionnelle, dans laquelle chaque peuple est une entité souveraine, appelée « Westphalienne » et l’autre dans laquelle il n’y a que deux sortes d’états, « les justes et les injustes ». Ils ne sont égaux ni moralement ni légalement. D’autres l’ont appelée le second “idéalisme” ou “diplomatie morale”. Il existe une tradition continue pour les USA de se considérer comme une toute nouvelle catégorie de pays, comme rappelé ici, et la référence morale est parfois aussi nommée “Wilsonienne” d’après le Président qui souhaitait « apprendre aux républiques d’Amérique du sud à élire des hommes bons » mais c’est complètement bipartisan, comme en témoigne le « Corrolaire Roosevelt » dans lequel Théodore Roosevelt arroge aux Etats unis d’Amérique, en tant que « pays civilisé » le droit d’intervenir dans les « cas flagrant de mauvaises actions ou d’imcompétence». Aucune de ces approches n’est nouvelles, il a toujours existé des pays qui ont cru que leurs dieux leur donnaient la mission d’instruire et de discipliner leurs voisins et d’autres contents de les laisser.
La position moraliste est érigée sur l’assomption que le pays du narrateur est vertueux, que sa vertu est évidente et démontrable, que sa vertu est un fait. Le manque de vertu des autres pays est également un fait. Certains pays sont vertueux et d’autres non, et les pays vertueux ont le droit de faire certaines choses interdites aux non-vertueux. Pas de suppositions mais de la réalité. Pas d’espoir mais de la réalisation, pas de relativité mais de l’absolu, pas de subjectif mais de l’objectif. Pour présenter ça d’une façon un peu grossière, on se demande comment un adulte peut croire ce genre de choses. Mais il les croit. Et sans broncher de surcroît.
« Nos enfants ont besoin de savoir qu’ils sont citoyens de ce pays exceptionnel, le plus puissant, généreux et noble pays de l’histoire de l’humanité. Plus que tout, l’Amérique est indispensable – et exceptionnelle- à cause de ses valeurs. Le monde nous regarde pour la mise en place des droits humains, pour les droits des LGTB, pour ceux des minorités ethniques ou religieuses, pour ceux des personnes handicapées et pour tous les gens qui, partout attendent la paix. Nous nous mettons au défi, nous-mêmes et les autres nations de toujours faire mieux. »
Quelle chance que le meilleur et le plus noble des pays soit aussi le plus puissant ! Les Etats unis sont le quartier général de la notion que certains (ou serait-ce un seul) pays sont «exceptionnels» et opèrent sous différents mais plus élevés standards que les plus simplement ordinaires. Lors des dernières deux décennies, l’idée s’est répandue dans l’Ouest, en général, comme l’observe Robinson, par l’intermédiaire de la distinction (auto-attribuée) de « ceux qui respectent et ceux qui ne respectent pas les droits humains ». L’Ouest, est-il besoin de le dire, se considérant comme les respectant.
Certains parmi nous sont donc élevés moralement et d’autres non. Ceux qui n’y sont pas devraient préparer leur défense, c’est mauvais pour l’espérance de vie d’être sur la liste des mécréants comme Slobodan Milosevich, Saddam Hussein et Muammar Kadhafi peuvent l’attester. Il est frappant de constater comment cette supériorité morale est exprimée à force de sanction et de bombardements plutôt qu’à l’aide d’exemples, mais les doués d’exceptions morales peuvent faire ce genre de chose justement parce qu’ils sont des exceptionnels moralement. Et quand Milosevic est amnistié, que les Armes de destruction massive qui étaient le prétexte pour le renversement de Saddam Hussein sont absentes et quand il est découvert que Kadhafi ne «bombardait pas son propre peuple », la pureté morale voit les Exceptionnalistes lever les épaules et passer à autre chose, des enfants sont morts mais c’était pour la bonne cause. Les Exceptionnalistes bombardent les hôpitaux par erreur. Les autres le font volontairement.
Le camp « idéaliste » est conduit par Washington, alors que Moscou est devenue le chef des porte-parole du camp « réaliste ». Presque tous les discours que Poutine a fait appel au «multilatéralisme » ou, pour Robinson à «l’ordre traditionnel, westphalien dans lequel chaque état a une entité souveraine égale. » Le voici dans une interview datant de 2000, mais de très très nombreuses fois depuis :
Le monde ne peut pas se développer effectivement et positivement si un seul état a le monopole de la prise et de l’application de toutes les décisions. Dans l’histoire de l’espèce humaine, la tentation d’un tel monopole ne s’est jamais bien terminée. Pour cette raison, nous sommes constamment entrain de proposer une nouvelle structure démocratique mondiale.
Il y a plusieurs raisons pour que Poutine fasse appel (et Yeltsine avant lui) à la primauté des nations unies dans un système mondial multilatéral. Deux sont évidemment à des fins d’usage personnel : La Russie est un membre permanent de l’UNSC et deuxièmement, elle a peur de se retrouver sur la liste des pays à toucher par les Exceptionnalistes. Et étant donné la prédominance des « violations des droits humains » comme « justifications pour une intervention humanitaire », l’annuel rapport des droits humains (US State Department human rights report) montre qu’ils ont de bonnes raisons d’avoir peur.
Mais il y a d’autres raisons pour lesquelles Moscou est dédiée à « un ordre traditionnel westphalien, ordre par lequel tous les états sont égaux en tant qu’entités souveraines » et elles ne sont pas faciles à oublier :
L’URSS a passé 70 ans à mener une politique étrangère « exceptionnaliste » et ça a été un fiasco.
L’URSS en tant que « premier état socialiste du monde » était le porte-drapeau d’un « futur rayonnant pour l’humanité » un novus ordo seculorum, et même un nouveau type d’homme, – « новый советский человек ». Elle était le pays exceptionnel., elle était le « meilleur et le plus noble des pays de toute l’histoire de l’humanité, elle était le chef de file de « tous les peuples aspirant à la paix ». Elle intervenait dans le monde entier au nom de sa supériorité morale auto-proclamée. Les Partis communistes de tous les pays faisaient écho à la sagesse supérieure de Moscou. Le Parti communiste allemand collaborait avec le Parti Nazi pour affaiblir la République de Weimar. Pourquoi ? Parce que le Socialisme allait l’emporter lorsque Weimar serait déchue. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé : les Nazis l’ont emporté et l’URSS a payé un prix colossal pour leur triomphe. Cuba, état socialiste ( L’Île de la liberté) devait être soutenu par le Leader mondial du communisme. Leur soutien a amené le monde au bord d’une guerre nucléaire. Tout petit mouvement s’intitulant socialiste demandait l’aide de Moscou, même dans des pays dont les membres décrépis du Politburo n’avaient jamais entendu parler. Il fallait leur fournir des armes, des prêts, des secours et un support diplomatique.
Il aurait été inconcevable pour le premier pays socialiste du monde de ne pas intervenir en Afghanistan quand le gouvernement soi-disant socialiste a commencé à chanceler. Socialiste un jour socialiste pour toujours.
Comment l’URSS pourrait-elle éviter de prêter de l’argent ou des armes à tout état se réclamant du socialisme ? Les mouvements pour la Paix devaient être infiltrés parce que la théorie prétendait que seul le socialisme amenait la paix. Être exceptionnel génère de lourdes obligations.
Considérons, à titre d’exemple, la Pologne. L’URSS l’a libérée des Nazis qui avait tué presque le cinquième de sa population. Staline redessina la carte de façon à ce que, pour la première fois de l’histoire, toute la Pologne historique soit unie et que son territoire soit presque complètement homogène ethniquement. L’URSS est intervenue dans la politique polonaise et dans la vie civile pendant quatre décennies, s’en croyant moralement le devoir afin que le « futur resplendissant de l’espèce humaine bénéficie au peuple polonais. Ou du moins était-ce que que les Exceptionnalistes du Kremlin disaient. Pour quel résultat ? Au moment où il est devenu clair que les tanks n’allaient pas venir, la Pologne a balancé les Soviets, l’alliance et tout le paquet socialiste. Et ceci partout dans les autres états socialistes amis. C’était une bulle. Les pays exceptionnels n’ont pas d’amis parce qu’ils n’ont pas d’égaux, ils ne peuvent qu’avoir des clients mais les clients doivent être nourris et achetés.
La Fédération russe, en tant que successeur de l’URSS, a hérité de ce qu’elle possédait et de qui la possédait. Mais il y avait une grosse différence : la dette était réelle, les crédits ne l’étaient pas. La Russie a payé tout ce qu’elle devait et annulé ce qu’on lui devait. Dans le cas de Cuba, en 2014, Poutine a annulé 32 milliards de $ de dette.
L’URSS avait prêté des fonds aux « Pays socialistes » africains – en tant que tête du monde socialiste, comment pouvait-elle refuser ? Poutine vient d’en annuler 20 milliards de dollars etc. L’Exceptionnalisme est de l’argent jeté dans un puits.
En 1987, un court article de Yevgeniy Primakov parut dans la Pravda : « Une nouvelle philosophie de politique étrangère ». Principalement, il y disait que la politique étrangère de la Russie avait été un échec : elle avait réduit la sécurité et menait le pays à la faillite. Après 70 ans d’exceptionnalisme, que restait-il ? Pas d’amitié, plutôt l’opposé. Pas de profit financier, juste des coûts. Le leader du bloc socialiste et le bloc lui-même évaporé comme s’ils n’avaient jamais existé. Tout cela pour rien. Et pire que rien : voici ce que dit Poutine lui-même en 1999 :
Pendant presque les trois-quarts de ce siècle, la Russie a vécu sous le signe de la propagation de la doctrine communiste. Ce serait une erreur de ne pas voir, et pire encore de nier les succès indéniables de ce temps. Mais ce serait une erreur bien pire de ne pas réaliser le prix faramineux que notre pays a payé pour cette expérience bolchevique. Plus encore, ce serait une erreur de ne pas comprendre sa futilité historique. Le Communisme et le pouvoir des Soviets n’ont pas fait de la Russie un pays prospère avec une société se développant d’une façon dynamique et un peuple libre. Le Communisme a implacablement démontré son inaptitude à créer un auto-développement sain, condamnant notre pays à rester à la traîne des pays économiquement avancés. C’était une impasse, loin des courants des civilisations développées.
“ Prix outrageant “ “ Futilité historique”, “ Inaptitude”, “ Régression régulière” “ Une impasse” : Rien, pas d’argent, pas d’amis, pas de pouvoir, pas de prospérité. Rien, ni à l’intérieur des frontières, ni à l’extérieur.
Moscou sait que la route de l’exceptionnalisme est une route qui mène à une impasse parce qu’elle a perdu 70 années sur cette route. Et quelqu’irritant ou imparfait que soit « l’ordre traditionnel, westphalien dans lequel chaque état est une souveraineté égale » Moscou sait que « l’idéalisme « est complètement dénué de valeur.
Il est important d’observer que le « Système westphalien » a été nommé ainsi après les nombreux agréments qui en 1648 ont permis la fin des guerres de religion en Europe en acceptant le principe de cuius regio, eius religio ou le fait que chaque état serait autorisé à faire ses propres choix. En d’autres termes, le Westphalianisme n’a été accepté qu’après que l’idéalisme ait brûlé tout sur son passage. C’est une vieille leçon que la Russie a apprise mais que Washington, avec son gros porte-monnaie, n’a pas assimilée.
Encore…