La civilisation de Davos Vijay Prashad

Cette traduction d’un article d’Alternet vient au moment où le Club de Davos célèbre sa grande messe annuelle et détermine ce qu’il adviendra de ses montagnes de richesse et des masses qui les leur créent. Elle sera suivie par une analyse plus longue mais beaucoup plus approfondie  de Global Justice qui met à jour les rouages des fondations caritatives qui maintiennent à coup de milliards l’illusion que ce système peut panser les plaies qu’il génère. C’est une des positions du libéralisme depuis son origine, les maux que le capitalisme engendre sont, sous couvert de religiosité, de bonne conscience ou de simple désir de notoriété, évacués dans leurs conséquences par des outils financiers qui nient leurs causes. L’article qui suit est, à nos yeux, un peu sommaire dans ses analyses et ne fait que développer superficiellement des arguments qui sont de l’ordre de la conscience populaire de base alors que ce qui manque à cette conscience sont les outils d’un savoir précis sur ce qui la manipule avec le cynisme que l’on constate chaque jour. Il a l’avantage de nous remettre au goût du jour les fêtes qui se déroulent sur notre dos et le système idéologique morbide qui les organise. Il a l’avantage de nous rappeller que nous sommes, complètement, sans rémission autre que ce qu’on imagine être une nouvelle révolution, soumis à la civilisation de Davos. EG

The Davos Club: Meet the people who gave us a world in which 62 people own as much as 3.8 billions.

Le Club de Davos : Rencontrez les individus qui nous ont donné le monde dans lequel 62 personnes possèdent autant que 3.6 milliards.

Ceux de Davos parlent de la pauvreté et engagent des fonds dans le caritatif. Mais pour eux, c’est de la petite monnaie.

Par Vijay Prashad / AlterNet

Le 21 Janvier 2016

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Les élites mondiales se rencontrent en Suisse, dans la ville  perdue de Davos chaque année pour le Forum de l’économie mondiale [World Economic Forum]. Le conclave a commence en 1971 mais il est devenu une destination essentielle dans les années 90. Quand la globalisation est devenue le concept phare, Davos est devenu son siège.  Le monde des affaires, le monde politique et médiatique se rencontrent, échangent leurs cartes  puis s’en vont, mieux connectés  les uns aux autres. Des affaires sont parfois faites, mais plus que toute autre chose c’est l’harmonie au sein de l’élite mondiale qui est établie. C’est à ça que le Sommet de Davos sert, à créer une civilisation de Davos à l’usage des individus importants de la planète. Chaque année, avant le sommet, Oxfam International publie un rapport sur la richesse mondiale. Celui de cette année a mis à jour quelques nouvelles choquantes.  En 2010, 388 individus possédaient autant de richesse que celle de la moitié de la population mondiale, c’est à dire à peu près 3.6 milliards d’individus. L’obscénité alors a semblé dramatique. L’année dernière, ce nombre a chuté à 80 individus possédant autant que 3.6 milliards. Cela commençait vraiment à faire trop. Les  données de cette année sont encore plus  choquantes. Seulement 62 personnes possèdent autant que les 3.6 milliards. 62 !! L’inégalité a fait une marche en avant régulière.  Il est tout à fait possible que ces mêmes 62personnes ou leurs représentants soient présentes à Davos. Elles sont au cœur de la civilisation de Davos. Les bouchons de champagne vont sauter, le caviar couler sur le sol, les riches ont de quoi fêter. Même le ralentissement de la Chine ne les ralentira pas. Les 62 font  autant d’argent dans le marché baissier que dans le marché haussier. De quoi les 62 vont-ils s’entretenir à Davos ? Le thème de cette année est “comment maîtriser la  quatrième révolution industrielle. “ La première révolution industrielle est considérée comme le changement de la puissance humaine à la puissance mécanique au début du 19ième siècle. A la fin du 19ième siècle, la science a été tenue par l’industrie de produire la technologie, ou la seconde révolution industrielle. Dans le milieu du 20ième siècle, les ordinateurs ont fait leur apparition et ont ouvert la révolution digitale ou troisième révolution industrielle. La quatrième concerne la  robotisation et la mécanisation – le remplacement de l’homme par la machine.  Les 62 veulent anticiper cette révolution. La banque Suisse UBS a fait une étude sur l’impact  économique de cette quatrième révolution industrielle. Elle l’a publié juste avant l’ouverture de Davos. Le rapport suggère que ceux qui sont déjà riches et sont possédants vont vraisemblablement tirer parti de cette quatrième révolution. Ils vont : “ bénéficier du fait de posséder lesbiens dot la valeur sera augmentée par la quatrième révolution. “ écrivent les analystes de UBS. La tendance à la mécanisation va donc accroître l’inégalité, pas la diminuer. Ce thème-là a été du sucre dans la tasse des 62. Ils vont s’enrichir. Les pauvres vont s’appauvrir. C’est ce que les analystes des riches disent. T

Le people de Davos parlent de la pauvreté et offrent de l’argent aux organismes caritatifs. Mais ce n’est que de la petite monnaie qui reste là à traîner sur leur table de nuit. Les discours sur la pauvreté permettent simplement aux riches de se sentir moins mal à l’aise sur leur moralité si trempée. Ils font la grève des impôts. Ils refusent de mettre entre les mains de l’état leur part de richesse afin de mener à bien des programmes d’aide sociale.  C’est un anathème. L’horizon de leur progrès social est leur charité misérable, qui bien sûr n’est pas entièrement charitable : le chèque va avec  un gros poteau indicateur qui dit au monde que c’est eux qui ont donné cet argent. Les pauvres inquiètent les 62. Si vous créez un monde où l’essentiel de la population vit  dans des conditions catastrophiques, il ne va pas être heureux et pourrait même se mettre en colère. S’ils se mettent en colère, ils peuvent se rebeller et devenir difficiles à contrôler. Quand les ghettos se lèvent que font les riches ? La charité ne va pas contenir ces soulèvements. Ce qui est la raison pour laquelle les riches investissent dans des communautés-enclaves et dans la sécurité qui les protège, tout comme dans la sécurité qui enferme des pays entiers qui vivent dans les ceintures de pauvreté. Ce qui est la raison qui fait de l’US department of Defense un des plus gros employeurs au monde avec 3.2 millions de personnes travaillant pour lui. Ce n’est pas non plus étonnant que le troisième employeur mondial soit la firme de sécurité G4S. Elle suit Wallmar et Foxxconn. Foxconn utilise le travaille chinois pour faire des produits bon marché qui sont vendus à des consommateurs américains endettés à Walmart. Si il y a le moindre mouvement dans les travailleurs ou dans les consommateurs endettés, G4S arrive pour les calmer ou pour mettre quelqu’un en prison. G4S s’étend comme un feu de brousse.  Qu’est ce que la crise des réfugiés à l’ouest sinon la crise de la civilisation de Davos ?  Quand vous ne laissez pas les gens construire des vies protégées et productives sur leur propre sol, ils s’enfuient ailleurs. Ils vont venir dans vos maisons et demander à vivre comme vous. Mais ce qu’ils découvrent c’est que même à l’Ouest, il y a des îles d’abondance et de vastes océans de misère. Les réfugiés fuient les conflits armés et les bombardements aériens pour arriver dans des lieux où la police ressemble à l’armée et où     des drones ont aussi commencé à voler au-dessus des têtes.

Ils vont rencontrer la force de travail de G4S, qu’ils ont également rencontré dans d’autres pays. Un des sujets de Davos est l’usage de robots dans l’armée et dans la police. Les jours de Robocop ne sont pas loin. Les 62 peuvent faire confiance à une machine beaucoup plus qu’à un officier de police qui, en terme de classe, est beaucoup plus proche de la plèbe que des 62. Les 62 de Davos aimeraient croire que le terrorisme et les états incontrôlables sont des problèmes anciens qui peuvent être réglés avec une bonne dose de capitalisme. Ils aimeraient imaginer que ce que les gens en Irak et en Syrie ou en Corée du nord veulent le plus sont des centres commerciaux et des cartes de crédit. Mais c’est précisément la civilisation des centres commerciaux et des cartes de crédit qui reproduit l’inégalité, forçant des gens ordinaires à s’endetter afin de pouvoir acheter une chaîne sans fin de biens de consommation qui ont été produits pour des salaires de misère. Quand la dette les amène à devenir distraits, ils sont indifférents, désillusionnés, à la recherche d’une alternative. Et parce que la gauche est faible, l’alternative est fréquemment celle de la démagogie de la politique religieuse ou ethnique. Et comme la rhétorique de ces discours religieux ou ethnique est indisciplinée, les stratégies glissent facilement vers la violence. Le terrorisme n’est pas le fruit d’anciennes animosités mais celui des conditions sociales de notre présent, celles de la civilisation de Davos qui donne la richesse à 62 personnes et la refuse à 3.6 milliards

Traduction Elisabeth Guerrier

 

TTIP: la clef pour un commerce plus libre ou pour l’avidité des entreprises ?

TTIP: the key to freer trade, or corporate greed?

The Guardian

 

Cet article du Guardian fait le point sur la situation des négociations du TTIP. Il privilégie évidemment la position du Royaume-Uni mais les points les plus importants de ce traité sont les mêmes pour les travailleurs de l’UE que de la Grande Bretagne.  Cette année s’annonce décisive pour la signature d’un gigantesque piège néo-libéral qui donnera aux USA une marge de manoeuvre commerciale sans précédent au dépend de règles environnementales et productrices comme des codes du travail européen. En un temps où plus que jamais doivent être privilégiés le commerce de proximité et la mise en valeur des productions de petites et moyennes entreprises, cet accord censé ouvrir le marché transatlantique est une porte sur le libre-échange envisagé sur le mode de la déréglementation et de l’empire des multinationales sur les états et les peuples. EG

 

 

Certains disent que les accords commerciaux EU/US qui pourraient être conclus cette année ouvriront les marchés et promouvront la croissance. (GB) D’autres craignent qu’ils ne baissent les salaires et promeuvent la privatisation.

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Des commerciaux du Chicago Mercantile Exchange : le libre-échange avec l’Europe fait partie de la stratégie de croissance d’Obama. Photograph: John Gress/REUTERS

Phillip Inman

Samedi 2 Janvier 2016  11.00 EST Modifié Samedi 2 Janvier 17.00 EST

L’huile d’olive américaine bon marché pourrait, dans quelques années figurer sur les étagères des supermarché aux côtés des variétés toscanes uniques appréciées des gastronomes anglais. Á présent, un tarif prohibitif sur les importations US  place leur prix hors de portée.

Mais un accord commercial révolutionnaire pourrait faire baisser les tarifs de 2280 euros la tonne d’huile d’olive à 46 euros pour s’adapter au coût de 46 euros que les US  appliquent su leurs importations en provenance d’Europe. Ou ces mêmes tarifs pourraient disparaître complètement. De toutes les façons, les producteurs d’olive grecs, espagnols ou italiens doivent craindre le TTIP, un accord qui tend à créer un champ identique entre eux et la production agro-industrielle massive des USA.

Les accords commerciaux ont été considérés autrefois comme la panacée pour la pauvreté mondiale. En 1990, l’Organisation mondiale du commerce (World Trade Organisation) a été créée afin d’harmoniser les régulations frontalières sur tout, des voitures aux produits pharmaceutiques et de baisser les tarifs de façon à promouvoir la libre circulation des biens et des services autour du monde.

Il demeure la crainte que, loin d’être une formule gagnante pour tous, des tarifs bas favorisent les riches et les puissant et crucifient les petits producteurs   qui lutteront pur survivre dans un environnement non protégé.

Les effets du Nafta ( North American Free Trade Agreement) signé  par les US, le Mexique et le Canada en 1993 semblent justifier cette crainte : st devenu ces dernières années une cause célèbre pour les campagnes anti-pauvreté, exaspérés par la situation critique des travailleurs mexicains. Non seulement ont-ils été soumis à des salaires bas et à des conditions de travail très dures par les entreprises américaines récemment relocalisées – et, en tant que consommateurs au pouvoir de marketing incessant de Walmart, Coca Cola et autres. Mais les bénéfices  parallèles majeurs sur la corruption demeurèrent illusoires.

Cette année, les US espèrent signer ce que beaucoup considèrent comme le successeur direct du Nafta, le TTIP. Si il obtient le feu vert du Congrès et de la Commission européenne, les accords seront un traité bilatéral entre l’Europe et les USA et, tout comme pour le Nafta avant lui, en dehors des compétences d’une Organisation mondiale du commerce dans l’impasse. Ses supporters dissent qu’il sera une amélioration sur son prédécesseur parce que ces principaux défenseurs sont un Président des Etats-Unis libéral et une Commission européenne qui se considère comme préoccupée par les travailleurs et les consommateurs.  Pourquoi, demande la Commission  28 états-membres  relativement influents, ayant des inquiétudes à l’égard du haut taux de chômage, de l’aide sociale et du changement climatique se mettraient-ils d’accord pour mettre en cause les droits des travailleurs, attaquer les services publiques ou réduire les réglementations environnementales ?  Le TTIP est aussi conçu comme un accord entre égaux qui autorisera les deux parties à promouvoir le commerce : il est dit que le salaire de base de la Grande-Bretagne pourrait augmenter de 4 à 1O livres par an, ou jusqu’à 100 livres sur dix ans.  Montant correspondant à 0.3 % d’augmentation du PIB, qui aurait fait passer la croissance attendue pour cette année de 2.4% à 2.7%.

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Une manifestation anti-TTIP à Berlin cette année.  Photographe : Wolfram Steinberg/EPA

Mais cela déclenche des peurs dans de nombreux cœurs, qui croient qu’il s’agit là d’un cheval de Troie pour les entreprises rapaces.  Celles-ci, voulant à tout prix faire baisser les coûts afin d’augmenter la valeur des actions, seront la fin des états providence confortables et de leur capacité à protéger les industries débutantes ou, dans le cas de l’acier et du charbon,  précipitant les industries dans la dure réalité de la compétition ouverte. Le TTIP a été comparé à l’abolition de la Loi sur le blé de 1846, qui a ou bien balayé les tarifs protectionnistes et appauvri des millions de travailleurs ou protégé une source vitale de nourriture et amené Karl Marx à demander :  « Qu’est ce que le libre-échange dans une société qui présente ces conditions ? » et sa réponse fût : « C’est la liberté qu’a le capitalisme d’écraser les travailleurs. » Est-ce le cas pour le TTIP ?

Ci-dessous cinq éléments fondamentaux à prendre en considération :

Santé et services publics

Á partir du moment où le TTIP est devenu part de la stratégie de croissance économique du Président Obama, les critiques ont craint  qu’il n’ait pas bien réalisé pas la volonté d’expansion des compagnies de services de santé ou qu’il ait été trop distrait pour y prendre garde. Les inquiétudes sont liées à la perspective des pays de l’EU, sous la pression de l’augmentation du coût des soins, offrant des parties majeures des clauses de santé au secteur privé. Une fois les services de santé aux mains du secteur privé, disent les critiques, les règles de fonctionnement du TTIP les empêcheront d’être remises sous le contrôle de l’état.  Depuis que ces craintes ont été formulées, les négociateurs du traité ont exclu les clauses qui auraient permis aux firmes de poursuivre les gouvernements pour la perte des contrats de services de soins et de santé à leur expiration.  Ceci permet au système de franchise du rail en Grande Bretagne ainsi que la sous-traitance des services de santé de se poursuivre  dans le cadre de contrats à durée limitées.

Mais l’industrie médico-pharmaceutique américaine, qui est la plus grosse au monde, regarde les luttes européennes pour  négocier avec les besoins d’une génération de baby-boomers  vieillissante comme mûres pour la cueillette. Pour cette seule raison, la sous-traitance de la distribution des médicaments, la fourniture d’équipements médicaux et l’offre de services de soins pourrait se révéler irrésistible.

Résolution des différends.

Une facette peu connue de tous les accords commerciaux est la forme séparée d’arbitrage commercial couverte par un accord, permettant ainsi d’éviter les cours civiles. En tant que tel le investor-state dispute settlement (ISDS) donne aux investisseurs étrangers le pouvoir de poursuivre les gouvernements qui introduiraient des législations pouvant nuire à leurs investissements. Cela a été fameusement utilisé par les compagnies du tabac pour poursuivre le gouvernement australien lorsqu’il a introduit l’emballage neutre des cigarettes. Avant et après le scandale, d’autres gouvernements ont été provoqués légalement par les entreprises préoccupées par des réformes qui leur retiraient des sources de revenus.

Au printemps 2014, le représentant des Nations unies et avocat des droits humains Alfred de Zayas  a appelé à un moratoire sur les négociations du TTIP jusqu’à ce que l’ISDS soit exclu. Il a averti que les tribunaux des cours secrètes  sensées légiférer étaient considérés  comme antidémocratique.  Leur usage d’un petit groupe de juristes spécialisés  signifie également que les arbitres présents pour le jugement sont les mêmes que ceux qui, à d’autres moments représentent les entreprises clientes.

De Zayas craint que les plus petits états ne se trouvent dans la même position que de nombreux gouvernements dans les différends commerciaux, victimes de contraintes légales énormes  et de longs délais pour les réformes de politique publique. Il est rejoint dans sa mission par des ONGs et , plus important, par des Parlementaires de Strasbourg. Comme première concession, les USA se sont mis d’accord pour que les compagnies écrans – celles qui existent uniquement par leur nom sans employés ou activité- n’ait pas le droit de poursuivre un gouvernement. Ceci afin d’éviter la réplique de l’incident australien quand le bras ukrainien de la firme de tabac Philip Morris, effectivement compagnie écran, a conduit les attaques contre l’emballage neutre.

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 La Commissaire européenne  Cecilia Malmström a proposé la création d’une cour internationale d’arbitrage des différends d’investisseurs.  Photographie : Emmanuel Dunand/Getty

De nombreux politiciens de l’Union européenne disent que cette concession était trop facile à détourner, laissant aux trusts dans une position puissante. Le négociateur en chef de l’Europe, la Commissaire suédoise Cecilia Malmström, a donc mis au point un schéma de cour internationale d’arbitrage – un forum ouvert publiquement à la place de la cour privée.  Même ses critiques ont dit que c’était un changement audacieux et qu’il allait probablement être inacceptable pour les Américains.

Washington  a répondu par une proposition d’une cour ISDS plus transparente, avec des sessions  filmées et la publication de tous les documents. Pas assez, a dit Zayas, qui a écrit récemment : « Hélas, des publications innombrables d’ISDS ont montré un biais favorable à  l’industrie qui choque les consciences. Dans la mesure où les procédures ne sont pas transparentes, les arbitres ne sont pas toujours indépendants et l’annulation de la procédure est pratiquement inutile, L’ISDS devrait être aboli  comme incompatible avec l’article 14(1) de l ‘ICCPR [International Covenant on Civil and Political Rights] qui exige que toute poursuite pénale soit décidée par des tribunaux indépendants et compétents selon l’état de droit.  Les deux parties ont encore à discuter officiellement chacune des propositions : dans le cadre des pourparlers entre les US et le Japon, et l’UE et le Canada, cette question avait à peine été mentionnée, mais elle est supposée maintenant être la plus litigieuse. »

Régulations

Michael Froman, le négociateur en chef des US, a décrit la tâche d’harmonisation des régulations comme suit : «Pendant des années les US et l’UE ont accepté leurs propres inspections des avions parce qu’il était évident qu’ils ne pourraient pas contrôler chaque avion dans leur juridiction. Nous cherchons à étendre cette pratique à d’autres domaines.»

Donc, comment Froman pourra-t-il appliquer ceci au fait que les voitures américaines seront encore équipées d’une conduite à gauche, limitant leur usage sur les routes britanniques ?

Il argumente que le coût des voitures importées, le développement et les tests peuvent malgré tout bénéficier d’une régulation harmonisée de chaque côté de l’Atlantique.  Cependant il n’y a rien que les régulateurs de l’alimentation outre-Atlantique apprécieraient moins que d’accepter que la nourriture conditionnée soit testée par des  représentants officiels de l’EU ayant échoués à identifier le scandale de la viande de cheval.   Et les régulateurs européens  ont le devoir de rejeter les aliments contenant des OGMs après des manifestations prolongées organisées par les consommateurs dans un conflit direct avec les agriculteurs US.  Washington affirme qu’elle acceptera la science quand elle s’applique aux régulations qui supportent les aliments GM acceptés par l’UE en tant que partie du TTIP, tout comme ils font partie des accords de la WTO ( Organisation mondiale du commerce).

Tarifs

Se passer de tarifs semble un processus simple compare au fait de s’attaquer à des régulations complexes. Avec le TTIP, les tarifs des marchandises et des services vont disparaître, bien qu’il soit envisagé que certains soient seulement réduits  et que d’autres mettent des années à suivre le cour de l’histoire..

Sous le Trans Pacific Partnership (TPP) récemment signé mais pas encore mis en œuvre, entre les US, le Japon, l’Australie, le Vietnam et d’autres pays de l’est asiatique, tous les produits, du porc aux véhicules, sont couverts.

Un bon exemple du temps nécessaire aux tarifs pour baisser est celui de la taxe appliqués aux véhicules japonais vendus aux US, s’élevant à 2,5%  : elle sera d’abord progressivement baissée 15 ans après que les accords aient pris effet, réduite de moitié dans 20 ans et éliminée dans 25 ans. En échange, le Japon devra, parmi d’autres choses, baisser ses tarifs sur la viande de boeuf importée  de 38.5% à 9% sur 16 ans. Un programme identique pourrait être possible avec le TTIP, avec les tarifs de l’huile d’olive baissés sur 25 ans.

Code du travail et droits des travailleurs

Les syndicats japonais ont supporté les transactions du TTP et on attend que les syndicats européens suivent le TTIP. Ils acceptent que les règles du travail soient laissées en dehors d’un accord et que leurs gouvernements puisse donc continuer  à mettre en œuvre  la législation sur le salaire minimum et d’autres mesures  de soutien sans être sanctionnés.

Mais les syndicats, où ils existent, tendent à représenter les travailleurs dans les industries prospères,  qui accueillent favorablement l’accès à de plus larges marchés. Les travailleurs de zones plus faibles de l’économie pourraient voir mis sous pression leurs emplois pour l’harmonisation des régulations, les tarifs plus bas ou simplement l’exposition à des rivaux US  dont l’éthique professionnelle dénie aux employés plus de deux semaines de congés par an.  Le TTIP est important pour le gouvernement  britannique parce que les US sont le deuxième marché pour les biens de consommation et les services après l’UE. Il est considéré comme particulièrement important pour les petites et moyennes industries, qui apprécient l’absence de barrière langagière. La grand Bretagne a aussi un surplus commercial avec les US : nous exportons plus que nous importons, ce qui aide à contrebalancer l’énorme déficit commercial du pays.   L’élan est tel derrière les pourparlers  qu’un accord pourrait être conclu à la fin de l’année et être soumis au Congrès et au Parlement européen en 2017. Mais le conflit à propos de l’ISDS et les protestations de agriculteurs pourraient  annuler les espoirs d’Obama sur les vents d’huile d’olive.

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

James Lovelock. Profitez de la vie tant que vous le pouvez, dans vingt ans, ça va nous péter à la figure.

Bien sûr les propos de James Lovelock tapent là où ça fait déjà bien mal. Sans évoquer les mobilisations diverses de par le monde qui n’a pas eu le sentiment de brasser du vent en triant avec application ses déchets, achetant uniquement  des légumes bio, les faisant pousser ou en refusant sous serment de jamais consommer de coca-cola… de la petite politique. C’est à ça que nous sommes tenus, ou réduits suivant la perspective. Dans un système où la seule énergie motrice est la production, l’élément premier, fondamental même si il demeure un pantin plus qu’un acteur, parce qu’il est vraisemblable qu’il ignore l’ampleur de son pouvoir, c’est le consommateur. Il va de soi qu’un changement, d’ailleurs en train de s’opérer, de chaque consommateur dans ses positions pourrait être déterminant non seulement pour ses propres conséquences mais surtout pour l’inévitable pouvoir que la demande aurait sur la qualité de l’offre. Bonne conscience. C’est peu. Quand il évoque la religiosité des mouvements environnementaux, comment ne pas lui donner raison en lisant avec scepticisme les sermons de Chris Edge par exemple et la posture moralo-intégriste de certains mouvements de résistance écologique. Quand il dit  “C’est trop tard” , là comment savoir ? Mais en fait cette perspective du “trop tard” est peut-être, dans la vie de chacun ayant une sensibilité politique suffisamment en éveil, un façon aussi de se sentir tenu de faire au mieux, avec ses moyens, sans rien en attendre d’autre que la recherche d’un fil à peu près cohérent dans ce monde qui s’étouffe avec ses propres sécrétions. E.G

James Lovelock: ” Enjoy life while you can. In twenty years global warming will hit the fan.

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James Lovelock. Photograph: Eamonn McCabe Eamonn McCabe/Guardian

James Lovelock

“Profitez de la vie pendant que vous le pouvez : dans 20 ans le réchauffement climatique nous pétera à la figure.”

 

 

Le frondeur de la science climatique croit que la catastrophe est inévitable, la réduction des émissions de carbone est une plaisanterie et un mode de vie éthique une escroquerie. Alors, que propose-t-il ? Par Decca Aitkenhead

En 1965, les cadres de Shell voulaient savoir à quoi le monde allait ressembler dans les années 2000.  Ils consultèrent un panel d’experts, qui spéculèrent sur des aéroglisseurs mûs par la fusion et « tout un tas de machins technologiques attrayants ». Quand la compagnie pétrolière a demandé au James Lovelock, il a prédit que le problème principal en 2000 serait l‘environnement. « Ça aura alors empiré de telle manière que ça affectera sérieusement leurs affaires. »

« Et bien sûr » ajoute-t-il avec un sourire quarante trois ans plus tard  « c’est presque exactement ce qui s’est passé »

Lovelock a dispensé des prédictions de son laboratoire de solitaire dans un vieux Moulin de Cornwall depuis la mi-60, leur exactitude constante  lui a valu une réputation faisant de lui l’un des scientifiques indépendants les plus respectés de Grande-Bretagne – même franc-tireur –. Travaillant seul depuis l’âge de quarante ans, il a inventé un appareil qui détecte  les CFCs  (chlorofluorocarbones)  qui a permis de repérer le trou grandissant dans la couche d’ozone et à introduit l’hypothèse Gaïa, une théorie révolutionnaire supposant que la terre est un super-organisme s’autorégulant. Initialement ridiculisé par de nombreux scientifiques comme un non-sens du Nouvel-âge (New age), cette théorie forme aujourd’hui les bases de presque toute la science

Pendant des décennies, sa défense de l’énergie nucléaire a consterné ses compagnons environnementalistes mais récemment un nombre de plus en plus important d’entre eux se sont rapprochés de sa façon de voir. Son dernier livre, La revanche de Gaïa, prédit que d’ici à 2020 les températures extrêmes seront la norme, provoquant des dévastations globales, qu’en 2040 l’Europe sera saharienne et des parties de Londres sous l’eau. Le rapport le plus récent du Panel intergouvernemental sur le changement climatique ( IPPC) utilise un langage moins dramatique – mais ses conclusions ne sont pas à des kilomètres des siennes.

Comme pour la plupart des gens, ma panique sur le changement climatique n’a d’égal que ma confusion sur ce que je dois faire à son égard. Une rencontre avec Lovelock à cet égard ressemble un peu à une audience avec un prophète. Enfoui au bout d’un chemin serpentant dans les bois, dans un bureau plein de livres, de papiers et de trucs comportant des cadrans et des fils, l’homme de 88 ans présente ses pensées avec une conviction calme et inamovible qui peut être agaçante.  Plus alarmante encore que ses prédictions climatiques apocalyptiques est sa certitude absolue que tout ce que nous faisons est erroné.

Le jour où nous nous sommes rencontrés, le Daily Mail avait lance une champagne pour se débarrasser des sacs plastiques pour les courses. L’initiative se situait confortablement au sein des canons actuelles des éco-idée, près de la consommation éthique, de la compensation carbone, du recyclage et de tout le reste…tout ce qui est initié à partir du calcul que les ajustements dans les styles de vie individuels peuvent encore sauver la planète. C’est, dit Lovelock, un fantasme illusoire. La plupart des choses qu’on nous a dit de faire peuvent nous faire nous sentir mieux mais elles ne font aucune différence. Le réchauffement climatique a dépassé le point  critique est la catastrophe est impossible à arrêter.

« Il est simplement trop tard pour ça » dit-il, « Peut-être si nous avions pris de telles routes en 1967, cela aurait pu aider. Mais nous n’avons pas le temps. Toutes ces choses standardisées écologique, comme le développement durable, je pense que ce sont des mots qui ne veulent rien dire. Il y a un nombre incroyable de gens qui viennent à moi et qui me disent, vous ne pouvez pas dire ça parce qu’alors il ne nous reste rien à faire. Je dis le contraire, cela nous donne un nombre immense de choses à faire, seulement pas le genre de choses que nous voulons faire. »

Il rejette les éco-idées vivement. L’une après l’autre. « La compensation carbone ?  Je n’en rêverais même pas. C’est une plaisanterie. Payer pour planter des arbres afin de croire qu’on compense le carbone ? Vous rendez probablement les chose pires. Vous feriez beaucoup mieux de donner cet argent à l’organisme de charité Cool Earth, qui verse ces fonds aux peuples indigènes afin que leur forêt ne soit pas abattue.»  Est-ce que lui et sa femme tentent de réduire le nombre de leurs vols ? « Non parce que nous ne le pouvons pas. » « Et le recyclage, ajoute-t-il est certainement un gaspillage de temps et d’énergie » pendant qu’avoir un style de vie « vert » ne se révèle n’être que « de grands gestes ostentatoires. » Il ne fait pas confiance à la notion de consommation éthique. «  Parce que toujours, à la fin, cela se révèle être une escroquerie… ou bien si ce n’en était pas une au début, ça en devient une.»

D’une façon assez inattendue Lovelock concède que la campagne plastique du Mail semble « face à tout ça, une bonne chose ». Mais il transpire que ce pourrait être largement une réponse tactique, il la considère comme un simple réarrangement des chaises pliantes du Titanic,  « mais j’ai appris qu’il n’y a pas d’intérêt à provoquer des querelles à propos de tout » il garde ses foudres pour ce qu’il considère comme la fausse promesse la plus vide de toutes – l’énergie renouvelable.

« Vous n’allez jamais obtenir assez d’énergie à partir du vent pour faire marcher une société comme la nôtre,» dit-il. Les éoliennes ! « Oh non ! Il n’y a pas moyen de faire ça, vous pouvez couvrir le pays avec leur fanfare, des millions ! Perte de temps !!»  Tout ceci est délivré avec un air d’étonnement léger face à la stupidité insondable des gens. Ils veulent faire des affaires comme toujours. Ils disent, « Oh oui, il va y avoir un problème dans quelque temps mais ils ne veulent rien changer.»

Lovelock croit que le réchauffement climatique est maintenant irréversible et que rien ne pourra empêcher de grandes parties de la planète devenant impossible à habiter ou coulant sous l’eau, entraînant des migrations de masses, des famines et des épidémies. La Grande Bretagne va devenir un canot de sauvetage pour les réfugiés de l’Europe, aussi au lieu de perdre du temps à sur les turbines éoliennes, on ferait mieux de commencer à penser comment survivre. Pour Lovelock, la logique est claire. Les brigades de durabilité sont folles de penser que nous pouvons nous sauver en retournant à la nature, notre unique chance de survie viendra non  de moins de technologie mais de plus.

L’énergie nucléaire, dit-il, peut résoudre notre probléme énergétique – le défi le plus important sera la nourriture. « Peut-être synthétiseront-ils de la nourriture? Je ne sais pas. La nourriture de synthèse n’est pas une folle idée visionnaire, vous pouvez l’acheter à Tesco sous la forme de Quorn. Ce n’est pas vraiment bon mais les gens l’achètent. On peut vivre avec. » Mais il craint que nous ne puissions créer les nouvelles technologies à temps et projette que « à peu près 80% de la population planétaire sera balayée d’ici l’an 2100. Les prophètes ont annoncé Armageddon depuis la nuit des temps, dit-il. « Mais c’est ce qui se passe vraiment.»

Face à deux versions du futur – L’action préventive de Kyoto ou l’apocalypse de Lovelock – qui devons-nous croire ? Certains critiques ont prétendus que l’empressement de Lovelock à abandonner le combat contre le changement climatique dépend plus de son grand âge que de la science. « Ceux qui disent ça n’ont pas atteint mon âge » répond-il en riant.  Mais quand je lui demande si il attribue les prédictions en conflit aux différences dans la compréhension scientifique ou aux personnalités, il répond : « Personnalités ».

Il y a plus qu’un soupçon de controverse dans son travail et cela semble une coïncidence improbable que Lovelock commence à être convaincu de l’irréversibilité du changement climatique en 2004, au moment même où un consensus international s’opérait sur le besoin d’une action urgente. Ses théories ne sont-elles pas menées par un goût pour l’hérésie ?

« Pas le moins du monde ! Pas le moins du monde ! Tout ce que je veux est une vie au calme mais je ne peux pas m’empêcher de noter quand des choses se produisent, quand vous sortez et trouvez quelque chose Les gens n’aiment pas ça parce que ça bouscule leurs idées. ! » Mais la suspicion semble confirmée quand je demande si il a trouvé gratifiant de voir beaucoup de ses avertissements concernant le changement climatique acceptés par l’IPCC.

« Oh non, en fait j’écris un autre livre maintenant, j’en suis à peu près au tiers, afin d’essayer de franchir un pas supplémentaire. »

Les interviewers  remarquent souvent l’écart entre les predictions lugubres de Lovelock et son sens de l’humour «  Hé bien je suis joyeux ! » dit-il en souriant. « Je suis un optimiste, ça va arriver. ». « L’humanité est dans une période exactement comme celle des années 1938.39. » explique-t-il, « quand nous savions tous que quelque chose de terrible allait arriver mais ne savions pas quoi faire. Mais quand la deuxième guerre mondiale a été en route, tout le monde a commencé à s’exciter, ils ont aimé les choses qu’ils pouvaient faire, c’était comme de longues vacances. .. donc quand je pense à la crise imminente maintenant, je pense en ces termes… Un sens de l’utilité – c’est ce que les gens veulent. ».

Par moments je me demande quel crédit accorder à ses  références  en tant que prophète. Parfois, il semble moins éclairé par sa vision scientifique  que disposé à voir la version du futur que ses a priori cherchent. Socialiste étant jeune, il favorise maintenant les forces du marché et que sa politique soit l’enfant ou le père de sa science n’est pas clair. Son hostilité à l’énergie renouvelable, par exemple, s’exprime en des termes strictement eurosceptiques d’irritation avec les subventions et les bureaucrates. Mais ensuite, lorsqu’il parle de la terre, ou Gaïa, c’est en des termes purement scientifiques.  Il s’est produit sept désastres depuis que les humains sont sur terre, très semblables à celui qui est sur le point de se produire. Je pense que ces évènement contribuent à séparer le bon grain de l’ivraie. Et finalement nous auront un homme sur la plante qui la comprend vraiment et peut vivre sur elle correctement. C’est ça la source de mon optimisme.

Je demande, qu’est ce que Lovelock ferait maintenant si il était moi ? Il sourit et dit :  Profite de la vie pendant que tu le peux. Parce que si tu as de la chance, il va se passer vingt ans avant que  ça s’envenime.

 

Traduction Elisabeth Guerrier

 

ÉCONOMIE : 17 crimes parmi les pires commis par les sociétés commerciales en 2015

 

Article paru dans Alternet.  Un bilan précis de toutes les compagnies qui ont été poursuivies et condamnées en 2015 outre-Atlantique. Il est probable que la “publicité”, le fait de mettre au jour, de rendre publiques de telles exactions ne peut qu’avoir un effet positif. Nous avons le casier judiciaire qui ne manque pas d’invalider des vies individuelles, il faut créer l’équivalent pour les entreprises qui sortent volontairement du cadre de la loi. Cette version finale du capitalisme n’a pas de support éthique, pas de règles de conduite, en partie à cause de la sauvagerie des marchés. Il est donc du ressort du politique de lui poser des bornes, visibles, palpables et dont les effets soient connus de ce même public qui est ce par et pour quoi les affaires continuent.E.G

 

L’actuelle vague des crimes d’entreprises ne connaît aucun signe de réduction.

Par  Phil Mattera / Dirt Diggers Digest

Décembre le 18, 2015

 

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Photo Credit: Svetlana Kuznetsova

 

 

L’actuelle vague des crimes d’entreprise n’a pas montré de signe de réduction en 2015. BP a payé la somme record de 20 milliards de dollars pour régler les dernières charges civiles en rapport avec le désastre de Deepwater Horizon (en plus des 4 milliards de dollars d’amende payés précédemment) et Volkswagen va peut-être avoir à faire face à une amende plus grande encore en relation avec ses projets d’échapper aux standards d’émission.

D’autres fabricants automobiles et fournisseurs ont été touchés par de fortes amendes pour des violations de sécurité, dont 900 millions d’amende et une poursuite criminelle différée contre Général Motor et une pénalité civile record de 200 millions de dollars contre le fabricant d’airbags japonais Takata, des peines de 105 millions et de 70 millions de dollars pour Fiat Chrysler et de 70 millions pour Honda.

Les principales banques ont continué à payer d’importantes pénalités pour résoudre une variété d’imbroglios légaux. Cinq banques : Citigroup, JPMorgan Chase, Barclays, Royal Bank of Scotland et UBS, ont eu à payer un total de 2, 5 milliards de dollars au Département de justice (Justice Department) et 1,8 milliards à la Réserve fédérale (Federal Reserve) en lien avec les charges retenues touchant leurs conspirations pour manipuler les marchés d’échange étrangers. Le cas du DOJ a été inhabituel dans la mesure où les banques ont du plaider coupable, mais nous ignorons si cela va gêner leur capacité à conduire leurs affaires comme d’habitude.

Anadarko Petroleum a donné son accord pour payer plus de 5 milliards afin de régler les charges lui incombant en liaison avec les rejets de déchets toxiques par Kerr-McGee qu’il a acquis en 2006. Dans un autre cas environnemental majeur, la compagnie de fertilisants Mosaic a accepté de résoudre des allégations de déchets douteux dans huit entrepôts en créant un fond de 630 millions de dollars et en dépensant 170 millions dans des projets de circonstances atténuantes.

Ces exemples et ceux ci-dessous ont été réunis avec l’aide des Traqueurs de violation (Violation Trackers) la nouvelle source de données des agissements frauduleux des  entreprises que mes collègues et moi-même avons introduit dans la  Corporate Research Project of Good Jobs First cette année. La banque de données couvre actuellement les cas touchant l’environnement, la santé, a protection de 13 agences fédérales mais nous introduirons plus de catégories de violations pendant l’année 2016.

  1. Des pratiques financières trompeuses. Le bureau de la Protection  financière des consommateurs (Consumer Financial Protection Bureau a condamné Citibank à 700 millions de dollars pour la vente frauduleuse de produits ajoutés à la carte de crédit.
  2. Arnaquer les déposants.Citizens Bank a été condamnée à 18.5 millions de dollars par le CFPB pour s’être mis dans la poche la différence quand les clients remplissaient par erreur des formulaires de dépôts pour des montants moins élevés que ceux qu’ils déposaient en fait.
  3. Surfacturer les clients. Une investigation par des officiels de New York City a trouvé que les produits pré-emballès de Whole Foods figuraient des poids non conformes, donnant des prix à l’unité grossièrement augmentés.
  4. De la nourriture contaminée.Dans une amende rare dans le cas de la sécurité alimentaire, une agence subsidiaire de ConAgra a été condamnée à 11.2 millions pour avoir distribué du beurre de cacahuètes portant de la salmonelle.
  5. Des médicaments périmés. L’agence sous-traitante de Johnson et Johnson McNeill-PPC a été reconnue coupable et a payé 25 millions en amendes et pertes par confiscation en lien avec les accusations d’avoir vendus sans ordonnance des médicaments primes à des enfants.
  6. Commercialisation illégale.L’agence sous-traitante de Sanofi Genzyme Corporation est entrée dans un accord de poursuite différée et a payé une amende de 32, 6 millions en relation avec le fait qu’elle avait commercialisé ses dispositifs pour des usages non approuvés par l’Administration de l’alimentation et des médicaments (Food and Drugs Administration)
  7. Manquements à rapporter des defaults de sécurité. Parmi les compagnies ayant été touchées cette année par des condamnations par la Commission de sauvegarde des consommateurs et des produits (Consumer Product Safety Commission) pour avoir manqué à prévenir rapidement des questions de sécurité étaient : General Electric (3, 5 millions d’amende), Office Depot (3, 4 millions) et LG Electronics (1.8 million).
  8. Lieux de travail dangereux. Le producteur de thon Bumble Bee a consenti à payer 6 millions dans un accord à l’amiable selon lequel il a volontairement violer les conditions de sécurité en relation avec la mort d’un employé qui a été pris dans un four industriel à l’usine de la compagnie dans le sud californien.
  9. Violations de sanctions. La Deutsche Bank a été condamnée à verser 258 millions en relation avec des transactions au nom de pays (comme l’Iran et la Syrie) et d’entités qui sont soumis à des sanctions économiques de la part des USA.
  10. Pollution de l’air.La manufacture de verre Guardian Industries a réglé ses violations du Clean Air Act mises en avant par l’EPA en s’accordant sur la somme de 70 millions consacrée à de nouveaux contrôles d’émissions.
  11. Déversement dans l’océan. Une compagnie italienne nommée Carbofin a été condamnée à verser 2,75 millions d’amende pour avoir falsifier ses comptes-rendus afin de cacher le fait qu’elle utilisait du matériel connu sous le nom de “ magic hose “ ( tuyau magique) pour déposer les huiles usées, les huiles contaminées, les eaux de cales directement dans la mer plutôt que d’utiliser les équipements de prévention de pollution requis.
  12. Déni du changement climatique. L’Avocat général de New York mène une enquête afin de découvrir si Exxon mobil a délibérément trompé ses actionnaires et le public à propos des changements climatiques.
  13. Fausses prescriptions.Millennium Health a accepté de payer 256 millions pour contrer les allég      tions l’accusant d’avoir facturé Medicare, Medicaid et d’autres programmes d’organismes de santé fédéraux avec des tests inutiles.
  14. Du traffic d’influence illégal.Lockheed Martin a payé 4,7 millions pour répondre des charges selon lesquelles il aurait illégalement utilisé les fonds de l’état pour acheter des officiels fédéraux pour l’extension de son contrat de direction du laboratoire Sandia d’armement nucléaire
  15. Entente illicite sur les prix.  Le constructeur de piéces automobiles Robert Bosch a été condamné à une amende de 57,8 millions après avoir plidé coupable devant le Département de la justice pour avoir conspire afin de fixer les prix et d’avoir truqué les propositions pour les bougies, les capteurs d’oxygène et les démarreurs vendus aux fabricants automobiles aux USA et ailleurs
  1. Corruption étrangère.Les pneus Goodyear et Rubber ont payé 16 millions afin de répondre des allégations de la Securities and Exchange Commission (Commission de sécurité et d’échange) selon lesquelles les sous-traitants de la compagnie avaient payés des pots-de vin afin d’obtenir des ventes au Kénya et en Angola.
  2. Vols de salaires. La compagnie de forage Halliburton a payé 18 millions afin de répondre aux allégations du Département du travail selon lesquelles elle avait improprement catégorisé plus de 1000 travailleurs afin de leur dénier le droit à leurs heures supplémentaires.

 

Traduction : Élisabeth Guerrier

 

 

 

Selon Exxon, (oui, Exxon !) L’inaction risque de faire basculer les températures bien au-delà du seuil des 2°C

Selon Exxon, (oui, Exxon !) L’inaction risque de faire basculer les températures bien au-delà du seuil des 2°C 

 

Les grandes dents se retournent en tous sens, certains , comme Adidas ou Puma deviennent des avocats des énergies renouvelables et font la leçon aux gouvernements afin de durcir les objectifs des 1°5 C, d’autres comme le duo Koch, continuent à déployer tous les moyens médiatiques en leur possession pour amener les foules à douter de la réalité pourtant indubitable,  et enfin, au sommet de la félonie Exxon, un des plus gros dévoreurs d’hydrocarbure au monde après avoir passé des dizaines d’années sachant que des situations irréversibles étaient engendrées par les forages et la prédation sans perspectives à long terme, confie à ses  “experts” le soin d’alerter les autorités quant à un basculement dans la catastrophe d’un réchauffement galopant. Il faudra bien créer un jour ce tribunal de La Haye des écocides, il faudra un jour que ces manipulateurs d’apocalypse rendent des comptes et que ces comptes ne soient pas que ceux de leurs gains et de leurs pertes. Il faudra que, comme pour la mise en place du tribunal chargé de juger Monsanto, le Politique retrouve la force et le soubassement éthique de la recherche du bien commun qui est sa nature et qu’il s’extrait de la fusion mortifère qui le fait s’engloutir dans l’économique. Que ce Politique, au nom des espèces détruites, juge enfin les exactions de cette culture du profit qui, les preuves abondent, n’est, pour la planète et pour elle-même, tout simplement pas vivable.

Comme le géant des hydrocarbures avertit que les températures mondiales pourraient s’élever jusqu’à plus de 7°, à Paris les militants poussent pour des objectifs climatiques encore plus forts.

Par : Nadia Prupis, staff writer

Exxon

Non Aux Hydrocarbures (“Non-hydrocarbon”). (Photo: Mike Gifford/flickr/cc)

Clignez des yeux ou vous le manquerez, mais une ligne dans une interview récente du Washington Post avec les experts du géant des hydrocarbures ExxonMobil  à propos du changement climatique présente d’une façon très cavalière un avenir cauchemardesque, désespéré si les leaders mondiaux n’agissent pas vite —un avenir qui se centre autour d’un accroissement possible de 7° Celsius ou plus.

« Sans action gouvernementale, nous ont dit les experts d’Exxon pendant une visite au Post la semaine dernière, les températures moyennes risquent d’augmenter catastrophiquement (mes mots, pas les leurs) de 5° Celsius avec des montées de 6, voire 7° encore plus envisageables. » écrit dans son éditorial Fred Hiatt dans un article intitulé « Si même ExxonMobil dit que le changement climatique est réel. Donc pourquoi pas le GOP ? »

Les scientifiques nous ont avertis depuis longtemps que permettre une montée de la température de deux degrés ou plus entrainerait des changements climatiques irréparables et des événements météorologiques extrêmes.  Les chefs d’état sont rassemblés à paris pour négocier un agrément climatique global afin de limiter le réchauffement avant que la planète ne heurte ce seuil. Les groupes de terrain défendant la justice climatique appelant pour un objectif encore plus serré de 1,5 °C. Mais une secte d’opposition du Parti républicain a menacé de faire obstacle à tout projet de loi qui viendrait de Paris—ce qui pourrait faire dérailler tout progrès accompli pendant les pourparlers de la COP 21.

Comme l’explique le Prix Nobel d’économie Paul Krugman dans un article publié la semaine dernière dans le New York Times :

« Les futurs historiens—si il y a des futures historiens—diront certainement que la chose la plus important à s’être produite dans le monde en décembre 2015 était les pourparlers sur le climat de Paris. Vrai, rien de ce qui sera l’objet d’un accord à Paris ne suffira, en soi, pour résoudre les problèmes du réchauffement climatique. Mais ces pourparlers sont un moment décisif, le début d’une sorte d’action internationale nécessaire afin de prévenir la catastrophe.  Mais encore une fois, il est possible qu’ils ne le soient pas. Nous pouvons être maudits. Et si nous le sommes, vous savez qui sera responsable : le Parti républicain » écrit Krugman, « Nous voyons un Parti qui a tourné le dos à la science à un moment où le faire met en danger l’avenir même de la civilisation ».

Cet obscurantisme politique pose un autre challenge aux représentants COP 21 américains, qui s’est déjà montré particulièrement chicanier lors des discussions préliminaires cette année à Bonn en Allemagne, critiqué par les nations développées pour ses tentatives pour échapper à ses obligations financières  face aux communautés en premières lignes luttant déjà contre les impacts du changement climatiques. Mais Krugman fait également ce rapport dans Politics and Policy, un journal de sciences politiques publié en Août : “ Les Parti républicain américain est une anomalie dans son déni des origines anthropogéniques du changement climatique », But Krugman also points to an article published in August in Politics & Policy, a political science journal, that states, “The U.S. Republican Party is an anomaly in denying anthropogenic climate change.”

Ceci dessine un futur incertain pour tout accord émergeant des négociations. Cependant, comme Mark Hertsgaard, le correspondant pour l’environnement de The Nation l’écrit dans un article parut lundi, des espoirs nouveaux se font jour au sein des organisations opérant en parallèle de Paris.

Hertsgaard écrit :

L’accord final que les gouvernements espèrent signer avant la fin de la semaine peut pousser à limiter l’élévation de la température à 1°5 Celsius. Ce serait une avancée importante par rapport aux actuels 2°C ainsi qu’une victoire historique et surprenante pour les pays en voie de développement les plus vulnérables. Leurs représentants, rejoints par les activiste de la justice climatique, critiquent depuis longtemps l’objectif des 2° comme une peine de mort virtuelle pour les gens par millions qui souffrent déjà de la montée des eaux, des sécheresses de plus en plus dures et d’autres impacts provoqués par les 1° déjà enregistrés.

Préalablement refuse par la plupart des pays riche comme économiquement irréaliste, l’objectif des 1°5C ré-émerge à Paris à cause de la confluence de divers facteurs : lea reconnaissance par de nombreux pays riches que même 2° amèneraient des changements ruineux dans les modes alimentaires et d’autres systèmes vitaux, une posture diplomatique plus unifiée de la part des 100 nations les plus pauvres et les plus démunies, supportant l’objectif des 1°5C et des pressions ininterrompues de la société civile.

Le Président français, François Hollande et le Ministre allemand de l’environnement et secrétaire d’état Jochen Flasbarth ont tous deux exprimés leur appui au but des 1°5C la semaine dernière et notablement, reconnu  que c’était les campagnes environnementales qui avaient conduit le monde à ce point.

« Nous ne pouvons accepter que les pays les plus pauvres, ceux qui ne produisent des gaz à effet de serre qu’en quantité limitée soint les plus vulnérables.» a dit Hollande, « c’est donc au nom de la justice climatique que nous nous devons d’agir ».

Flasbarth a confirmé que l’objectif des 1°5C était la position officielle de l’Allemagne et que cet objectif « doit être mentionné »

« C’est pourquoi l’objectif des 1°5C est maintenant accepté par la nation d’accueil du sommet et par les économies les plus fortes ‘Europe » a écrit Hert.

 

Le Guardian rapporte dans l’après-midi de lundi dernier que les USA, la Chine et l’Union européenne —  les plus gros pollueurs —,  étaient « ouverts »  à l’objectif des 1°5C et « travaillaient avec d’autres pays à le faire figurer explicitement »  selon le représentant du Secrétariat d’état Todd Stern. Mais cette annonce a reçu un accueil assez tiède des associations de défense du climat et des délégués des pays en développement les plus importants qui dirent que ce n’était qu’une nouvelle tentative des nations les plus riches pour détourner les obligations de réduire leurs émissions.

« Pourquoi pas 1°, pourquoi 1.5°»  dit Ashok Lavasa, le négociateur principal de l’Inde, «Quand nous parlons de but, nous parlons aussi de budget carbone. Nous avons besoin d’envisager l’espace de développement disponible et en conséquence, ceux qui sont impatients de la maintenir au-dessous de 2° devraient travailler afin de maintenir l’espace carbone de façon à ce qu’il ne compromette pas les besoins de pays en voie de développement. »

 

Erich Pica, directeur du groupe climat des Amis de la terre ajoute, «Les USA et l’Europe adoptent l’idée adoptent l’idée des 1.5° comme une cible de négociation mais ils maintiennent floues les lignes de ce qui doit se passer pour que cette équation des 1.5° soit un partage juste et honnête. »

Pendant ce temps, l’éditorial du Post pose une autre question à la lumière des investigations qui ont récemment exposé le rôle du géant des hydrocarbures Exxon dans son occultation des rapports des sciences du climat pendant des décennies : qu’est-ce que Exxon sait d’autre ?

Ce travail est sous licence de Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 License

 

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

La signification du Vendredi noir [Black Friday] Guy Rundle

Les ondes de choc qui traversent sans discontinuer l’océan Atlantique et viennent laver en profondeur notre culture européenne, son histoire et sa multiplicité ne sont pas celles d’une nation mais celles d’un système, la parole des USA est devenue celle de la globalisation du marché et avec elle, celle de la lente absorption de toutes les spécificités subjectives, sociales, géographiques, nationales ou régionales dans un modèle unique, celui du consommateur.  Comme signe de plus en plus aveuglant de cet effacement progressif, il n’est que de constater avec stupeur comment les idiomes nord-américains envahissent peu à peu la langue dans les médias et en contre-coup dans les vies quotidiennes pour se rendre compte comme l’attaque est forte et d’autant plus irréversible qu’elle est accueillie avec bonheur : c’est cela, le véritable impérialisme. L’art de mêler savamment les armes et leur force à l’ingestion en douceur des critères culturels et de leurs codes. Il est une partie de l’histoire américaine, celle du Vendredi noir, Black Friday, qui comme Halloween  a débarqué dans nos vies sans que la plupart d’entre nous sache de quoi ils parlaient. Avec le vernis sans son histoire, et la détérioration des ancrages identitaires qui accompagne ce nivellement.  Il est donc nécessaire de remettre cet événement, en soi uniquement commercial, dans son contexte et de prêter attention à ce qu’un auteur nord-américain, Guy Rundle peut nous en dire. Non comme un nouvel objet de convoitise mais comme la marque indissoluble d’une décadence vertigineuse. E.G

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Le cite abandonné de Rolling Acres le 1 Avril 2014. Rolling Acres  était un centre commercial situé dans la région de Rolling Acres d’Akron, Ohio.  Construit en in 1975, il a été fermé en 2008. Il est sur le point d’être détruit à n’importe quel moment maintenant. (Seph Lawless)

« The meaning of Black Friday»

La signification du Vendredi noir

Quand le Vendredi noir dévore Thanksgiving, le capitalisme consomme l’un de ses mythes les plus consistants. 

Par Guy Rundle 

Le Vendredi noir a commencé par un accident de la circulation.  Ou une série d’accidents. À Philadelphie au début des années 1960, la police a noté que les deux jours après Thanksgiving se caractérisaient par un trafic intense, et, dans la période pré-Nader, caractérisée par la dangerosité des voyages, par un plus grand carnage sur la route qu’à l’habitude.

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La relation entre le trafic plus intense et les ventes du centre ville avait été observée plus tôt et les marchands étaient mécontents que ce nom maudit soit associé avec l’un des jours de vente les plus lucratifs. Nul doute que ce soit arrivé ailleurs également mais les affaires de Philadelphie avaient  Abe Rosen comme représentant à la municipalité.  Gourou national du Parti républicain,  Rosen suggéra que la ville renomme les deux jours après Thanksgiving « Le Gros vendredi » et « Le Gros samedi ». La brutale amplification marcha, mais pas comme prévu. « Le gros Samedi » disparut, « Le gros Vendredi » fut gardé mais en reprenant simplement son ancienne désignation de « Vendredi noir». Le catégoriser comme un événement a attiré l’attention sur lui et  le Philadelphia Inquirer  l’encensa.  Dans les années 80, le nom avait commencé à se répandre dans tout le pays.

Que ce « Gros Vendredi » redevienne « Vendredi noir » était inévitable. Les jours noirs ont une histoire aussi longue que le calendrier et sont liés à de nombreux événements, mais ils ont un attribut commun :  revirement, subversion, sabotage. Dans la modernité, ils se sont attachés à des cracks financiers, des catastrophes naturelles, du terrorisme et des défaites militaires. Dans le calendrier romain, « le  jour de la lettre noire » était marqué au charbon sur le calendrier mural et attendu avec circonspection.

Plus pertinemment pendant l’ère chrétienne, ces jours étaient marqués par l’idée de « messe noire » appliquée initialement par l’église officielle aux sectes gnostiques qui incluaient des rituels sexuels dans leurs célébrations. Mais pendant l’époque médiévale, les « messes noires»  faisaient aussi référence à une parodie des services ecclésiastiques,  tenue pendant les jours de foire et lors du Mois des fous, quand les paroissiens organisaient des messes comiques après les longues souffrances de l’hiver,  portant des chapeaux grotesques et récitant l’eucharistie avec des cris d’animaux de basse-cour.  L’Église tolérait le Mois des fous et les autres manifestations comme une valve de décompression nécessaire, peut-être avec quelque conscience de l’oppression de sa théologie officielle. N’importe quel « Noir », à cet égard, est un signe à l’incomplétude de tout système de croyance à son incapacité à cartographier l’ensemble de l’expérience humaine  —  sa matérialité, sa saleté, sa vénalité.

Il était donc inévitable que le « Gros vendredi » se change en « Vendredi noir » qui est constitutionnellement recouvert de péché.  Avant qu’il ne colle aux années 80, il avait acquis une nouvelle signification qui allait le cimenter. C’était soi-disant le jour où les détaillants «  allaient dans le noir »¹ —faisaient un profit — et où le shopping acquérait donc une dimension civique et patriotique. Ceci ne résista pas non plus. Comme le jour grossissait, durant les années 1990 et 2000, avec des réductions de prix toujours plus folles, des foules toujours plus énormes et exubérantes et des actes de consumérisme toujours plus gigantesques, le caractère de ce jour comme jour de désordre revint.  Comme tous les aspects de la consommation américaine des années 2000, il acquit un aspect surréaliste.  La quantité d’objets amassée  et emportée était si importante, les grandes surfaces si immenses, les voitures si gigantesques que le spectacle était presque devenu une parodie de consommation. C’était une sorte de potlash²  à l’envers,  le quelque peu mythique rituel de destruction d’objets décrit par les anthropologues dans différentes cérémonies amérindiennes du Nord-Ouest Pacifique. Dans de telles cérémonies, les armes, les outils et même les canoës étaient détruits en tant que tribut et compétition mais aussi comme libération de ces objets eux-mêmes et de l’énergie séquestrée en eux.

Le but social de telles activités — dans le Nord-Ouest Pacifique très  riche — semble de prévenir l’accumulation de surplus, qui fausserait les relations réciproques. L’effet secondaire était une libération dionysiaque, l’énergie retournant à l’énergie, le moment présent réaffirmé. Nous ne sommes pas ce que nous avons fabriqué, nous sommes ce que nous faisons.

Pendant son ére héroïque, de 1980 à 2008, le  « Vendredi noir » eut une empreinte paradoxale. C’était une accumulation d’objets mais aussi une dissipation d’énergie, une rupture des structures rigides. Cette structure était, bien sûr, Thanksgiving elle-même, qui a perdu depuis longtemps son aspect festif pour devenir une occasion obligée bourrée d’anxiété et de convivialité forcée.

Dans sa forme originale, Thanksgiving combinait les excès dionysiaques— la joie de manger de la vraie viande ! — avec les agapes de l’amour collectif. Au cours des années 1970, la consommation de viande n’était pas une possibilité quotidienne pour de nombreux membres de la classe moyenne ou d’origine modeste, des revenus limités restaient associés  à de faibles apports caloriques. Le jour férié gardait son association pré-moderne de luxe et d’indulgence. Ce n’est pas une coïncidence si l’image iconique de Thanksgiving, la toile de 1943 de Norman Rockwell  « Libérés du manque » Freedom from Want est dédié à l’abondance et fait partie de la série des « Quatre libertés ».

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By Source (WP:NFCC#4). Licensed under Fair use via Wikipedia –

La dinde sur la photo semble moyenne à nos yeux mais elle était étonnamment grosse pour l’époque, quand on n’administrait pas d’antibiotiques à la volaille.  Plus encore, la  « liberté »  que Rockwell commémore n’a rien à voir avec les libertés  « négatives » endémiques de la tradition américaine. Il s’agissait d’une des deux «Libertés positives »   (avec la libération de la peur)  que le Président Franklin Delano Roosvelt a passé en fraude dans le patriotisme, à partir de la tradition socialiste européenne.

Dans sa forme originale, Thanksgiving  s’est approprié le sacrement chrétien et l’a fait régresser d’un degré, vers ses racines païennes de célébration des moissons. L’état de bien-être rare provenant de la quantité adéquate de protéines et de glucides pouvait submerger n’importe quelle irritation ressentie les uns à l’égard des autres par les pèlerins. Cette satiété inaccoutumée liait des individus qui dans d’autres circonstances passaient beaucoup de temps à se maudire. (et à massacrer des amérindiens) .

Ceci évidemment n’est plus d’actualité. Depuis presque un demi-siècle, Thanksgiving se produit dans une société où la nourriture pour de nombreux américains n’est pas seulement plus rare, mais en excès constant. Pour nombre d’entre eux, la plupart de la vie consiste à éviter la nourriture  — à résister à son intrusion dans toutes les zones de l’existence, à son habileté à s’attacher à des formes multiples de désir.

La relation à la nourriture caractérise la classe. Dans les représentations populaires, la classe montante est définie par sa capacité à résister à la nourriture, sa force morale puritaine. Une classe ouvrière de plus en plus nombreuse est définie par le fait qu’elle s’y abandonne joyeusement. Des cultures régionales entières — celle du sud du delta du Mississipi par exemple — se sont même caractérisées à travers elle. On peut voir cette expression dans l’ultime arbitrage de la classe américaine, les séries télévisées, où les exemples de la classe moyenne sont représentés par des individus minces, alors que celles destinées à un public plus large — Le roi du Queens, Mike and Molly — placent l’obésité au centre de leur vie quotidienne.

Thanksgiving consiste maintenant à faire ce que la plupart des individus essaient de ne pas faire à longueur de temps — manger systématiquement trop — avec de la famille avec laquelle on souhaite, ou non, passer du temps.

Dans sa formule originale, c’était dionysiaque,  une fête de la nourriture qu’il aurait été bon de stocker mais au diable ! C’était à sa façon, une sorte de Mercredi noir, quand les maigres réserves étaient consommées imprudemment dans l’excès. La célébration était un jeu sans gagnant, puisque des mets supplémentaires signifiaient des privations plus tard.  Maintenant, pour beaucoup dans le monde du néo-capitalisme, il n’y a pas de privation.

Aussi en réponse au devoir — à l’abandon présumé déguisé en devoir — le Vendredi noir est développé comme une alternative rusée. Cette activité est, de par sa nature même, aussi anti-Thanksgiving qu’on puisse l’être.  Thanksgiving est, après tout, une célébration assujettie, sinon abjecte, dans laquelle chacun reconnaît sa soumission aux caprices d’un dieu distant. Son rôle est en partie de contrebalancer Noël et la coutume de donner des cadeaux aux enfants, dans laquelle est célébrée l’absence de réciprocité : l’enfant reçoit des présents sans aucune attente d’action réciproque de sa part. Le rôle de l’enfant est simplement d’être. En tant qu’adultes c’est de ça que nous tirons notre joie, un Noël sans enfant est sans valeur et triste. À cet égard, le Vendredi noir a un aspect mutant. Il a pris la corne d’abondance de Noël et l’a appliquée aux adultes. Il est ou était, une libération du devoir de remerciement, dans un jour  de désirs infantilisés. Tout à propos du Vendredi noir dans sa phase extrême a acquis une signification rituelle : le chemin vers la grande surface,  les alignements dans les files d’attente sous la neige, les bagarres à coups de poing, les équipes de journalistes locales présentes pour les bagarres, la ruée à l’ouverture des portes, la collecte, la perte d’équilibre sous le poids d’un écran plasma de 180 cm.  La réelle utilité de l’objet fonctionne vraiment comme un Mac Guffin³ pour la seule activité de l’acquérir. Quelle amélioration possible  dans la vision d’un écran 180 cm pourrait dépasser le pur plaisir de l’avoir acquis  avec une telle remise ? Vous participez à la cérémonie dionysiaque mais ensuite toute la merde colle tout autour, engorgeant votre maison. Les participants au Vendredi noir, si ils avaient la moindre raison, achèteraient la marchandise, quitteraient le magasin et la jetteraient tout de suite dans les poubelles  qui les attendent. Ils ne s’en sentiraient jamais mieux dans toute leur vie adulte.

Black Friday Kicks Off Start To U.S. Holiday Shopping
Clients se battant pour des jeux vidéos à Wal-Mart Stores à Mentor, Ohio, U.S., le  24 Nov 2011. Photographe : Daniel Acker/Bloomberg via Getty Images

Depuis deux dizaines d’années, Thanksgiving et  le Vendredi noir ont subi un ralentissement difficile. Au cours de ces cinq dernières années, les magasins ont observé les limites du Vendredi noir, s’accrochant à la limite de 9 heures comme horaire d’ouverture avant d’ouvrir leurs portes. Jusqu’au crash de 2008.09,  cette limite implicite a été observée. Mais ensuite, comme le pays plongeait dans la récession, ces règles commencèrent à se désagréger. Le départ du Vendredi noir se fit de plus en plus tôt,  comme les Grosses boîtes (Big box) °° essayaient de rentrer en compétition pour s’arracher les rares clients et contre les achats en ligne qui pouvaient offrir des réductions à tout moment.  Le commerce en ligne a dissous le lien commercial de l’espace et du temps. Des vagues de rabais peuvent être offertes sur des catégories particulières de marchandises, adaptées à des algorithmes spéciaux  et une affaire peut se faire sur Iphone, dans un échange de deux minutes, pendant qu’on attend que la pizza dore correctement.  Les affaires en ligne dé-fétichisent la consommation et transforment les magasins en dépôts de marchandises. Peu importe combien de détaillants essaient de répliquer en ligne le rituel fétichiste des achats réels, ils ne peuvent pas, et l’achat en ligne commence à remettre la consommation des biens de consommation durable sur un mode plus rationnel.  Le relatif rétrécissement des circuits de consommation  — qui siége aux racines de l’absence de reprise économique actuelle —semble être en partie un résultat de la virtualisation du commerce. Les techniques au centre de ce sur quoi les détaillants  s’appuyaient au siècle dernier, comme « l’effet paradis »— la sensation d’une abondance débordante dans les magasins—ainsi que le « Transfer de Gruen °¹ [Gruen transfer]   —la désorientation qui se produit lorsqu’on pénètre dans un hall  — ne s’applique plus. Les gens sont moins susceptibles d’acheter du  bric-à-brac dont ils n’ont pas l’usage. Le crash de 2007.08 vit l’effondrement de nombreuses chaînes mais les plus significatives furent Brookstone et The Sharper Image,  des vendeurs de tout — de quoi ? Personne ne le savait même lorsqu’il quittait le magasin en ayant fait un achat. Les Sharper Image, une sorte de lieu de stockage de choses diverses et sans fonction, fut fondé dans les années 70, la quintescence de leur produit, la montre pour joggeurs, a complètement disparu. Avec eux s’en allèrent Borders, Circuit City et beaucoup d’autres. Des dizaines de chaînes sont en train d’attendre l’inévitable choc, une autre récession, ou un nouveau réajustement. Pendant ce temps, les négociants en ligne continuent de vendre à perte. Amazon, ayant détruit la vente au détail physique en tant qu’entreprise de profits est encore en attente des siens.

C’est pourquoi les dégâts en ce moment sont doubles. Les Big box et les chaînes de distribution, dans leurs essais désespérés pour maintenir la vente géographique ont étendu le Vendredi noir à Thanksgiving. Finalement ils l’ont poussé jusqu’à mercredi, dans une tentative absurde de prétendre qu’ils ne se sont pas noyés tout à fait.

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Le cite abandonné de Rolling Acres le 1 Avril 2014. Rolling Acres  était un centre commercial situé dans la région de Rolling Acres d’Akron, Ohio.  Construit en in 1975, il a été fermé en 2008. Il est sur le point d’être détruit à n’importe quel moment maintenant. (Seph Lawless)

À partir de 2011, des magasins comme Target et Macy’s commencèrent à ouvrir à minuit plus une seconde, observant techniquement la sanctification de Thanksgiving, mais la traduisant  avec une obéissance pragmatique. L’année suivante le Rubicon était traversé. Walmart et d’autres commencèrent à ouvrir à 20 heures le jour de Thanksgiving dans des états où cela était permis. Cette année, Radio Shack,  cet étrange cœlacanthe survivant du détail électronique annonçait qu’ils ouvriraient à 8 heures le jour de Thanksgiving.  Le Vendredi noir a consumé le jeudi blanc. Les vacances ont été abolies— pas seulement pour le personnel mécontent obligé de venir dans des magasins à moitié vides pendant des congés où les familles se rassemblent, mais pour tout le monde. C’est là tout le point du sacré et du profane, de l’asymétrie entre eux et de la façon dont une culture en rajoute. Pour rester sacrée, une limite culturelle doit être respectée par tous. La dévaloriser vers le profane, vers la fange, la saleté, les excréments et les déchets demande une seule corruption.  Et pour créer la transition de la culture à l’accumulation, il suffit d’un individu faisant des réserves en gardant sa hache ou son canoë hors du potlatch pour que tout le système culturel soit retourné et que la réciprocité soit dissoute.

Le Vendredi noir eut son heure de gloire dans la dernière période du consumérisme de l’Occident, quand l’économie courait effectivement à l’envers — quand un circuit de consommation  toujours en excroissance tenait en vie un circuit de production toujours en régression.  La re-spacialisation finale de la vie américaine — la ruée désespérée vers l’or des constructions d’hypermarchés et de l’urbanisation des grandes couronnes  — eu son pic parabolique,  son moment fort en point zéro.

Centrecommercial.mort.com, [deadmall.com] cet amas de ventes en décomposition démarra dans les années 1990, et était loin d’être achevé dans le milieu des années 2000, après que 20 % des centres commerciaux des USA aient rencontré leur fin.  Beaucoup d’entre eux sont démolis ou devenus de nouveaux «  centres  urbains ». Ils meurent aussi, maintenant, si qui que ce soit peut encore se préoccuper de cataloguer un nouveau round d’échec commercial.  Plus vraisemblablement, le lustre sera parti.

Le premier round des centre commerciaux morts fut spectaculaire : vastes espaces conçus pour le commerce pourrissant à l’air libre. Quelques-uns sont restés, comme le White flint de Washington DC, un centre commercial presque mort où ne restent que deux magasins mais avec l’espace entier toujours ouvert, les escalators continuant à bourdonner  et les lumières allumées.  Je conseillerai à tous d’aller y faire un tour, avant que les boulets de démolition viennent finalement l’écraser.

Ce n’est pas pour rien que la série de grandes photographies des grandes surfaces abandonnées est appelée Vendredi noir.  Le deuxième round sera juste triste.

Pendant les deux dernières années, l’intrication du Vendredi noir et de Thanksgiving est venue à l’attention d’une culture plus étendue. Pendant des années, les travailleurs ont protesté contre les exigences des affairistes qu’ils servent pendant ce qui est un congé pour les autres. Mais depuis la rébellion de Shays   et avant, l’idée américaine de célébration universelle et de citoyenneté n’a jamais inclus la dépossession, aussi leurs réclamations sont-elles restées sans écho.  Ce n’est que lorsque l’intrication du Vendredi noir dans Thanksgiving devint absurde, une farce, que les médias grand public commencèrent à se poser et à prendre note. Le fait que cela puisse tout bonnement se produire  — qu’un événement commercial puisse complètement recouvrir un congé collectif qui représente les racines mêmes de notre identité nationale — est une mesure de l’état de décomposition et de compromission atteint par cette identité.

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Le cite abandonné de Rolling Acres le 1 Avril 2014. Rolling Acres  était un centre commercial situé dans la région de Rolling Acres d’Akron, Ohio.  Construit en in 1975, il a été fermé en 2008. Il est sur le point d’être détruit à n’importe quel moment maintenant. (Seph Lawless)

On n’attend plus que les conservateurs, centrés autour  National Review,  objectent à cette réduction des racines culturelles  de la vie américaine mais  les iconoclastes paléo-conservateurs  de l’American Conservative  ne peuvent pas trouver en leur sein la manière de faire une déclaration claire pour protester contre la cannibalisation de la tradition par le néo-capitalisme.  Ils ne peuvent pas admettre ce qu’ils devront pourtant reconnaître tôt ou tard : que le capitalisme est un processus destructeur, nihiliste qui vit au dépend de son contexte culturel et par conséquent le consume.  Le Vendredi noir  compte sur pour sa signification occulte sur l’inviolabilité première  de Thanksgiving,  qu’il dégrade ensuite. Cette année, avec l’ouverture des portes à 8 heures le jour de Thanksgiving, il a achevé le processus et absorbé l’autre côté de ce qui restait sauf du jour «  saint ».  Comme un accident de la route ça a commencé et comme tel ça finit, un désastre que tout le monde reconnait mais dont personne ne sait quoi faire —paralysé par les contradictions d’un culture dont le système est parti en guerre contre lui-même.

° « Dangereuses quelle que soit la vitesse » : Ralph Nader publie un ouvrage 1965, accusant les fabricants automobiles de résistance à l’introduction de moyens de sécurité, comme les ceintures de sécurité et leur  refus d’investir dans l’amélioration de la sécurité. C’était un ouvrage pionnier, ouvertement polémique mais contenant des références substantielles et concrètes   du monde de l’industrie
¹  Black Friday : 
Fig. sans dette, dans une situation financière équilibrée ( en opposition au rouge)
² Expression amérindienne pour désigner une fête où l’on échange des cadeaux.
 ³ Le MacGuffin est un prétexte au développement d’un scénario. C’est presque toujours un objet matériel et il est généralement mystérieux, sa description est vague et sans importance. Le principe date des débuts du cinéma mais l’expression est associée à Alfred Hitchcock, qui l’a redéfinie, popularisée et mise en pratique dans plusieurs de ses films
°° Big Box stores : Concept américain de vente au plus bas prix en diminuant au maximum les frais de présentation et de stockage
°¹  Dans les plans des centres commerciaux, le  Gruen transfer ( connu également sous le nom de l’effet Gruen) est le moment où les consommateurs entrent dans le centre commercial et, entourés par un agencement intentionellement confus, perdent trace de leurs intentions d’origine. Ce nom vient d’un architecte autrichien Victor Gruen qui désavoua de telles techniques manipulatrices.  

Les photographies des centres commerciaux abandonnés figurent dans son nouvel ouvrage «Black Friday» Black Friday: The Collapse of the American Shopping Mall.

Traduction : Elisabeth Guerrier

Naomi Klein : Ce qui est vraiment en jeu à la conférence sur le climat de Paris maintenant que les marches sont bannies. 

Ce qui est vraiment en jeu à la conférence sur le climat de Paris maintenant que les marches sont bannies.

 

Article de Naomi Klein  paru dans Common Dreams et dans The Guardian sur les interdictions de manifestations et de marches sur tout le territoire français au moment décisif des pourparlers pour le climat de la COP 21 de Paris.  Les descentes de polices et les perquisitions se succèdent chez des militants ou des agriculteurs écologistes n’ayant de terroristes que la force de leur point de vue face au laxisme intéressé  et aux liens immoraux entre les gouvernements  sensés représenter les citoyens  du monde,  brutalement forcés au silence alors qu’ils sont en première ligne des catastrophes climatiques présentes et à venir et les actions et l’état d’esprit incurablement pervers des multinationales. Il semble d’autre part indispensable face aux degrés d’urgence et à la hiérarchisation des maux auxquels nous sommes, en tant qu’espèce, confrontés, de rappeler ces quelques phrases de Jared Diamond : «La menace d’un holocauste nucléaire et celle d’un holocauste écologique sont les deux questions les plus pressantes que doit affronter l’espèce humaine aujourd’hui. À côté d’elles les problèmes du cancer, du sida ou de la malnutrition qui nous obsèdent généralement, sont relativement mineurs, car ils ne mettent pas en cause notre survie en tant qu’espèce. » * Nous aurions pu ajouter à la liste le terrorisme qui n’est un danger que pour les vivants.

 

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Article originellement paru dans The Guardian

En interdisant les marches de protestation à la COP21, Hollande condamne au silence ceux qui font face aux impacts les pires du changement climatique et de sa monstrueuse violence.

Par

Naomi Klein

 

De qui la sécurité reste-t-elle protégée par tous les moyens nécessaires ?

De qui la sécurité est-elle sacrifiée avec désinvolture, en dépit des moyens pour faire beaucoup mieux ? Ce sont des questions au cœur de la crise climatique et les réponses sont la raison pour laquelle les sommets climatiques finissent si souvent dans l’acrimonie et les larmes.

La décision du Gouvernement français d’interdire les manifestations, les marches et autres « activités extérieures » pendant le sommet de Paris sur la climat est gênant à plusieurs niveaux. Celui qui me préoccupe le plus est lié avec la façon dont cela reflète l’inégalité fondamentale de la crise climatique elle-même  – et la question clef de quelle sécurité est actuellement valorisée dans ce monde asymétrique.

 

 

Voici la première chose à comprendre. Les gens affrontant les impacts les pires du changement climatique n’ont virtuellement aucune voix dans les débats occidentaux pour déterminer que faire sérieusement pour prévenir le réchauffement mondial catastrophique. De gigantesques sommets comme celui qui va se tenir à Paris sont de rares exceptions. Pour deux semaines   les voix de ceux qui sont heurtés le plus et en premier ont un peu d’espace  pour être entendus dans un lieu où des décisions déterminantes sont prises. C’est pourquoi les insulaires du pacifique, les chasseurs Inuits et les bas salaires des gens de couleur de la Nouvelle-Orléans font des milliers de kilomètres afin d’être présents. Le coût est énorme, à la fois en dollars et en carbone, mais être présents au sommet est une occasion précieuse de parler sur le changement climatique et de donner un visage humain à cette catastrophe en cours. Ensuite, ce qui doit être compris c’est que même dans ces moments rares, les voix de premières lignes n’ont pas assez d’une plateforme dans les réunions officielles dans lesquelles le micro est dominé par les gouvernements et les groupes écologistes largement financés. Les voix des gens ordinaires sont entendues principalement dans les réunions de la base parallèles au sommet, ainsi que dans les marches et les manifestations. Maintenant, le Gouvernement français a décidé les plus bruyants de ces mégaphones,  prétendant que de sécuriser les marches compromettrait sa capacité à sécuriser la zone du sommet officiel où se rencontreront les politiciens.  .

” Une fois de plus, le message est : notre sécurité n’est pas négociable, la vôtre est à gagner.”

Certains prétendent qu’il s’agit d’un juste contrecoup contre la toile de fond de la terreur. Mais un climat des Nations unies pour le climat n’est pas comme une rencontre du G8 ou de l’Organisation mondiale du commerce, où les puissants se rencontrent et où les sans dents tentent de compromettre leurs fête. Les événements parallèles de la société civile ne sont pas un ajout ou une distraction de l’événement principal. Ils sont partie intégrante du processus. Ce qui est la raison pour laquelle le gouvernement français ne devrait jamais avoir décidé quelle partie de ce sommet devrait être gardée et quelle autre annulée.  Plutôt, après l’attaque horrible du 13 Novembre, il était nécessaire de déterminer s’il avait la volonté et la capacité d’accueillir l’ensemble du sommet avec la pleine participation de la société civile, la rue comprise. S’il ne le pouvait pas, il aurait pu repousser ou demander à un autre pays de prendre le relais. Au lieu de ça, Hollande et son gouvernement ont pris une série de décisions qui reflètent un éventail de valeurs et de priorités très particulières afin de déterminer qui et quoi devait bénéficier de la protection de l’état. Oui, les leaders mondiaux, les matchs de foot-ball et les marchés de Noël, non les marches pour le climat et les manifestations désignant le fait que les négociations, avec l’actuel niveau d’émissions  prévu, mettent en danger les vies et les moyens de subsistance de millions sinon milliards de personnes

 

Et qui sait où cela peut mener ? Devons-nous nous attendre à ce que les Nations Unies révoquent les autorisations de la moitié de la société civile ? Ceux les plus susceptibles de créer des troubles au sein de la forteresse ? Je n’en serais pas surprise du tout.   Cela vaut la peine de songer à ce que l’annulation des marches  et des manifestations signifie réellement tout autant qu’en termes symboliques. Le changement climatique est une crise morale parce qu’à chaque fois que les gouvernements des nations riches ont manqué à agir, cela a envoyé un message qui montrait que nous, peuples du nord, mettions notre confort et notre sécurité économique avant la souffrance et la survie des peuples les plus pauvres et la s plus vulnérables de la planète. La décision d’interdire l’espace le plus important où les voix des peuples subissant l’impact climatique auraient pu être entendues est l’expression dramatique d’un abus de pouvoir profondément immoral : une fois de plus le message est : notre sécurité n’est pas négociable, la vôtre vous devrez la gagner.

Une autre pensée : j’écris ces mots de Stockholm, où j’ai fait une série de conférences publiques sur le changement climatique. Quand je suis arrivée, la presse s’en donnait à cœur joie avec un tweet envoyé par la ministre de l’environnement Åsa Romson.  Peu de temps après a éclaté la nouvelle des attaques à Paris, elle a alors tweeté son outrage et sa tristesse pour les victimes. Puis elle a tweeté qu’elle pensait que c’était une mauvaise nouvelle pour le sommet sur le climat, une pensée qui est venue à tous ceux que je connais qui sont d’une façon ou d’une autre connectés à ce moment environnemental. Pourtant elle a été mise au pilori pour son soi disant manque de sensibilité – comment pouvait-elle penser au changement climatique face à un tel carnage ?

La réaction était assez révélatrice parce qu’elle montrait comme un acquis le fait que la changement climatique est une question mineure, une cause sans de réelles victimes, presque frivole.  Tout particulièrement quand des problèmes sérieux comme la guerre et le terrorisme occupent le centre de la scène. Cela m’a fait penser à quelque chose que l’auteure Rebecca Solnit a écrit il n’y a pas longtemps. «Le changement climatique est de la violence »  C’est vrai. Certaines de ces violences sont horriblement lentes : la montée des eaux qui efface progressivement des nations entières, et la sécheresse qui tue des milliers d’individus. D’autres sont terrifiantes de rapidité : les tempêtes avec des noms comme Katrina et Haiyan   qui volent des milliers de vies en une seule fois. Quand les gouvernements et les multinationales manquent sciemment d’agir afin de prévenir ce réchauffement catastrophique, c’est un acte de violence. C’est une violence si étendue, si mondiale et infligée simultanément contre des temporalités si diverses (cultures anciennes, vies présentes, avenir potentiel) qu’il n’existe pas encore de mot capable de désigner cette monstruosité. Et utiliser des actes de violence pour faire taire ces voix des plus vulnérables à la violence climatique est encore plus violent.

En expliquant pourquoi les match de football programmés seraient maintenus comme prévu, le Secrétaire d’état au sport a dit : « La vie doit continuer »   Bien sûr qu’elle le doit. C’est pourquoi je joins le mouvement pour une justice climatique. Parce que quand les gouvernements et les multinationales manquent à leur devoir d’agir d’une façon qui révèle la valeur de tous sur terre, on doit protester contre eux.

© 2015 Guardian News and Media Limited

 

  • Jared Diamond ” Le troisième chimpanzé ” Essai sur l’évolution et lavenir de l’animal humain. p. 613 Folio essais

 

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

La cuisine des affairistes COP 21 Corporate Europe Observatory

Le livre de cuisine des multinationales

Voici la traduction d’un article très long, 27 pages de la Corporate Europe Observatory ( CEO) faisant un bilan très circonstancié des diverses préparations aux pourparlers de Paris et des acteurs réels des négociations. Le monde de la finance et de l’industrie est plus que jamais présent auprès des décideurs faisant feu de tous bois pour garder les choses en l’état voire les aggraver par des mesures technologiques entièrement farfelues et dangereuses comme le CCS. Leurs groupes de pression (6 pour ExxonMobile rien qu’à Bruxelles) préparent le terrain auprès de politiciens et travaillent à l’écoblanchiment des entreprises les plus polluantes en leur prêtant des images d’agneau  écologiste innocent.

Comment les criminels du climat ont capturé la COP 21

Vous pourrez être pardonné de croire que les multinationales ont changé d’état d’esprit et sont devenues sérieuses à propos des débats sur le changement climatique. Parmi les nec plu ultras du menu, on trouve le choix du gaz naturel à faible émission de carbone, une taxe carbone mondialisée, « émissions zéro avant la fin du siècle, ou «  l’agriculture éco-intelligente ».  Mais pelons les relations publiques et nous trouverons une recette des affaires-comme-toujours garantie pour cuisiner la planète : du fondamentalisme de marché, des solutions technologiques chimériques et de bonnes idées discréditées et démodées revisitées sont les ingrédients parfaits pour les criminels du climat.  Mais plutôt que de renvoyer le plat, nos chefs politiques en ont demandé un second. Ces notes montrent simplement quand, où et comment les multinationales essaient de capturer l’agenda des pourparlers de la COP 21 de Paris.

Contenu

Sommaire

Introduction

Les recettes des grosses entreprises pour les Nations unies

Les ingrédients clefs : 

  • Ingrédient 1 : le court terme

« De toute évidence, le climat est important mais l’économie vient en premier  » 

  • Ingrédient 2 : Toujours plus d’énergie fossile

« N’ayez pas peur, le gaz naturel va sauver le climat »

  • Ingrédient 3 : La « main invisible du marché »

« Si nous avions au moins un prix mondialisé  du carbone, la grosse entreprise changerait son approche. »

  • Ingrédient 4 : Des réparations technologiques risqué et encore à découvrir « Nous arriverons à zéro-émissions à la fin du siècle si quelqu’un réussit à extraire de l’atmosphère ce que nous y avons mis. »
  • Ingrédient 5 : Les affaires-comme-toujours

« L’agriculture industrielle n’est pas la cause du changement climatique, elle est éco-intelligente et nous avons un plan volontaire pour la promouvoir. »

Est-ce que les multinationales ont déjà fait main basse sur la COP21 ?

Conclusion

SOMMAIRE

Peler les relations publiques révèle que le plat qui est offert n’est rien de moins qu’une catastrophe climatique. Les multinationales écrivent une recette qui garantit la cuisson de la planète.

  • On ne peut pas choisir les meilleurs ingrédients – une croissance économique maximum et une meilleure énergie fossile (le gaz naturel) doivent être inclus. Des mesures conflictuelles comme les restrictions de l’importation des énergies fossiles polluantes doivent être exclues.
  • On ne peut pas contrôler le processus de cuisson : les signaux du marché, non les régulateurs nous indiquerons la direction à suivre. 
  • C’est toujours la même vieille recette des affaires-comme-toujours mais vêtue d’un cordon vert.  —ils veulent paraître verts, mais l’agenda de l’industrie est de continuer à émettre des gaz à effets de serre et à les extraire de l’atmosphère avec de nouvelles  technologies fantasques.
  • Dans certain cas ce sont juste les restes d’hier présentés comme un nouveau repas. —avec l’agriculture industrielle redéfinie comme « éco-intelligente » par exemple.

Les solutions dépendant du marché et les réparations technologiques mises sur la table détournent l’attention des vrais coupables et repoussent l’action réelle. La plupart des chefs politiques ont été heureux de choisir des mesures qui conviennent à l’actuel modèle économique et permettent de maintenir les profits de l’entreprise néo-libérale. Nous avons besoin d’un autre livre de cuisine ! Et d’ailleurs, aussi des cuisiniers différents.

Au point où nous en sommes, il ya très peu de chances que les négociations qui sont sur le feu à Paris permettent quoi que ce soit pour le climat. Mais ce pourrait être malgré tout un tournant fondamental pour la délégitimisation du rôle destructif et dangereux des trusts criminels qui jouent actuellement un rôle dans les décisions politiques touchant le climat. Nettoyons nos cuisines, à la fois à Paris et dans nos capitales.

INTRODUCTION

Comme les discussions hivernales des Nations unies sur le climat à Paris approchent, les pressions des lobbies et des relations publiques  des plus grands criminels climatiques sont devenues hyperactives.

Lancer les chefs politiques mondiaux  dans la conférence mondiale, créer des campagnes publicitaires  luisantes, établir de nouveaux  groupes d’experts pro-industries ou embaucher d’ex-politiciens afin d’utiliser leur savoir-faire et leur lignes déjà tracées ne sont que quelques unes des tactiques  cachées dans la boîte à outil industrielle. Mais quels sont les messages qu’ils sont si empresses de répandre et que signifieront-ils pour la COP 21 ?

Y regarder de plus prêt révèle que ce qui est offert n’est rien de moins qu’une catastrophe climatique, une recette garantie pour cuisine la planète – des solutions axées sur la marché et des solutions technologiques qui cherchent à masque l’existence inchangée des modèles affairistes  des énergies polluantes responsables du changement climatique.  Malheureusement, les responsables politiques mondiaux semblent danser sur la même mélodie, incluant l’industrie toujours plus avant dans le dossier.

Cependant, pendant qu’il est peu probable que les pourparlers ne produisent quoi que ce s soit en faveur du climat, la colère publique croissant sur ce point pour de bonnes raisons pourrait marquer le début de la fin pour cette relation de copinage entre politiciens et pollueurs.

– Sommets d’affaires ( organiser et sponsoriser)

– Sponsoriser la COP 21

– Campagnes de publicité

– Lettres ouvertes

– Création de nouvelles alliances industrielles et initiatives

– Permettre aux groups de pression de faire leur travail ( associations commerciales et associations d’affaires)

– Portes tournantes : embaucher d’anciens membres des gouvernements

– Cabinet conseils des groupes de pression : accueillir les mercenaires

ENCADREMENT : événements clefs se déroulant pendant la COP 21[1]

 

date évènements Info
30 novembre  11 décembre Ouvert pour Business Hub, Le Bourget Organisé par IETA et WBCSD au sein des négociations officielles, un espace pour la mise en réseau et les documents commerciaux
1 décembre Marchés & Climat : Une révolution positive pour les compagnies ? Paris-centre Organisé par le Forum de l’Economie Positive et le KPMG, accueilli par au siège de l’UNESCO, avec le label officiel de la COP 21, pour des « leaders » comme Veolia
2- 9 décembre La Galerie des Solutions, Le Bourget Organisé avec le Secrétaire général de la COP 21 et l’organisation des employeurs français, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (parmi d’autres), c’est un espace réservé aux affaires au sein du Bourget
4-10 décembre Solutions  COP21, Grand Palais, Paris- centre (et Le Bourget 30 novembre – 11 décembre) Une exposition des entreprises organisée par le Comité 21 et le  Club France Développement Durable, sponsorisé par Engie, Renault-Nissan, Avril-Sofiproteol et d’autres
5 décembre Lima-Paris Jour d’Action Agenda, Le Bourget Une plate-forme pour que les acteurs privés présentent leurs engagements face au climat et les négociateurs de leurs lobby.
6 décembre Le futur lève les yeux, Paris-centre Une réception d’affaires uniquement sur invitation avec l’équipe B de Richard Branson (Plan B pour les affaires) afin de pousser vers le “émission zéro” (voir la boîte)
6 décembre Sommet mondial pour le climat Paris-centre Evénement annuel sponsorisé par le gouvernement de Dubaï, Alstom, Lima COP 20 et d’autres avec 400 délégués. Les entreprises sont invitées à «Afficher leurs organizations comme des leaders de la cause climatique »
7-8 décembre Forum de l’innovation durable, Le Bourget Accueilli par l’UNEP et sponsorisé par BWW, Vattenfall et BNP Paribas parmi d’autres, une opportunité  pour le monde industriel de rencontrer « les chefs politiques du monde entier »
7-8 décembre Forum Être attentifs aux industries du climat, Le Bourget Accueilli par Global compact de l’Union européenne afin d’offir à ses membres un temps de qualité avec le chef de l’UNFCCC et le Président de la COP 21 Laurent Fabius. Sponsorisé par EDF et Engie parmi d’autres.
7-10 décembre Conseil mondial des affaires pour un développement durable (WBCSD) ‘Réunion du conseil’, Paris-centre Exclusivement pour ses members qui incluent Shell, Dow Chemicals, Volkswagen, Rio Tinto
8-9 décembre Énergies de demain Paris-centre Conférence organise par le New-York Times International, en partenariat avec la  WBCSD et WeMeanBusiness, un des intervenants est le PDG de Total

Affaires et Sommet pour le climat

Il va y avoir un flot d’événements pendant la COP 21 (voir la boîte) mais le coup d’envoi a été donné en mai 2015 par le Sommet mondial des affaires sur le changement climatique à Paris, organisé par une myriade de groupes de pression y compris le WBCSD, Global Compact, la Chambre internationale de commerce, We Mean Business, le CEFIC, le Cercle de l’industrie, le MEDEF et l’association pour l’industrie chimique parmi d’autres. Il avait le total support des gouvernements français et américains. Il a été ouvert par le Président François Hollande, a compris un discours inaugural de la Ministre de l’environnement Ségolène Royale, et a été clos par le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, avec une vidéo d’un message du Secrétaire d’état américain  John Kerry. L’événement sur deux jours a été extrêmement bien orchestré afin de générer de la crédibilité : un grand nombre d’hommes politiques, de nombreux PDGs et des compte-rendus de presse pré-rédigés racoleurs délivrant leur message clefs. (qui étaient également dans la bouche des hommes politiques et des PDGs présents.) Le CEFIC a utilisé sa position dans l’équipe éditoriale  (un des avantages de la sponsorisation) afin d’essayer de diluer la note de briefing donnée aux conférenciers, tentant tout spécialement d’en ôter les références aux bases scientifiques  évoquant les deux degrés de réchauffement et ajoutant des avertissements afin de maintenir la compétitivité  industrielle..[i]

La recette de la grosse industrie pour les Nations unies.

La grosse industrie a fait pression afin d’être impliquée depuis que le cadre de travail de la convention sur le changement climatique des Nations unies (UNFCCC)  a été validé pour la première fois en 1992 au Sommet sur la terre de Rio au Brésil. Elle y a réussi et est maintenant fortement engage dans la détermination des ingrédients qui sont ou ne sont pas à inclure dans la recette des pourparlers de Nations unies.

Dans la perspective de l’industrie c’est important. À un niveau national, les négateurs du changement climatique prévalent parfois mais à un niveau international l’industrie avait besoin de faire preuve d’initiatives afin d’éviter les décisions politiques progressistes qui pourraient mettre un terme aux approches de la régulation des gros pollueurs et des réglementations légères. Le même modèle qui a vu les profits des entreprises monter en flèche au dépend des communautés locales, de leur environnement et du climat.

À l’aube du Sommet international de la terre en 1992 fût créé le groupe de pression international le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) «  afin d’assurer que la voix des affaires soit entendue ».[ii]  Le but était de retravailler l’image de marque des multinationales participantes , y compris Shell,  Volkswagen, BP, Monsanto, Total, Dow Chemical etc., comme part de la solution au climat plutôt que comme le problème— malgré les preuves bien documentées du contraire.[2]

Les Nations unies ont accueilli les grosses multinationales les bras grands ouverts, créant de nouveaux réseaux et de nouvelles institutions pour faciliter le processus (voir boîte).  Le résultat est ce que nous voyons aujourd’hui : des solutions au changement climatique basées sur la technologie et sur la marché qui reflètent les intérêts de ces mêmes compagnies qui, en tout premier lieu, ont le plus contribué  au changement climatique. Elles prennent la place des politiques qui pourraient  stopper leur pratiques commerciales destructives et laisser au moins 80 % de toutes les énergies fossiles dans le sol. (comme le demande la science si nous voulons limiter la montée des températures à 2°, sinon à 1°5[3]).

  • Presque 500 participants de l’industrie ont été accrédités au UNFCCC (United Nation Framework Convention on Climate Change) de la COP 15 de Copenhagen, en 2009, par l’intermédiaire du groupe de pression de l’International Trading Emissions Association (IETA). Par contraste, une des organisations de la société civile la plus importante qui participait, avec 90 membres accrédités, a vu son équipe entière évincée de la conférence pour avoir évoqué ses inquiétudes à propos de la justice climatique et les intérêts de populations les plus pauvres.
  • Les Nations Unies et la grosse entreprise – une liaison qui dire depuis des décennies
  • 1991 – Première rencontre du Business Council for Sustainable Development (BCSD)
  • 1992 – La tête du BCSD est choisie comme conseiller principal pour l’industrie et le commerce par Maurice Strong, Secrétaire général du Sommet de la terre del’ONU.
  • 1995 – Le BCSD est rebaptisé World Business Council for Sustainable Development (WBCSD)
  • 1997 – Un accord est conclu sur les émissions de carbone et les compensations (voir la boîte) pour la première fois comme partie du Protocole de Kyoto au Japon, après la COP 3.
  • 1999 – Conférence de Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD),  la WBCSD, Shell, Rio Tinto, KPMG et d’autres multinationales participent à la formation de l’International Emissions Trading Association (IETA), un lobby pour les tarifications des émissions..
  • 2000 – L’UN Global Compact est créée, un programme de responsabilité sociale volontaire prévu pour intégrer les vues du commerce dans l’élaboration des politiques internationales, par exemple, le programme « prendre soin du climat », « caring for climate » poussant à attribuer  des tarifications des émissions carbones  sans prise en compte des technologies.
  • 2000 – les forêts sont officiellement inclues dans le marché du carbone comme part de la COP 6. 2002 – UN Global Compact, le WBCSD et la Chambre internationale du commerce, International Chamber of Commerce (ICC) créent l’Action commerciale pour le développement durable, Business Action for Sustainable Development  afin d’ « assurer que la voix du commerce est entendue » lors du Sommet mondial pour le développement durable » (Rio+10)
  • 2009 – La COP 15 à Copenhague a été le moment décisif pour la participation des firmes avec l’ITEA accréditant presque 500 membres pour leur participation aux négociations.
  • 2010 – à Caucun, le Président mexicain de la COP 16 invite le WBCSD et l’ ICC à organiser les « Dialogues mexicains »,  donnant aux monde des affaires un accès avancé aux négociateurs sur des sujets sensibles.
  • 2013 – « La COP 19 des trusts » à Varsovie a vu les énergies fossiles officiellement sponsoriser les pourparlers, le monde des affaires seul invite aux négociations officielles de la pré-COP et la présidence polonaise de la COP 19, organiser les sommets du charbon et du climat en parallèle. 2014 – Le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon organise son propre sommet pour le climat, offrant une plate-forme mondiale à certains des plus gros pollueurs et insistant sur le rôle du secteur privé dans la maîtrise du changement climatique.
  • 2014 – La Présidence péruvienne de la COP 20 lance l’agenda de l’action Lima-Paris (LPAA), s’organisant pour inclure officiellement le commerce dans la COP 21.
  • 2015 – La Présidence française fait du LPAA – aussi nommé “ Agenda pour des solutions” une part central des résultats de Paris, soutenant les engagements du monde des affaires en même temps que ceux officiellement négociés.

Les groupes de pression de la grande entreprise sont clairs sur le rôle que les affaires devraient jouer dans la maîtrise du changement climatique et sur ce que signifie leur rôle dans les négociations :

« [Ce] seront d’une façon prédominante le secteur industriel qui permettra la réduction des émissions dans tous les secteurs. » WBCSD World Business Council for Sustainable Development[iii]

« Si un accord global sur le changement climatique ne marche pas pour et avec l’industrie, il ne marchera pas du tout […] Nous voulons trouver une opportunité où nous ne sommes pas plus à l’intérieur de la tente qu’à ses côtés. » Peter Robinson, Chief Executive of the US Council for International Business[iv]

« Cette question est importante pour les gouvernements mais elle est beaucoup trop importante pour la laisser aux gouvernements seuls. » James Bacchus, un expert à la Chambre international du commerce. 

 Pour contrer le point de vue selon lequel le problème est bien le modèle commercial de la grande entreprise lui-même, les chefs d’entreprise sont entrain de coopter le langage des mouvements sociaux et de ceux qui combattent pour une justice climatique. Afin de faire croire qu’ils peuvent être part de la solution :

« Des changements marginaux ne sont plus assez – nous avons besoin de transformations massives à travers nos sociétés, notre politique et notre économie »  Peter Bakker, Président de WBCSD President[v]

« Ce sera un mouvement qui nous conduira là– nous sommes tous des activistes. » Président directeur général de Statoil Eldar Sætre[vi]

« Le statu quo n’est pas une option. Nous ne sommes ni optimistes ni pessimistes, nous sommes des activistes de l’industrie et du commerce. » Jean-Pascal Tricoire, Président directeur général de Schneider Electric et de Global Compact France[vii]

Le Président de la république française et hôte de la COP 21 précise comme suit :

«  La Révolution française est née à Paris et elle a change la destine du monde. Nous avons besoin d’être certains que dans deux cents ans nous pourrons dire que la révolution climatique s’est passée à Paris, faisons-la. » François Hollande, Président de la république française[viii]

Paris est déjà entrain de montrer toutes les marques des signes d’amour de la grosse entreprise, de l’agenda official de LPAA/ Agenda pour des solutions l’UNESCO et l’UNEP accueillant toutes deux les conférences de l’entreprise à la fois pendant et avant la COP.

Le Secrétariat de l’UNFCCC  a aussi été fonctionnel en accueillant les gros pollueurs au sein des négociations, dirigées par sa secrétaire de l’exécutif Christiana Figueres.  Tout en parlant au sommet du charbon et du climat de la COP 19—malgré une opposition massive de la société civile—elle est aussi un membre régulier de l’exposition annuelle sur le carbone de l’IETA. Elle a récemment publiquement attaqué ceux qui clament que les énergies fossiles ne font pas partie de la solution, leur disant d’ « arrêter de rendre les compagnies pétrolières et gazières démoniaques. ».[ix] Elle est vraisemblablement plus sympathique aux intérêts des trusts que la plupart, ayant été la « Conseillère principale pour le changement climatique » pour la compagnie privée la plus importante d’Amérique latine ENDESA Latinoamérica, avant qu’elle n’obtienne son poste actuel. [x]

En bref, l’ONU—particulièrement l’UNFCCC—a tire le tapis rouge même pour les plus sales des compagnies,  autorisant leurs fausses solutions et leur modèle commercial cassé à être considéré comme une partie essentielle des solutions supposées pour le changement climatique. Hoda Baraka, le manager de la communication chez 350.org, résume ainsi les contradictions : « Quand vous essayez de brûler la table, vous ne méritez pas de vous y asseoir .»[xi] Malheureusement, nous pouvons nous attendre à ce que le tapis rouge soit aussi déroulé à Paris.

Ingrédients essentiels

Ingrédient 1 : Le court terme

« De toute évidence la question du climat est importante mais l’économie est prioritaire »

 Argument commercial majeur : l’action pour le climat est importante mais elle ne doit pas compromettre la croissance économique.

 Qui le met en avant : BusinessEurope, la Table ronde des industriels européens ( ERT) ainsi que la plupart des associations commerciales de l’industrie lourde, plus audibles depuis que la crise économique  a commencé, profitant de la concentration renouvelée sur la croissance et sur l’industrie.

 Exemple : quand l’UE préparait ses objectifs climatiques pour 2030, l’ERT, un lobby inter-sectoriel européen très influent, qui inclut les PDGs ArcelorMittal, BASF, BMW, E.ON, Repsol et Shell, ont eu leur dîner privé annuel avec le Président de la république française François Hollande, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président de la Commission européenne d’alors, José Manuel Barroso. Ils ont insisté sur le fait que «  toute politique climatique ou énergétique doit être adaptée afin de s’assurer que le but d’une croissance des parts de l’industrie de 20 % soit atteint d’ici 2020. »[xii] Les ministres du Conseil de la compétitivité ont aussi insisté sur le «  besoin d’un approche plus équilibrée entre l’industrie européenne, l’énergie et la politique climatique ». Cette ligne de pensée est alarmante, parce que l’« équilibre » de l’industrie et des politiques climatiques signifie clairement que les objectifs pour le changement climatique doivent être réduits si nécessaire.[xiii]

 

Avec BusinessEurope faisant aussi pression avec le même message aussitôt que possible, ce n’est pas surprenant que le cadre à venir de l’UE pour le climat et l’énergie de 2030 inclue la compétitivité de l’industrie lourde comme un de ses buts. À un niveau européen, la Chambre de commerce internationale a fait des bruits similaires, écrivant dans le Financial Times que toute mesure devrait être «  prudemment conçue afin de promouvoir un champs d’action à un niveau global  pour le commerce et de rendre possible un avenir consacré à la croissance et au commerce ». [xiv]

 Ce que cela signifie pour le monde réel : ceci est l’exemple ultime de court terme au nom des intérêts des investisseurs.  Des solutions effectives à la crise climatique mondiale à long terme devraient être mises en suspens si elles sont supposées pour les personnes en exercice entraîner quelle que perte à court terme que ce soit.  —les objectifs climatiques seront amoindris par peur de leur impact sur l’industrie. En pratique ceci signifie que lorsque les politiques climatiques sont introduites, l’industrie lourde est souvent exemptée, ou bien largement dédommagée si elle menace de déménager dans un autre pays à cause du coût des nouvelles mesures en faveur du climat ( si et quand cela se produit vraiment, ceci est connu sous le nom de «  fuite carbone » (voir boîte) . Ça a été le cas en Europe et aux USA, qui clament leur ambition dans les limites de ce qui est politiquement possible (c’est à dire sans ambition).[xv]

L’insistance à mettre l’économie en premier (ou la version actuelle du les affaires-comme-toujours) a aussi été utilisée comme argument pour le remplacement de régulations strictes par des schémas volontaires comme l’Alliance globale pour une agriculture intelligente, Global Alliance for Climate Smart Agriculture (voir le chapitre) et des approches orientées vers le marché comme le commerce d’émissions. Elle peut aussi s’observer dans l’actuelle négociation pour le libre échange entre les USA et l’UE, ou TTIP, qui est prévue pour être un désastre climatique.[xvi] Par-dessus tout, cette approche est  sensée compromettre le climat et repousser la transition énergétique vers les économies à bas niveau d’émission.

 Où cela se passera-t-il à Paris : pendant la COP21, attendez-vous à voir des ambitions limitées de la part des pays où l’action climatique menace l’industrie lourde, en particulier l’extraction des énergies fossiles. Pendant ce temps, la poussée pour étendre la marché du carbone continue (voir chapitre sur le tarif global du carbone) et toute politique finale aura a rendre des comptes sur son impact sur la marché économique mondial, qu’on sera pardonné de considérer comme beaucoup plus important que les questions climatiques. L’Agenda Lima-Paris/ Agenda pour des solutions, est aussi prévu comme une façon de montrer au monde – à travers le monde des affaires et les engagements – que l’action climatique « représente une opportunité économique pour tous les pays, sans tenir compte de leur niveau de développement . », la réduisant à rien d’autre qu’une simple transaction économique.[xvii]

Un argument est que les politiques fortes en matière de climat poussent la production intensive d’énergie à se délocaliser dans des zones avec des politiques climatiques moins strictes et donc que les émissions de carbone ne sont pas réduites, elles se contentent de fuir ailleurs, accompagnée par les emplois qui leur sont associés. Cependant, de multiples études ont montré que la politique climatique est un facteur marginal dans la décision de délocalisation et que l’industrie lourde a commencé à quitter l’Europe bien avant l’introduction des politiques climatiques. [xviii] En fait, des politiques climatiques plus ambitieuses créent de nouveaux emplois mais dans de nouveaux secteurs à faible degré d’émissions plutôt que dans les industries polluantes qui font pression contre eux.

 

[BOÎTE À OUTIL DU LOBBYISTE]

 Sponsorisation des pourparlers : quelques unes des industries françaises les plus polluantes, y compris les compagnies aériennes (Air France), les géants du nucléaire et du charbon (EDF), les services publiques de (Engie – anciennement GDF Suez) et les banques finançant le charbon (BNP Paribas) font partie des sponsors des pourparlers de Paris. Il n’y a sans doute pas de meilleures plateformes que la plateforme officielle, bien que de sponsoriser des événements officiels, comme Solutions COP 21, est aussi une stratégie d’écoblanchiment très populaire.

 Ingrédient 2 : plus d’énergie fossile 

« Ne craignez rien, le gaz naturel va sauver le climat » 

Argument commercial majeur : le gaz naturel – à la fois naturel ou issu de la fracturation hydraulique – est la nouvelle solution pour l’énergie propre, selon l’industrie des énergies fossiles parce qu’il dégage la moitié des émissions du charbon lorsqu’on le brûle. Ils prétendent qu’il peut être la transition vers le future avec l’énergie du vent, l’énergie solaire et celle des vagues ou qu’il peut être une partie fiable de l’énergie mixte. 

Qui le met en avant : en premier lieu l’industrie du pétrole et du gaz mais cet argument est répercuté dans le monde des affaires.  

Suez (maintenant nommé ‘Engie’) ont même lancé « un appel aux armes contre le charbon» lors de la conférence, afin de rafraîchir leur image d’ami de la terre (et leurs résultats).[xix] Le même mois, le pétrole d’Europe  et les pontes du gaz écrivaient une lettre ouverte à la chef de l’UNFCCC Christiana Figueres et au Président de la COP 21 François Hollande—et en écrivaient une autre dans le Financial Times—soulignant leur sérieux dans la lutte contre le réchauffement climatique et le « rôle essentiel que le gaz naturel peut jouer ». Au Sommet du commerce et du climat Business and Climate Summit de mai, où Statoil était soutenu par le Ministre norvégien pour l’Europe  qui affirma «  le gaz naturel est le meilleur ami du recyclable ».[xx]Exemple : pendant la conférence mondiale sur le gaz de juin à Paris, les cadres de l’énergie sale se sont alignés pour dire que le charbon faisait partie de l’histoire et que le gaz était le combustible dont le future avait besoin. Exxon Mobil a affirmé que c’était « la seule source d’énergie qui réduise d’une façon significative les émissions et que envisager la fracturation hydraulique permettrait le développement économique  tout en étant une énergie peu polluante. »[xxi] Total et GDF.

Les efforts en coulisse ont aussi été essentiels : Total ainsi que d’autres compagnies pétrolières ont infiltré les associations commerciales de l’énergie éolienne et solaire à Bruxelles de façon à ce qu’ils promeuvent également le gaz naturel, tout en réduisant la mesure de leur ambition pour l’énergie éolienne..[xxii] Aux US, l’industrie du gaz est allée jusqu’à financer secrètement une grosse ONG environnementale qui a mené avec succès une campagne contre de nouvelles centrales à charbon.[xxiii] Plus récemment, l’industrie a activement embauché des anciens membres du gouvernement (la stratégie expérimentée et performante des portes tournantes – voir la boîte), avec Cheniere Energy, la première compagnie à avoir reçu du Président Obama un permis d’exportation de gaz naturel liquide (LNG), embauchant la députée pour l’énergie et le changement climatique, Heather Zichal, seulement quelques mois après qu’elle ait quitté son poste en Octobre 2013.[xxiv]

Ce que cela signifie dans le monde réel : tout en ayant à la combustion des émissions moindres le processus d’extraction – en particulier la fracturation hydraulique- peut être pire pour le climat que le charbon ou le pétrole à cause des fuites de méthane, un gaz 80 fois plus nocif pour le réchauffement climatique  que le CO2 sur une période de 20 ans.[xxv] L’extraction de cette énergie fossile a aussi un impact désastreux sur l’environnement local et sur les habitants. La promotion du gaz signifie aussi que moins d’attention est portée au développement et à la mise en route de technologies vraiment plus respectueuses du climat comme l’éolien, le solaire, le marémoteur.

Derrière tous les pourparlers pro-climat se tient une dure réalité affairiste : passer au gaz naturel, particulièrement au gaz de schiste, assure aux compagnies pétrolières et gazières de demeurer sur leur siège de leaders et sécurise leur avenir dans un monde centre sur la maîtrise du réchauffement climatique. Elles ont déjà l’expertise et les infrastructures, quand toutes les grandes compagnies pétrolières—Shell, Total, BP, Chevron, Exxon—font des investissements significatifs dans ce qu’ils considèrent comme un marché futur incroyablement lucratif. Si ells réussissent, cela pourrait signifier l’expansion massive de la fracturation hydraulique en dehors des USA, quelque chose qui a jusque-là n’a pas pu se matérialiser, partiellement à cause de l’opposition publique dans de nombreux pays ?[xxvi]

Fracturation ou non, il est clair que le gaz n’est pas une solution, puisqu’il est aussi une énergie fossile libératrice de carbone et que son extraction mène également à la libération du méthane souterrain dans l’atmosphère.  Cependant des plans sont en route pour de nouvelles infrastructures qui engageront cette énergie fossile pour plus de cinquante ans. Selon l’Agence international de l’énergie, International Energy Agency, ceci repoussera l’investissement dans les énergies renouvelables.[xxvii]  L’image du gaz propre est également utilisée pour justifier la poussée en faveur du gaz naturel dans les pourparlers US UE—Le Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)—avec l’UE voulant désespérément importer du gaz de schiste bon marché des USA.[xxviii] L’historienne du climat,  Naomi Oreskes est brutale : la

Où cela se passera-t-il à Paris : tout le monde, à part l’industrie du charbon dans le secteur des énergies fossiles va pousser le gaz lors des événements publiques et de haut-niveau à travers Paris et dans les négociations, les US a déjà dit que le gaz comptait comme une énergie propre. Attendons-nous à la voir figurer au sein des engagements officiels de nombreux pays et à être sur la liste des financements choisis pour le climat. Cependant le public n’a pas été aussi aisément convaincu que les politiciens, tout particulièrement en ce qui concerne la fracturation, aussi la résistance peut-elle aussi attendue dans la rue.

[BOÎTE À OUTIL DU LOBBYISTE]

 Campagne de publicité :  gagner la bataille médiatique et donner l’impression que vous avez le public de votre côté est une des clefs pour convaincre les décideurs que vous êtes à la bonne place et il n’y a rien de mieux qu’une action relation publique pro-climat de haut vol pour vous mener là, quelle que puisse être la réalité.  Dans sa champagne de 50 millions de dollars  « Nous sommes d’accord », Chevron a placardé les gares en Europe avec des affiches d’individus tenant des signes avec lesquels Chevron se dit d’accord tels que « le gaz de schiste doit être bon pour tout le monde. »[4] Ne mentionnons pas la pollution actuelle cause par leurs activités de fracturation où les poursuites qu’ils doivent subir en Équateur pour nettoyer leur marée noire ! Shell est maintenant impliqué dans des activités similaires avec des vidéos promouvant le gaz naturel comme le compagnon fiable des énergies renouvelables.  [PHOTO – de la campagne de publicité en ligne de Chevron]

Ingrédient 3 : « la main invisible du marché » 

« S’il y avait un prix global du carbone, les multinationales changeraient leurs méthodes »

Argument commercial majeur : l’industrie  argumente qu’avec un prix global pour le carbonesignifiant que les compagnies doivent payer pour chaque tonne de CO2 émise—le monde des affaires s’éloignerait des investissements dans les énergies polluantes pour s’orienter vers les émissions faibles en suivant le chemin le moins coûteux possible. Le prix du carbone pourrait être décidé via une taxe par tonne, ou le marché pourrait être autorisé à en déterminer le prix.  (voir la boîte). 

Qui le met en avant : le monde des affaires, les leaders mondiaux, les institutions financiers internationales—en bref, tous ceux qui ont quelque chose à perdre à se retirer de l’économie néo-libérale actuelle. 

Exemple : de nombreuses plateformes ont été créées spécialement pour promouvoir la question ou en ont embrassé la cause, y compris la campagne  « Se préoccuper du climat », Caring for Climate  organisée par Global Compact, l’UNEP, l’UNFCCC, et la Banque mondiale de la coalition pour le prix du carbone World Bank’s Carbon Pricing Leadership Coalition. Deux mois avant la COP 21, les chefs d’états d’Allemagne, de France, d’Éthiopie, du Chili de Philippines et du Mexique ont lancé un appel pour la taxe carbone. Le Sommet du commerce et du climat de Paris, Business and Climate Summit—organisé par les plus grands lobbies de multinationales  (voir la boîte)—a fait d’elle un de ses trois messages clef. Porte-paroles après porte-paroles ont répété son importance, avec le PDG de Statoil, Eldar Sætre affirmant qu’elle était la « seule mesure efficace » pour venir à bout du changement climatique. Les pontes du pétrole et du gaz européens ont aussi publiquement offert leur aide au UNFCCC afin qu’il établisse un prix mondial du carbone. 

Qu’est-ce que cela signifie pour le monde réel : la pression pour une taxe carbone mondiale est en fait une bataille prolongée sur qui doit être responsable des mesures pour le climat : le monde des affaires (qui veut être capable de choisir les options les moins onéreuses basées sur la taxe carbone) ou les gouvernements (qui devraient introduire des décisions politiques suivant les meilleurs intérêts de la société).

Le commerce argumente que la baisse des émissions devrait leur être laissé plutôt que d’être une cible gouvernementale, et ainsi ils pourront utiliser la taxe carbone afin d’évaluer quelle décision politique est la moins coûteuse. Mais cette préoccupation étroite sur le carbone signifie que les soucis ou les bénéfices sociaux, environnementaux et plus largement économiques qui s’inscrivent dans les décisions politiques gouvernementales sont ignorés. Si ils sont laissés à la décision du monde des affaires par l’intermédiaire du prix du charbon, alors le pouvoir des gouvernements d’introduire des politiques et des objectifs sur des énergies comme le vent, le soleil où les marées, sur l’efficacité énergétique, sur des standards technologiques minimums et le bannissement pur et simple des énergies fossiles est affaibli d’une façon significative, comme l’UE l’a récemment expérimenté.

Dans l’UE, la confiance dans une taxe carbone créée par le Modèle d’échange des émissions Emissions Trading Scheme (EUETS) ayant échoué (voir la boîte) se sont vues attaquées les mesures politiques les plus efficaces, comme étant «  trop lourdes », inutiles, ou comme une distorsion du marché.  Et le marché—le meilleur mécanisme d’obtention d’un prix (voir la boîte)—est également très  sensible au lobby de l’industrie ( c’est vraisemblablement une autre raison pour la popularité de la taxe carbone).

Un indice de prix est aussi aveugle à la technologie, se centrant sur le seul coût de la réduction du carbone. ExxonMobil est convaincu que « nous devrions  autoriser le marché, pas les régulateurs, à déterminer quelles technologies sont les plus adaptées aux besoins du consommateur » Mais le «  marché » est invisible, ce sont ceux qui réduisent les émissions—les pollueurs eux-mêmes—qui vont choisir quelle technologie douteuse ou expérimentale convient le mieux à leurs intérêts et protégera vraisemblablement le mieux leur existence. Les exemples incluent la capture du carbone et son stockage (CCS – voir la boîte), le gaz de schist et l’énergie nucléaire. Bien sûr, le WBCSD a dit explicitement que nous devons cesser de confondre les technologies à faible émission et les énergies renouvelables.[xxx]

Mises à part les difficultés techniques pour permettre d’établir un prix mondial pour le carbone (est-ce que ça peut être fait à un niveau planétaire ? ou à travers divers schémas régionaux divers mais en relation ? via une taxe ou un marché ?) reste la question de savoir si le prix doit être assez élevé pendant  assez longtemps pour transformer le système énergétique.

Par exemple, dans l’UE, il est actuellement à 8€ la tonne mais l’ancien chef de l’UNFCCC  Yvo de Boer propose 150€ par tonne de CO2. Exxon dit qu’ils ont un prix interne pour le carbone de 60-80 US$ [xxxi] et malgré tout ils sont encore en train d’investir gaiement dans les énergies fossiles, il semble donc que si ce prix interne existe vraiment, il ne fonctionne pas.

Étant donné le fait que les gouvernements sont actuellement en train de démontrer un manque clair d’ambition collective eu égard à la maîtrise du changement climatique, une taxe carbone qui est trop basse ne fera que faciliter le glissement souhaité du charbon au gaz, plutôt que de déclencher un mouvement total hors des énergies fossiles. Et ce mouvement pourrait ne pas être déclenché même si le prix est élevé : David Hone de Shell a dit « qu’il attendait un prix élevé pour  stimuler l’investissement dans le CCS ( Carbon capture and storage) et qu’il s’agissait de la technologie du future. »[xxxii] En d’autres termes, l’usage continu des énergies fossiles et des technologies associées.

En réalité, la plupart des expérience de taxation jusqu’ici—comme l’ETS de l’UE ou le mécanisme de développement propre Clean Development Mechanism de l’UNFCCC’s (voir la boîte)—n’ont pas marché à cause du refus de l’industrie de les utiliser, exigeant des compensations pour couvrir le coût du paiement de la taxe carbone (voir la boîte fuite carbone) ou en utilisant des failles légales afin d’éviter d’avoir à réduire leurs émissions.

Où cela se passera-t-il à Paris ? : la plupart des pays doivent inclure la taxe carbone dans leurs propositions d’actions pour le climat (officiellement appelées Contributions volontaires déterminées nationalement Intended Nationally Determined Contributions, or INDCs), mais le Niger seul a intégré l’appel pour une taxe ( à 50€ la tonne) .[xxxiii] Cependant, l’idée a le support du haut-niveau, y compris celui du Président français François Hollande, la Chancelière Angela Merkel et  à la fois le Secrétaire des Nations Unies, Ban Ki-moon et la secrétaire de l’exécutif de l’UNFCCC  Christiana Figueres. Mais bien qu’il lui soit fait référence d’un bout à l’autre des deux semaines, n’attendons pas que Paris deliver un prix mondial pour le carbone.

[Créer une taxe carbone]

Taxe carbone : elle détermine un prix fixe pour chaque tonne de carbone

Marché du carbone : il détermine un plafond pour les émissions de CO2 et attribue des permis aux pollueurs en fonction de ce plafond.  Le marché décide ensuite combien vaut chaque permis en fonction de la demande—en d’autres termes les pollueurs trouveront-ils plus onéreux de réduire leurs émissions ou d’acheter les permis d’autres compagnies plus propres ? Ceux qui trouvent meilleur marché de réduire leurs émissions peuvent vendre leurs permis épargnés à ceux qui trouvent trop cher de réduire les émissions.

Tout ceci paraît correct sur le papier mais les choses sont complètement différentes dans le monde réel. Démarrer par des impôts est notoirement impopulaire dans l’industrie et au niveau des gouvernements. Le Président du lobby européen de la chimie European Chemicals Lobby, CEFIC, a même dit que les marchés du carbone sont plus stables qu’une taxe carbone. Le PDG du conglomérat espagnol des énergies renouvelables, Acciona, est d’accord avec cet argument, disant que « c’est parce qu’il est plus loin des décisions politiques. ». [xxxiv]

Des groupes de pression internationaux comme l’ICC ou le WBCSD ont poussé pour un marché mondial du carbone depuis longtemps, mais un œil sur les  ETS ( Emission trading Sheme, permis de polluer) de l’UE (voir boîte) devrait server d’avertissement : l’industrie lourde cherchant à obtenir plus de permis a montré que les pollueurs ont trouvé des compensations avec les impôts des contribuables pour avoir eu à affronter une perte de compétitivité mais les émissions domestiques ont continué à croître parce que le système n’est pas assez astreignant.

Le plan de compensation carbone, le Clean Development Mechanism, de l’UE a aussi été un désastre à la fois pour le climat et pour les droits humains, sans aucune réduction des émissions.[xxxv] Cependant le mythe d’un marché du carbone « co-efficace « est toujours vivant».

Leçon sur le  prix mondial du carbone par l’Emissions Trading Scheme (EUETS) de l’UE

Le marché carbone de l’UE : plus de trous que dans le gruyère !

Le marché carbone régional de l’UE et le produit phare de la politique climatique l’ETS UE, sont venus au jour après un débat sur les mérites relatifs de la taxe carbone et du marché carbone (voir boîte). L’industrie gagna la bataille en faveur d’un marché carbone, qui fût considéré comme étant plus favorable aux affaires (puisque les taxes sont imposées par les gouvernements) .

Cependant malgré cette victoire, il est vite apparu clairement, lors de la phase de mise eu point, que le nouveau marché était si sensible aux lobbies de l’industrie que des failles permettaient aux pollueurs d’éviter de réduire leurs émissions domestiques tout en demandant des milliards d’euros au contribuable pour compenser l’impact sur la compétitivité. Ces indemnités semblent être étendues de 2020 à 2030, en dépit des promesses de la Commission de les arrêter.[xxxvi] Le prix du carbone qui en résulte a été si bas—à cause du manque de demandes de permis, puisque les pollueurs en recevaient gratuitement—ce n’est pas pertinent.

D’autres politiques compromettantes

Le capital politique investi dans l’ETS de l’UE signifie aussi qu’il a le monopole des discussions sur la politique climatique et ferme les débats sur d’autres formes de mesures de réduction d’émissions plus efficaces. Plus dommageable encore, l’ETS a en fait affaibli les politiques climatiques existantes, comme l’efficacité énergétique ou les émissions industrielles. C’est à cause de la peur qu’elles puissent être trop efficaces sur les réductions de cO2 et abaisse la demande pour les permis de polluer  – et par conséquent le prix du carbone – même davantage.[xxxvii]

[La BOÎTE À OUTILS DES LOBBIES]

Lettre ouverte : pourquoi garder secrète la correspondance avec les leaders mondiaux quand il suffit de la publier dans un journal pour amplifier votre message ?  Ceci explique pourquoi les compagnies les plus importantes du pétrole et du gaz on donné leur lettre adressée à la responsable de l’UNFCCC, Christiana Figueres, soulignant leur «  solution » climatique dans le Financial Times tout en en adressant une autre au journal, que Figures a accueilli et a invité à travailler avec elle. C’est une tactique commune, employée aussi par la coalition affairiste la B-Team, de prévoir l’agenda et de forcer la réponse officielle.

Les sommets des multinationales : il y a eu un nombre de sommets pour le climat sans précédent dans la préparation de la COP 21 et plus sont prévus durant la COP.  Ceux-ci sont organisés et sponsorisés par les grosses compagnies et par leurs groups de pression, avec des porte-paroles comprenant des leaders mondiaux influents. Y participer peut coûter des milliers d’euros  mais les sponsoriser peut en coûter des centaines de milliers.[xxxviii] Mais ils doivent en valoir la peine, parce qu’il semble ne pas manqué de sponsors. Ils fournissent une plateforme centrale pour amplifier le message de l’industrie tout en obtenant des achats de la part de gouvernements et de porte-paroles de l’EU. Le Président François Hollande a annoncé son support à une taxe carbone mondiale pendant son discours d’ouverture du Sommet commerce et climat [Business and Climate Summit].  La Présidence de la COP 21 a ajouté plus de légitimité à de nombreux événements en offrant un « label » officiel, un logo à poser sur le matériel promotionnel.

Ingrédient 4 : des réparations techniques risquées mais encore à découvrir

« Pour atteindre zéro-net émissions pendant ce siècle, si quelqu’un aspirait hors de l’atmosphère ce qu’on y dépose »

Argument commercial majeur :  plutôt que de réduire les émissions à zéro, zéro-net signifie que certaines émissions peuvent continuer à être produites mais peuvent être compensées par l’extraction des émissions de l’atmosphère ( émissions négatives). Le but suggéré est d’atteindre  zéro-net émissions et les  dates butoir se situent entre 2050 et la fin du siècle.

Qui le met en avant : les coalitions affairistes comme la B-Team de Richard Branson et le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD); des scientifiques et des chercheurs en institut lourdement investis dans les émissions négatives, le Panel intergouvernemental sur le changement climatique  (IPCC).

 Exemple : le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) a fait de l’« objectif zéro-net émissions dans le courant du 21ième siècle » leur première demande aux gouvernements en amont de la COP21,[xxxix] comme d’assurer que ce serait une demande majeure du Sommet Business & Climate de Paris. Également, la B-Team a deux fois cette année appelé les leaders politiques et commerciaux à se fixer sur « zéro-net pour 2050 » et de ne pas l’inclure dans les résultats de la COP21.[xl]

 Ce que cela signifie pour le monde réel : Christiana Figueres dit qu’être d’accord sur le « zéro-net émissions » ou le zéro émissions à Paris sera un succès[xli] mais insérer le terme «net» a de sérieuses implications ( et est plutôt trompeur), selon Shell, aller vers le zéro-net les autorisera à continuer de brûler des énergies fossiles pour le reste du siècle,[xlii] équilibré par l’aspiration du CO2 de l’atmosphère en d’autres lieux. Clairement Shell a des intérêts dans cette version du zéro émissions.

Cependant les techniques et technologies exigées incluent des plantations massives d’arbres, la croissance de plus de carburant végétal et le stockage encore non testé du carbone dans les sols (biochar)[xliii] et même la capture et le stockage bioénergétiques du carbone (BECCS), [Bioenergy with Carbon Capture and Storage] qui est suppose générer de l’énergie à partir de la combustion de la biomasse tout en capturant et en stockant le CO2 émis dans le sol. (voir la boîte).

Toutes ces options pourraient conduire à la confiscation de terres, à la montée des prix alimentaires et à des abus sur les droits humains. Biochar et la  BECCs sont aussi non testés et donc hautement expérimentaux, coûteux et vont avoir vraisemblablement de graves conséquences sociales et environnementales. En plus, ces technologies farfelues sont loin de se montrer populaires. L’absence complète de financement de recherche publique ou privée dans le BECCS montre qu’il ne s’agit rien d’autre qu’une stratégie de report pour devancer toute action sensée. Les scientifiques eux-mêmes dissent le BECCS est une distraction «infondée» et ²«dangereuse»[xliv] (voir la boîte). Les scénarios de l’IPCC lui-même pour ces réductions d’émissions ( encore exprimées dans les termes d’«émissions négatives» et même d’«émissions nettes négatives» nécessitent n’importe où entre 500 millions et 6 milliards d’hectares de terre pour rester en dessous de 2°—une quantité phénoménale, étant donné que c’est quatre fois la quantité de terre utilisée actuellement par la production globale de céréales et deux fois la masse de terre d’Afrique.[xlv]

Le mot «net» pose aussi d’autres questions délicates. Par exemple, quels secteurs sont autorisés à continuer d’émettre, et dans quels pays ? Et quelle terre va-t-elle être utilisée pour créer l’équilibre ? Les expériences jusque-là[xlvi] montrent que ce sont les plus vulnérables  dans le Sud qui perdent leur terre et leurs moyens de subsistance pendant que les multinationales du nord profitent de la pollution.

 Ajouter «net» évite aussi d’avoir à faire face à la réalité : c’est notre modèle économique qui doit changer si nous voulons stopper le changement climatique. Des propositions comme celles du BECCS sont des distractions qui évite de faire ce changement,[xlvii] et laisse les gros pollueurs e n’en faire qu’à leur guise. Nous devons ramener les émissions à zéro, laisser le pétrole dans le sol, and tout de même ôter les émissions de l’atmosphère par une approche agro-écologique, la gestion communautaire des forêts et la restauration de l’habitat.

 Où cela se passera-t-il à Paris : le «zéro émissions» peut se trouver dans tout le texte de négociation de l’UNFCCC.[xlviii] Il sera promu lors de tous les événements de la grosse entreprise, en particulier pendant les quatre jours de rencontre du WBCSD. Mais une connaissance accrue de ce que le  « zéro-net» signifie vraiment devrait engendrer de la résistance à Paris.

 [IPCC : le pragmatisme politique signifie des réparations technologiques dangereuses, pas de changement du système]

Le Panel intergouvernemental pour le changement climatique (IPCC), qui rassemble et synthétise la littérature scientifique a présenté son premier rapport en 1990 (FAR). Depuis lors le monde  a accepté que les émissions d’origine humaine sont à l’origine du changement climatique et ce que les conséquences seront, mais les émissions ont continué malgré tout. Le manque de volonté de s’éloigner du modèle économique actuel a mis une pression considérable sur l’IPCC afin qu’il vienne avec un scenario qui prenne en compte les 2°C et supporte malgré tout la croissance économique. [xlix]

Le 5ième rapport (AR5), publié en 2014 en est le produit, créant des modèles climatiques qui sont « politiquement pragmatiques». Il montre aux responsables politiques qu’une voie vers les 2° est encore possible – même avec la croissance économique– bien qu’ils n’aient pas suivi les recommandations antérieures comme celle de faire culminer les émissions en 2015. Les modélistes disent maintenant que les émissions peuvent continuer à monter jusqu’en 2030, mais avec des réductions d’émissions drastiques ensuite, allant vers les émissions négatives dans la seconde moitié du siècle. Si les politiciens suivent ce plan, nous serons dans une CSS de grande envergure avec à la fois les énergies fossiles et les bioénergies, une recette pour le désastre, étant donné que les technologies farfelues ne se matérialiseront vraisemblablement jamais.  (voir la boîte CSS). Mais dans le même temps, les affaires comme toujours et les 2° de réchauffement vises ne sont pas contradictoires  avec le «nous avons encore le temps»

Beaucoup de ceux qui modélisent l’avenir – des économistes plutôt que des scientifiques   –sont proches de l’approche pro-croissance afin d’éviter de perdre des fonds dans la recherche et l’accès politique alors que leur influence au sein de l’IPCC a encore augmenté. Cependant les climatologues prennent maintenant leurs distances par rapport à ces projections, dénonçant les assomptions sous-jacentes comme irréalistes. C’est une étape importante et a besoin d’être amplifié avec des scientifiques disant clairement et honnêtement que les actuelles projections de l’IPCC ne sont pas compatibles avec les 2°, sans parler des 1°5 quand les politiciens et les pollueurs continuent à les utiliser et à utiliser l’IPCC afin de légitimer leur «  politique pragmatique ».

[La capture et le stockage du carbone [Carbon Capture and Storage] et la bioénergie de la capture et du stockage du carbone [Bio-energy Carbon Capture and Storage]

La capture et le stockage du carbone, Carbon capture and storage (CCS) est, en théorie, supposée capturer le CO2 des centrales d’énergies fossiles (ou d’autre CO2 issu des équipements de production de béton ou d’acier) et le stocker en permanence dans le sous-sol.  Cependant, c’est un dispositif technologique hautement expérimental et très onéreux et même ses propres supporters qu’il ne sera pas viable commercialement avant 2030– et alors seulement avec un financement publique massif. Savoir si le CO2 restera dans le sous-sol est aussi une grande question.[l]

Pendant ce temps, cependant, les centrales à charbon sont construites avec un «dispositif-CSS» avec le prétexte que la technologie va mûrir. Jusqu’alors, le CO2 continuera à être émis sans frein. C’est pourquoi promouvoir la possibilité du CCS, qui peut fort bine se ramener à rien, est une autre façon de nous enfermer encore dans l’usage des énergies fossiles pour plusieurs décennies.

 La capture et stockage bioénergétique du carbone [Bioenergy carbon capture and storage] (BECCS) présente tous les problèmes associés avec la CCS traditionnelle plus quelques autres.  Plutôt que de brûler les énergies fossiles, les centrales sont censées brûler la biomasse carboniquement neutre.  Comme les plantes absorbent le CO2 de l’atmosphère en croissant, les brûler est théoriquement carboniquement neutre, relâchant le carbone absorbé dans l’atmosphère. Aussi stocker les émissions dans le sous-sol plutôt que de leur permettre d’entrer dans l’atmosphère devrait théoriquement conduire à des émissions négatives. Cependant la «bioénergie » quand elle est utilisée sur une grande échelle  est loin d’être carboniquement neutre. La demande pour la biomasse et le combustible bio conduit à la déforestation  et aux problèmes de terres  – sans évoquer les pertes dans la biodiversité, les confiscations de terres et les  attaques aux droits humains associés.[li] Ajoutons à ceci les incertitudes quant à la technologie CCS et ses coûts prohibitifs à toutes les étapes du processus—qui sont encore plus élevé pour la biomasse que pour les centrales à charbon—et le BECCS prend plus l’aspect d’un éléphant blanc que d’un remède miracle.

La capture et le stockage du carbone [Carbon capture and storage]—que ce soit avec les énergies fossiles ou avec la biomasse—n’est pas une solution réaliste et ne devrait pas être traité comme telle par les politiciens, les hommes d’affaires et les scientifiques. C’est une distraction mortifère de l’urgent besoin de couper les émissions.

[LA BOÎTE  À OUTILS DES LOBBIES]

 Former des alliances nouvelles : une façon efficace de passer à l’offensive pour les gros pollueurs, est de mettre au point des propositions qui ne compromettent pas leur modèle commercial mais donnent l’apparence d’être engagés et préventifs.

Bien que Virgin Airline de Richard Branson ait faille misérablement à ses engagements précédents[lii], il a regroupé et rassemblé la B-Team afin de montrer que les affaires sont sérieuses quand il s’agit de stopper le changement climatique.  Les plus grandes firmes pétrolières européennes  ont pris une approche identique en mettant au point l’Initiative pétrole et gaz pour le climat  [Oil and Gas Climate Initiative], un panel d’experts, là pour proposer des solutions pro-fossile qui puissent contrer la pression montante.[liii]

Shell a aussi rejoint BHP Billiton, RWE, l’Institut Grantham de Nicholas Stern et la Fondation de nations unies ainsi que d’autres afin de monter la Commission pour la transition énergétique [Energy Transition Commission] afin d’ « aider la politique énergétique et l’élaboration des décisions ».[liv]

[LA BOÎTE  À OUTILS DES LOBBIES]

 Laissons ça aux lobbies : les groupes de pression incluent les associations commerciales, comme EUROGAS, EURELECTRIC ou les lobbies de la chimie comme CEFIC ainsi que des groups intersectoriels comme  le World Business Council on Sustainable Development (WBCSD), l’International Chamber of Commerce (ICC) et  BusinessEurope.

Ils sont les clefs du lobbying au niveau européen et international, organisant de multiples conférences et sommets, des campagnes d’écoblanchiment ainsi que l’accès à tout ce qui se passe d’important derrière les portes fermées avec les décideurs.

A Bruxelles, l’ Association de la fabrication automobile [European Automobile Manufacturers Association] (ACEA)—dont le Président actuel, issu de Renault Nissan, est un des sponsors de la COP21 — a lute en permanence contre des normes de pollution automobile plus strictes en ajournant les nouvelles procédures de test au nom de ses membres— y compris Volkswagen, qui présidait aussi le groupe.[lv]

[LA BOÎTE  À OUTILS DES LOBBIES]

Ingrédient 5 : Les affaires comme d’habitude

 « l’agriculture industrielle n’est pas la cause du changement climatique, elle est éco-intelligente – et nous avons un schéma volontaire pour la promouvoir»

 Argument majeur : selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies, UN Food and Agricultural Organization (FAO), l’agriculture éco-intelligente devrait « sérieusement améliorer la production agricole et les revenus », « s’adapter et montrer de la résilience face au changement climatique », et « réduire ou suspendre les émissions de gaz à effets de serre.»[lvi]

 Qui le met en avant : l’Alliance mondiale pour une agriculture éco-intelligente [Global Alliance on Climate Smart Agriculture] (GACSA), y compris la FAO (qui l’accueille) ; la Banque mondiale ; l’industrie du commerce alimentaire (dont McDonalds, Unilever et Nestlé) ; l’industrie des semences (Syngenta, Monsanto) ; 21 gouvernements (dont la France, le Mexique, les US et les Pays-Bas) ; et quelques ONG et organisations d’agriculteurs—avec, d’une façon plus importante l’industrie des engrais (qui représente 60% des membres du secteur privé de GACSA)

 Exemple : la GACSA a  été créée lors du sommet sur le climat organise par Ban Ki-moon en Septembre 2014, avec Walmart, McDonald’s et la Compagnie Kellogg, tous impliqué dans l’usage de l’alimentation «  éco-intelligente» dans leurs chaînes. Le vice-président de Yara Initiatives globales, stratégies et développement commercial [Global Initiatives, Strategy and Business Development], Sean de Cleene, dit que « 2015 et 1016 seront les années où nous passerons de la construction d’un mouvement mondial à l’action sur le terrain » et le concept clef est l’agriculture éco-intelligente, un domaine où Yara a des produits et du savoir. [lvii] Le géant norvégien de l’engrais , appartenant à 40 % au gouvernement norvégien et à un fond de pension national voit l’agriculture éco-intelligente comme une « intensification durable » en utilisant les engrais synthétiques, qui dit-il, réduisent la déforestation.[lviii]  D’un autre côté, Syngenta and Monsanto considèrent que l’agriculture éco-intelligente utilise des semences génétiquement modifiées (GM) tolérantes  aux herbicides toxiques (qu’ils fabriquent, comme par hasard), sur la base de la suppression des mauvaises herbes sans que les sols soient labourés  pour les contrôler., et donc gardant le CO2 dans le sol. ( non prouvé scientifiquement et non spécifique aux céréales GM).[lix]

 Ce que cela signifie pour le monde réel :  la très médiatisée GACSA a fait la promesse de «protéger 500 millions de fermiers contre le changement climatique tout en augmentant la productivité agricole et en réduisant les émissions carbones. »[lx] mais le manque de définition ou de critères de l’« éco-intelligence » la transforme en véhicule pour les mêmes compagnies que celles qui créent la déforestation, la disparition de la bio-diversité , le pillage des terres à travers le fermage intensif et les semences GM pour pousser leur modèle commercial—maintenant inclus dans la marque de « l’éco-intelligence» GRAIN le décrit comme « essentiellement un relookage de la Révolution verte.»[lxi]

 Les engrais synthétiques sont un des produits les plus consommateurs d’énergie fossile à créer et à utilise, ce qui explique pourquoi Yara et d’autres font pression durement pour la fracturation hydraulique en Europe  —donc, pas vraiment éco-intelligent.

De même les agriculteurs travaillant à petite échelle sont d’accord pour dire que les semences GM érodent la diversité des semences, ce qui est crucial pour l’adaptation au climat, et que donc, elles ne sont pas très éco-intelligentes non plus. En fait, les compagnies de la biotechnologie comme Syngenta and Monsanto essaient de privatiser et de contrôler le marché des semences tout en criminalisant les fermiers pour leur pratique vitale de préservation des semences, disant qu’on leur vole une propriété intellectuelle. [lxii]

Les multinationales poussant leurs fausses solutions essaient également de faire croire que leurs projets sont à considérer pour une compensation carbone.  C’est-à-dire qu’elles seraient candidates pour le financement des pollueurs  qui veulent payer quelqu’un d’autre pour qu’il baisse ses émissions à leur place.  (voir le chapitre sur le prix mondial du carbone).  Ceci en dépit des expériences passées des compensations carbone qui ont conduit à des confiscations de terres et à des abus de droits humains tout en manquant à faire baisser les émissions, tout cela aussi bien au Sud qu’au Nord.[lxiii] Cette pratique a été rejetée par le mouvement mondial des fermiers  La Via Campesina, qui a refusé de joindre la GACSA.[lxiv] Les multinationales veulent aussi que les projets de la GACSA soient candidats pour le financement international devant aider les pays à s’adapter au changement climatique — ce qui signifie que le financement du climat pourrait aller directement dans les poches de certains des plus grands criminels climatiques.

 Où cela se passera-t-il à Paris : des centaines de groupe de la société civile ont appelé l’ UNFCCC à rejeter l’agriculture éco-intelligente,[lxv] la cataloguant “de plate-forme influençant les décisions politiques pour les délinquant environnementaux les pires.[lxvi] Mais la GACSA la veut dans ses négociations.

Les pays qui ont signé jusqu’ici auront à confirmer leur support officiel, il faut donc s’attendre à des communiqués. On le verra probablement figurer dans les communiqués de l’agenda Lima-Paris «Lima-Paris Action Agenda/Agenda for Solutions ». Le Forum du paysage global [The Global Landscapes Forum] et la conférence d’un jour [one day’s] Climate-Kic [lxvii] se concentreront également sur ce thème. Mais si nous sommes sérieux sur le fait de rafraîchir la planète en changeant les systèmes de production et de consommation, alors l’agriculture paysanne est la seule solution réelle.

 [L’industrie agro-alimentaire : le nouveau pétrole ?[lxviii]]

L’industrie des engrais synthétiques a été appelée par GRAIN : « l’industrie pétrolière du monde alimentaire.»[lxix]  Ils représentent la plus large source d’émissions dues à l’exploitation agricole et reposent sur des énergies fossiles bon marché et sur les affaires comme d’habitude. Un de leur pire représentant est la firme norvégienne Yara, le plus gros producteur d’engrais au nitrogène, qui coordonne également le lobby du gaz de schiste en Europe. Yara et ses compagnons d’industrie a consommé la majorité du gaz de schiste produit aux USA[lxx] et veulent un accès identique au gaz bon marché d’Europe.[lxxi]

Produire des engrais synthétiques, en particulier le nitrogène exige d’énormes quantités d’énergies fossiles, responsables de 162% des gaz à effet de serre. Mais ceci n’est qu’une fraction des émissions totales comparées à son application dans les sols et que du NO2 est libéré.  Ce gaz est 300 fois plus puissant comme gaz à effet de serre que le CO2. De nouvelles recherches montrent qu’en 2015 seulement, les engrais synthétiques à eux seuls généreront plus de gaz à effet de serre que toutes les voitures et les camions sur la route des USA.[lxxii]

Yara et d’autres ont créé un nombre de groups de pression de chaque côtés de l’Atlantique afin de s’assurer que leur modèle commercial est considéré comme une « solution» climatique. Yara a été nominé pour l’Award des Pinocchio du climat 2015 dans la catégorie écoblanchiment pour avoir utilisé la Global Alliance for Climate Smart Agriculture afin de promouvoir l’usage des engrais comme une solution mondiale au climat.[lxxiii]

 [LA BOÎTE  À OUTILS DES LOBBIES]

 Les cabinets-conseil des lobbies : les cabinets-conseil des lobbies sont les tueurs à gage du monde de l’entreprise. Pour la somme adéquate ( beaucoup d’argent), ils vont reconstruire votre réputation endommagée, vous assurer l’accès aux politiciens, injecter des histoires dans les médias et même créer des groupes de citoyens, comme ça a été le cas avec les pro-fracturation Coalition citoyenne pour une énergie responsable [Responsible Energy Citizens Coalition].[lxxiv]

Selon de Registre de la transparence de l’UE, Yara a trois cabinets-conseil différents travaillant pour lui, alors que ExxonMobil en a six sur Bruxelles, partie d’une dépense totale de 4 millions d’euros en 2014.[lxxv] Un nouveau rapport de CEO, qui sera publié pendant la COP 21, donnera plus de détails sur ces transactions dégoûtantes.

[LA BOÎTE  À OUTILS DES LOBBIES]

Les portes tournantes : Embaucher d’ex-politiciens  est un moyen consacré utilisé par les lobbies des grandes entreprises pour avoir accès au processus législatif, parce que ces individus très recherché apportent avec eux l’expertise et les contacts personnels qu’ils ont construits. Dans les bureaux publics, leur permettant d’ouvrir les portes autrement restées fermées. Les cabinets-conseil éditent même des comptes rendus de presse après avoir embauché un ex-politicien haut fonctionnaire afin que de potentiels clients soient avertis.  Mais des rôles moindres ont aussi de l’importance : l’ex-commissaire de l’environnement de l’UE, Janez Potočnik, par exemple, est récemment devenu membre du Forum européen pour l’avenir de l’agriculture  [European Forum for the Future of Agriculture] une création de l’organisation des propriétaires terriens européens  et l’une des plus grosses compagnies de pesticides au monde, Syngenta, qui est aussi un memebre de la GACSA.[lxxvi]

Est-ce que les affairistes ont déjà fait main basse sur la COP21 ?

 Les leaders mondiaux se sont alignés pour proclamer l’économie actrice clef dans la maîtrise du changement climatique, participant à leurs conférences et créant de nouvelles plateformes pour leurs investissements. Donc, est-ce que les affaires ont mis main basse sur la COP21 ?

Il semble que oui.  Les résultats de Paris ne peuvent pas être obtenus à cause des positions prises par les pays les plus responsables du changement climatique avant même qu’ils ne viennent à Paris et les relations intimes qu’ils entretiennent avec l’industrie sale à un niveau national . La COP21 est un symptôme de cela, cuisinée à l’avance par les pollueurs travaillant main dans la main avec les plus riches et les plus puissants gouvernements. La main mise des multinationales représentées par les négociations en cours pour le Transatlantic et le Transpacific trade (respectivement TTP et TTIP) n’en est qu’une preuve supplémentaire.[lxxvii]

Ce qui sortira des salles de négociations parisiennes peut ne pas être à la hauteur du climat mais en dehors d’elles, les efforts pour ôter la peau de relations publiques des trusts et exposer les varies raisons derrière l’échec de Paris pourraient avoir un impact plus fort, mettant en cause ces relations de copinage entre pollueurs et décideurs. Aucune COP ne va fournir d’action sensée sans un changement fondamental d’approche.

Mais cela s’est produit avant. Par exemple, l’Organisation mondiale de la [World Health Organisation] (WHO) a réalisé que rien ne pourrait jamais avoir d’influence sur la consommation de tabac si elle avait à négocier avec le lobby du tabac qui était incompatible avec les intérêts de la santé publique.  Aussi introduirent-ils un mur entre les officiels de la santé publique et les industriels du tabac, officiellement appelé Article 5.3 sous la Convention pour le contrôle du tabac [United Nations Framework Convention] (UNFCTC).  (tous les pays qui la signe – y compris la Commission européenne et d’autres états membres sauf les US– doivent y souscrire à un niveau national.

L’impact sur le monde réel de l’industrie des énergies fossiles et des criminels du climat est bien pire et beaucoup d’organisations font campagnes pour que les gros pollueurs soient éjectés tous hors des décisions politiques.  —au niveau de l’UE comme au niveau national.[lxxviii] Si Paris est un moment clef vers la délégitimisation de cette relation entre monde politique et monde des affaires, cela fera plus pour sauver le climat qu’aucun document officiel qui sortira de la COP21.

Conclusion

Regardons au-delà de l’emprise tentaculaire et des outils multiples du lobbying. Pelons les relations publiques et les slogans à l’image progressive.  Ce qui reste est une recette pour cuisiner la planète, tous les ingrédients nécessaires pour resservir les affaires comme d’habitude, gardant les mêmes multinationales  qui ont profité de la destruction du climat assis en premières loges.

  • Depuis la crise économique on nous dit que la croissance est plus importante que le salut du climat, en dépit des preuves que les actions effectives sur la climat— comme la mise aux normes des maisons ou l’encouragement de la décentralisation des énergies renouvelables —peuvent avoir un effet étendu sur l’économie, et des bénéfices sociaux et environnementaux.
  • Les compagnies gazières et pétrolières, qui ont bien sûr investi lourdement dans les énergies fossiles essaient de nous convaincre que mettre à la poubelle ces sources d’énergie est une mauvaise idée, en dépit du fait qu’elles sont un cause essentielle au changement climatique.
  • On nous dit qu’établir un prix carbone mondial et le laisser au marché est la meilleure option—en dépit de l’expérience qui nous a montré que le marché n’est pas à la hauteur du défi et que ce qui est nécessaire c’est moins de marché et plus de démocratie.
  • On nous presse de jouer avec les délais dans les réductions d’émissions jusqu’en 2030, sur la base qu’il puisse y avoir, d’ici là, une technologie hautement expérimentale et coûteuse qui puisse extraire les émissions de CO2 de l’atmosphère, même si ces technologies sont susceptibles de conduire à des confiscations de terres sans précédent.
  • Nous devrions aussi accepter le réemballage de l’industrie agricole— qui est responsable d’au moins la moitié des émissions mondiales—comme étant respectueuse du climat parce que des alternatives efficaces et centre sur les personnes, l’agriculture agro-écologique est une menace pour l’agriculture biotechnologique.

Tout ceci ne devrait  pas être une surprise si protéger les nantis est la première motivation. Mais les gouvernements devraient-ils les écouter ?

Selon le fondateur, directeur de l’Institut de Postdam et conseiller du gouvernement allemand et du Pape Francis, Hans Joachim Schellnhuber, les compagnies pétrolières et gazières « doivent imploser » si nous voulons éviter un désastre climatique.[lxxix] Cependant la responsable des pourparlers d l’UE, Christiana Figueres, a dit que nous devions « cesser de les diaboliser ».[lxxx]

Vraiment ? Si nous transformons notre système énergétique et économique, alors ceux qui ont consacré leurs intérêts dans son absence de changement ne devraient  être autorisés nulle part aux tables des négociations ou même dans les couloirs du pouvoir.  Nous n’inviterions pas les compagnies du tabac à avoir du poids dans des décisions de santé publique, alors pourquoi serait-ce différent pour le climat ?

De vraies solutions existent et sont pratiquées au sein des communautés autour du monde—de l’énergie possédée localement et renouvelable à l’entretien des forêts à l’agriculture paysanne écologique.  Pourquoi donc les criminels du climat et leurs groupes de pression ont-ils un accès privilégié aux décideurs alors que tous les autres restent sur la ligne de touche ?

Paris peut être un moment important pour dire « non» à l’agenda des affaires et aux fausses solutions qu’il propose ! Et « Oui» aux solutions communautaires qui sont déjà entrain de rafraîchir la planète et défier le statu quo.

Paris doit être un moment où ce message sera véhiculé fortement et clairement, permettant de construire des fondations toutes neuves en 2016 et au-delà.

 

[1] Pour trouver plus de détails et voir les mises à jour : http://www.wemeanbusinesscoalition.org/events

[2]              Pour plus d’informations, voir, par exemple, les Pinocchio Awards 2015, http://www.pinocchio-awards.org/

[3]          McGlade and Ekins, (2015) ‘La distribution géographique des energies fossils inutilisées lors d’une limitation du réchauffement climatique à 2°C. Nature, 517: 187-190, http://www.nature.com/nature/journal/v517/n7533/full/nature14016.html

[4]          http://www.chevron.com/weagree/

[i]       Business Green, 15 May 2015, Industry lobbyists ‘trying to undermine’ Paris Climate Summit, http://www.businessgreen.com/bg/analysis/2408354/industry-lobbyists-trying-to-undermine-paris-climate-summit

[ii]      WBCSD website, accessed 7 November 2015, http://www.wbcsd.org/about/history.aspx

[iii]     WBCSD, ‘WBCSD Perspective on the 2015 Climate Change Agreement’, September 2014, http://www.wbcsd.org/Pages/eNews/eNewsDetails.aspx?ID=16324&NoSearchContextKey=true

iv Quoted in article by Pilita Clark, December 2014, ‘Business Calls for Greater Say in Climate Talks’, Financial Times, covered in http://corporateeurope.org/blog/business-wants-seat-climate-negotiating-table

vi Speaking at the Business & Climate Summit, Paris, 20 May 2015

viiSpeaking at the Business & Climate Summit, Paris, 20 May 2015

viii Speaking at the Business & Climate Summit, Paris, 20 May 2015

[ix]     Climate Home, May 2015, ‘Stop demonising oil and gas companies, says UN climate chief’, http://www.climatechangenews.com/2015/05/26/stop-demonising-oil-and-gas-companies-says-un-climate-chief/

[x]      Christiana Figueres CV, http://www.figueresonline.com/CFO_English_Long.pdf

[xi]     Hoda Barak, quoted in a 350.org press release, ‘53,000+ Call on UNFCCC to Ban Fossil Fuel Corporations from the Climate Talks’, http://350.org/press-release/53000-call-on-unfccc-to-ban-fossil-fuel-corporations-from-the-climate-talks/

[xii]    Press statement by Leif Johansson, 19 February, ERT, http://corporateeurope.org/sites/default/files/2014_february_-_ert_meeting_with_hollande_merkel_barroso_-_press_statement_by_leif_johansson.pdf

[xiii]   CEO (2014), The ‘Permanent Liaison: how ERT and BusinessEurope set the agenda for the EU Summit, http://corporateeurope.org/fr/node/1762

[xiv]   John Danilovich, Secretary-General of the ICC, writing in the Financial Times, June 2015, ‘Climate policy embraces a range of approaches’ http://www.ft.com/intl/cms/s/0/22d0949a-0975-11e5-b643-00144feabdc0.html#axzz3plRUcoCA

xv Arthur Neslen, January 2014, ‘EU Sets out to ‘walk now, sprint later’ 2030 clean energy vision, Euractiv, http://www.euractiv.com/energy/eu-sets-walk-sprint-2030-clean-e-news-532960

xvi CEO (2015), TTIP: A box of tricks for corporate climate criminals, http://corporateeurope.org/international-trade/2015/10/ttip-box-tricks-corporate-climate-criminals

[xvii]  Press Factsheet, 27 March 2015, The Agenda of Solutions or the Lima-Paris Action Plan, http://www.cop21.gouv.fr/en/file/611/download?token=DtOIUeWy

[xix]   Upstream, June 2015, ‘French giants in call to arms against coal’, http://www.wgc2015.org/wp-content/uploads/2015/06/WGC_Day2.pdf

[xx]    Vidar Helgesen, Norwegian Minister for Europe, speaking at the Business and Climate Summit in Paris, 20 May 2015

xxi  Karel Beckman, June 2015, ‘Going for gas: the risky strategy of the world’s largest gas companies’, EnergyPost, http://www.energypost.eu/betting-farm-natural-gas-risky-strategy-worlds-largest-companies/

[xxii]  The Guardian, Fossil fuel firms accused of renewable lobby takeover to push gas, January 2015, http://www.theguardian.com/environment/2015/jan/22/fossil-fuel-firms-accused-renewable-lobby-takeover-push-gas

[xxiii] New York Time, Answering for Taking a Driller’s Cash, February 2013, http://www.nytimes.com/2012/02/14/science/earth/after-disclosure-of-sierra-clubs-gifts-from-gas-driller-a-roiling-debate.html

[xxiv] Public Report and DesmogBlog, (2014), Natural Gas Exports: Washington’s Revolving Door Fuels Climate Threat, http://www.desmogblog.com/sites/beta.desmogblog.com/files/Natural%20Gas%20Exports-%20Washington’s%20Revolving%20Door%20Fuels%20Climate%20Threat.pdf

[xxv]  Howarth, R. W. (2014) ‘A bridge to nowhere: methane emissions and the greenhouse gas footprint of natural gas’, Energy Science & Engineering, 2(2), pp. 47-60 http://onlinelibrary.wiley.com/store/10.1002/ese3.35/asset/ese335.pdf?v=1&t=idrfizbt&s=6750d5df961747c4584557e7d89d66c87ff5114e

[xxvi] Karel Beckman, June 2015, ‘Going for gas: the risky strategy of the world’s largest gas companies’, EnergyPost, http://www.energypost.eu/betting-farm-natural-gas-risky-strategy-worlds-largest-companies/

[xxvii]        Fatih Birol, chief economist for the IEA, quoted in The Guardian, May 2012, ‘Golden age of gas’ threatens renewable energy, IEA warns, http://www.theguardian.com/environment/2012/may/29/gas-boom-renewables-agency-warns

[xxviii]       Leaked trade documents, September 2013, Non Paper – Raw Materials and Energy, http://big.assets.huffingtonpost.com/TTIPNonPaper.pdf

[xxix] Naomi Oreskes (August 2014) ‘Wishful thinking about natural gas: why fossil fuels can’t solve the problems created by fossil fuels‘, Energy Post, http://www.energypost.eu/wishful-thinking-natural-gas-fossil-fuels-cant-solve-problems-created-fossil-fuels/

[xxx]  Philippe Joubert, Senior Advisor to the WBCSD, speaking at the Business & Climate Summit, Paris, 20 May 2015

[xxxi]Carbon Disclosure Project (2014) Global Corporate Use of Carbon Pricing – Disclosure to Investors,

https://www.cdp.net/CDPResults/global-price-on-carbon-report-2014.pdf

[xxxii]David Hone, Shell Climate Change Advisor, speaking at the international conference ‘Towards a Global Carbon Market – Prospects for Emissions Trading’, hosted by the German Ministry of Environment, 11-12 April 2013

xxxiv INDC Tracker, hosted by Carbon Pulse, http://carbon-pulse.com/indcs/

[xxxiv]       José Manuel Entrecanales Domecq, CEO of Acciona, speaking at the Business & Climate Summit, Paris, 21 May 2015

[xxxv]        Gar Lipow, November 2011, ‘CDM Still a Miserable Failure’, Grist, http://grist.org/article/2011-11-14-cdm-still-a-miserable-failure/

[xxxv]       The top corporate package at Solutions COP21 is €250,000, according to a pdf brochure which has since been taken  offline

[xxxix]       WBCSD Perspective on the 2015 Climate Change Agreement, WBCSD website, accessed 27 October 2015, http://www.wbcsd.org/Pages/EDocument/EDocumentDetails.aspx?ID=16324&NoSearchContextKey=true

[xl]     Sustainable Brands, September 2015, ‘Climate Week: B Team Reminding Business, World Leaders of Undeniable #BusinessCase for Net Zero’, http://www.sustainablebrands.com/news_and_views/brand_innovation/sustainable_brands/climate_week_b_team_reminding_business_world_lead

[xli]    UNFCCC, press release, July 2015, Figueres welcomes scientists’ call for long term climate direction, http://newsroom.unfccc.int/unfccc-newsroom/leading-scientists-call-for-long-term-climate-vision/

[xlii]   Shell, (2013), New Lens Scenarios: A shift in perspective for a world in transition, http://s01.static-shell.com/content/dam/shell-new/local/corporate/Scenarios/Downloads/Scenarios_newdoc.pdf  and David Hone, Climate Change Advisor for Shell, June 2015, Four Demands for Paris, http://blogs.shell.com/climatechange/2015/06/fourdemands/

[xliii]  Biofuelwatch, (2011) Biochar: A Critical Review of Science and Policy, http://www.biofuelwatch.org.uk/wp-content/uploads/Biochar-Report3.pdf

[xliv]  Fuss et al. (2014) ‘Betting on Negative Emissions’, Nature Climate Change, 4, pp. 850-853

[xlv]   Action Aid (2015) Caught in the Net: How ‘net zero emissions’ will delay real climate action and drive land grabs, http://www.actionaid.org/sites/files/actionaid/caught_in_the_net_actionaid.pdf

[xlvi]  For more information, see the Carbon Trade Watch website, for example, Double Jeopardy: Carbon Offsets and Human Rights Abuses, September 2009, http://www.carbontradewatch.org/multimedia/video/carbon-connection/double-jeopardy-carbon-offsets-and-human-rights-abuses.html

[xlvii] Carbon Brief, February 2015, The 15 options for net-zero emissions in the Paris climate text, http://www.carbonbrief.org/briefing-the-15-options-for-net-zero-emissions-in-the-paris-climate-text/

[xlviii]        AD HOC WORKING GROUP ON THE DURBAN PLATFORM FOR ENHANCED ACTION, Version of 23 October 2015@23:30hrs, Draft agreement and draft decision on workstreams 1 and 2 of the Ad Hoc Working Group on the Durban Platform for Enhanced Action, available at http://unfccc.int/files/bodies/application/pdf/ws1and2@2330.pdf

[xlix]          Oliver Gedin, (2015), ‘Ensuring the Quality of Scientific Climate Policy Advice’, SWP Comments, 30, Stiftung Wissenschaft und Politik http://www.swp-berlin.org/fileadmin/contents/products/comments/2015C30_gdn.pdf

[l]       Out of the three large-scale injection projects, scientists have confirmed significant unexpected fractures in two of those geological formations, with one scheme abandoned because the pressure from CO2 injections had made the formation unstable. Biofuelwatch (2012) BECCS: Climate saviour or dangerous hype?, http://www.biofuelwatch.org.uk/wp-content/uploads/BECCS-report.pdf

[li]      Biofuelwatch (2012) BECCS: Climate saviour or dangerous hype?, http://www.biofuelwatch.org.uk/wp-content/uploads/BECCS-report.pdf

[lii]     Naomi Klein, The Guardian, September 2014, The hypocrisy behind the big business climate change battle, http://www.theguardian.com/environment/2014/sep/13/greenwashing-sticky-business-naomi-klein

[liii]    http://www.oilandgasclimateinitiative.com/

[liv]    http://www.energy-transitions.org/

[lv]     CEO, (2015), Power of Car Industry Lobby Makes Scandal Inevitable, http://corporateeurope.org/power-lobbies/2015/09/power-car-industry-lobby-makes-scandal-inevitable  

[lvi]    FAO, ‘About Climate Smart Agriculture’, accessed 28 October 2015, http://www.fao.org/climatechange/climatesmart/en/

[lvii]   Yara, March 2015, ‘Pushing climate smart agriculture’, http://yara.com/media/news_archive/pushing_climate_smart_agriculture.aspx

[lviii]  Yara, March 2015, ‘Pushing Climate Smart Agriculture’, http://yara.com/media/news_archive/pushing_climate_smart_agriculture.aspx

[lix]    CGIAR, (2013), Climate-smart agriculture success stories from farming communities around the world, https://ccafs.cgiar.org/fr/node/47008#.VgEIEX1dckk 

[lx]     Climate Summit 2014, ‘Climate Summit Launches Efforts Towards Food Security for 9 Billion People by 2050’, press release, September 2014, http://www.un.org/climatechange/summit/wp-content/uploads/sites/2/2014/05/AGRICULTURE-PR.pdf

[lxi]    GRAIN, (2014), Food Sovereignty: 5 steps to cool the planet and feed its people, https://www.grain.org/article/entries/5102-food-sovereignty-5-steps-to-cool-the-planet-and-feed-its-people

[lxii]   La Via Campesina and GRAIN, (2015), Seed laws that criminalise farmers, Resistance and Fightback, http://viacampesina.org/en/images/stories/pdf/2015-Seed%20laws%20booklet%20EN.pdf

[lxiii]  For more information, see the Carbon Trade Watch website, for example, Double Jeopardy: Carbon Offsets and Human Rights Abuses, September 2009, http://www.carbontradewatch.org/multimedia/video/carbon-connection/double-jeopardy-carbon-offsets-and-human-rights-abuses.html

[lxiv]  La Via Campesina, ‘Don’t turn farmers into ‘climate smart’ carbon traders!, press release, November 2013, http://viacampesina.org/en/index.php/actions-and-events-mainmenu-26/-climate-change-and-agrofuels-mainmenu-75/1515-climate-summit-don-t-turn-farmers-into-climate-smart-carbon-traders

[lxv]   Civil society statement, september 2015, ‘Don’t be Fooled! Civil society says no to “climate smart agriculture” and urges decision-makers to support agroecology’, http://www.climatesmartagconcerns.info/cop21-statement.html

[lxvi]  Open Letter from Civil Society on the Global Alliance for Climate-Smart Agriculture, July 2014, http://www.climatesmartagconcerns.info/open-letter.html

[lxvii] Journey to Paris: Climate Smart Agriculture at COP21, 9 December, organised by Climate-Kic, http://www.climate-kic.org/events/journey-to-paris-climate-smart-agriculture-at-cop21/

[lxviii]        For a full overview of Yara’s activities and the role of the fertiliser industry see GRAIN (2015), The Exxons of Agriculture, https://www.grain.org/article/entries/5270-the-exxons-of-agriculture

[lxix]  GRAIN (2015), The Exxons of Agriculture, https://www.grain.org/article/entries/5270-the-exxons-of-agriculture

[lxx]   US Energy Information Administration, July 2015, ‘New methanol and fertilizer plants to increase already-growing industrial natural gas use,’ http://www.eia.gov/todayinenergy/detail.cfm?id=22272&src=email

[lxxi]  For a full overview of Yara’s activities and the role of the fertiliser industry see GRAIN (2015), The Exxons of Agriculture, https://www.grain.org/article/entries/5270-the-exxons-of-agriculture

[lxxii] GRAIN (2015), The Exxons of Agriculture, https://www.grain.org/article/entries/5270-the-exxons-of-agriculture

[lxxiii]        For more information see http://www.pinocchio-awards.org/

[lxxiv]        CEO (2012), Citizens coalition or industry front group? Covert lobbying for shale gas enters European Parliament, http://corporateeurope.org/climate-and-energy/2012/11/citizens-coalition-or-industry-frontgroup-covert-lobby-shale-gas-enters

[lxxv] Yara employs LOGOS Public Affairs, EPPA, and The Brussels Office; ExxonMobil employs Burson Masteller, G Plus, Interel European Affairs, Fleishman-Hillard, Landmarks, Edelmam; information extracted from Lobbyfacts.eu on 8 November 2015, http://lobbyfacts.eu/

[lxxvi]        CEO (2015), The Revolving Doors Spin Again, http://corporateeurope.org/revolving-doors/2015/10/revolving-doors-spin-again#Potočnik

[lxxvii]       CEO (2015), Dirty Hands on Dirty Deals, http://corporateeurope.org/sites/default/files/dirtydeals_small.pdf

[lxxviii]      For more information, see http://kickbigpollutersout.org/

[lxxix]        Hans Joachim Schellnhuber, quoted in the Guardian, July 2015, ‘Fossil fuel industry must ‘implode’ to avoid climate disaster, says top scientist’, http://www.theguardian.com/environment/2015/jul/10/fossil-fuel-industry-must-implode-to-avoid-climate-disaster-says-top-scientist

 

[lxxx] Climate Home, May 2015, ‘Stop demonising oil and gas companies, says UN climate chief’, http://www.climatechangenews.com/2015/05/26/stop-demonising-oil-and-gas-companies-says-un-climate-chief/

Après la lapidation d’une jeune afghane, “Comment ne pas croire que demain ce sera notre tour ?”

How can we believe to morrow isn’t our turn? in Global Voice

Cet article devait trouver sa place dans les échanges du site Global Voice, il a été écrit avant les attentats de Paris et la traduction en français est restée en suspens à cause de la sensibilité du thème dans un tel contexte Mais il faut le publier, il faut que le plus de personnes possible lisent ce qui est le sort des femmes afghanes aux prises avec un des systèmes patriarcaux les plus mortifères de la planète. Au-delà des considérations socio-religieuses, politiques ou culturelles, il semble qu’on peut simplement se demander comment les règles de ce patriarcat permettent d’ôter, au nom de l’honneur et du pouvoir aveugle des hommes sur toutes les femmes, la vie à un individu dans des conditions aussi terribles. La souffrance, la lenteur de la mort donnée, la vue des blessures et le bruit des chocs sur les os… comment une créature peut-elle s’adonner à une telle fête de la barbarie ?

Avertissement : cet article contient des images choquantes 

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Une image de la vidéo de RFE/RL montrant une jeune femme lapidée à mort.
Fin octobre, une jeune Afghane accusée d’adultère a été lapidée à mort à Firozkho, capitale de la province de Ghor. Une courte vidéo, obtenue par Radio Free Europe, montre la jeune femme, identifiée sous le nom de Rokhshana, enterrée jusqu’au cou et hurlant pendant que des hommes lui jettent des pierres en chantant ” Il n’existe pas d’autre Dieu qu’Allah “. (Avertissement : séquence extrêmement perturbante).
“Rokhshana a été contrainte d’épouser un vieil homme contre sa volonté et elle a été lapidée après avoir été surprise en train de fuir avec un autre homme dans la province de Ghor” a dit à Tolo News le Général Mustafa, chef de la police de la province de Ghor après la lapidation du 25 octobre.
La Gouverneure de la province Seema Joyenda — une des deux seules femmes gouverneures d’Afghanistan – dit que la famille de Rokhsana l’a mariée contre sa volonté.
“L’homme qui s’est enfui avec elle a été puni d’une façon très clémente et n’a subi aucune violence physique” ajoute-t-elle, “c’est le premier incident dans cette zone et ce ne sera pas le dernier “.

The stoning to death of 19 year old Afghan girl Rokhshana is a reminder of the old Afghan proverb “Women are made for homes or for graves”.

— Saif Rahman (@SaifRRahman) November 6, 2015

La lapidation à mort de Rokhashana, jeune afghane de 19 ans, est un rappel du proverbe afghan : “Les femmes sont faites pour la maison ou pour la tombe”.

Un officiel local, Mohammad Zaman Azimi, blâme les talibans, qui contrôlent le village où la lapidation a eu lieu.

Le quotidien local 8 am affirme que l’ordre de lapidation de Rokhshana a été donné par un religieux, Mollah Yosuf, qui lui avait demandé plusieurs fois d’épouser son frère malgré son refus constant. Abdul Hai Khatibi, le porte-parole du gouverneur de la province dit que le rejet du frère de Yosuf par Rokhsana était la cause directe de la lapidation.

Selon des recherches menées par 8 am, Rokhshana était une jolie femme mais n’avait étudié que jusqu’en 6ème. C’était le deuxième fois qu’elle s’enfuyait de son domicile à cause d’un mariage arrangé.

La première fois elle s’est enfuie avec un homme qu’elle aimait quelques mois après avoir été forcée par sa famille à épouser un homme riche de la localité.

Cependant, ils n’eurent pas d’autre possibilité que de retourner dans leur village après que la famille du mari eut menacé la famille de Nabi et les eut pris en otage. Quand elle revint, son mari n’était plus intéressé par le fait de l’épouser et s’était marié avec sa sœur.

Néanmoins les aînés du village ont interdit à Rockhshana et Nabi de se marier.

Les tribulations de Rockhshana ont continué. Un homme de 55 ans a offert à son père une énorme somme d’argent pour pouvoir l’épouser. Bien qu’elle ait refusé et ait averti son père qu’elle s’enfuirait de nouveau, il a accepté cette proposition.

Elle mit sa menace à exécution, cette fois en s’enfuyant avec Gul Mohammad, fils d’un homme puissant du village. Tandis que Rokhshana était lapidée à mort, Gul recevait une punition plus légère de 100 coups de fouet et était renvoyé chez lui.

Le Président Ashraf Ghani a déclaré la lapidation non-islamique et criminelle et a ordonné une enquête approfondie sur ce fait-divers.

Les députés ont aussi condamné . Fawsia Koofi, une femme-députée de Badakhshan, qui avait fait campagne sans succès pour l’élection à la présidence en 2014 a dit : “Depuis les débuts de ce nouveau gouvernement, c’est le deuxième crime le plus horrible dans l’histoire humaine”. En mars, une jeune femme, Farkhunda, avait été battue à mort puis brûlée par une foule en colère à Kaboul- suivant de fausses accusations selon lesquelles elle aurait brûlé le Coran.

When you see #Rokhshana‘s stoning video, you hate yourself as a man, you hate yourself as a human being.

— Muhib Shadan (@muhibshadan) November 5, 2015

Quand vous regardez la vidéo de la lapidation de Roskhana, vous vous haïssez en tant qu’homme, vous vous haïssez en tant qu’être humain.

La vidéo de deux minutes – vraisemblablement réalisée sur le téléphone portable d’un témoin oculaire – a entraîné un flot de critiques sur les médias sociaux.
L’incident a déclenché l’indignation contre les politiciens passifs ainsi que contre les religieux extrémistes.
Un utilisateur de Facebook a commenté sous la vidéo dans laquelle des arlementaires condamnent la lapidation :

Vous, politiciens inutiles continuez de parler comme toujours. Honte sur vous tous !

La nouvelle horrible de la lapidation de Rokhshana coïncide avec le succès de Maryam Monsef à l’élection au Parlement canadien. Mme Monsef, une réfugiée née en Afghanistan, est la Ministre des institutions démocratiques dans le nouveau cabinet jeune et diversifié du Premier ministre Justin Trudeau.

 

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Rokhshana (largement partagé)

Les usagers des médias sociaux afghans ont comparé la vie de ces deux femmes afghanes en protestation contre les nouvelles lois liées à la violence contre les femmes dans l’ère post-talibans.

Les féministes se sont levées en nombre afin de chercher à rendre justice à Rokshana. Le 6 novembre, elles ont publié un memorandum dans lequel elles demandent au gouvernement d’effectuer une enquête sérieuse, en identifiant les personnes qui ont ordonné la lapidation.

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Des femmes de Kaboul protestent contre la mise à mort de Rokhshana.

 

Beaucoup, cependant, considèrent ces actions comme inefficaces.Les cas de Farkhunda et de Rokhshana ont amené les femmes afghanes à douter que leurs vies, sans parler de leurs libertés puissent être garanties en Afghanistan.

This girl #Rokhshana was stonned in #Afghanistan. How can we believe tommorow is not our turn? pic.twitter.com/a6R4hbJULN

— Estagidia (@SmyAmazon) November 5, 2015

Cette fille, #Rokhshana a été lapidée en #Afghanistan. Comment ne pas croire que demain ce sera notre tour ?

Un usager de Facebook commente :

Comment est-ce possible que quelqu’un prenne une pierre et la lance sur une femme à moitié enterrée ? Comment pouvoir vivre avec soi-même après avoir fait ça ?

Le code pénal afghan ne reconnaît pas la lapidation. Cependant, en 2013, quelques religieux extrémistes de la Chambre basse ont tenté de la légitimer.

Heureusement pour les femmes afghanes, la pression internationale a forcé le Président d’alors, Hamid Karzai, à rejeter cette proposition et à la remplacer par une ” détention prolongée” pour punir l’adultère.

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

 

 

CONGO : DECLARATION CITOYENNE DU 13 NOVEMBRE 2015.

Lettre au Président

Friends of the Congo

 

Avis aux participants au « Dialogue politique » : la ligne rouge que le Peuple ne permettra pas de franchir, sous aucun prétexte.

DECLARATION CITOYENNE DU 13 NOVEMBRE 2015.

1 – Alors que la convocation du « dialogue politique » annoncée il y a de cela plusieurs mois par le Président Joseph Kabila semble enfin imminente, nous, les signataires de la présente déclaration ;

2 – Convaincus de refléter dans la présente déclaration l’opinion et la détermination de l’immense majorité silencieuse de nos concitoyens ;

3 – Reconnaissant le droit pour le président de la République de convoquer un « dialogue politique » lorsqu’il l’estime nécessaire, et celui pour tout Congolais d’y participer, à condition de ne pas s’écarter du strict cadre de notre Pacte républicain qu’est la constitution du 18 février 2006 ;

4 – Préoccupés par les nombreux obstacles à la préparation et la tenue effective d’élections libres, crédibles et inclusives dans le respect des délais constitutionnels ; obstacles manifestement créés, entretenus ou aggravés par les institutions de la République elles-mêmes ;

5 – Tenons à rappeler au président de la République, à l’ensemble de la classe politique congolaise, ainsi qu’à tous ceux qui prendront part à ce « dialogue » trois points précis sur lesquels notre Peuple n’acceptera jamais que l’on transige, à aucun prix et sous aucun prétexte, à savoir :

  1. La révision ou la modification de la constitution du 18 février 2006 : le « dialogue » qui pourrait bientôt être convoqué par le Chef de l’Etat ne doit en aucun cas servir à « légitimer » une quelconque révision ou modification de la constitution du 18 février 2006, par référendum ou par toute autre voie, comme cela s’est récemment produit avec le soi-disant « dialogue de Sibiti » au Congo-Brazzaville voisin. Certes, la constitution actuelle est loin d’être parfaite (surtout après la malheureuse révision du 9 janvier 2011), mais le temps n’est plus en même favorable, et les circonstances ne sont pas propices pour se donner le luxe d’y retoucher afin de préserver la démocratie que tous avons accepté d’entamer au travers le référendum qui avait consacré ce texte de force exécutoire pour la vie de la nation;
  2. L’alternance à la tête de l’Etat : le 21 décembre 2016 au plus tard, les Congolais veulent et attendent fortement la prestation de serment d’un nouveau président de la République, en remplacement du président actuel qui aura alors achevé son second et dernier mandat constitutionnel. Notre peuple ne permettra aucune excuse pour ne pas respecter rendez-vous historique. Si le « dialogue » entrevu peut permettre de lever les obstacles à la tenue d’élections crédibles, inclusives, apaisées, et respectueuses des délais constitutionnels, devant conduire à cette alternance politique historique, ce sera tout à l’honneur de son initiateur et des participants.
  • L’actualisation préalable du fichier électoral avec notamment l’enrôlement de tous les Congolais en âge de vote : des millions de Congolais ont atteint l’âge de 18 ans depuis le dernier enrôlement des électeurs en 2011. Ils ont le même droit irréfutable que n’importe quel autre Congolais de participer au processus électoral en cours. L’Etat doit absolument s’assurer qu’ils sont enrôlés et participent pleinement aux prochaines élections comme tous les autres citoyens, et le dialogue en vue ne doit en aucun cas permettre de dérogation à cette exigence.

6 – Nous mettons fortement en garde le président de la République, la classe politique dans son ensemble, et tous les participants à ce « dialogue » contre tout « compromis » qui aurait pour but ou pour conséquence de toucher à l’actuelle constitution, ou d’empêcher l’alternance politique au sommet de l’Etat en 2016, ou encore de priver les « nouveaux majeurs » de leur droit de vote.

7 – Pareil compromis signifierait pour notre peuple la rupture pure et simple du Pacte républicain et l’obligerait à user de tous les moyens légitimes pour reprendre sa souveraineté, conformément à l’article 64 de la constitution du 18 février 2006. Bien entendu, ceux qui s’aventureraient dans une quelconque compromission sur les questions sus évoquées seraient tenus pour comptables des conséquences devant notre Peuple et devant l’histoire.

8 – Nous mettons le président de la République, la classe politique et tous les participants à ce « dialogue » devant leur conscience et les appelons instamment à épargner au pays une nouvelle crise inutile.

Enfin, nous appelons les citoyens congolais à rester éveillés et mobilisés pour préserver la démocratie dans notre pays, quel que soit le prix à payer.

Fait à Kinshasa, le 13 novembre 2015.

 

Les signataires :

 

 

Notice to the attendees to the « Political dialogue » : the red line the People won’t allow to be crossed, under no pretext.

Citizen Declaration of November the 13th 2015.

1 – While the « political talks » notification announced many months ago by President Joseph Kabila seem to be at last pending, we, signatories of the present statement;
2 – Convinced to reflect in the present statement the opinion and determination of our fellow citizens’ silent vast majority;
3 – Recognizing the right of the President to summon a « political dialogue » when he considers it necessary, and for all Congolese to participate, provided they do not deviate from the strict framework of our republican pact that is the constitution of 18 February 2006;
4 – Concerned by the many obstacles to the preparation and actual holding of free, credible and inclusive elections in accordance with the constitutional deadlines; manifestly created , maintained or aggravated by the institutions of the Republic themselves;
5 – Like to remind the President of the Republic,  and all the Congolese political class as well as all those who take part in this « dialogue »  three specific points on which our people will never accept that we compromise, at any price and under any circumstances, namely:

The revision or the amendment of the constitution of February 18, 2006: the « dialogue » that would soon be summoned by the Head of State must under no circumstances be used to « legitimize » any revision or modification of the constitution of February 18, 2006, by referendum or by any other way, as happened recently with the so-called « dialogue Sibiti » in the neighbouring Congo – Brazzaville. Certainly the present constitution is far from perfect (especially after the unfortunate revision of January 9, 2011), but the time is not the same, and the circumstances are not conducive to give themselves the luxury of touching itself so as to preserve the democracy that we all have agreed to enter into through the referendum that had dedicated this text executor forces for the life of the nation ;
The alternation at the head of the State: 21 December 2016 at the latest, the Congolese people want and expect strong swearing of a new President, replacing current President who will then have completed its second and last constitutional term. Our people will not allow any excuse for not respecting this historic rendezvous. If the foreseen « dialogue » can help remove obstacles to the holding of credible, inclusive, calmed, respectful of the constitutional deadlines, leading to an historic political change, it will be to the credit of its initiator and participants.
The prior update the electoral register including the enlistment of all Congolese in voting age: millions of Congolese have reached the age of 18 since the last registration of voters in 2011. They have the same irrefutable right than any other Congolese to take part in the current electoral process. The state must absolutely ensure that they are enrolled and fully participate in the forthcoming elections as any other citizens, and the dialogue in sight in order should in no case allow for derogation from this requirement. 6 – Nous mettons fortement en garde le président de la République, la classe politique dans son ensemble, et tous les participants à ce « dialogue » contre tout « compromis » qui aurait pour but ou pour conséquence de toucher à l’actuelle constitution, ou d’empêcher l’alternance politique au sommet de l’Etat en 2016, ou encore de priver les « nouveaux majeurs » de leur droit de vote.
6 – Such a compromise would mean for our people the sheer breach of the Republican Pact and would require him to use all legitimate means to regain its sovereignty, in accordance with the article 64 of the constitution of 18 February 2006. Of course, those who would venture in any compromise on the issues mentioned above would be held accountable for the consequences before our people and before history.
7 – We put the President, the political class and all participants in this « dialogue » in front of their conscience and call them urgently for saving the country a new unnecessary crisis.
Finally, we call for the Congolese people to remain alert and mobilized to preserve democracy in our country, whatever might be the cost.
Done at Kinshasa, November 13, 2015.

L’Index d’opacité financière [ Financial Secrecy Index] Par le Tax Justice Network

Document fourni par Tax Justice Network à partir de recherches sur les paradis fiscaux et le calcul du taux d’opacité financière.

Introduction 

L’Indice d’opacité financière [Financial Secrecy Index] évalue les juridictions suivant leur opacité et l’échelle de leurs activités extraterritoriales. Un classement politiquement neutre est un outil pour comprendre l’opacité financière mondiale, les paradis fiscaux, les juridictions de l’opacité ainsi que les flux financiers illégaux et les fuites de capitaux.

Cet index a été établi le 2 Novembre 2015

2015 Classement de l’opacité
1. Suisse
2. Hong Kong
3. USA
4. Singapoour
5. Les îles Caïman *
6. Luxembourg
7. Liban
8. Allemagne
9. Bahreïn
10. Les Emirats arabes unis (Dubaï)
11. Macao
12. Japon
13. Panama
14.  Les Îles Marshall
15. Le Royaume Uni *
* Territoires britanniques outre-mer ou appartenant à la couronne. Si les territoires britanniques étaient rassemblés, ils seraient au sommet de la liste.

Voir l’index complet ici  

De la lumière dans des coins sombres

Une somme approximative de 21 à 32 milliards de richesse financière privée est localisée, non imposable ou très légèrement imposé, dans des juridictions  opaques autour du monde. «  Des juridictions opaques » un terme que nous utilisons souvent comme alternative à un autre terme fiscal plus largement utilisé de paradis fiscaux, le “ secret ”, l’opacité, est utilisé pour attirer des  flux financiers illégitimes, illicites ou abusifs.

Des flux financiers transfrontaliers illicites ont été estimés à 1 à 1,6 milliards par an, éclipsant les 135 millions environ octroyés à l’étranger par l’aide américaine. Depuis 1970, les pays africains à eux seuls ont perdus plus de 1 milliard  en fuite de capitaux quand les dettes externes combinées s’élèvent à moins de 200 millions.  L’Afrique est donc un créditeur majeur pour le monde – mais ses atouts sont entre les mains d’une élite riche, protégée par le secret  offshore alors que la dette est supportée par la large masse de la population africaine.

Cependant, tous les pays riches souffrent aussi. Par exemple, des pays européens comme la Grèce, l’Italie, le Portugal ont été presque mis à genoux par des décennies d’évasion fiscale et par le pillage des caisses de l’état à travers le secret offshore.

Une industrie mondiale s’est développée, impliquant les plus grosses banques mondiales, des pratiques légales,  des cabinets d’audit et  des professionnels experts qui organisent et vendent des structures financières opaques offshore pour leurs clients cherchant à échapper aux impôts et à la loi. La «  compétition »  entre les juridictions afin de fournir des facilités de détournement fiscaux, tout particulièrement depuis que l’ère de la mondialisation financière a démarré en 1980,  est devenue une figure centrale des marchés financiers mondiaux.

Le problème dépasse de loin celui des impôts. En fournissant le secret, le monde offshore corrompt et contrefait les marchés et les investissements, leur donnant une forme n’ayant rien à voir avec l’efficacité.  Le monde du secret financier crée une serre criminogéne pour de multiples maux dont la fraude, la fraude fiscale, la fuite hors de la régulation financière, les détournements de fonds, les délits d’initiés,  la corruption, le blanchiment d’argent et de nombreux autres.  Il offre pour ses initiés de multiples moyens  d’extraire la richesse au dépend des sociétés, créant l’impunité politique et compromettant le sain contrat «  pas d’imposition sans représentation » qui est à la base de la croissance des états-nations modernes responsables.  De nombreux pays les plus pauvres, privé de système d’imposition et soumis à l’hémorragie de capital par les  juridictions du secret financier s’appuient sur les aides financières des pays étrangers.  Ceci fait tort aux citoyens des pays riches comme aux pays pauvres.

Quelle est la signification de cet index ?

 

En identifiant les plus important pourvoyeurs d’impunité fiscale internationale,  l’Index de secret financier [Financial Secrecy Index ] révèle que les stéréotypes traditionnels des paradis fiscaux sont mal fondés.  Les pays qui fournissent le plus important secret financier, exhibant le pillage de biens ne sont pas principalement de petites îles bordées de palmiers comme nombreux les supposent mais certains parmi les plus gros et les plus riches pays.  Les pays les plus riches de l’OCDE et leurs satellites sont les destinataires principaux ou les canaux de ce genre de flux illicites.

Les implications pour la politique mondiale sont clairement gigantesques. Et aident à expliquer pourquoi depuis tant d’années, les efforts internationaux pour réduire les paradis fiscaux et le secret financier ont été aussi inefficaces.  Ce sont les destinataires de ces flux gigantesques qui établissent les règles du jeu.

Cependant, notre analyse révèle également que les choses ont récemment commence à évoluer réellement.  La crise financière mondiale et la crise économique qui a suivi, combinées à un activisme récent  et à la mise à jour de ces problèmes par les acteurs de la société civile et par les médias, de même que les inquiétudes de plus en plus fortes quant à l’inégalité dans beaucoup de pays ont créé un ensemble de conditions politiques sans parallèle dans l’histoire. Les politiciens du monde ont été forcés de prendre en compte les paradis fiscaux. Pour la première fois depuis que nous avons créé notre index pour la première fois en 2009, nous pouvons dire que quelque chose est sur la voie d’un changement. Les leaders mondiaux évoquent maintenant régulièrement le fléau  de l’opacité financière et des paradis fiscaux et mettent en place de nouveaux mécanismes pour faire face à ce problème. Pour la première fois les pays du G 20 ont mandaté l’OCDE afin qu’elle mette au point un nouveau système d’échange d’information mondial afin d’aider les pays à enquêter  sur les biens transfrontaliers de leurs contribuables et criminels. Ce projet est maintenant  introduit, avec les premières informations échangées en 2017.

Cependant bien sûr ces projets sont pleins de failles et de défauts : beaucoup de pays projettent de ne manifester qu’un intérêt de pure forme, et encore – et beaucoup cherchent activement à compromettre les progrès, avec l’aide des infrastructures professionnelles  complices. L’édifice du secret financier mondial a été affaibli mais il demeure tout à fait vivant et hautement destructive. En dépit de ce que vous avez pu lire dans les medias, le secret bancaire Suisse est loin d’être mort.  Sans la pression politique  durable de millions d’individus, le terrain acquis pourrait se perdre.

La seule façon réaliste de faire face à ces problèmes dans leur ensemble est de les attaquer à la racine : en se confrontant directement au secret financier offshore et aux infrastructures mondiales qui l’ont créé. Un premier pas vers cet objectif est d’identifier aussi précisément que possible les juridictions qui  font leur mission de fournir le secret  financier extra-territorial.

Voici qu’est le FSI. C’est le produit d’années de recherche détaillée par une équipe dévouée et qui ne ressemble à rien d’autre sur la place. Nous sommes aussi en possession de rapports unique, soulignant les histoires offshore des plus gros acteurs de ce jeu.

Cliquer ici pour le classement complet.

Pour d’autres question, cliquer ici. 

Qu’est ce que l’Indice de secret financier [Financial Secrecy Index] ?

L’Indice de secret financier de 2015 se concentre sur 93 juridictions, y compris plusieurs n’étant pas généralement considérées comme des paradis fiscaux comme la Chine, la France, l’Allemagne et le Japon.

Les juridictions du secret financier mettent au point de lois et des systèmes qui fournissent le secret légal et financier à d’autres, ailleurs. Notre index montre qu’il n’existe pas de ligne précise entre «  la juridiction du secret financier «  ou du « paradis fiscal » et les autres. Elles existent sur un large spectre.

Le FSI mesure deux choses, une qualitative et une quantitative.

La mesure qualitative considère les lois et régulations de chaque juridiction, les traités internationaux etc., pour évaluer à quel point elle est secrète. Il lui est attribué un score de secret : plus le score est élevé, plus la juridiction est secrète.

La deuxième mesure, quantitative, y attache un coefficient afin de prendre en compte la taille de la juridiction et son importance générale dans le cadre du marché mondial des services financiers.

Nous expliquons ce coefficient ici, détaillons complètement notre méthodologie ici, et fournissons tous les détails sur la façon dont nous calculons chaque indices de secret ici (lien absent)

 

Un rapport pour chaque pays.

Chaque juridiction a également deux rapports indépendants qui lui sont associés. Le premier, le rapport par pays fournit un coup d’œil sur cette juridiction, éclaire ses plus importantes caractéristiques dans une perspective de secret financier.  Pour chacune des plus grandes juridictions, nous avons aussi écrit des rapports détaillés spéciaux considérant l’histoire politique de la transformation de cette juridiction en centre financier offshore. Ici, http://www.financialsecrecyindex.com/jurisdictions/jr  une liste des rapports par pays.

Le second, les rapports  de données accompagnent le rapport par pays et sont prévus pour des recherches détaillées. Ils contiennent un panel plus large de variables et de données relevées dans chaque juridiction, avec des sources et des références détaillées : toutes les données sous-jacentes nécessaires pour établir le rapport par pays  plus beaucoup d’autres détails, y compris des citations des organisations internationales sur la régulation fiscale, financière et  sur le blanchiment d’argent. Une liste complète du rapport des données ici. 

Bien que la méthodologie du classement 2015 du FSI soit à peu près la même que celle de 2013; nous avons l’avons resserrée et mise à jour sous plusieurs aspects et nous y incluons plus de juridictions ( 93 au lieu de 82 en 2013). Il est donc demandé de la prudence à l’égard  de toute comparaison ou classement pour tout pays entre les deux indices.

Le FSI est fondamentalement différent des classements qui se concentrent sur l’identification de la corruption ou des problèmes de gouvernement au sein des pays. C’est ce qui le rend unique. Parce que le cœur du trafic de la juridiction du secret financier est typiquement ce qui facilite les activités criminelles et abusives ailleurs, dans un monde de mouvements  financiers mondiaux, cela n’aurait pas de sens pour nous de ne nous centrer que sur ce qui se produit au sein de chaque juridiction. Le secret financier se doit d’être analysé à partir d’une perspective mondiale.

Le FSI 2015 classe les juridictions les plus à blâmer pour fournir du secret financier et offre des conseils pour une action globale.

Traduction Elisabeth Guerrier

Document fourni par Laurent Di Vincenzo

En Russie, nombre des manifestations en hausse, selon une étude

Texte intégral traduit ici : in Global VoicesSaint Petersburg, Russia. 24th February 2014 -- Riot police detain participants of unauthorized rally in support eight anti-government protesters who were arrested after a march in Moscow on the 6th of May, 2012 got real prison sentence by Moscow court. -- About 300 people gather in support eight anti-government protesters who were arrested after a march in Moscow on the 6th of May, 2012 and were convicted today for real prison sentence by Moscow court.

Des manifestants arrêtés à Saint Saint-Pétersbourg,  en Février 2014, lors d’un rassemblement en soutien aux prisonniers de Bolotnaya  Photo de Yury Goldenshtein pour Demotix.

Les Russes élèvent la voix dans leur critique des autorités, selon les résultats d’une étude de suivi effectuée par le Comité des initiatives civiques. Pendant la première moitié de l’année 2015 (du 1er janvier au 30 juin), l’activité protestataire enregistrée par les spécialistes en Russie a augmenté de 15 % par rapport à la première moitié de 2014.

Le Comité des initiatives civiques répertorie les tensions socio-économiques et politiques dans chaque région de Russie et utilise les articles publiés sur les manifestations publiques dans le médias et les agences de presse pour évaluer le niveau de la contestation. A côté des manifestations, les sociologues, les chercheurs en sciences politiques et les économistes du comité classent également les régions en fonction de leur statut économique (salaires, bénéfices, aide sociale) et du contexte politique interne (système politique local et événements).

Les actions enregistrées comptent les “manifestations politiques” mais aussi les questions sociales, le droit du travail, les transports et autres questions urbaines ainsi que les questions environnementales. Les chercheurs notent que les sujets politiques l’ont emporté sur les sujets extérieurs ou de politique internationale en 2015 (y compris le conflit ukrainien), tandis que les questions sociales sont demeurées aussi importantes pour les Russes en 2015 qu’elles l’étaient il y a un an.

Alexey Titkov, un chercheur de la haute école d’économie et l’un des auteurs de ce rapport a dit à l’agence d’information RBC que l’augmentation de 15 % était un chiffre relatif. “Ce n’est pas comme si nous avions compté le nombre de personnes participant à chaque manifestation,” a dit Titkov,  “l’augmentation du volume de manifestations signifie simplement que cette année, les régions ont vu une augmentation du nombre de leurs manifestations et que les gens montrent leur désaccord sur certaines questions plus fréquemment et se font entendre plus. Ces deux indicateurs ont été ajoutés à notre analyse.”

“Probabilité de manifestations par régions en Russie” Infographie de l’agence d’information RBC.

Ce tableau réalisé par RBC présente les humeurs contestataires et les activités par région et montre où les manifestations sont supposées se produire durant telle période. Les zones inscrites en rouge sombre – les régions de Moscou, Saint Saint-Pétersbourg, la région de Novossibirsk et celle de Zabayakalsky – sont en tête sur la liste des régions les plus susceptibles de voir des manifestations.

Dans de nombreuses régions russes, il n’y a pas de tradition de réaction à des politiques sociales insatisfaisantes par des manifestations, a dit le politologue Alexandre Kynev, un des co-auteurs de cette étude. Au contraire, a-t-il expliqué à RBC, les réactions prenaient plus la forme de vote de protestation, quand les citoyens vont aux urnes pour y montrer leur insatisfaction à travers leur vote. Le rapport conclut que la montée générale du sentiment de protestation conduira aussi à une augmentation des votes-sanction dans les 38 régions où vont se tenir des élections en décembre 2016. Et, si les administrations locales tentent d’exercer des pressions administratives pour étouffer la contestation au sein de électeurs, ceci pourrait entraîner les protestations à se répandre dans les rues.

En dépit de l’accroissement des réactions de protestation en Russie, les experts du Comité des initiatives  civiques ne discernent pas encore de prétexte à des manifestations de masse comme celles qui eurent lieu en 2011 après les élections à la Douma d’Etat. Bien que l’étude n’ait pas tenté d’établir des prévisions sur les probabilités de manifestations socio-économiques de masse, Titkov explique que les groupes de protestataires en région en raison de l’insatisfaction quant à leur statut socio-économique, et les groupes qui ont manifesté lors de l’Hiver du Mécontentement en 2011 et 2012 ne se recouvrent pas vraiment, et qu’il est donc improbable que des manifestations de masse de même ampleur puissent se produire pour des raisons économiques.

Le Comité pour les initiatives civiques est une organisation bénévole russe qui se décrit elle-même comme “une union non-politique de professionnels de l’économie, des sciences, de l’éducation, de la santé de la culture et d’autres sphères de la vie” travaillant pour le développement de la Russie. Elle a été fondée en 2012 par Alexeï Koudrine, ancien ministre russe des finances de 2000 à 2012, et un certain nombre d’autres personnalités du monde politique et de la société civile.

Une étude de grande envergure révèle l’arbitraire des diagnostics de dépression du DSM Justin Karter

Une étude de grande envergure révèle l’arbitraire des diagnostics de dépression du DSM Justin Karter 

 

In The News  3 Novembre 2015

Une étude de grande envergure sur les symptômes de la dépression, concernant plus de trois mille patients récuse les critères utilisés pour le diagnostic des dépressions majeures dan le dernier Diagnostic and Statistical Manual (DSM-5) [Manuel diagnostic et statistique]. Les systèmes actuels de diagnostic sont basés sur l‘hypothèse que les symptômes de la dépression pointent vers une « maladie » commune sous-jacente, mais la recherche suggère que ce cadre théorique peut être dépassé et trop simplifié.

«  Nous devons cesser de penser la dépression comme une maladie qui peut causer un nombre de symptômes interchangeables” dit l’auteur de l’initiative Dr. Eiko Fried à Medical Press

« La dépression est un système de symptômes inter-agissants extrêmement hétérogènes. Et certains de ces symptômes peuvent être beaucoup plus importants que les autres. »

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Quand ils évaluent une dépression majeure chez un patient, les médecins utilisant le DSM-5 s’appuient sur neuf symptômes. Ces critères négligent plusieurs autres symptômes qui apparaissent dans les évaluations de la dépression standard, comme le sentiment de punition, qu’on trouve par exemple dans le Beck Depression Inventory (BDI) [Inventaire de la dépression de Beck]. De plus, les essais cliniques du DSM-5 révèlent que le diagnostique de dépression majeure est un des diagnostics les moins fiables en pratique, signifiant que le diagnostic ne peut pas être appliqué d’une façon cohérente par différents médecins dans différents cadres.

Fried et ses collègues tentent d’envisager la dépression à partir d’une nouvelle perspective, la considérant comme une toile de symptômes reliés les uns aux autres et connectés causalement qui se renforcent les uns les autres dans «  des réseaux hautement stables – auxquels il est difficile d’échapper. » «  Par exemple, l’insomnie peut conduire à l’épuisement, qui à son tour peut provoquer des problèmes de concentration qui se répercutent sur l’insomnie. »

À partir de cette perspective, ils ont cherché à identifier la « centralité » de différents symptômes associés à la dépression. Ils se sont référés aux réseaux sociaux afin d’expliquer comment fonctionne la «  centralité » : «  Si une célébrité ou un journal important partage des informations sur Twitter, celle-ci va vraisemblablement se répandre rapidement et largement sur les réseaux sociaux. Une personne de la périphérie avec peu de connexions a beaucoup moins de chance d’avoir un impact sur ces réseaux. Dans le cadre de la dépression, l’activation d’un symptôme hautement central signifie que des impulsions vont se répandre à travers le réseau et activer un grand nombre d’autres symptômes, alors qu’un symptôme périphérique est moins pertinent dans la perspective de systèmes dynamiques parce qu’il a moins de moyens d’influencer le réseau. »

L’idée de « centralité » comporte des critères opposés au diagnostic actuel. Par exemple, le DSM65 recommande un diagnostic de dépression majeure si le patient cinq ou plus des neuf symptômes, à partir du moment où au moins l’un d’entre eux est ou bien «  l’humeur dépressive » ou «  l’intérêt diminué ». dans ce modèle, le nombre de symptômes que le patient exhibe a plus d’importance que la façon dont les symptômes individuels sont «  centrés » ou signifiants.

Pour analyser la centralité des symptômes liés à la dépression, Fried et son équipe de chercheurs ont ré-analysé les données de l’étude supportée par le NIH (National Institute of Health) [Institut national pour la santé], Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression (STAR*D) [Traitements alternatifs classés pour soulager la dépression]. Ils ont évalués vingt-huit différents symptômes rapportés par les participants et ils ont analysé leurs connexions. Le résultat fût un réseau d’interconnexions de symptômes groupés ensemble dans plusieurs «  nœuds ». D’une façon intéressante, les symptômes que le DSM utilisait comme critère de dépression majeure n’étaient pas plus centraux que des symptômes ne figurant pas dans le DSM.

« Ceci implique que les symptômes figurant dans le DSM|-5 ne sont pas plus appropriés comme indicateurs de dépression que des symptômes non-DSM et que des symptômes particuliers (présents à la fois dans les symptômes DSM et non-DSM) peuvent revêtir une importance particulière. » écrivirent-ils. Dans leur conclusion ; les auteurs défient l’intégrité des critères du DSM et soutiennent que « les symptômes particuliers figurant dans le DSM semblent plus basés sur l’histoire que sur les preuves. » mais ils préviennent que leur étude «  ne devrait pas être comprise comme étant une critique du DSM qui a déjà pris  de sérieux coups ces dernières années. » Au lieu de cela, ils écrivent que leur but est « d’encourager les chercheurs et les cliniciens à commencer de penser à l’importance des symptômes individuels et à leurs associations, et à évoluer au-delà des symptômes spécifiques listés dans le DSM. »

Fried résume la nouvelle perspective ainsi :

 « La dépression n’est pas comme, disons, la rougeole. Quand vous avez la rougeole, vos symptômes aident le docteur à trouver quelle est la maladie les sous-tendant. Mais une fois que le diagnostic est porté, ça n’a pas vraiment d’importance de savoir quel possible symptôme vous avez manifesté ou non. Traiter la maladie elle-même fait les fait disparaître tous. La dépression est plus compliquée. Ce n’est pas une infection ni une maladie du cerveau spécifique. Il n’y a pas de traitement facile, pas de médicaments qui font disparaître les symptômes. À la place, nous pouvons concentrer nos efforts de traitement sur les symptômes menant la dépression du patient. »

 

Fried, E. I., Epskamp, S., Nesse, R. M., Tuerlinckx, F., & Borsboom, D. (2016). What are’good’depression symptoms? Comparing the centrality of DSM and non-DSM symptoms of depression in a network analysis. Journal of affective disorders189, 314-320. (Abstract) 

Justin Karter, News Editor

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Traduction : Elisabeth Guerrier

Les tests génétiques commercialisés par les psychiatres ne sont pas validés par la recherche. Traduction Mad in America

Il s’agit d’une sorte de course contre la montre. Sont en lice deux visions de l’homme et de sa “nature”et parallèlement à ces deux visions une dynamique de profits colossaux dans le contexte d’une psychiatrie biocomportementaliste. Les médications déjà en usage comme réponse unique psychophysiologique aux troubles répertoriés et générés par le DSM américain sont en train de céder la place aux approches psychogénétiques dans le contexte d’une recherche financée par les lobbies pharmaceutiques et appliquée comme panacée à toute manifestation de malaise. Il va de soi que se questionne là le rapport à la norme et à la conscience de soi par rapport aux critères intégrés faisant office de moi idéal mais aussi la réponse causale biochimique ou biogénétique qui fait de l’humain un morceau de chair muette. Le mouvement de psychiatres et de psychothérapeutes de Mad in America tente de se lever cotre cette lobbyisation du marché de l’angoisse et contre la vision réductrice et univoque de la santé mentale qu’elle décline. EG

Test génétique commercialisé aux psychiatres pas pris en charge par la recherche

Dans Les Nouvelles 5 Octobre 2,015

Avec l’explosion des essais Génétiques et l’Emergeance du Champs de la pharmagénétique, les patients PEUVENT Maintenant passer les tests de l’ADN et des recommandations de receive Médicaments psychotropes Personnalisées Qui conviennent à Leur profil génétique. Dans un éditorial du dernier numéro du J ournal des maladies nerveuses et mentales, le psychiatre de l’Université de Columbia Robert Klitzman prévient Que les cliniciens doivent être Les Avertis des Limites des tests de CES Génétiques Qui Leurs Sont Vendus.

«Teste PLUSIEURS sont maintenant Vendus aux psychiatres, les bases sur les analyses des Marqueurs Génétiques trouvés associés à des samples Variés de patients aux Profils Psychiatriques.» Écrit Klitzman. «Mais la réplicabilité et l’Utilité clinique de tests CES Sont Limités.»

Des Compagnies Privées PEUVENT Légalement Développer des tests de CES et les vendre Directement aux psychiatres Sans Avoir à démontrer Leur effectivité OU Avoir Reçu l’approbation de la FDA (Food and Drugs Administration) «La loi Qui AUTORISE la vente de tells teste une controverse déclanché de juin, en partie Parce Que Les Agences Fédérales NE PEUVENT habituellement Se engager Dans la surveillance après-vente de tests de de CES. »

Klitzman Ajouté bureaux de ventes directes aux Qué Praticiens PEUVENT Être particuliérement Problématiques Dans CE CAS de voiture Nombreux médecins «Ont juin Compréhension limitée de la génétique et PEUVENT Fait accepteur Plutôt Que de Questionner les affirmations de CES Compagnies.»

Par exemple, de Nombreux essais are ACTUELLEMENT commercialise, Qui affirment Que des Marqueurs genetiques were identifie Qui sont identifie COMME ETANT Associés AVEC CERTAINS Diagnostiques Psychiatriques. Cependant, Klitzman Souligne Que les conditions de la santé mentale Sont influencées par bien Plus que la génétique et de PEUVENT survenir Circonstances de la vie et des interactions interpersonnelles et Environnementales. »

Malheureusement la commercialisation Semble trabalho. Klitzman Rapporté Qué 41,6% des psychiatres rapportent Avoir patients non sollicités Ayant les verser essai non génétique et que14% Ont Ordonné test de CE.

COMME CES essais Génétiques gagnent en utilisation et en visibilité, le  Nouveau Centre Angleterre Investigative Reporting  (Necir) Apporte Que «la recherche Derriére Eux is rare, incomplète et biaisée ous Le Potentiel versez les conflicts d’Intérêts enormes.» Le sujet de Leur enquête, UN HOMME DU Vermont was convaincu PAR SES Médecins de essais de bureaux de passants et A Fini suicidaire avant d’être institutionnalisé bien mérité Avoir Suivi CES recommandations.

En savoir plus:

Plus de mal que de bien? L’utilisation de tests génétiques de santé mentale a augmenté rapidement. Mais la preuve qu’ils travaillent sont rares. Beth Daley | Nouveau Centre Angleterre Investigative Reporting

*

La nécessité d’une vigilance dans la commercialisation de tests génomiques en psychiatrie. Klitzman RJ Nerv Ment Dis.2015 PTOM; 203 (10): 809-810. PMID: 26421971 (Résumé)

Justin Karter, Nouvelles éditeur

Traduction Elisabeth Guerrier

Monsanto et les compromissions des universitaires nord-américains

These emails show Monsanto leaning on Professors to fight the GMO PR war

 

A travers une correspondance suivie, révélée par Mother Jones, entre les relations publiques de Monsanto et de la biotechnologie et certains éminents universitaires sollicités pour accorder leur soutien et promouvoir les arguments d’innocuité des  produits GMs, nous retrouvons les stratégies des lobbies du tabac et du sucre, qui se sont appropriés, pour des motifs et avec des  conséquences diverses, le soutien d’universitaires et de chercheurs de renom afin de contrer les campagnes médiatiques condamnant leur toxicité et les mettant en cause. Il apparaît une nouvelle fois clairement que la science et ses représentants sous couvert d’objectivité, peuvent s’aliéner aux idéologies et se faire, consciemment ou non, manipuler par les forces économiques prêtes à tout afin d’influencer les choix politiques les protégeant et de maintenir et d’ouvrir leurs marchés.

Ces emails montrent que Monsanto s’appuie sur les Professeurs d’université pour mener la guerre des relations publiques du GMO.

—By Tom Philpott

 

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Flammulated/iStockphoto

Dans une récente pour une production à succès, le blockbuster de Eric Clipton  du New York Time a pu jeter un coup d’œil à une cache massive d’emails privés entre de proéminents universitaires scientifiques et les cadres et les relations publiques de l’industrie des OGM. Ces emails sont apparus à travers un barrage de controverses  du Freedom of Information Act exigé par l’organisation du droit de savoir [Right to Know]  qui est financé par l’association anti-corporations   assez décousue des Organic Consumers Association.

En plus de la correspondance découverte par l’USTRK, Lipton a utilisé le FOIA pour accéder à ces emails, montrant des liens très serrés entre l’ancien chercheur de l’Université de l’état de Washington Charles Benbrook ainsi que des compagnies de nourriture bio comme la compagnie appartenant aux fermiers de production laitière Organic Valley. Lipton a peint un portrait fascinant de la place occupée par les universités publiques dans les relations publiques et la guerre du lobbying entre l’agrochimie des semences OGM et l’industrie de l’alimentation bio.

«  Je comprends et apprécie votre besoin que je sois complètement transparent  et je suis complètement conscient que votre indépendance et votre réputation doivent être protégées » écrit un représentant des relations publiques de Monsanto aux Professeurs.»

Mais cet extrait aussi excellent qu’il soit, peut en fait sous-évaluer l’ampleur avec laquelle Monsanto, d’autres compagnies biotechnologiques et leurs groupes commerciaux et relations publiques de pointe embauchées pour l’occasion, on put s’appuyer sur des universitaires sympathisants comme sur des fantassins dans la bataille que l’industrie mène contre les régulateurs et les critiques.

Voici quelques éclairages qui ne sont pas parus dans The Times. Bien qu’il n’y ait pas de preuve spécifique permettant de suggérer que Monsanto a payé les Professeurs pour leur activité et que beaucoup parmi eux ont déclaré avoir atteint leurs conclusions indépendamment, la correspondance est néanmoins intéressante.

  • En Août 2013

Dans un email à neuf éminents universitaires, l’engagement stratégique de Monsanto conduit Eric Sachs à soumettre un plan : que le groupe   « rédigera de courtes notes sur des sujets importants dans l’arène de la biotechnologie agricole », choisis « à cause de leur influence sur les décisions politiques, sur la régulation des semences OGM et sur l’adhésion des consommateurs. » Sachs a assuré aux Professeurs que le projet serait mené discrètement. « Je comprends et apprécie votre besoin que je sois complètement transparent et je suis complètement conscient que votre indépendance et votre réputation doivent être protégées » écrit-il. Deux entités externes –  un groupe financé par l’industrie appelé l’American Council on Science and Health et une équipe de relations publiques appelée CMA – « organiseront le processus de production de ces notes techniques », « coordonneront les mises en ligne sur les sites web et leur promotion », et «  vendront » ces notes en les transformant en « éditoriaux, posts de blogs, engagements verbaux, évènements, webminars etc. »

L’organisation de cette troisième partie est «  un élément important » a ajouté l’exécutif de Monsanto «  parce que Monsanto veut que les auteurs communiquent librement sans lien avec Monsanto ».

  • En Décembre 2014

Le website zélé pro-biotechnologies Genetic Literacy Project sort un article rédigé par un Professeur  qui ressemble remarquablement à ceux présentés par Sachs, bien que l’investissement de Monsanto n’y soit pas révélé.  Par exemple, Calestous Juma, un professeur à la Harvard Kennedy School fût une de ceux à qui s’est adresse la lettrer de Sachs, de Monsanto, ce mois d’Août 2013. Dans celle-ci, Sachs expose sept thèmes et en suggère chacun d’entre eux à un ou deux de ses correspondants. Voici ce que Sachs avait en tête pour Juma :

Les conséquences du rejet des cultures OGM  Calentous Juma

Contexte : explorer les problèmes et les conséquences à la fois dans les pays développés et en voie de développement qui mènent au rejet ou aux barrières à l’adoption des techniques de cultures et d’alimentation OGM au niveau des agriculteurs, des consommateurs et du pouvoir décisionnel. Comprendre la combinaison de paradigmes, y compris la résistance politique et celle des consommateurs, la sécurité alimentaire, les craintes pour la santé publique, les soucis touchant la biodiversité et la sécurité biologique, les régulations restrictives et le manque d’information (ou l’existence d’une désinformation) à propos des droits de propriété intellectuelle qui créent des barrières à l’acceptation des OGM. Détailler les conséquences, y compris les impacts sur les rendements, les revenus par ménage, la sécurité alimentaire et les impacts sociaux, ainsi que ceux touchant l’usage des pesticides, des risques sanitaires dus à l’exposition aux pesticides et sur la biodiversité qui en résultent.

Titrée «  Risques globaux dus au rejet de l’agriculture biotechnologique »,  la contribution  de Juma, dont il dit qu’elle est basée sur un livre qu’il a écrit en 2011 – ressemble de près à la demande de Sachs pour une défense robuste des OGM comme rempart contre la faim dans le monde en voie de développement. ( Mercredi, le Boston Globe   faisait référence à l’article de Juma, en le décrivant comme «  un article largement diffusé l’an passé, en faveur des OGM, écrit à la demande du géant des semences Monsanto, sans révéler ses connexions. ») Dans son email, Sachs recommande à Peter Philips, un Professeur de politique à l’Université canadienne de Saskatchewan d’écrire à «  propos de la régulation pesante des graines et de la nourriture OGM » Son article,  sur le site web du Genetic Literacy Project est intitule :  « Conséquences économiques de la régulations des OGM. »

Dans le cas de Davis Shaw de l’état du Mississipi et de Tony Shelton de Cornell, Sachs a suggéré un article défendant les semences génétiquement modifiées  pour tuer les insectes et résister aux herbicides.  Leur article de Genetic Literacy Project intitulé : « Les gènes verts : des avantages durables des céréales tolérantes aux herbicides et résistantes aux insectes » fait exactement ça.

« J’apprécierais votre prise en considération de proposition d’un blog portant sur la sécurité et la santé des biotechnologies à Web MD, est-ce envisageable ? » a demandé un représentant de Monsanto à un Professeur.

Pour Kevin Folta – de l’Université de Floride – un des points sur lequel se concentre l’article du New York Time   – Sachs envisageait un article sur « rendre les activistes responsables  pour leur opposition aux OGMs. » Dans son article  du  GLP, Folta tempête contre « ceux qui  lancent des campagnes agressives contre des technologies existantes qui ont démontré leurs avantages pour les agriculteurs, l’environnement, le consommateur et les pauvres enfermés dans le déficit alimentaire. »

  • Une autre universitaire célèbre

Qui s’avère entretenir des liens serrés avec l’industrie est Nina Fedoroff, un Professeur émérite de biologie à Penn State, Professeur de biosciences à l’Université du Roi Abdullah des sciences et technologies d’Arabie saoudite et ancienne conseillère en chef en sciences et technologies de la Secrétaire d’état Condoleeza Rice et d’Hillary Clinton. Le Times note que le Professeur émérite de l’Université de l’Illinois Bruce Chassy a déployé un « effort d’un mois afin de persuader l’agence de protection de l’environnement [Environmental Protection Agency] d’abandonner sa régulation serrée des pesticides utilisés   dans les semences résistantes aux insectes. »

Mais il n’a pas fait mention du rôle déterminant que Fedoroff a de toute évidence joué dans cette champagne, qui, comme le rapporte le Times, a culminé quand Chassy  a « finalement organisé un meeting à l’E.P.A, avec l’aide des lobbies de l’industrie et que l’agence a abandonné cette proposition. » Il s’avère que Fedoroff a assisté à cette réunion selon un email du 17 Octobre. Selon l’email de Chassy, la causerie charnière avec l’EPA a été organisée par Stanley Abramson, un lobbyiste de l’industrie bien connu et Adrianne Massey qui est directrice générale des sciences et de la réglementation à la Biotechnology Industry Organization (BIO) , un groupe commercial auquel Monsanto et d’autres firmes de l’agriculture biotechnologique appartiennent.   Le rôle de Fedoroff dans la campagne d’obtention du soutien de la régulation des OGM par l’EPA n’a pas été confiné à ce meeting « étonnement productif ». Chassy rapporte dans un email à Massey le 19 Août 2011 qu’il a travaillé « avec Nina pendant un mois, apportant de nombreuses révisions » à un éditorial qui a paru dans le NYTimes en Août  2011. L’article, uniquement signé par Fedoroff se plaint que  l’APA veuille collecter encore plus d’informations sur les semences génétiquement modifiées » et conclut « que le gouvernement doit arrêter de réguler les modifications génétiques pour lesquelles n’existent aucune preuves scientifiques de dangerosité. »

 

Karen Batra, directrice de la communication pour Biotechnology Industry Organization, demande des conseils à Chassy sur la façon de « répondre à un article critique des OGM publié dans The Atlantic», « Pour la plupart d’entre nous, gens de la communication, la science est loin au-dessus de nos têtes et une réponse appropriée devra avoir une sorte de défense scientifique » écrit-elle « en d’autres termes, BIO écrivant une lettre disant simplement « la nourriture biotechologique est saine n’estpas une réponse suffisante ici. »

« Je suis ravie de torpiller cette stupidité » dit un Professeur à un responsable des relations publiques de Monsanto qui lui a demandé de peser dans la controverse à propos de recueils critiques des OGMs »

Elle ajoute qu’un groupe nommé IFIC – vraisemblablement la fondation financée par l’industrie biotechnologique   International Food Information Council Foundation – avait « aussi [envoyé] un email de masse demandant aux lecteurs d’intervenir dans les commentaires de la page de l’[article de l’Atlantic] Batra demande aux scientifiques ou bien de « poster eux-mêmes un commentaire sur la page ou de nous fournir le point de vue d’un scientifique en haut de l’affiche que nous pourrions utiliser dans une lettre à l’éditeur » Chassy a répondu à l’email de Batra avec une analyse détaillée des points de vue de l’article.

de Sachs de chez Monsanto révèle que Chassy s’« engage, sur un post d’un blog du Huffington Post à ma demande » – dans un débat avec un commentateur anti-OGM, pour lequel il cherche la contribution d’employés de Monsanto.

A un certain point, Chassy a répondu favorablement à la demande de Monsanto de se rendre en Chine pour parler lors d’un séminaire, sans a voir idée du thème ou de l’audience. Voici la réponse de Chassy le 24 Janvier 2012 : «Vous m’avez initialement demandé si je pourrais aller en Chine et y faire ce que j’ai fait en Corée. Vous vouliez savoir si j’étais disponible et m’avez ditque vous m’expliqueriez plus tard. Une chose ayant conduit à une autre, je m’y rends donc mais nous n’avons en fait jamais évoqué la mission en Chine. Où est-ce que je parle ? A qui ? Pendant combien de temps ? Et plus important, quel est le sujet et a-til un sujet assigné ? Que se passe-t-il vraiment et quelles sont les questions figurant entre les lignes ? Connaître les réponses à toutes ces questions m’aiderait à planifier une intervention. Pouvons-nous parler avant que je commence à rédiger un discours ? »

Sachs a répondu :  «Veuillez m’excuser pour l’absence d’informations. Cette situation m’est apparue tard dans le processus et j’étais focalisé sur la recherche du meilleur expert tiers [ie non Monsanto] qui pourrait parler sur le thème des évaluations de sécurité  dans les produits untilisant des RNAI [ Interférence  Acide RiboNucléique]  [un sujet que je discute ici  ] »

« Monsanto Chine travaille avec l’ association des biotechnologies agricoles chinoises [Chinese Agricultural Biotech Association pour héberger le séminaire. » continue Sachs, « le but est de préparer la voie pour l’agréement de l’importation pour les produits de la biotechnologie en Chine.»

Chassy soumis plus tard un brouillon de sa présentation aux officiels de Monsanto avant l’évènement. [ Voir l’échange ici ] « par dessus tout, tout le monde est ravi de la façon dont la présentation s’est déroulée.» répond un employé de Monsanto, indiquant qu’ « il y avait quelques changements mineurs apportés au texte et qu’ils étaient indiqués en rouge. » ainsi que « quelques commentaires auquels vous devrez répondre » Chassy répondit en cherchant plus d’informations : « Merci pour les critiques. Ils ont soulevé un nombre de bons points. J’ai attaché un dossier de formulations contenant les réponses à leurs commentaires. Il en reste un certain nombre qui restent irrésolus et pour lesquelles de nouveaux termes pourraient ou non répondre aux critiques évoquées par les relecteurs. S’il vous plaît veuillez à ce que chaque relecteur fasse une seconde lecture.»

Adressé à Kevin Folta de l’Université de Floride, Lisa Drake de Monsanto écrit que « durant ces derniers six mois nous avons travaillé dur afin d’intégrer du tiers frais –ie des personnes non affiliées à Monsanto- afin d’incorporer du matériel actuel et frais sur les OGMs dans le site web MD. Á la remarque : « J’apprécierais que vous considéreriez la possibilité de soumettre un blog sur la santé et la sécurité des biotechnologies au site web.» Elle ajoute, « Pouvez-vous penser à insérer le mot « étiquettage» quelque part dans votre contenu afin de permettre la sélection des algorithmes .» Folta a répondu : « Je suis content de faire ça et vais produire quelque chose d’ici peu. » ( Folta dit qu’il n’a finalement jamais écrit le post en question.)

  • Et le 28 Janvier 2015

Un employé de la firme de relations publiques Ketchum, écrivant « au nom du Conseil de Biotech Information », un groupe fondé par Monsanto et compagnies de biotechnologies inclut Folta dans un email collectif pointant l’objet d’une autre controverse brûlante. Un éditeur a indiqué qu’il « mettrait à jour un ouvrage de science de Sixième qui présente quelques avantages des semences OGMs ». Pire, « d’autres maisons d’édition considèrent le fait de remplacer tout contenu pouvant être catalogué de pro-OGM.» Elle demande à qui le souhaite de répondre à cette crise du manuel scolaire. « Je suis excité à l’idée de torpiller cette stupidité » répond Folta à la joie du correspondant de Ketchum, « C‘est le meilleur email que j’ai reçu de la journée. [smiley emoticon] Merci! Je vous tiens au courant dès que nous avançons dans cette perspective. »

 

TOM PHILPOTT

Correspondant Alimentation et agriculture

Tom Philpott est le correspondant Alimentation et agriculture de Mother Jones ; Pour plus de ses articles cliquez ici :  http://www.motherjones.com/authors/tom-philpott Pour le suivre sur  Twitter, cliquez là : https://twitter.com/tomphilpott RSS | TWITTER

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

 

 

Privatiser l’apocalypse Richard Krushnic et Jonathan King

Après une présentation rédigée par Tom Engelhart que nous avons souhaité garder, Richard Krushnic et Jonathan King nous convient à découvrir les dessous de cet énorme entreprise qu’est la maintenance, la conception et le stockage de l’armement nucléaire aux USA. Des sommes phénoménales, toutes évidemment issues des impôts de l’Amérique sont allouées à des entreprises et à des sous-traitants d’un des projets de destruction massive les plus radicaux que la planète ait connu. Fonds dont personne ne connaît effectivement le montant et qui se voient reconduits par les poussées régulières des lobbies qui achètent le Congrès. Dans une obscurité quasi totale, organisée et maintenue opaque par les corporations se prépare l’apocalypse.EG

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Privatizing the Apocalypse 

Krushnic and King, Le complexe nucléaire multi-national

Ils ont dirigé les compagnies les plus profitables de l’histoire et, pour le dire franchement, ils sont en train de détruire la planète. Dans le passé, étant donné l’obsession terroriste des USA, je les avais nommé « terraristes ». Je fais référence, bien sûr, aux CEO des compagnies de la « grosse énergie », qui lors de ces dernières années ont tout fait pour trouver de nouveaux  moyens d’exploiter chaque réservoir d’énergie fossile imaginable sur la planète et de le remettre dans l’atmosphère sous forme d’émissions de dioxyde de carbone. Une chose est sûre : tout comme les responsables des compagnies de tabac, de l’industrie du cuivre  ou des équipements d’amiante  l’ont fait avant eux, ils savent ce que leur attirance pour les méga-profits signifie pour nous. – regardons la saison des incendies dans l’ouest de l’Amérique cette année. Et pour nos enfants et petits-enfants. Si vous pensez que le monde fait face en ce moment à un afflux important de réfugiés, attendez juste que les sécheresses soient plus sévères  et que les inondations  des zones côtières  augmentent. 

Comme je l’ai écrit en 2013 avec ces trois industries, les résultats négatifs sont arrivés comme par hasard des années, voire des dizaines d’années après l’exposition et ont donc été difficiles à connecter avec elle. Chacune d’entre elles savaient qu’il existait un lien. Chacune utilisa le fait que le temps en était déconnecté  comme protection. Une différence : si vous étiez un cadre de l’industrie du tabac, du cuivre ou de l’amiante, vous pouviez faire en sorte que vos enfants ou vos petits-enfants ne soient pas exposés à vos produits. Sur le long terme, il n’y a pas ce choix quand il s’agit des industries fossiles et du CO2, car nous vivons tous sur la même planète  (bien qu’il soit aussi exact que les nantis des zones tempérées ne seront vraisemblablement pas les premiers à souffrir)

D’une façon assez remarquable, comme Richard Krushnic et  Jonathan King le mettent en évidence aujourd’hui, les profits amassés par un autre groupe de chefs d’entreprise sont tout autant liés à des façons intimes de potentiellement détruire la planète (au moins en tant qu’environnement habitable pour l’humanité et pour d’autres espèces) et des dizaines de millions de personnes. Ce sont les exécutifs qui dirigent les compagnies qui développent, assurent la maintenance et modernisent notre arsenal nucléaire et, tout comme les compagnies de l’énergie, utilisent leurs lobbies et leur cash pour constamment pousser Washington vers toujours plus de la même chose. Un jour, en regardant en arrière, les historiens (s’il en existe encore)  considéreront, sans doute possible, les activités de ces deux groupes comme les exemples ultimes de la criminalité. Tom.

Privatiser l’Apocalypse

Comment les compagnies de l’armement nucléaire réquisitionnent vos impôts 

Richard Krushnic et Jonathan Alan King 

Imaginons pour un moment une véritable absurdité : quelque part aux USA, les opérations hautement lucratives d’un panel d’entreprises sont basées sur la possibilité que tôt ou tard notre voisinage sera détruit et que vous et vos voisins vous serez anéantis. Et pas seulement vous et vos voisins mais d’autres individus et leurs voisins à travers toute la planète. Que penserions-nous de telles compagnies ?  De tels projets ?  Et des méga-profits tirés de tout cela ?

En fait de telles compagnies existent vraiment. Elles sont au service de l’industrie de l’armement nucléaire américain et du vaste arsenal, potentiellement destructeur de la planète, du Pentagone. Elles en tirent des profits massifs, leurs membres vivent des vies confortables dans notre voisinage et jouent des rôles actifs dans la politique de Washington. La plupart des Américains savent très peu sinon rien sur leurs activités et les médias ne se préoccupent que rarement d’enquêter sur elles et sur leurs profits, même si le travail qu’elles accomplissent est au service d’un futur apocalyptique au-delà de toute imagination.

Ajoutons à l’étrangeté de tout ceci une autre improbabilité. Les armes nucléaires ont été à l’affiche pendant des années et cependant l’attention actuellement est focalisée comme un projecteur sur un pays qui ne possède pas une seule arme nucléaire, et pour autant que puisse en témoigner  les services de renseignements américains, n’a montré aucun signe de sa volonté d’en construire une. Nous voulons parler, bien sûr, de l’Iran.

Par contre, presque jamais ne sont présents dans les nouvelles les arsenaux, eux parfaitement réels, qui pourraient faire des ravages sur la planète, tout particulièrement notre propre arsenal et celui de notre ancien ennemi, la Russie.

Dans le récent débat sur l’accord du Président Obama avec l’Iran et le fait de savoir s’il préviendrait ce pays de jamais développer son armement nucléaire, vous pouviez chercher partout afin de trouver une vraie discussion sur l’arsenal américain, même si le Bulletin of the Atomic Scientists estime qu’il comprend à peu près 4700 têtes nucléaires actives.  Ce qui inclut un large éventail de bombes et de missiles terrestres ou immergés. Si par exemple, un seul sous-marin nucléaire Ohio Class – et l’armée en a 14, équipés d’ogives nucléaires, devait lancer  ses 24 missiles Trident, chacun équipé de 12 mégatonnes de têtes nucléaires à cibles indépendantes, les villes principales de tout pays visé dans le monde pourraient disparaître et des millions de personnes mourir.

Bien sûr, les détonations et les incendies liés entraîneraient tant de fumée et de particules dans l’atmosphère que le résultat en serait un hiver nucléaire, déclenchant une famine mondiale et la mort possible de centaines de millions de personnes, y compris des Américains (où que soit tombé le missile). Cependant, comme dans un roman classique du Dr. Seuss, on devrait ajouter : ce n’est pas tout, oh, non, ce n’est pas tout ! En ce moment l’administration Obama projette d’investir un millier de milliards de dollars dans les 30 années à venir afin de moderniser et de mettre à jour les forces nucléaires américaines.

Étant entendu que l’actuel arsenal représente des capacités de tueries outrancières – il pourrait détruire de nombreuses planètes de la taille de la Terre aucune de ces dollars du contribuable en plus n’apportera aux Américains la moindre sécurité ou protection accrues.  Pour la sécurité de la nation, il importe peu que dans les années à venir, la précision de tir des missiles dont la tête détruirait complètement toute créature vivante dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres soit réduite de 500 à 300 mètres. Si une telle « modernisation » n’a aucune signification militaire évidente, pourquoi cette poussée pour des dépenses supplémentaires dans l’armement nucléaire ?

Un facteur signifiant dans la cagnotte du nucléaire américain passé régulièrement inaperçu : les corporations qui détiennent l’industrie nucléaire. Pourtant les pressions qu’elles sont à même d’exercer en faveur d’une augmentation constante des dépenses nucléaires sont radicalement sous-estimées dans ce qui est passé pour un « débat » sur le sujet.

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Privatisation du développement de l’armement nucléaire.

 

Commençons par ce simple fait : la production, maintenance et modernisation de l’armement nucléaire sont une source de profit pour ce qui est, dans son essence, un cartel. Ils ne font évidemment pas face à une compétition étrangère pour  les contrats, étant donné que ce que nous évoquons là est l’arsenal militaire américain et que les contrats offerts par le gouvernement sont protégés de la critique de l’audit par l’apparence de la sécurité nationale. En outre, le modèle affairiste utilisé  est celui du « coût ajouté », ce qui signifie que quel que soit le dépassement du coût comparé au devis initial, les entrepreneurs reçoivent un pourcentage de profit garanti au-dessus des coûts. De gros profits sont effectivement garantis, quels que soient le niveau d’inefficacité ou de surévaluation du coût que puissent concerner le projet. En d’autres mots, il n’est pas possible pour les entrepreneurs de perdre de l’argent sur leur travaux, qu’ils soient efficaces ou non. (Rien à voir donc avec le modèle de libre-échange de la production libérale)

Ces profits bien protégés et les firmes les amassant sont devenus un facteur majeur dans la promotion du développement de l’armement nucléaire, compromettant toute démarche de désarmement quelle qu’elle soit.  Des parties de ce processus devraient nous être familières bien sûr  puisque c’est une extension de la formule classique du Pentagone que l’économiste de l’industrie de l’Université de Columbia Seymour Melman a décrit d’une façon si frappante dans ses livres et ses articles. Une formule qui a produit  les infamies de marteau à 436 dollars et de cafetières électriques à 6322 dollars.

Etant donnés les processus et les profits, les entrepreneurs de l’armement ont un intérêt particulier à s’assurer que le peuple américain ait un sens aigu du danger et de l’insécurité  (même si ce sont eux qui sont devenus la source principale de danger et d’insécurité). Récemment la campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires [International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN)] a produit un rapport frappant :   « Ne misez pas sur la bombe »  rendant compte des chefs d’entreprise les plus importants et de leurs investisseurs qui profiteront des améliorations à venir de l’armement nucléaire.

En fonction de la pénombre sur la sécurité nationale qui entoure les programmes d’armement nucléaires du pays, des audits authentiques sur les contrats de ces compagnies ne sont pas accessibles au public. Cependant, au moins les plus importantes compagnies profitant des contrats d’armement nucléaire peuvent maintenant être identifiées.  Dans le domaine des systèmes de distribution nucléaire – bombardiers, missiles et sous-marins – ceci inclus un nombre de noms de corporations familiers : Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, GenCorp Aerojet, Huntington Ingalls et Lockheed Martin. Dans d’autres secteurs comme la conception et la production, les noms en tête de liste sont moins connus : Babcock et Wilcox, Bechtel, Honeywell International, et URS Corporation. Pour les essais et la maintenance, les entrepreneurs comprennent Aecom, Flour, Jacobs Engineering et SAIC, les firmes qualifiées pour le ciblage et la guidance des missiles incluent Alliant Techsystem et Rockwell Collins.

Pour donner un bref aperçu des contrats : en 2014, ont été attribués à Bancock et Wilcox 76.8 millions de dollars pour l’amélioration des sous-marins Ohio Class. En Janvier 2013, il a été attribué 4,6 milliards de dollars  à General Dynamics Electric Boat Division afin de concevoir et de développer un sous-marin de dissuasion de la prochaine génération. Plus sur ce qui est su à propos de tels contrats d’armement peut être disponible dans le rapport de l’ICAN, qui identifie aussi les banques et autres institutions financières ayant investi dans les entreprises d’armement nucléaire.

Beaucoup d’Américains ignorant que la plupart de la responsabilité touchant le développement des armes nucléaires, leur production et leur maintenance ne dépend pas du Pentagone mais du département de l’énergie [Department of Energy, DOE] qui dépense plus en armement nucléaire que dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Une des clefs du projet nucléaire du DOE est les laboratoires fédéraux où sont élaborés, construits et testés les armes nucléaires.  Il s’agit de Sandia National Laboratory  à Albuquerque Nouveau Mexique, du  Los Alamos National Laboratory (LANL) à Los Alamos, Nouveau Mexique, du Lawrence Livermore National Laboratories  de Livermore, Californie.  Ceux-ci, chacun à leurs tours, reflètent une tendance continue dans le secteur de la sécurité nationale, les sites dénommés «  GOCO » [Appartenant au gouvernement, dirigés par des exploitants / Government Owned, Contractor Operated]. Dans le cadre des laboratoires, ce système représente une privatisation des politiques de dissuasion nucléaire et des autres stratégies d’armement nucléaire. A travers leurs contrats avec URS, Badcock et Wilcox, l’Université de Californie et Bechtel, les laboratoires de l’armement nucléaire sont dans une certaine mesure privatisés. Le contrat de LANL à lui seul se monte à 14 milliards de dollars. De même le Savannah River Nuclear Facility, à Aiken, en Caroline du sud où les têtes nucléaires sont fabriquées, est dirigé à la fois par Flour, Honeywell International et Hutington Ingalls Industries. Carolina. Leurs contrats avec le DOE pour les opérations de 2016 se montent à environ 8 milliards de dollars. En d’autres termes, pendant ces années qui ont vu la montée des corporations de guerriers  et une privatisation significative de l’Armée américaine et des agences de renseignement,  on peut assister à un même processus dans le monde de l’armement nucléaire.

En plus des principaux fournisseurs d’armement nucléaire, on trouve des centaines de sous-traitants, dont certains dépendent de cette sous-traitance pour l’essentiel de leurs affaires. Chacun d’entre eux a de cent à plusieurs centaines d’employés travaillant sur ces composants particuliers ou ces systèmes et avec leur influence sur les communautés locales, ils aident à appuyer la modernisation du programme nucléaire par l’intermédiaire de leurs représentants au Congrès.

Une des raisons de la rentabilité pour lesquelles l’industrie de l’armement nucléaire est extrêmement profitable est que l’administration de la sécurité nucléaire nationale du département de l’énergie [National Nuclear Security Administration (NNSA)] responsable du développement et des opérations de l’armement nucléaire du DOE ne contrôle pas les sous-traitants, ce qui rend également difficile le contrôle des premiers fournisseurs. Par exemple, quand dans le cadre du projet de tutelle gouvernementale [Project on Government Oversight] une demande d’information a été faite auprès du service de l’acte de liberté d’information [Freedom of Information Act] auprès de Babock et Wilcox, le sous-traitant en charge de la sécurité au complexe nucléaire Y612 de Oak Ridge, Tennesse, la NNSA a répondu qu’elle ne détenait aucune information   sur ce sous-traitant. Babcock & Wilcox était responsable alors de la construction des équipements pour le traitement de l’uranium à Y-12. Ils avaient sous-traité le travail de conception avec quatre compagnies et avaient manqué de les superviser et de consolider leurs travaux. Ceci mena à une conception inhabituelle qui n’a été abandonnée que lorsque les sous-traitants eurent reçu 600 millions de dollars pour ce travail inutile.  Ce cas d’Oak Ridge, à son tour a déclenché un rapport au Congrès  du service de justification gouvernemental en mai dernier indiquant que de tels problèmes étaient endémiques dans le service de l’armement nucléaire du DEO.

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Les lobbies du nucléaire

 

Les impôts dépensés sur la maintenance et le développement de l’armement nucléaire sont une partie significative du budget de l’état. Bien que difficiles à évaluer avec précision, les coûts s’élèvent aux alentours de cent milliards de dollars. En 2005, le bureau gouvernemental des justifications [Government Accountability Office]  rapportait que même le Pentagone n’avançait pas de sommes très précises quand il s’agissait du prix des missions nucléaires, de même qu’il n’existe de budget autonome pour l’armement nucléaire d’aucune sorte de façon à pouvoir estimer les surcoûts. Analysant les budgets du Pentagone   et celui de l’administration de la sécurité nucléaire nationale du département de l’énergie [Department of Energy’s National Nuclear Security Administration] ainsi que des informations glanées dans les déclarations du Congrès, le centre d’étude pour la non prolifération [Center for Nonproliferation Studies] suggère que de 2010 à 2018, les USA dépenseront au moins 179 milliards de dollars  pour maintenir leur actuelle triade de missiles, bombardiers et sous-marins, associés à leur armement nucléaire, tout en commençant le processus de développement de l’armement nouvelle génération. Le bureau du budget du Congrès [Congressional Budget Office]  projette un coût de la force nucléaire s’élevant à  348 milliards de 2015 à 2024, c’est-à-dire de 35 milliards par an, qui seront dépensés par le Pentagone à hauteur de 227 milliards et par le département de l’énergie à hauteur de 121 milliards. En fait le prix de la maintenance et du développement de l’arsenal nucléaire est beaucoup plus élevé que celui de ces estimations. Si ces chiffres incluent la plupart de coûts immédiats de l’armement nucléaire et des systèmes de tirs stratégiques comme les missiles et les sous-marins, ainsi que la plupart des coûts du personnel militaire responsable de la maintenance, de l’opérationnel et de l’exécution des missions, ils ne comprennent pas de nombreuses autres dépenses, dont celles de la mise hors service et du traitement des déchets nucléaires impliqués dans le déclassement des armes nucléaires. De même qu’ils n’incluent pas les pensions et les assurances maladies qui couvriront leurs employés.  .

En 2012, un rapport d’un comité de haut niveau présidé par l’ancien Chef d’état-major des armées, le Général James Cartwright, concluait que  « aucun argument sensé n’a été avancé pour prouver que l’usage des armes nucléaires pouvaient être utilisés afin de résoudre aucun des problèmes majeurs que le 21ième siècle a à faire face [y compris] les menaces provenant d’états voyous, d’état renversés, de la prolifération, des conflits régionaux, du terrorisme, de la cyber-guerre, du crime organisé, du trafic de drogue, des migrations de masse de réfugiés dues aux conflits, des épidémies ou du changement climatique. En fait les armes nucléaires sont devenues plus une partie du problème qu’une solution. »

Sans étonnement, pour la liste des corporations investies dans le programme d’armement nucléaire, ceci n’a que peu d’importance. Ils mènent des actions de lobbying afin de supporter continuellement leurs contrats sur l’armement. Dans une étude de 2012 menée pour le centre de politique internationale [Center for International Policy],  « Bombes vs budget : au sein du lobby nucléaire », William Hartung et Christine Anderson rapportent que, pour les élections de cette année, les 14 principales entreprises ont donné presque 3 millions directement aux législateurs du Congrès.  Assez peu surprenant, plus de la moitié de cette somme est allée aux comités et comités adjoints qui supervisent les dépenses de l’armement nucléaire.   En 2015, l’industrie de la défense mobilisa une petite armée de 718 lobbyistes et distribua plus de  67 millions de dollars afin de faire pression  sur le Congrès pour obtenir une augmentation du budget général de l’armement.  Parmi les contributeurs les plus importants se trouvaient les corporations ayant des contrats d’armement nucléaires significatifs dont Lockheed Martin, Boeing et General Dynamics. Un tel  lobby pro-nucléaire est renforcé par la contribution et la pression de la part des compagnies fabriquant des missiles et les compagnies aériennes qui ne sont pas avant tout orientées sur le nucléaire. Certains des systèmes qu’elles produisent cependant, sont potentiellement à double usage (conventionnels et nucléaires), ce qui signifie qu’un programme nucléaire robuste augmente leurs profits potentiels.

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La pression continuelle des Républicains du Congrès pour des coupes  dans les programmes d’aides sociales est un mécanisme crucial qui assure que les impôts fédéraux seront disponible pour des contrats militaires lucratifs. En terme de qualité de vie (ou de mort),  ceci signifie que l’influence sous-estimée de l’industrie de l’armement nucléaire est singulièrement dangereuse. En échange des 35 milliards ou plus qui seront annuellement versés par le contribuable dans de tels armements afin de supporter les intérêts étriqués de d’un nombre modeste de compagnies, le dédommagement est la peur d’un avenir apocalyptique. Après tout, contrairement à la plupart des autres lobbies, celui de l’armement nucléaire et donc vos impôts, mettent la vie sur terre en danger d’extinction rapide, ou bien à la suite d’une destruction directe d’un holocauste nucléaire ou par la réduction radicale de la lumière du soleil atteignant la surface de la terre qui proviendrait de l’hiver nucléaire qui suivra pratiquement tout échange nucléaire. Pour le moment le complexe industrio-nucléaire est caché dans notre brouillard, ses budgets et ses financements protégés du regard public, ses projets à peine notés. C’est la bonne formule pour un désastre.

Jonathan Alan King est professeur de biologie moléculaire à MIT et Président du comité d’abolition du nucléaire [Nuclear Abolition Committee] du Massachusetts Peace Action. Il peut être contacté à  Jonking1@verizon.net. Richard Krushnic est un ancien responsable de prêts immobiliers et un analyste des contrats immobiliers et commerciaux au Department of Neighborhood Development de Boston. Il est actuellement investi dans le développement communautaire en Amérique latine et peut être joint à  rkrushnic@gmail.com

Traduction Elisabeth Guerrier

Le monde en garnison David Vine

David Vine, Our Base Nation

David Vine nous permet une nouvelle fois de découvrir la situation de guerre totale menée par les USA par l’intermédiaire de leur politique d’implantation militaire globale : pas moins de 800 bases militaires de par le monde, dont beaucoup aux frontières mêmes des pays supposés être les  « ennemis » potentiels contre lesquels se protéger.  Cachant cette stratégie délibérément impérialiste considérée comme un acquis politique, le discours est, depuis l’après-guerre, celui de la protection des populations nord-américaines et aucune position publique s’y opposant ou le contredisant n’est accessible aux contribuables qui continuent de payer des milliards de dollars pour des équipements et des forces humaines qui compromettent la possibilité d’une résolution des tensions par la négociation, endommagent les territoires occupés par ces bases et créent un état permanent de guerre dangereux pour les populations de la planète entière. E.G

Le monde en garnison

Comment les bases militaires US à l’étranger compromettent la sécurité nationale et nous font tort à tous. Par David Vine

Avec l’armée US ayant retiré la plupart de ses forces d’Irak et d’Afghanistan, beaucoup d’Américains seront pardonnés de ne pas être au courant que des centaines de bases militaires et des centaines de milliers de troupes US encerclent encore le globe. Bien que peu le sache, les US ont mis la planète en garnison comme aucun pays avant eux dans l’histoire et les preuves sont visibles du Honduras à l’Oman, du Japon à l’Allemagne, de Singapour à Djibouti. Comme la plupart des Américains, pendant toute ma vie je n’ai que peu pensé aux bases militaires. L’universitaire et ancien consultant de la CIA Chalmers Johnson m’a décrit correctement quand il a écrit en 2004 que : « Contrairement à la plupart des peuples, la plupart des Américains ne reconnaissent pas – ou ne veulent pas reconnaître –   que les USA dominent le monde grâce à leur pouvoir militaire. A cause du secret d’état, nos citoyens ignorent souvent le fait que nos garnisons encerclent la planète. »

Et si les Américains pensent un tant soit peu à ces bases, ils supposent généralement qu’elles sont essentielles à la sécurité nationale et à la paix mondiale. Nos leaders l’ont prétendu depuis que la plupart ont été établies lors e la Seconde guerre mondiale et dans les premiers temps de la Guerre froide.  Le résultat est que nous considérons cette situation comme normale et que nous acceptons que les installations militaires existent en nombre incroyable dans d’autres pays, sur la terre d’autres peuples. D’un autre côté, l’idée qu’il puisse y avoir des bases étrangères sur le sol américain est impensable.

Bien qu’il n’y ait aucune base étrangère autonome localisée en permanence aux USA, il y a encore, selon le Pentagone, à peu près 800 bases US  en pays étrangers. 70 ans après la Seconde guerre mondiale et 62 ans après la Guerre de Corée, il y a encore 174 bases en Allemagne, 113 au Japon et 83 en Corée du Sud. Des centaines d’autres sont parsemées sur la planète, dans près de 80 pays, y compris en Aruba et en Australie, au Bahreïn et en Bulgarie, en Colombie, au Kenya et au Qatar, entre autres. Bien que peu d’Américains le réalisent, les Etats-Unis ont plus de bases dans des pays étrangers qu’aucun peuple, aucune nation ou qu’aucun empire dans l’histoire.

Assez curieusement cependant, les médias ne rapportent ou ne commentent que rarement sur cette question. Pendant des années, lors des débats sur la fermeture de la prison de la base de Guantanamo Bay à Cuba, pas le moindre commentateur ou politicien ne s’est demandé pourquoi, en premier lieu, les US avaient une base sur le territoire cubain ou n’a questionné le fait que nous en ayons une. Rarement entend-on poser la question de  notre besoin de ces centaines de bases outremer ou si, à un coût annuel de 156 milliards de dollars, les US peuvent se les permettre. Rarement entend-on quiconque se demander comment nous nous sentirions si la Chine, la Russie ou l’Iran construisant une seule base n’importe où près de nos frontières, sans parler de notre territoire.

« Sans envisager les dimensions de cette base militaire ceinturant le globe » insiste Chalmer, « On ne peut pas commencer à comprendre la taille ni la nature des aspirations impérialistes ou le degré auquel un nouveau type de militarisme est en train de miner l’ordre constitutionnel ». alarmé et inspiré par son travail et conscient que relativement peu de personnes avaient tenu compte de ses avertissements, j’ai passé des années à essayer de suivre les traces de ce qu’on appelle « l’Empire des bases » et de le comprendre.  Pendant que la logique nous suggère que ces bases nous protègent, j’en suis arrivé à la conclusion opposée : sous de multiples aspects nos bases d’outremer nous mettent en danger, faisant courir des risques à tous, du personnel militaire US et sa famille aux habitants locaux vivant près des bases en passant par ceux qui payent des impôts pour les garnisons que notre gouvernement implante à la surface du globe. Nous sommes maintenant, comme nous avons été lors de la décennie précédente, une nation militaire, qui se déploie autour du monde et cela fait très longtemps que nous n’avons pas fait face à ce fait.

L’échelle de la Nation militarisée

Nos 800 bases militaires en dehors de nos 50 états et de Washington  DC ont toutes sortes de formes et de tailles. Certaines ont la taille de villes. «  Petites Amériques »   comme la base aérienne de Ramstein en Allemagne, la base aérienne de Kadena à Okinawa et la base navale et aérienne peu connue de Diego Garcia * dans l’océan Indien. Ces bases comprennent une infrastructure remarquable incluant des écoles, des hôpitaux, des centrales électriques, des complexes immobiliers et des espaces d’équipements collectifs souvent nommés  «  Les allées du bowling et de Burger King ». Parmi les installations américaines les plus petites se trouvent les bases lily pad «  feuilles de nénuphar »   (connues aussi en tant que cooperative security locations, emplacements de sécurité coopérative) qui la plupart du temps accueillent des drones, des porte-avions de surveillance, ou des armements ou des réserves pré-positionnées. On les trouve de plus en plus en Afrique et en Europe de l’Est qui manquaient auparavant de la présence militaire américaine.

D’autres équipements répartis à travers la planète comprennent des ports et des terrains d’atterrissage, des complexes de réparation, des aires d’entraînement, des installations d’armement nucléaire, des sites de tests de missiles, des arsenaux, des entrepôts, des casernes, des écoles militaires, des postes d’écoute et de communication, et un nombre croissant de bases de drônes. Les hôpitaux militaires et les prisons, les équipements de réhabilitation,  les bases paramilitaires de la CIA et des agences de renseignement (y compris les anciennes prisons de la CIA, les « sites noirs ») doivent être aussi considérés comme partie prenante de notre Nation militarisée à cause de leurs fonctions militaires. Même les les aires de loisirs et de détente dans des lieux comme les Alpes bavaroises ou Séoul en Corée du Sud sont des bases de ce type. L’armée dirige plus de 170 courts de golf dans le monde.

La présence du Pentagone outremer est encore plus importante. On trouve des troupes US et d’autres personnels militaires dans à peu près 160 pays et territoires étrangers, y compris un petit nombre de marines protégeant des ambassades et des déploiements plus importants de formateurs et de conseillers comme les 3500 environ qui travaillent maintenant pour l’armée irakienne. Et n’oublions pas les 11 porte-avions de la marine. Chacun d’entre eux peut être considéré comme une base flottante ou, comme la marine, de façon révélatrice se réfèrent à eux, comme  « Un hectare quatre-vingts de territoire souverain »

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En dernier lieu, au-dessus des mers, on trouve une implantation militaire de plus en plus importante dans l’espace. Les Etats-Unis ne sont cependant pas le seul pays à contrôler des bases militaires en dehors de son territoire. La Grande-Bretagne conserve à peu près sept bases et la France cinq dans leurs anciennes colonies. La Russie en a à peu près huit dans les anciennes républiques soviétiques et, pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, la «  Force d’auto-défense  » du Japon a une base étrangère à Djibouti,  dans la Corne d’Afrique, aux côtés des bases américaines et françaises. La Corée du Sud,  l’Inde, le Chili,  la Turquie, et Israël  ont tous au moins une base à l’étranger. La Chine est en train de chercher à installer sa première base outremer. Au total, ces pays ont probablement près de 30 installations à l’étranger, et que donc les installations américaines équivalent à peu près à 95% des bases étrangères mondiales.

Pour toujours en avant ?

Bien que les USA aient eu des bases dans des pays étrangers peu de temps après qu’elle ait gagné son indépendance, rien d’équivalent au déploiement global actuel de forces militaires n’était imaginable jusqu’à la Seconde guerre mondiale. En 1940, en un trait de crayon, le Président Franklin D. Roosevelt ratifia l’accord des bases de destroyers  [destroyers-for-bases] avec la Grande-Bretagne qui accordait instantanément un usage des installations dans les colonies britanniques pour une durée de 99 ans. La construction de bases et leur acquisition s’accélérèrent rapidement une fois le pays entré en guerre. Dès 1945, l’armée US construisait des équipements à raison de 112 par mois. A la fin de la guerre, leur nombre total s’élevait à 2000 sites. En seulement cinq ans,  les USA avaient développé le premier réseau mondial de bases militaires de l’histoire, reléguant largement dans l’ombre celui de l’empire britannique sur lequel le soleil ne se couchait jamais.

Après la guerre, l’armée restitua presque la moitié des installations mais maintint ce que George Stambuk nomme «  une institution permanente » de bases étrangères. Leur nombre est monté en flèche pendant les guerres de Corée et du Vietnam, puis a décliné après chacune d’entre elles. Lorsque l’Union soviétique implosa en 1991, il y avait 1600 bases américaines à l’étranger, avec 300.000 soldats stationnant uniquement dans les bases européennes. Bien que l’armée ait libéré presque 60 % de ses garnisons à l’étranger, l’ensemble de ses bases est demeuré relativement intact. En dépit de la fermeture supplémentaire de bases en Europe et dans une moindre mesure en Extrême-Orient pendant la dernière décennie et en dépit de l’absence de l’opposition d’une superpuissance, presque 250.000 soldats sont encore déployés dans le monde entier sur ces installations.

Bien qu’il y ait moitié moins de bases qu’en 1989, le nombre de pays où les US sont implantés a presque doublé, passant de 40 à 80. Lors des dernières années, le «  Pivot pacifique » du Président Obama a représenté des milliards de dollars de dépenses somptuaires en Asie, où l’armée avait déjà des centaines de bases et des dizaines de milliers de soldats. Des milliards supplémentaires ont été engloutis dans la construction sans précédent d’infrastructures dans chacun des pays du golfe Persique à part l’Iran. En Europe, le Pentagone a dépensé des milliards dans la construction de nouvelles bases très onéreuses  tout pendant qu’il en fermait d’autres.

Depuis le début de la Guerre froide, l’idée que notre pays doit avoir une importante collection de bases et des centaines de milliers de soldats stationnée en permanence à l’étranger est restée un diktat quasi-religieux de notre politique étrangère et de notre politique intérieure. L’idée vieille de presque 70 ans maintenant sous-tendant cette croyance si profondément ancrée est connue comme la stratégie de l’avancée. A l’origine, cette stratégie affirmait que les USA devaient maintenir une grande concentration de forces et de bases aussi près que possible de l’URSS afin de l’encercler et de  « contenir » son soi-disant désir d’expansion. Mais la disparition d’une autre superpuissance à contenir n’a pas créé de différence remarquable dans cette stratégie de l’avancée. Chalmers Johnson s’est inquiété  le premier de notre empire de bases quand il a reconnu que les structures de l’empire américain demeuraient largement inchangées en dépit de l’effondrement de leur ennemi supposé. Deux décennies après la disparition de l’URSS, les personnages politiques de tous bords supposent encore sans question que les bases outremer et les forces de l’avancée déployées sont essentielles pour protéger le pays. Le gouvernement de Georges W. Bush insistait   d’une façon typique sur le fait que les bases à l’étranger « maintenaient la paix » et étaient le «  symbole de l’engagement des USA auprès de ses amis et alliés. ». Le gouvernement Obama a déclaré de la même façon que protéger le people américain et la sécurité international requérait « une posture de sécurité globale ».  Le support aux stratégies de l’avancée est demeuré le consensus parmi les politiciens des deux partis, les experts de la sécurité nationale, les officiels de l’armée, les journalistes et parmi à peu près tout le monde exerçant un pouvoir à Washington. Les diverses formes d’opposition au maintien d’un grand nombre de bases et de soldats  ont longtemps été  mises au pilori comme non-violence idéaliste ou comme la sorte d’isolationnisme qui permit à Hitler de conquérir l’Europe.

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Le coût de la mise en garnison du monde

Comme le montre Johnson, il y a de nombreuses raisons de questionner le statu quo des bases outre-mer. La plus évidente est la raison économique. Les garnisons outre-mer sont extrêmement onéreuses. Selon la RAND Corporation,  même lorsque certains pays comme le Japon ou l’Allemagne couvrent une partie des coûts, les contribuables américains continuent de payer une moyenne annuelle de 10.000 à 40.000 dollars de plus que pour un poste sur le sol US pour un poste militaire à l’étranger. Les frais de transport, le coût plus important de la vie quotidienne dans certains pays hôtes et le besoin de fournir des écoles, des hôpitaux, des logements et d’autres supports aux membres des familles du personnel militaire signifie que les dollars s’additionnent rapidement- spécialement avec plus d’un demi-million de soldats, membres des familles et employés civils sur les bases outre-mer à tout moment.

D’après mes très prudents calculs,  le fait de maintenir les installations et les troupes outre-mer a coûté au moins 85 milliards de dollars en 2014 – plus que le budget disponible pour chaque organisme gouvernemental sauf le département de la défense lui-même. Si la présence des US  en Afghanistan et en Irak est inclue, la facture se monte à 156 milliards ou plus. Pendant que les bases sont très coûteuses pour le contribuable,  elles sont extrêmement profitables aux corsaires nationaux  des guerres du 20 ième siècle comme DynCorp International et l’ancienne filiale d’Halliburton KBR. Comme le note Chalmers Johnson, « Nos installations à l’étranger sont profitables à l’industrie civile qui gagne des milliards en contrats annuels pour construire et maintenir nos postes éloignés. »

Pendant ce temps, beaucoup de communautés accueillant ces bases n’ont jamais vu les retombées économiques régulièrement promises par les US et les leaders locaux. Certaines zones, particulièrement les communautés rurales  les plus pauvres ont vu un boom économique à court terme au moment de la construction de la base. Cependant dans le long terme, la plupart des bases ne créent pas d’’économie locale saine et stable. Comparées avec d’autres formes d’activité économique, elles représentent un usage improductif des terres, emploient relativement peu de gens par rapport au territoire occupé et contribuent peu à la croissance économique locale. Des recherches ont montré d’une façon invariable que lorsque les bases ferment l’impact économique est généralement limité et dans quelques cas positifs – c’est à dire que les communautés locales finissent par s’en sortir mieux lorsqu’elles échangent les bases contre des écoles, des logements, des complexes commerciaux et d’autres formes de développement économiques.

Dans le même temps pour les USA, investir l’argent des contribuables dans la construction et la maintenance de bases militaires outre-mer signifie de renoncer à des investissements dans des domaines comme l’éducation, les transports, le logement et la santé bien que ces industries soient plus une opportunité pour l’ensemble de la productivité économique et créent plus d’emplois en comparaison des mêmes dépenses dans le domaine militaire. Imaginez ce que 85 milliards par an représenteraient en terme de reconstruction des infrastructures civiles délabrées.

Le coût humain

Au-delà du coût financier se trouve le coût humain. Les familles du personnel militaire font partie de celles qui souffrent de la dispersion des bases étant donné  les tensions dues au déploiement à distance, à la séparation des familles, aux déménagements fréquents. Les bases outre-mer contribuent également au taux choquant d’agressions sexuelles  dans le monde militaire. 30% des femmes en service en sont victimes pendant leur temps de service et un nombre disproportionné de ces crimes se produisent à l’étranger.  En dehors des bases, dans des lieux comme la Corée du sud, on trouve souvent de la prostitution qui relève de l’exploitation orientée vers le personnel militaire US. Dans le monde entier, les bases ont créé des dommages environnementaux étendus à cause des fuites toxiques, des accidents et dans certains cas d’un abandon délibéré de certaines substances toxiques. La criminalité des GI déclenche depuis longtemps la colère des habitants. A Okinawa et ailleurs, les troupes américaines ont commis des actes de viols  à répétition contre les femmes indigènes.

Du Groenland  à l’île tropicale de Diego Garcia, l’armée a déplacé des autochtones pour construire ses bases. Contrastant avec la rhétorique de la propagation de la démocratie fréquemment évoquée, l’armée a montré une préférence  pour les états non démocratique et despotiques comme le Quatar ou Bahrain pour établir ses bases. En Irak, en Afghanistan et en Arabie Saoudite, les bases US ont créé un sol fertile pour le radicalisme et l’anti-américanisme. La présence de bases près des lieux saints  musulmans en Arabie Saoudite a été un outil de recrutement majeur pour al-Qaeda et part de la motivation de Osama ben Laden  pour l’attaque du 11 Septembre 2001. Bien que cette tourmente permanente soit peu remarquée aux US, les bases à l’étranger ont trop souvent généré des griefs, des protestations et des relations d’antagonisme. Bien que peu le reconnaisse, nos bases sont une part majeure de l’image présentée par les US au monde- et elles nous montrent souvent sous une lumière peu flatteuse.

Créer une nouvelle guerre froide, base par base

Le fait que les bases augmentent la sécurité  et la paix globale n’est pas non plus très clair. Dans l’absence d’une superpuissance ennemie, l’argument que des bases situées à des milliers de kilomètres du territoire américain sont nécessaires pour défendre l’Amérique – ou même ses alliés- est difficile à défendre.  Au contraire, la collection mondiale de bases a généralement permis le déclenchement d’opérations militaires, la frappe de drones, et des guerres par choix dont le résultat fût des désastres à répétition, la perte de milliers de vies et des destructions restées cachées du Vietnam à l’Irak. En facilitant la déclaration de guerres à l’étranger, les bases outre-mer ont rendus clair le fait que l’action militaire était une option encore plus attrayante- souvent la seule option imaginable- pour les politiciens américains.  Comme le dit l’anthropologue Catherine Lutz, quand tout ce que vous avez dans votre boîte à outil de politique étrangère est un marteau, tout commence à ressembler à un clou. Au bout du compte, les bases étrangères ont rendu les guerres plus souvent envisageables que l’inverse.

Les partisans de la théorie de l’avancée, vétuste depuis longtemps, répondront que les bases outre-mer dissuadent l’ennemi  et permettent de maintenir une paix mondiale. En tant que supporters du statu quo, ils ont proclamé que de tels bénéfices de sécurité étaient des vérités évidentes depuis des dizaines d’années. Peu ont fourni quoi que ce soit de substantiel pour argumenter leur déclarations.

Bien qu’il existe quelques preuves que les forces militaires peuvent bien sûr dissuader les menaces immédiates, peu sinon aucune recherche ne suggèrent que les bases outre-mer sont une forme effective de dissuasion sur le long terme. Des études  menées à la fois par l’administration Bush et par la corporation RAND – pas vraiment des pacifistes de gauche-  indiquent que les avancées dans le domaine de la technologie des transports avaient largement éliminé les avantages de l’implantation de troupes à demeure à l’étranger. Dans le cas d’une guerre de défense légitime ou dans celui d’une opération de maintien de la paix, l’armée pourrait généralement déployer ses troupes aussi rapidement à partir de son propre sol qu’à partir des bases outre-mer. Des transports rapides par mer ou par air, couplés avec les accords permettant l’usage des bases des nations alliées et potentiellement, des ravitaillements pré-positionnés sont alternative beaucoup moins chère et moins irritante que le maintien des bases outre-mer.

Nous pouvons aussi questionner l’augmentation de la sécurité que de telles bases confèrent aux pays d’accueil. la présence de telles bases peut changer un pays en cible pour des pouvoirs étrangers ou des militants.- tout comme les installations US on mises en danger les Américains outre-mer. De la même façon,  plutôt que de stabiliser des régions dangereuses, les bases augmentent fréquemment la tension militaire et décourage les solutions diplomatiques aux conflits. Placer des bases militaires près des frontières de pays comme la Chine, la Russie ou l’Iran, par exemple augmente les menaces pour leur sécurité et les encourage à répondre en stimulant leur propres dépenses et activités militaires. Imaginons comment les leaders américains auraient répondu si la Chine avait entrepris de construire même une petite base au Mexique, au Canada ou dans les Caraïbes ? Il est à noter que le moment le plus dangereux pendant la Guerre froide- la crise des missiles cubains- déclenchée à cause de la construction des équipements de missiles nucléaires soviétiques à Cuba, à peu près à 150 kilomètres de la frontière des USA.  La création et la maintenance de tant de bases militaires encourage de même d’autres nations à construire leurs propres base outre-mer dans ce qui pourrait vite devenir une « course à la base »,   Les bases près des frontières de la Russie et de la Chine, en particulier, menacent d’alimenter de nouvelles guerres froides. Les officiels  US peuvent insister sur le fait que construire de nouvelles bases au Moyen-Orient est un acte défensif permettant d’assurer la paix dans le Pacifique mais allez dire ça au Chinois Que les gouvernements ne soient pas du tout «  réassurés » par la création de nouvelles bases supplémentaires encerclant leurs frontières. Contrairement à  l’affirmation que de telles installations augmentent la sécurité globale, elles tendent à faire monter d’un cran les tensions régionales, augmentant le risque d’une future confrontation militaire. De cette façon, tout comme la guerre anti-terroriste est devenue un conflit global qui semble répandre la terreur, la construction de nouvelles bases américaines pour se protéger des menaces fantasmées de la Russie et de la Chine pourraient faire courir le risque de devenir des prophéties qui se réalise. Ces bases peuvent en fait contribuer à créer cette même menace dont elles sont censées nous protéger. En d’autres mots, loin de créer un monde plus sécurisé, les bases US peuvent rendre en fait la guerre plus probable et les pays moins sûr.

Derrière les fils barbelés  

Dans son célèbre discours  d’adieu adressé à la nation en quittant la Maison blanche en 1961, le Président Dwight D. Roosevelt avertit la nation à propos des effets économiques, politiques et même spirituels insidieux de ce qu’il surnomma « le complexe militaro-industriel-congressiste », le vaste enclenchement d’un état sécuritaire issu de la Deuxième Guerre mondiale. Comme nous le rappelle le travail de Chalmers Johnson pour ce nouveau siècle, notre collection de bases vieille de soixante-dix ans est la preuve qu’en dépit des avertissement de Ike, les USA sont entrés dans un état permanent de guerre avec une économie, un gouvernement et un système global de pouvoir  impliqué dans la préparation de futurs conflits.

Les bases américaines d’outre-mer nous ouvrent une fenêtre sur l’impact militaire sur le monde et sur nos vies quotidiennes. L’histoire de ces massives «  Petites Amériques » de béton, de restaurants fast-food et d’entrepôts d’armement nous offrent une chronique vivante des USA dans la période post Deuxième Guerre mondiale. En un certain sens, lors de ces dernières sept décennies, que nous le réalisions ou non, nous en sommes tous venus à vivre «  derrière les fils barbelés » comme aime à le dire le personnel militaire.

Nous pouvons croire que de telles bases nous protègent. En réalité, elles nous ont aidé à nous enfermer dans une société militarisée en permanence qui nous a tous rendus – tous sur cette planète – moins sûrs, endommageant nos vies chez nous et à l’étranger.

David Vine est Professeur associé d’anthropologie à l’American University de Washington DC. Son livre Base Nation: How U.S. Military Bases Abroad Harm America and the World, vient d’être publié en tant que partie de Le projet de l’empire américain  associate professor of anthropology at American University in Washington, D.C. His book,  has just been published as part of the American Empire Project (Il a écrit pour le New York Times, le Washington Post, le Guardian, et Mother Jones, entre autres publication. Pour plus d’information et des articles supplémentaires, visitez www.basenation.us http://www.basenation.us/  and www.davidvine.net. http://www.davidvine.net/

Suivre TomDispatch sur Twitter and rejoignez-nous sur Facebook. https://www.facebook.com/tomdispatch Prenez connaissance de notre nouveau livre Dispatch Book,  Nike Turse « Les champs de bataille de demain : Les guerres par délégation des USA  et les opérations secrètes en Afrique » ainsi que le dernier livre de Tom Engelhardt «  Le gouvernement de l’ombre : surveillance, guerres secrètes et l’état global sécuritaire dans un monde au suoper-pouvoir unique.Check out the newest Dispatch Book, Nick Turse’s Tomorrow’s Battlefield: U.S. Proxy Wars and Secret Ops in Africa, http://www.amazon.com/dp/1608464636/ref=nosim/?tag=tomdispatch-20 and Tom Engelhardt’s latest book, Shadow Government: Surveillance, Secret Wars, and a Global Security State in a Single-Superpower World. http://www.amazon.com/dp/1608463656/ref=nosim/?tag=tomdispatch-20

Copyright 2015 David Vine

Traduction Elisabeth Guerrier

Aliénation mentale, Indiens fous et marteau des sorcières : la santé mentale comme oppression David Edward Walker

Lunacy, Crazy Indians and the Witch’s Hammer: Mental Health Care as Oppression

David Edward Walker Mad in America

La remontée dans le temps et dans l’histoire des peuples amérindiens que nous offre cet article de David Edward Walker nous permet d’enraciner le DSM, dans sa genèse et dans son idéologie. Le DSM 5, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié le 18 Mai 2013 par l’Association américaine de psychiatrie devenu un outil de nomenclature omniprésent et vecteur, avec ses quelques 600 diagnostiques, d’une pathologisation du comportement et de l’attitude qui de publication en publication s’affiche avec une forme de despotisme totalitaire. L’analyse de Walker nous permet de nous extraire de la toute-puissance pseudo-scientifique de cet outil à visée nosographique internationale pour lui redonner son contexte de création, c’est à dire les fondements eugéniques théorisés par Sir Francis Galton qui ont caractérisé sa première élaboration et l’idéologie du réductionnisme biologique sous-jacente du psychiatre allemand Emil Kraepelin pour qui toute forme d’anormalité est d’origine biologique ou lésionnelle. C’est en présentant la psychiatrie avant tout comme l’institutionnalisation d’un outil politique et répressif que Walter nous permet de donner à la nomenclature nosographique actuelle toute sa relativité et à la considérer comme une marque normative légitimée par un rapport de pouvoir à la fois subi et tacite. E.G

 

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Courtesy Oklahoma Historical Society Research Division Le Cherokee Orphan Asylum a ouvert en 1877, à dix kilomètres au sud de Tahlequah, Oklahoma.

Démence, Indiens fous et le marteau de la sorcière : le soin psychiatrique comme oppression

David Edward Walker

8/13/15

Le passé est dans le présent, si seulement nous pouvions le remarquer. Quand un dispensateur de soins à l’IHS ( Indian Health Service, Service indien de Santé ) pose le diagnostique de Attention Deficit Hyperactivity  Disorder (ADHD) [Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité] ou de Bipolar Disorder (BD), [Trouble bipolaire][ ou bien de Post Traumatic Stress Disorder, (PTSD) [Trouble du stress posttraumatique],  on devrait entendre les échos des médecins il y a un siècle attestant des « défauts de raisonnement » [defects of reasoning] et s’arrangeant pour interner les populations autochtones dans des asiles d’aliénés. Les « dépistages de santé mentale » d’aujourd’hui et la liste de « symptômes » a remplacé les « délimitations des démences indiennes » [Indian Lunacy Determinations] d’hier dans le masquage et l’ignorance des iniquités chroniques et de l’oppression. Les chaînes anciennes attachent encore les corps des indigènes à travers un endoctrinement qui définit le « traitement » comme une torpeur et une sédation à l’aide de médicaments altérant l’esprit et ayant parfois des effets secondaires épouvantables.

Les labels psychiatriques utilisés actuellement par l’HIS pour diagnostiquer les populations indigènes sont si pauvrement conçus qu’en 2012, le Dr. Tom Insel, directeur de la principale source de subventions fédérale des industries pharmaceutiques, le National Institute of Mental Health (NIMH) [ Institut national de santé mentale ] a interdit leur usage dans le cadre de la recherche à cause de leur «  absence de biomarqueurs, du manque de catégories diagnostiques valides, et de notre compréhension limitée… ». Étrangement, le NIHM continue d’utiliser les mêmes labels psychiatriques sur son site web afin de convaincre les visiteurs de leurs mensonges scientifiques concernant de soi-disant défauts cérébraux ou génétiques. Ces labels psychiatriques sont un excellent moyen de commencer à investiguer le passé du système de santé mentale dans le pays indien. Le marquage du label « ne s’adapte pas » sur un individu était le moyen pour le système de santé mentale du 19 ième siècle de promouvoir l’intégration forcée.

La luxure insatiable des femmes.

L’intolérance chrétienne à la non-conformité, aux différences et aux handicaps a conduit à des exécutions publiques lors de l’Inquisition aux 15 ième et 16 ième siècles et plus humainement à la création d’asiles d’aliénés afin d’isoler ceux qui étaient identifiés comme «  différents », quelle qu’en soit la raison. Par contraste, l’approche des comportements ou des attributs inhabituels des indigènes nord-américains insistait sur la tolérance et l’inclusion, allant jusqu’à la révérence. Un a priori très puissant touchant la sacralité de la vie rendait des concepts européens comme ceux de « maladie », « handicap » ou « folie » étrangers et irreprésentables. Un esprit humain pouvait être situé dans un corps ou un cerveau plus limité que les autres mais même cette malchance pouvait offrir des visions spirituelles ou des enseignements. La médecine pour le mal- être était aussi spirituelle, dirigée vers la restauration et la connexion.

La doctrine chrétienne séparait les pulsions animales du corps des aspirations plus hautes de l’esprit. Le corps était une source vile de péché et de corruption et pendant que l’Eglise concédait que les saints aient pu se comporter étrangement, les autres personnes se comportant d’une façon hors-norme étaient généralement considérées comme étant habitées du démon. Les femmes étant plus vulnérables à la possession satanique et la libération diabolique de leur pouvoir sexuel une menace majeure pour l’homme européen.

Le recueil de procédures le plus populaire pour l’identification et l’exécution de telles sorcières, le Malleus Maleficarum,  ou “Marteau des sorcières », rédigé en 1487 dit : « Toute la sorcellerie vient du désir charnel, qui est, chez les femmes, insatiable. » Les auteurs du Marteau des sorcières étaient « grandement préoccupés par la répression des cérémonies  païennes » et ont fourni le guide qui a permis de brûler sur le bûcher pas moins de 9 millions de femmes.

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Une page du livre “Malleus Maleficarum.” Le marteau de la sorcière qui a détruit les sorcières et leur hérésie comme une lance toute-puissante. (Courtesy Wikipedia)

Exécuter quelqu’un jugé pour être possédé par le diable a conduit finalement les chrétiens les plus progressistes à hésiter – ils ne souhaitaient pas tuer quelqu’un qui aurait pu au lieu de cela souffrir d’une affliction. Les Humanistes chrétiens ont commencé à financer la recherche médicale de défauts ou de maladies chez des personnes qui auraient autrement été considérées digne de rédemption. Ceux considérés comme ne méritant pas la rédemption fournissant aux premiers anatomistes européens l’opportunité de les disséquer sans risquer qu’ils soient accusés de profanation impie. Ils pouvaient légalement obtenir les corps des criminels exécutés ou les corps non réclamés après deux jours ou plus.

Une version moins sanglante du pillage de tombe ou de l’enlèvement de cadavre est la recherche psychiatrique contemporaine effectuée grâce à des partenaires amicaux comme le NIMH appliquant des technologies comme les tomographies par émission de positron (TEP) [PET, Positron Emission Tomography] et l’imagerie à résonance magnétique, IRM. Ces procédures forment les bases d’une science du cerveau erronée actuellement plébiscitée par le IHS. Il fut un temps où les crânes des Indigènes américains étaient simplement enlevés, comme lorsque l’anatomiste américain bien connu Samuel Morton distingua les crania American, en 1839 et consolida la catégorie raciale de « Indien d’Amérique du nord » inventant la « craniométrie » afin de mesurer les capacités mentales des indigènes à l’opposé des standards des crânes des blancs « caucasiens ». Le Dr. Norton déplorant «  l’inaptitude des Indiens pour notre civilisation ». À peu près 1200 crânes furent rassemblés provenant des champs de bataille des guerres contre les indiens, du pillage des tombes des indiens-américains et de « sources inconnues »

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Une page du “Crania Americana.” De Samuel Morton (Courtesy Archive.org)

Lorsque les médecins occidentaux ont pénétré pour la première fois le pays indien, ils amenaient avec eux la croyance, chrétienne et fruit des lumières, de la maladie mentale comme maladie du corps – c’est à dire la croyance que la perte des capacités de raisonnement provenait de défauts dans le corps et notamment dans le cerveau. Très vite, le concept maintenant abandonné d’aliéné fût appliqué aux indigènes américains résistants, débordés  ou simplement déplacés, victimes de la colonisation et de l’oppression.

Aliéné était un mot nouveau pour caractérisé les individus ensorcelés par des pratiques païennes non-chrétiennes. Initialement, il se référait à « certains hommes… malmenés par le Diable [et] profondément affectés par les diverses phases de la lune. » selon le Malleus Maleficarum. Avant d’être assimilés de force, les européens pré-chrétiens des communautés tribales adoraient Diane, déesse de la lune, de l’enfantement, de la croissance, des soins et de la sorcellerie. Notre croyance que la pleine lune accentue la folie est une rémanence intergénérationnelle d’une croyance indigène féminino-centrée* européenne et une autre démonstration de la place du passé dans le présent.

La médecine américaine étiquette agressivement toute réaction d’opposition  à l’oppression comme une maladie mentale. Le Dr Benjamin Rush, signataire de la Déclaration d’Indépendance et père de la psychiatrie américaine, notait en 1813 que «  les Africains deviennent fous… peu de temps après être entrés dans le labeur de l’esclavage à perpétuité. » Le Dr. Samuel Cartwright, élève de Rush,  créa rapidement le diagnostique de  dysaesthesia aethiopica pour l’« attitude irascible » des esclaves et  Drapetomia  pour la maladie consistant à fuir l’esclavage. Cartwright déclare qu’ « ils doivent être punis jusqu’à atteindre ce degré de soumission qui est prévu pour être celui qu’ils occupent » selon la Bible.

Lors des premières rencontres, les médecins occidentaux présumaient que les amérindiens vivaient dans un état de pureté et de romantisme qui les immunisait contre les maladies mentales. En fait, certains reconnaissaient même que les forces de la civilisation occidentale pouvaient menacer la stabilité indigène. En 1844, le Dr. Issac Ray, membre fondateur de l’American Association of Medical Superintendents (devenue l’American Psychiatric Association) [ Association psychiatrique américaine]  écrit : « Si le Sauvage est plus exempt des infirmités mentales que le Sage…il nous faut attribuer ce fait à une plus grande exemption de tous les effets de détérioration de la civilisation.» Dans la même domaine, le Medical Examiner rapporte que Charles Lillybridge, ayant examiné « plus de deux-mille indiens «  lors de la Piste des larmes Cherokee * » n’a jamais vu ou entendu parler d’un cas de folie parmi eux », pendant qu’un certain Dr. Butler « Missionnaire et médecin dévoué au sein des Cherokee » pendant vingt-cinq ans « n’a jamais vu un seul cas de folie »

 * La Piste des larmes (en Cherokee : Nunna daul Isunyi « La piste où ils ont pleuré », en anglais : Trail of Tears) est le déplacement de plusieurs peuples amérindiens par les États-Unis entre 1831 et 1838. Ces populations s’établissent à l’ouest du Mississippi et leurs anciennes terres sont remises à des colons blancs, en application de l’Indian Removal Act.

Plus tard, un élément progressif parmi la nation cherokee se sentit tenu d’ouvrir le premier service de santé mentale du pays indien – le Home for the Insane, Deaf, Dumb, and Blind [la Maison pour les fous, sourds, idiots et aveugles] plus connue sous le nom de Cherokee Asylum [ Asile Cherokee]

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The Cherokee Asylum opened in 1877 six miles south of Tahlequah, Oklahoma. (Courtesy Cherokee Heritage Museum/Wikipedia)

Certaines races doivent être éliminées

Les clans matrilinéaires cherokees représentaient autrefois une famille élargie responsable pour les enfants de chacune des mères, quel que soit son statut ou son handicap. Si quoi que ce soit de proche du concept de « propriété terrienne » existait, c’était exprimé à travers le partage traditionnel du clan. La Piste des larmes cherokee et leur déplacement forcé vers l’Ouest a grandement précipité la fin des traditions matrilinéaires et créé une nouvelle population d’indigènes rejetés, déplacés et indigents.

Pendant des années les Cherokees progressistes ont favorisé les mariages interraciaux et l’adoption des mœurs des planteurs esclavagistes du Sud. Les traditionalistes, beaucoup moins enclins aux mariages interraciaux  maintinrent les us cherokees et étaient mitigés quant à l’esclavage. Bien que les deux côtés aient adopté des versions de la religion chrétienne, les progressistes furent clairement favorisés par le gouvernement et obtinrent un accès considérablement plus grand aux terres, aux ressources et au pouvoir. Cette stratégie fédérale pour détruire les « traditionalistes » i.e. les protecteurs de la culture indigène, fût utilisée sur tout le territoire indien.

La Guerre Civile divisa plus avant les Cherokees progressistes et traditionalistes, dévastant les communautés à un point tel qu’en 1862, l’agent indien W.G Coffin décrit plusieurs milliers de personnes « pieds nus et plus encore sans même de haillons pour cacher leur nudité. » Après la guerre, la nation cherokee fût punie pour avoir collaboré avec les Confédérés en étant force de céder quatre millions d’hectares de terre aux US. C’est dans le contexte d’une société presque entièrement dépouillée de sa force que le Cherokee Asylum a été ouvert en 1877, à environ neuf kilomètres de Tahlequah, dans l’Oklahoma. Plusieurs centaines de milliers de dollars provenant de la vente des terres furent utilisées pour créer un lieu d’accueil pour les orphelins, les maladies mentaux indiens, les personnes déplacées ainsi que les sourds, les idiots, les aveugles et les indigents qui avaient jadis été sous la responsabilité matrilinéaire clanique cherokee.

N’en concluez pas qu’un interné de l’Asylum était réellement perturbé ou fou. Être destitué était le seul critère d’admission. Qu’il ou elle ait été ivre, coléreux ou bizarre ou simplement très pauvre, il était fait peu de distinctions pour interner le nouvellement dénommé « Indien fou ». Il suffisait que deux citoyens cherokees rapportent que quelqu’un ait besoin d’une admission pour qu’il soit interné. L’unique médecin de l’Asylum pouvait donner son avis mais la décision appartenait au comité d’administrateurs ( des Cherokees progressistes) de décréter l’internement ou la libération.

Bien que cela n’ait pas réussi, le Cherokee Asylum devait subvenir à ses propres besoins, développant le travail à temps plein auprès des troupeaux ou dans les champs pour les individus physiquement aptes. « Les rapports sexuels libres et sans retenue » sont interdits. L’influence civilisatrice des Évangiles était considérée comme essentielle et légiférée : « Il est du devoir de l’intendant d’assurer les services des membres de l’église afin qu’ils assurent les services religieux ou les prêches à l’Asylum chaque dimanche, ou aussi souvent que possible. » Cependant des visiteurs moins pieux allaient et venaient fréquemment et des plaintes émergèrent à propos de « parents ou d’amis des internés [qui] considèrent l’Asylum comme un  établissement public », c’est-à-dire comme une taverne ou un bar. De cette façon, la Nation cherokee de l’Ouest fut la première à adopter l’approche européenne consistant à enfermer les destitués, les différents et les non-conformes ».

Les internés du Cherokee Asylum étaient principalement les victimes de la destruction culturelle, déconnectés de leurs familles et déshérités de la propriété partagée de leur clan matrilinéaire. Les Cherokees de l’ouest luttèrent avec succès pour défendre ce qui restait de leur système matrilinéaire affaibli lorsqu’en 1887 ils résistèrent aux essais du Dawes Act de répartir la terre par lot individuel en faisant respecter le droit de titre de pleine propriété qu’ils utilisèrent à dessein pour signifier une propriété commune. Leur lutte fut finalement perdue quand le Curtis Act passa en 1898.

Les courts pénales tribales des Five Civilized Tribes [Cinq tribus civilisées] furent abolies par la suite, laissant à la US court [tribunal américain]  la juridiction directe de tous les citoyens cherokees. Cette même court des US qui, sur les territoires indiens, contrôla la répartition individuelle des terres cherokees, supervisait maintenant le bail de développement du pétrole et du gaz, ainsi que le droit de déterminer si les indiens souffraient de troubles mentaux. Cette période, de 1880 au Indian Reorganization Act [l’Acte de réorganisation indienne] de 1934, vit le Indian Agent  [représentant des indiens] et le juge de la US Court devenir les arbitres absolus de toutes ces questions.

Suivant les précédentes législations britanniques, la US Court [Tribunal américain]  commença à investir les médecins blancs du privilège de déterminer légalement si des défauts de raisonnement étaient suffisants pour qu’une personne ne fasse pas la différence entre le bien et le mal dans les procédures criminelles et soit déclarée « malade mentale ». Deux philosophies influentes forment le cadre critique de la profession médicale occidentale à cette époque. La première, initiée par le psychiatre allemand Emil Kraepelin postule que toutes les maladies mentales sont le résultat final de lésions cérébrales. Cette même idéologie psychiatrique, nommée le réductionnisme biologique, se retrouve de Samuel Morton au concept chrétien de corps pécheur et est actuellement la base de la philosophie « biomédicale » de l’Indian Health Service. La seconde philosophie est l’Eugénisme, créée par le psychologue britannique (et cousin de Charles Darwin) Sir Francis Galton, qui prétend que dans le but d’améliorer l’espèce humaine « des races plus adaptées  et des sangs plus filtrés avaient besoin de « plus de chances de prévaloir sur des races moins adaptées » Ceci signifiait que certaines races devaient être éliminées. En 1865, Sir Francis Galton écrivit que les Amérindiens « montraient le minimum de qualités affectives et sociales compatibles avec la maintenance de leur race » signifiant qu’ils devraient être exterminés.

Deux ans avant les remarques de Sir Francis Galton des dizaines de parents oraibis, apaches et hopis furent emprisonnés sur l’île d’Alcatraz pour avoir résisté aux missionnaires et aux agents fédéraux essayant de kidnapper leurs enfants et de les mettre en pension. A partir de ce moment, ces actions ainsi que d’autres actes de résistance ou de défiance pouvaient être étiquetée comme « folles ».  Après tout, rejeter les intentions bienveillantes des officiels civilisateurs ne pouvait qu’être attribué à un « défaut de raisonnement ». L’Indian Lunacy Determinations [Le diagnostique des maladies mentales indiennes] devint la procédure légale pour institutionnaliser les résistants aux côtés des personnes déplacées, rejetées ou réagissant au trauma et à l’oppression subie par leur communauté, supposée être la plus inférieure parmi les inférieures.

Lors des derniers jours de l’Indian Territory, en 1905, avant la création de l’état de l’Oklahoma, la procédure judiciaire pour la Lunacy Determination [diagnostique d’aliénation] n’était pas plus standardisée que celle qui déterminait le placement au Cherokee Asylum. Plusieurs élus, généralement blancs, l’Indian Agent [le représentant des Indiens] ou un gardien appointé, si applicable, pouvait formuler une demande officielle afin que le Juge fédéral détermine l’état de santé mentale d’un indigène. Tout médecin pouvait établir une « évaluation », et une note manuscrite établissant la folie ou la maladie mentale était tout ce qui était exigé. Le témoignage et le jugement ultime était souvent placés dans une enveloppe brune, dont j’ai trouvé de nombreux exemplaires, légèrement usés, dans une vieille boîte des NARA (Archives nationales et  enregistrement des dossiers)

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(Courtesy National Archives and Record Administration)

Etant donné la facilité avec laquelle les indigènes étaient jugés malades mentaux,  il n’est pas surprenant que la demande de places pour les interner ait commencé à excéder le nombre de lits disponibles pour ces âmes en peine. Les asiles en dehors du territoire indien commencèrent à absorber l’écart mais les directeurs des hôpitaux s’opposèrent à l’internement des indiens avec les blancs, à cause de leur infériorité supposée, de l’agitation des racistes blancs internés et des rapports sexuels interraciaux éventuels qui auraient violé les principes tacites de l’eugénisme.

En 1901, le Bureau of Indian Affairs [bureau des affaires indiennes] entreprit la construction du Hiawatha Asylum pour les indiens malades mentaux à Canton, Dakota du Sud. En Janvier 1904,  peu de temps après l’achèvement de sa construction, le Cherokee Advocate constate qu’il n’y avait que 18 internés dans le bâtiment qui avait « tristement besoin de réparations, en particulier les fenêtres, presque sans vitres.»

Avec l’étatisation imminente du Territoire et la perte de la juridiction tribale, certains internés cherokees furent finalement placés sous la responsabilité de l’état de l’Oklahoma. D’autres transférés dans le nouvel établissement psychiatrique public BIA du Dakota du Sud. (Je développerai le sujet du Hiawatha Azylum dans un autre article de cette série)

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The Hiawatha Asylum was constructed in 1901 in Canton, South Dakota. (Courtesy GoDakota.com)

En 1918 le U.S. Census Bureau  [Bureau du recensement américain] approuva le Statistical Manual for the Use of Institutions for the Insane, [ manuel statistique pour l’utilisation des institutions pour malades mentaux] publié par le National Committee for Mental Hygiene, [comité national pour l’hygiène mentale] en tant que « système national de statistique des maladies mentales » afin d’aider à répertorier les menaces des tensions raciales indésirables et leurs conséquences sur l’équilibre mental. Ce document de 1918 – et non la première publication de 1952 de l’ American Psychiatric Association [ association américaine de psychiatrie]  souvent citée – constitue la première version du DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders   Avec l’ICD-10, dont il est très proche, le DSM est le système d’identification et de classification actuellement utilisé par l’IHS au sein duquel les dénominations dans le domaine de la santé mentale que j’ai évoquées au début de cet article sont trouvées. Le tableau 7 du manuel de 1918 clarifie le système de l’agenda racial de la santé mentale alors en usage.

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Table 7 Statistical Manual of Mental Disorders

Cette première version du DSM sert l’eugénisme, un mouvement social puissant visant à éliminer les races inférieures par l’intermédiaire de la stérilisation et le taux bas des naissances. De 1921 à 1924 une exposition sur l’Eugénisme organisée par l’American Museum of Natural History [ le Musée américain d’histoire naturelle]  était exhibée dans la Rotonde du Capitole et des philosophies eugéniques furent mises en pratique dans les services de santé et les services sociaux à travers les territoires indiens.

Article rattaché :  5 faits étranges concernant l’histoire difficile et torturée des Indiens de Virginie 115

Le manuel de 1918 érige la  « peau blanche » comme le standard le plus signifiant permettant de mesurer la santé et la normalité des non-blancs et il en est toujours ainsi. Les 21 diagnostics et sous-diagnostics du manuel de 1918 ont évolué dans les 600 diagnostics du DSM 5  récemment publiés par l’APA, American Psychiatric Association élargissant abondamment les opportunités des médecins de faire croire aux indigènes qu’ils souffrent de maladie fictives. Depuis 1980, la force de la tâche de l’APA ayant composé le DSM a décrit sa philosophie comme “ néo-Kraeplinienne” – reliant le DSM à  l’ancienne assertion de Kraeplin affirmant que la « maladie mentale » peut se trouver en dernier lieu dans des défauts du cerveau ou des difformités génétiques. Le passé est dans le présent pour peu qu’on veuille le noter.

Il est tout à fait positif que la médecine occidentale ait réussi à comprendre les réelles atteintes du cerveau sous-tendant la démence ainsi que les dégâts résultant de la méthamphetamine, de l’alcool et de l’exposition à d’autres toxines. Cependant,  à part ces exceptions, 200 années de médecine occidentale n’ont pas trouvé de malformation cérébrale ou de défaut génétique derrière la vaste majorité actuelle des diagnostiques psychiatriques du DSM.

Ce qui reste pratiquement inexploré  par la médecine occidentale est la maladie de la perpétuation chronique et de l’oppression sur des générations de population indigène. Ceci vient du fait que cette violence émane en partie du mouvement pour la santé mentale du pays indien, qui, depuis plusieurs années, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour rendre cette maladie invisible. Une transe s’en est suivie à travers laquelle le Malleus Maleficarum prétend que « ceux qui sont doués pour la sorcellerie et la séduction trompent les sens des humains avec certaines apparitions, de sorte que leur matière corporelle semble devenir différentes à la vue et au toucher ».

Articles apparentés : How the US Mental Health System Makes Natives Sick and Suicidal 

Certaines parties de cette histoire ont été publiées dans le blog du DR. Walker Mad in America 

Plus à lire ici.

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

Comment l’héritage de l’esclavage affecte aujourd’hui les Noirs Américains. Alma Carten

How the legacy of slavery affects Black Americans today

by Alma Carten New York University

The Conversation

Dans un contexte aussi difficile que celui de l’esclavage quant à ce qu’il peut générer sur les deux parties en jeu, toute démarche tentant de cerner les impacts du racisme et ses sources sont les bienvenues. L’approche de Carten est intéressante et la volonté d’envisager l’épreuve subie par des millions d’Africains comme un traumatisme se transmettant d’une génération à l’autre et présentant dans les conduites et le rapport à soi des effets impossibles à attribuer uniquement à la situation contextuelle actuelle est une entrée nouvelle et digne d’intérêt. Par contre, il est peut-être nécessaire de préciser que, comme toute forme de diagnostic, un recours systématique à cette interprétation face à des panels de symptômes pourrait avoir, en tant que détermination simplificatrice, des effets pire encore que son ignorance. Quelles que soient les incidences du passé, collectif ou individuel, il n’est jamais actif en tant que tel dans les constructions psychologiques et émotionnelles mais présent dans ce que la communauté et les individus la composant font de lui. C’est dans la dimension créative du symptôme, au sens étymologique d’arriver, survenir, comme une marque de soi ou de son groupe d’appartenance active et interactive dans la réalité que se situe une forme de liberté à l’égard de l’histoire et une adaptation au contexte présent, toujours multi-dimensionnel. EG

Prendre en compte cet espace horizontal, séculier du spectacle fourmillant de la nation moderne // implique qu’aucune explication unique renvoyant aussitôt un individu à une origine unique n’est adéquate. Et de même qu’il n’y a pas de réponses dynastiques simples, il n’y a pas de formations discrètes ou de processus sociaux qui soient simples . Edward Said «  Opponents, audiences, constituencies, and community » in Foster Post modern culture

The steeple of Emanuel African Methodist Episcopal Church stands as a pedestrian passes early Sunday, June 21, 2015, in Charleston, S.C. Members of a historic black church in the U.S. will return to their sanctuary Sunday and worship less than a week after a white gunman killed nine people there, and similar sermons of recovery and healing will reverberate throughout the country. (AP Photo/David Goldman)

Le clocher de l’Eglise Méthodiste Noire derrière un piéton qui passe, en Juin 2015 à Charleston, SC. Les membre de l’église historique noire des USA sont retournés à leur sanctuaire Dimanche et ont célébré leur culte moins d’une semaine après qu’un homme armé blanc y ait tué neuf personnes et des sermons similaires de guérison et de soin se réverbéreront dans tout le pays . (AP Photo/David Goldman)

Il existe de plus en plus de preuves que la répression des sentiments associée aux actes de racisme blanc peut avoir des conséquences psychologiques préjudiciables.

Le 22 Juillet, en annonçant la sentence fédérale du meurtrier de Charleston Dylann Roof, l’Avocat Général Madame Loretta Lynch a commenté  en disant que l’expression du pardon offert par les familles est «  une incroyable leçon et un message pour nous tous. »

Le Pardon et la Grâce sont, bien sûr, les marques de l’Eglise Noire. Depuis l’époque de l’esclavage, l’église a été une force formidable pour la survie des Noirs dans une Amérique encore accrochée aux effets résiduels de la suprématie blanche. Ceci a été éloquemment illustré dans l’après-coup du massacre de l’Eglise de Charleston. Les Américains sont restés emplis de respect pour la démonstration louable de la grâce de Dieu en action des familles en deuil.

Mais quel est le coût psychique exact de ces actes de pardon ?

Des événements comme celui de Charleston mette l’éclairage sur le corps d’écrits de plus en plus nombreux qui n’envisagent pas seulement l’échec des USA  à tenir une authentique conversation à propos de l’esclavage et de son héritage mais aussi sur l’impact sur la santé mentale des actes de pardon du racisme blanc et de la répression de sentiments légitimes de colère et d’outrage- que ceux-ci se manifestent à l’égard d’actes horribles de terrorisme ou de micro-agressions nuancées.

Je suis un travailleur social et un praticien avec 25 ans d’expérience dans le domaine de la santé mentale. J’enseigne dans l’une des écoles de travail social les plus en pointe du pays, engagé dans la préparation de ses diplômés à travailler avec des populations ethniques et raciales diverses.  Il est temps, je crois, de porter un nouveau champ de questions dans le domaine public.

L’Eglise comme buttoir

Dans son ouvrage majeur « Puissant comme une rivière », l’Eglise Noire et les réformes sociales,  le sociologue  Andrew Billingsley démontre que l’Eglise Noire est la seule institution Afro-Américain à ne pas avoir été repensée à l’image des blancs.Ses recherches éclairent le rôle de la religion dans la constitution de l’effet de résilience qui a permis aux noirs comme peuple de surmonter les diverses formes de terrorisme et d’oppression subies au long des siècles et qui soutiennent les doctrines de la suprématie blanche.

Bien-sûr dans son analyse de la famille afro-américaine, Billingsley conclu  qu’elle est « étonnamment forte, endurante, adaptative et hautement résiliente » mais tout en rendant hommage à l’église et à la famille dans leur rôle de tampon contre tous les effets du racisme blanc, nous ne devons pas obscurcir ou diminuer l’impact du racisme sur la santé mentale auquel peu de noirs  -indépendamment de leur statut social, éducatif ou économique- vont échapper.

Il y a des preuves toujours plus nombreuses que la répression des sentiments associée aux actions du racisme blanc puisse être psychologiquement préjudiciables et constituer les fondements de problèmes de santé mentale ultérieurs  ainsi que des comportements symptomatiques du syndrome du stress post-traumatique.

Les preuves de l’impact du racisme sur la santé mentale

Harvard psychiatrist Alvin Poussaint asked why suicide rates among black males doubled between 1980 and 1995.

Le psychiatre de Harvard  Alvin Poussaint demande pourquoi le taux de suicide parmi la population mâle noire a doublé entre 1980 et 1995.

Dans son livre co-écrit, « Poser mon fardeau : suicide et crise da la santé mentale parmi les Afro-Américains » [Lay my burden down] qui emprunte son titre à un negro-spiritual décrivant les souffrances du système esclavagiste, il affirme qu’une des raisons pour cette augmentation est que les Afro-Américains peuvent penser qu’après la mort peut être une meilleure place pour vivre.

Terrie M Williams  est une travailleuse sociale à New York. Dans son livre  « Souffrance noire : Il semble juste que nous ne fassions pas mal », elle utilise les récits puissants de noirs avec toutes sortes de chemins de vie afin d’illustrer le coût important du fait de cacher la souffrance associé à l’expérience noire de la santé mentale

Joy DeGruy, chercheuse et spécialiste de l’université de Portland  a développé la notion de  syndrome post-traumatique de l’esclavage   comme une théorie expliquant les effets de trauma irrésolus et se transmettant de génération en génération sur les comportements des noirs. L’argument de DeGruy peut être controversé  mais les questions qu’elle pose sont certainement pertinentes si nous essayons de donner du sens, par exemple, à partir de recherches  rendues publiques en Juillet qui montrent que le taux de suicide parmi les élèves noirs de l’école élémentaire a augmenté d’une façon significative entre 1993 et 2012

Se déplaçant vers l’opinion publique…lentement

Le fait est que dans ma perspective à l’Ecole de travail Social [ New York University’s Silver School of Social Work] ces publications ont encore à intégrer la littérature dominante. Elles ont une mauvaise visibilité dans les programmes et les formations des professionnels de la santé mentale.

De même que les questions formulées par les étudiants et les praticiens  n’ont pas mené au type de recherché dont il est besoin  pour soutenir des pratiques consciente de la problématique de la race  et appropriées culturellement aux programmes de santé mentale travaillant avec des familles afro-américaines.

En même temps, la pensée originale  d’auteurs comme Poussaint et DeGruy est tout à fait synchronisée avec le nouvel intérêt pour le trauma-informed care [soin informé du trauma] dans le travail social qui couvre tous les champs de pratique.

Comme l’a conclu dans son rapport de recherche le Centers for Disease Control and Prevention  [Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies ] en Mai 2014, des cas de négligence ou de traumatisme  non diagnostiqués dans l’enfance sont très répandus parmi la population adulte et sont la source de problèmes de santé mentale ou de problèmes comportementaux dans l’âge adulte.  Bien sûr, c’est maintenant une recommandation du National Council for Behavioral Health [ Conseil National pour la Santé Comportementale ] que des soins informés sur le trauma soient intégrés dans tous les rapports et les procédures de traitement.  Cet accent mis sur le trauma offre  une nouvelle vision pour le développement de la recherche sur l’impact de l’esclavage. – et sur son héritage de racisme structurel ou institutionnel – sur la santé mentale des populations noires de nos jours.

Un sujet de conversation délicat

Le problème est que personne n’aime à parler de l’esclavage.

Pour les descendants d’esclaves noirs, le sujet génère des sentiments de honte et de gêne associés à l’état de dégradation de l’esclavage. Pour les blancs dont les ancêtres les rendent complices, il y a des sentiments de culpabilité  à propos d’un système qui est incongru avec l’idéal démocratique  sur lequel ce pays a été fondé.

Masqué par un voile de silence ou dépeint comme un système bienveillant qui existait dans l’intérêt des noirs, l’esclavage – tout  à fait comme la maladie mentale- s’est enseveli dans le secret et la stigmatisation.

Les émotions qui lui sont liées sont repoussées. La colère cependant, est une émotion saine, comme même les Écritures le reconnaissent. Le Dieu de l’Ancien Testament est coléreux et vengeur. Dans le Nouveau Testament Jésus manifeste sa colère en chassant les marchands du Temple

Comme les recherches (y compris les miennes)l’ont montré, quand la colère reste internalisée et repoussée profondément dans l’inconscient, contaminée par une souffrance non résolue, elle devient problématique.

Aussi qu’est-il arrivé à la colère ressentie par les personnes victimes de discrimination et dans certain cas, désignées comme victimes à cause de leur race ?

La relation entre race et dépression clinique est trop peu connue. Mais on dispose de découvertes nombreuses, y compris un rapport du Surgeon General [ Directeur Général de la Santé ] qui attribuent les disparités touchant les résultats de la santé mentale pour les Afro-Américains et les blancs à des biais cliniques, des statuts économiques et des stresses environnementaux  ( comme le taux de crime et les habitations misérables). Et il existe des preuves du lien entre la perception du racisme et ses effets défavorables comme un niveau augmenté d’angoisse, de dépression et d’autres symptômes psychiatriques.

Les chiffres racontent une histoire. Selon le Minority Health Office  [ Bureau pour la Santé des Minorités] du Department of Health and Human Services  [ Direction de la santé et des Services à la Personne ] les adultes noirs sont à 20% plus sujets à rapporter de la détresse psychologique que les adultes blancs et plus susceptibles de présenter des sentiments de tristesse, de désespoir ou de manque de valeur que leurs équivalents blancs.

Et il continue cependant d’y avoir des répugnances à  nettement  affronter l’impact du racisme sur la santé mentale. Quelques uns de mes collègues, par exemple,  disent que les contenus sur les races ou le racisme sont les plus délicats à enseigner pour eux. Un authentique dialogue sur les races est limité à cause de la peur d’être politiquement incorrect. Cela demande moins d’effort de promouvoir la vision libérale globale que nous vivons dans une société « daltonienne ».

Cela peut être plus facile de permettre à chacun de rester dans leur zone de confort. Mais aujourd’hui comme les USA font face à ce qui semble être une épidémie d’attaques racistes perpétrées par des blancs, il est temps d’examiner comment notre histoire du racisme affecte la santé mentale des Afro-Américains comme celle des blancs.

Traduction : Elisabeth Guerrier

Les scientifiques disent que les ingrédients supposés miraculeux dans la chasse aux mauvaises herbes ne marchent pas ! Tom Philpott

Au regard des démarches pour le changement et l’amélioration des conditions de vie qu’a dû expérimenter le genre humain, les fausses pistes ont généralement été, après usage, abandonnées. Elevage, culture inadaptés * n’ont pas vu le zèle des communautés s’acharner sur eux quand après de nombreux efforts ils se montraient impraticables pour diverses raisons. Nous nous trouvons dans l’usage de ces herbicides et de ces pesticides face à une démarche complètement inattendue dans le trajet de l’espèce humaine pour maîtriser son environnement et en tirer sa subsistance. Des produits comme le glyphosate, mis à part sa toxicité environnementale prouvée, a aussi la fâcheuse capacité à avoir généré des mutations génétiques extrêmement rapides dans les plantes qu’il est sensé éradiquer et se retrouve donc inadapté pour la fonction même qui a présidé à sa mise en oeuvre. Mais, plutôt que de questionner son efficacité et de le reléguer, comme le furent des milliers d’autres solutions inadéquates dans notre histoire, il préside à la mise en place de nouveaux apports chimiques, issus de technologies qui en sont encore à leur balbutiement et dont on ignore à peu près tout quant à leurs effets sur la vie environnante. Une autre preuve que ce système est non seulement un danger majeur dans ses structures mêmes mais est aussi, malgré un accès jusqu’alors inégalé à la connaissance et la maîtrise scientifiques, dépourvu des réflexes de survie qui ont caractérisé les groupes humains depuis leurs sources. Ce qui le rend, dans cette forme d’absence d’auto-critique aberrante, plus dangereux que tous les autres systèmes de gestion environnementale précédents, c’est l’impossibilité à le faire revenir en arrière.

Tom Philpott

Scientists say supposedly miraculous ingredients in weed killes don’t actually work

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Dale A. Stork/Shutterstock

Avant que les pesticides aillent du laboratoire au champ, ils doivent d’abord être validés par l’Environnemental Protection Agency. Mais ils sont communément mélangés – soit par les producteurs de pesticide soit par les fermiers – avec des substances nommées adjuvants qui augmentent leur efficacité ( afin d’être plus régulièrement répartis sur les feuilles de la plante dans le cas des pesticides, ou en pénétrant à travers les couches superficielles de la plante permettant aux herbicides de tuer les mauvaises herbes). En dépit de leur omniprésence, mes adjuvants ne sont pas contrôlés par l’EPA du tout. Ils sont considérés comme des ingrédients « inertes ».

En dépit de leur omniprésence, les adjuvants ne sont pas contrôlés par l’EPA du tout. Ils sont considérés comme des ingrédients « inertes ».

J’ai écrit une première fois à leur propos l’année passée, quand les adjuvants mélangés aux pesticides sont devenus suspects de générer la mort importante d’abeilles lors de la floraison des amandes en Californie. Récemment un article digne d’attention rédigé par les botanistes de Purdue dans la revue économique AgProfessional a attiré à nouveau mon attention. Son contenu illustre la nature dérégulée et sauvage de ces additifs.

Dans l’article, les auteurs font remarquer que deux compagnies  promeuvent chaleureusement les adjuvants comme une sorte de cure miracle contre le fléau toujours plus grand des plantes résistant aux herbicides. C’est une plainte timide étant donné que les herbes résistantes contaminent maintenant plus de 25 millions d’hectares cultivables.

Plus étrange encore ces deux compagnies attribuent l’efficacité de leur produit à la nanotechnologie, un outil d’ingénierie controversé, encore mal régulé qui prend en compte le fait que quand on réduit des substances communes à des particules minuscules, elles se comportent d’une façon radicalement différente de celle qui les caractérise quand elles ont leur taille habituelle. Les nanoparticules sont si minuscules que leur taille est mesurée en nanomètres – un milliardième de mètre. ( Un cheveu humain est à peu prêt épais de 80.000 nanomètres, les nanoparticules se mesurent à moins de 100 nanomètres.)

Un adjuvant appelé ChemXcel  de la compagnie C.R Enterprise dans le Minnesota, prétend « tuer les mauvaises herbes résistantes aux herbicides » quand il est mélangé à des herbicides communs comme le glyphosate. La magie opère à travers «  des nano-conducteurs patentés, de marque déposée » qui « modifient la structure chimique du glyphosate » en « enveloppant les séquences génétiques individuelles de l’ADN à l’intérieur » proclame la compagnie.

Puis il y a NanoRevolution 2.0 mis sur la marché par une compagnie appelée Max System. L’herbicide « porte sur son dos » les nanoparticules lorsque elles pénètrent la structure de la feuille, transportant l’herbicide directement au système des racines pour une absorption de l’herbicide améliorée et plus rapide même sur les mauvaises herbes difficiles à contrôler.

Décontenancé par ces assertions et par l’usage des nanotechnologies, j’ai contacté l’EPA pour constater ce qu’au moins cette agence avait à en dire. « Bien que nous ne soyons pas familier de ce genre de produits, l’EPA a sous sa juridiction des substances qui entrent dans les définitions des pesticides, c’est-à-dire dont on déclare qu’elles tuent, repoussent, préviennent, ou autrement contrôlent les insectes nuisibles » m’a répondu un porte-parole de l’Environmental Protection Agency par email. « Tant que les produits adjuvants aux pesticides ne font pas partie des attributions des pesticides, ils ne sont pas considérés comme des pesticides et leurs composants ne sont donc pas des ingrédients de pesticides ( actifs ou inertes) » et donc, pas sujets aux décisions de l’EPA. Les fabricants ne sont pas même tenus de faire la liste des composants contenus dans les adjuvants.

Voici, par exemple comment Max System décrit les composants de NanoRevolution 2.0 :

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Le scientifique de Purdue Weed Bill Johnson, qui est le co-auteur de l’Ag Professional, dit que son équipe et lui-même ont trouvé qu’aucun des nano-composants ne marche comme leur publicité le déclare. «  Je commence à recevoir des appels concernant des témoignages disant que ces produits sont promus dans l’Inde du nord et j’ai pensé, il nous faut valider ou invalider les plaintes. »

Les nanotubes de carbone sont l’une des nanoparticules les plus controversées- souvent compare à l’Asbestos pour leur capacité à se loger dans les poumons et à causer des troubles lorsque ils sont inhalés.

Aussi lui et ses collègues ont testé les produits sur un échantillon de mauvaise herbe connue pour être résistant au glyphosate, les mélangeant au glyphosate dans les proportions recommandées par les fabricants. Les résultats, publiés dans le magazine commercial Ag Professional étaient décevants. Seul, le Roundup ( la version de Monsanto de l’herbicide au glyphosate) n’ a tué que 13.8 % des mauvaises herbes. Mélangé au ChemXcel, il en a tué 15%, alors que le mélange du dénommé NanoRevolution 2.0  Roundup en tuait 18%.

Johnson a expliqué que les herbicides sont toujours mélanges avec des adjuvants – on en a besoin habituellement pour aider l’herbicide à pénétrer les surfaces externes des herbes. Mais ces adjuvants-là ne sont pas plus performants ou pire que les adjuvants conventionnels distribués sur le marché. Mais ils ne s’approchent pas du tout de la solution aux plantes résistantes aux herbicides, comme le prétend la compagnie.

C.J Mannenga, copropriétaire de C.R Enterprises, a rejeté fortement ces résultats et a défié les résultats. «  Nous savons que nos produits marchent » dit-il, « Nous l’avons montré en Géorgie, nous l’avons montré dans l’Ohio, dans le Missouri, dans l’Iowa » Lorsque nous avons parlé Mardi après-midi, Mannenga m’a confié qu’il était à Osborne dans le Kansas, près à «  rencontrer un distributeur [d’agrochimie] majeur qui est «  extrêmement intéressé par le produit… je vais à une démonstration afin de leur montrer que ça marche vraiment. »

Alors que la brochure d’information du produit ne fait pas figurer ses composants, il m’a révélé de bon cœur que «  ce ne sont que des nanotubes de carbone ».

Les nanotubes de carbone sont une des nanoparticules les plus controversées – souvent comparés à l’Asbestos –  à cause de leurs capacités à se loger dans les poumons et à causer des troubles de la respiration. Ce rapport  des chercheurs de l’Université du Massachusetts de Lowel n’est pas très réconfortant : datant de 2014

Bien que l’impact sur les écosystèmes reste sous étudié lors du cycle de vie du CNT ( CarbonNanoTube), des preuves suggèrent que certains organismes aquatiques sont en danger. Pendant qu’il y a des avancées dans la régulation des CNT lors des récentes années, l’absence d’attention aux effets potentiellement carcinogènes de ces nano-composants signifie que ces efforts actuels peuvent donner une fausse impression de sécurité.

En même temps, personne  parmi les employés des fabricants  Max System du NanoRevolution 2.0  ne m’a retourné ma demande de commentaire.

TOM PHILPOTT

Food and Ag Correspondent

Tom Philpott is the food and ag correspondent for Mother Jones. For more of his stories, click here.

* Référence : ” De l’inégalité parmi les sociétés” Jared Diamond Folio Essais

Traduction : Elisabeth Guerrier

Le problème de la Grèce n’est pas seulement une tragédie. C’est un mensonge / John Pilger

The problem of Greece is not only a tragedy. It is a lie.

Pilger a été correspondant de guerre au Viêt-nam, au Cambodge, en Égypte, en Inde, au Bangladesh et au Biafra. L’un de ses premiers films, Year Zero (Année Zéro) a attiré l’attention de la communauté internationale sur les violations des droits de l’Homme commises par les Khmers rouges au Cambodge. Pilger a obtenu de nombreux prix de journalisme et d’associations des droits de l’Homme (le Prix Sophie en 2003), dont, deux fois, le prix britannique du Journalist of the Year.

Cet activiste anti-guerre n’a de cesse de rappeler la responsabilité de ceux qui savent, des « intellectuels », aux misères et aux violences du monde : « Briser le mensonge du silence n’est pas une abstraction ésotérique mais une responsabilité urgente qui incombe à ceux qui ont le privilège d’avoir une tribune. »

En outre, John Pilger possède son propre site web où il communique ses idées et ses craintes.

dette grecque euro

Le 13 Juillet 2015

Une trahison historique a consumé la Grèce.  Ayant mis de côté le mandat de l’électorat grec, le gouvernement Syriza a volontairement ignoré la victoire écrasante du Non au référendum et s’est mis d’accord secrètement sur un tas de mesures répressives et d’appauvrissement en échange d’un « renflouement »  qui signifie un contrôle sinistre de l’étranger et un avertissement au monde.

Le Premier Ministre Alexis Tsipras a réussi à faire voter au Parlement une coupe d’au moins 13 milliards d’Euros sur les fonds publics. 4 milliards d’Euros de plus que le projet d’ « austérité » rejeté d’une façon écrasante par le people grec lors du referendum du 5 Juillet.
Cela impliquerait une augmentation de 50% du coût des soins de santé pour les  retraités dont  Presque 40% vivent déjà dans la pauvreté, des coupes importantes dans le secteur des salaires publics, la privatisation complète des équipements publics comme les aéroports, les ports, une augmentation de l’imposition de 30%, appliquée aux îles grecques, où les gens se battent déjà pour survivre.  Il en reste à venir !

« Le parti anti-austérité remporte une victoire écrasante » est le gros titre du Guardian le 25 Janvier. « Des gauchistes radicaux », c’est ainsi que la journal nomme Tsipras et ses camarades bien éduqués d’une façon impressionnante. Ils portent des chemises au col ouvert et le ministre des finances roule en moto et était décrit comme «  la rock star de l’économie ». C’était une façade. Ils n’étaient pas radicaux dans aucun sens de ce label rabattu, ni non plus «  anti-austérité ».

Depuis six mois, Tsipras et le ministre des finances récemment écarté Yanis Varoufakis, font la navette entre Athènes et Bruxelles, Berlin et les autres centres du pouvoir financier européen. Au lieu de la justice sociale pour la Grèce, ils ont obtenu un nouvel endettement, un appauvrissement plus important encore qui va simplement remplacer un état de pourriture basé sur le vol des recettes fiscales par les Grecs super-riches- avec l’accord des valeurs de l’Europe «  néo-libérale » – et des prêts bon marché, très rentables pour ceux qui veulent le scalp de la Grèce.

La dette grecque, rapporte un audit effectué par le Parlement Grec « est illégale, illégitime et odieuse ». Proportionnellement, elle est à moins de 30% du débit de l’Allemagne, son créditeur principal. C’est moins que la dette des banques européennes dont le renflouement en 2007.08 n’a été ni controversé ni puni.
Pour un petit pays comme la Grèce, l’Euro est une monnaie coloniale : un lien à une idéologie capitaliste si extrême que même le Pape l’a qualifiée «  d’intolérable » et d’ «  excrément du diable ». L’Euro est à la Grèce ce que le dollar US est aux îles éloignées du Pacifique, dont la pauvreté et la servilité sont garanties par leur dépendance.
Lors de leur voyage à la cour des tout-puissants de Bruxelles et de Berlin, Tsipras et Varoufakis ne sont présentés ni comme des radicaux, ni comme des «  gauchistes » ni même comme des socio-démocrates mais comme deux arrivistes légèrement suppliants dans leurs  défenses et leurs exigences. Sans sous-estimer l’hostilité à laquelle ils faisaient face, il est juste de dire qu’ils n’ont pas montré de courage politique. Plus d’une fois, le peuple grec a découvert leur «  plans d’austérité » à travers des fuites dans les médias : comme une lettre du 30 Juin publiée dans le Financial Times, dans laquelle Tsipras promet aux têtes de l’EU, à la Banque centrale Européenne et au FMI d’accepter leur demandes les plus basiques et vicieuses-  qu’il a maintenant acceptées.

Quand l’électorat grec a voté « non » le 5 Juillet à ce marché à ce marché tout à fait pourri, Tsiras a dit :  « Venez Lundi et le gouvernement grec sera à la table de négociation après le referendum avec des conditions meilleurs pour le peuple grec. »  Les Grecs n’avaient pas voté pour des «  meilleurs termes ». Ils avaient voté pour la justice et pour la souveraineté, comme ils l’avaient fait le 25 Janvier

Le jour suivant l’élection de Janvier, un gouvernement vraiment démocratique et oui, radical, aurait stoppé tout euro qui quittait le pays, répudié la dette  «  illégale et odieuse  » – comme l’Argentine l’a fait avec succès- et accéléré un plan pour sortir de la zone euro boiteuse. Mais il n’y avait pas de plan. Il n’y avait que la volonté d’être «  à la table » à chercher «  de meilleures conditions ».

La véritable nature de Syriza n’a été que très peu examinée ou expliquée. Pour les médias étrangers ce n’est rien de plus que des «  gauchistes », ou de «  l’extrême gauche » ou de la « ligne dure » – l’habituelle vaporisation trompeuse. Quelques-uns parmi les supporters étrangers de Syriza ont atteint, par moment, les niveaux d’excitation joviale rappelant la montée d’Obama. Peu ont demandé : qui sont ces  « radicaux », en quoi croient-ils ?

En 2013, Yanis Varoufakis écrivait : «  Devons-nous accueillir la crise du capitalisme européen comme une opportunité pour le remplacer par un système meilleur ? Ou devons-nous être si inquiets à son propos que nous nous embarquions dans sa stabilisation ?  Pour moi, la réponse est claire. La crise européenne est beaucoup moins susceptible de donner naissance à une meilleure alternative au capitalisme. Je m’incline devant la critique qui me dit que j’ai fait campagne sur un agenda basé sur l’a priori que la Gauche était et restait, complètement vaincue. ..Oui,  j’aimerais mettre en œuvre un agenda radical. Mais, non, je ne suis pas prêt à commettre l’erreur que le Parti travailliste anglais après la victoire de Thatcher. Quel bien est-ce que cela a-t-il  fait à l’Angleterre des années 80 de promouvoir un agenda de changements sociaux que le société britannique a méprisé tout en tombant tête la première dans le projet néolibéral de Thatcher ? Précisément aucun.  Quel bien cela ferait-il aujourd’hui de demander le démantèlement de la zone Euro, de l’Union Européenne elle-même ? » Varoufakis omet de mentionner que la Parti Social Démocrate  qui a dispersé le vote travailliste et conduit au Blairisme. En suggérant que le peuple en Grande-Bretagne «  méprisait le changement socialiste » – on ne leur a pas vraiment donné l’opportunité de provoquer ce changement- il fait écho à Blair

Les leaders de Syriza sont en quelque sorte des révolutionnaires – mais leur révolution est la perverse, familière appropriation de la sociale démocratie et des structures parlementaires par des progressistes prêts à s’arranger avec le baratin néolibéral et une ingénierie sociale dont le visage authentique est celui de Wolfgang Schauble, le ministre des finances allemand,  un voyou impérialiste. Comme le Parti Travailliste en Grande-Bretagne et son équivalent au sein des anciens partis sociaux-démocrates comme le Parti Travailliste d’Australie qui se nomment eux-mêmes « progressistes » ou même de « gauche », Syriza est le produit de la classe moyenne riche, hautement privilégiée, éduquée,  « élevée à l’école du post-modernisme »  comme l’a écrit Alex Lantier.

Pour eux, la classe ne doit pas être mentionnée, mis à part dans  une lutte continuelle, sans compter la réalité de la vie de la plupart des êtres humains. Les sommités de Syriza sont bien soignées, elles ne résistent pas de la manière dont les gens ordinaires le souhaitent, comme l’a si bravement démontré l’électorat grec, mais cherchent de «  meilleurs termes » à un statu quo vénal qui réunit et punit les pauvres. Lorsque elle est mêlée à des « politiques identitaires » et à leurs insidieuses distractions, les conséquences ne sont pas la résistance mais l’asservissement.  La vie politique « dominante » de l’Angleterre en est un parfait exemple.

Mais ce n’est pas inévitable, ce n’est pas une affaire conclue, si nous nous éveillons de ce long coma postmoderne et rejetons les mythes,  les déceptions de ceux qui prétendent nous représenter et si nous nous battons.

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Traduction : Elisabeth Guerrier

L’ énigme de la Superpuissance Tom Engelhardt

Dans cet article, Tom Engelhardt évoque le changement post Deuxième Guerre Mondiale dans le contexte de destruction nucléaire massive et la remise en cause de la notion de « superpuissance ». Il lie les conditions de changement climatique à cette situation nouvelle où l’on ne peut pas évoquer la montée et le déclin d’une civilisation comme lors des précédents historiques de la construction des empires.

The Superpower Conundrum 

L’escalade et la chute d’à peu près tout

Par Tom Engelhardt

La montée et la chute des grands pouvoirs et de leur domaine impériaux a été un fait central de l’histoire depuis des siècles. Il s’est agi d’un cadre de réflexion sensé, validé d’une façon récurrente  pour envisager le destin de la planète. Aussi est-il à peine surprenant, faisant face à un pays régulièrement nommé la « seule super-puissance » « la dernière super-puissance » ou même l’« hyperpouvoir »  global et maintenant dénué curieusement de toute appellation, que la question du « déclin » puisse se poser. Les USA en sont-ils là ou non ? Est-on maintenant sur la voie descendante de la grandeur impériale ou non ?

Prenons un tortillard – c’est à dire n’importe quel train n’importe où dans les Etats-Unis, comme je l’ai fait récemment dans le Nord-Est puis prenez un train à grande vitesse n’importe où ailleurs sur la terre, comme je l’ai également fait récemment, et il ne vous sera pas difficile d’imaginer le déclin des USA. Le plus grand pouvoir de l’histoire, le « pouvoir uni-polaire »   ne peut pas construire un seul kilomètre de rail pour un train à grande vitesse ?  Vraiment ? Et son Congrès est maintenant embourbé dans un débat afin de savoir si des fonds peuvent être proposés pour maintenir nos autoroutes sans nids de poule.

Parfois, je m’imagine parler à un parent décédé depuis longtemps parce que je sais combine ces choses aurait surprise deux personnes vivant au temps de la Grande Dépression, la Deuxième Guerre Mondiale et dans un période d’après-guerre dynamique où la richesse et le pouvoir étonnant de ce pays étaient indiscutables. Comment pourrais-je leur dire que les infrastructures essentielles de ce pays encore riche – ponts, pipelines, routes et autres – ne sont maintenant gravement plus financés et dans un état de manque d’entretien tel qu’ils commencent à s’effondrer ?

Et que penseraient-ils en apprenant qu’avec l’Union Soviétique dans les poubelles de l’histoire pendant plus d’un quart de siècle, les US, seuls à triompher, ont été incapables d’appliquer leur pouvoir militaire et économique écrasant effectivement ?  Je suis sûr qu’ils seraient consternés en apprenant que depuis l’explosion de l’URSS les US ont été en guerre continûment  avec un autre pays (trois conflits et des conflits sans fin) je veux parler, en premier lieu de l’Irak, et que la mission n’a pas même été accomplie au minimum. N’est-ce pas improbable ? Et que penseraient-ils si je leur disais que l’autre grand conflit de l’après guerre froide a été l’Afghanistan (deux guerres avec une dizaine d’année entre elles) et avec le relativement petit groupe d’acteurs sans état que nous nommons maintenant les terroristes ?  Comment réagiraient-ils en découvrant que les résultats sont : échec en Irak, échec en Afghanistan et la prolifération de groupe de terroristes à travers tout le Grand Moyen Orient (y compris l’établissement  d’une terreur des califats)  et en augmentation en Afrique ?

Ils en concluraient que les US sont sur le retour et sur la voie d’une sorte de déclin qui, tôt ou tard, a été le destin de tous les grands pouvoirs.  Et si je leur disais que, lors de ce siècle nouveau pas une seule des actions que les Présidents des US  nomment  maintenant « la force de combat la meilleure que le monde ait connu », n’a en fin de compte été autre chose qu’un échec consternant ou que les présidents, les candidats à la présidentielle, les politiciens de Washington sont sollicités pour insister sur quelque chose que personne n’aurait jamais dit en leur temps : que les Etats Unis sont une nation à la fois exceptionnelle  et indispensable ? Ou qu’ils devront remercier nos troupes sans discontinuer, comme devraient le faire les citoyens, pour, eh bien…ne jamais réussir, mais pour simplement être là, se faire estropier, physiquement et mentalement, ou pour mourir pendant que nos vies suivent leurs cours ? Ou que ces soldats doivent être toujours qualifiés de « héros »

En leur temps, quand l’obligation de server dans l’armée était acquise, cela n’aurait pas eu grand sens, et l’insistance défensive sans borne sur la grandeur américaine aurait fait tache. Aujourd’hui, sa présence répétitive marque un moment de doute. Sommes-nous si  « exceptionnels » ? Ce pays est-il si  « indispensable » pour le reste de la planète et si c’est le cas, de quelle façon exactement ? Est-ce que ces troupes sont authentiquement nos héros et si c’est le cas, qu’ont-ils fait dont-il faille être si terriblement fier ?

Retournez mes parents étonnés dans leurs tombes, rassemblez tout ça et vous avez les débuts de la description d’un grand pouvoir unique en déclin. C’est une vision classique mais une vision présentant un problème.

Un pouvoir de destruction à l’image de Dieu

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Qui se rappelle aujourd’hui les publicités de mon enfance dans les années 1950 pour, si mes souvenirs sont exacts, des leçons de dessin, et qui se terminaient toujours avec une dernière notice qui disait à peu près ceci : qu’y a-t-il de faux dans cette image ? (Vous étiez supposé trouver une vache à cinq pattes volant à travers les nuages.)  Et donc, qu’est-ce qui est faux avec cette image des signes évidents du déclin : le plus grand pouvoir de l’histoire, avec des centaines de garnisons    réparties sur toute la planète, semble ne pas pouvoir appliquer son pouvoir effectivement, où qu’il envoie ses soldats ou où qu’il amène des pays comme l’Iran ou la Russie affaiblie de l’ère post-soviétique à s’incliner par toute un panel de menaces, de sanctions et autres ou en supprimant un mouvement terroriste pauvrement armé dans le Moyen-Orient ?

Tout d’abord, regardez autour de vous et dites-moi si les USA ne semblent pas encore être un pouvoir unipolaire.  Je veux dire, où sont exactement ses rivaux ? Depuis le 15ième et le 16ième siècle, lorsque le premiers bateaux en bois portant des canons ont dépassé leurs eaux territoriales pour commencer à ne faire qu’une bouchée le globe, il y a toujours eu une rivalité entre les grandes nations – trois, quatre, cinq et parfois plus. Et maintenant ?  Les autres trois candidats du moment pourraient être l’Union Européenne, la Russie et la Chine.

Économiquement, l’EU est bien sûr une mine mais dans tous les autres domaines c’est un conglomérat d’état de deuxième ordre qui suit d’une façon aliénée les USA et une entité menaçant d’éclater aux entournures.

La Russie menace Washington de plus en plus ces temps-ci mais demeure un pouvoir bricolé à la recherche de la grandeur de ses anciennes frontières impériales.  C’est un pays presque aussi dépendant de son énergie que l’Arabie Saoudite et rien de tel qu’un futur potentiel superpouvoir.  Quant à la Chine, c’est évidemment le pouvoir  qui monte du moment et qui a, c’est officiel la première économie de la planète Terre. Cependant, elle demeure sous beaucoup d’aspects un pays pauvre dont les leaders craignent toutes sortes d’implosions économiques internes qui pourraient se produire. Comme les Russes, comme toutes les superpuissances en développement, elle veut sentir son propre poids dans son voisinage- en ce moment l’Est et le Sud de la Mer de Chine. Et comme la Russie de Vladimir Poutine,  le pouvoir chinois améliore son armement mais l’urgence dans les deux cas est d’émerger comme un pouvoir régional pour lequel se battre, pas comme un authentique rival des USA

Quoi qu’il puisse arriver au pouvoir américain, il n’y aura pas de rival potentiel pour à blâmer. Pourtant, seule sans rival, les US se sont montrés curieusement incapables de traduire leur pouvoir unilatéral en un pouvoir militaire qui, sur le papier, plie tous les autres sur la planète à ses désirs. Ce n’est pas une expérience normale pour les grands pouvoirs dominants du passé. Ou bien dit autrement, que les US soient ou non en déclin, le récit de l’escalade et de la chute semble, un demi-millénaire plus tard, semble avoir atteint une impasse largement sans commentaire et sans examen.

En cherchant une explication, considérons un récit relaté impliquant un pouvoir militaire. Pourquoi, en ce nouveau siècle, les US sont-ils incapables de remporter la victoire ou de transformer des régions cruciales en lieux pouvant, au moins être sous contrôle ? Le pouvoir militaire est par définition destructeur, mais dans le passé, de telles forces ont souvent nettoyé la place afin de construire des structures locales, régionales ou même globales, qu’elles aient été  sinistres et oppressives ou non. Si la force signifie toujours la casse, elle poursuit également parfois d’autres buts également. Maintenant, il semble que casser est tout ce qui puisse se faire, ou comment expliquer le fait que, en ce siècle, le seul superpouvoir de la planète se soit spécialisé – voyons en Irak, au Yémen, en Libye, en Afghanistan et ailleurs – dans la fracture et non la construction des nations.

Des empires peuvent s’être développés et avoir chuté lors de ces 500 ans, mais les armements n’ont faits que se développer. Pendant ce siècle pendant lequel de si nombreux rivaux se sont engagés dans la lutte,  ont découpé leurs domaines impériaux, mené des guerres, et tôt ou tard sont tombés, le pouvoir destructeur de l’armement dont ils se servaient n’a fait que se développer exponentiellement : de l’arbalète au mousquet, au canon, au Colt, au fusil à répétition, à la mitrailleuse, au cuirassé, à l’artillerie moderne, au tank, aux gaz, au zeppelin, aux avions, aux bombes, aux porte-avions, aux missiles avec à la fin de la ligne l’ « arme de la victoire » de la Seconde Guerre Mondiale, la bombe nucléaire qui allait changer les dirigeants des super puissances et plus tard des pouvoirs secondaires en équivalent de dieux.

Pour la première fois, des représentants de l’humanité avaient entre leurs mains le pouvoir de détruire n’importe quoi sur la planète d’une façon qu’on imaginait jusque alors impossible sauf par certains dieux ou groups de dieux. Il était devenu possible de créer notre propre fin des temps. Et pourtant là est le point étrange : l’armement qui apportait sur terre le pouvoir des dieux d’une certaine façon n’offrait pas de pouvoir pratique aux chefs d’états. Dans le monde post-Nagasaki-Hiroshima, ces armes nucléaires se montraient inutilisables. Une fois libérés sur la planète, il n’y aurait plus de lancement, plus de chute. Nous savons aujourd’hui qu’un échange nucléaire même limité entre des pouvoirs de second rang pourrait, à cause de l’effet hiver-nucléaire, dévaster la planète.

Le développement de l’armement dans une zone de guerre limitée

Dans un certain sens, la Deuxième Guerre Mondiale pourrait être considérée comme le moment ultime à la fois pour l’histoire des empires et de l’armement. Ce serait la dernière «  grande » guerre dans laquelle des pouvoirs majeurs ont pu utiliser tout leur armement  qu’ils avaient à leur disposition à la recherche de la victoire ultime et du modelage ultime de la planète. Cela a provoqué des destructions sans précédent de la planète à travers de vastes ravages, la mort de dizaines de millions d’individus, la transformation de grandes villes en décombres et un nombre incalculable de réfugiés, la création d’une structure industrielle génocidaire, et finalement la construction de ces armes de destruction massive et des premiers missiles qui seraient un jour cruciaux dans leur mode d’emploi. Et de cette guerre sont sortis les rivaux ultimes des temps modernes – qui étaient deux –  les « super puissances ».

Cette expression même  « superpuissances » a beaucoup de la fin d’une histoire en son sein. Pensons à elle comme au marqueur d’un nouvel âge, pour le fait que le monde des super puissances est resté presque inexprimable. Tout le monde l’a senti.  Nous sommes maintenant dans le royaume du « grand » réglé ou tenu de s’agrandir d’une façon exponentielle, du « super » comme dans, disons,  super man,  pouvoir.  Ce qui rendait ces puissances vraiment  super était évidemment assez : les arsenaux nucléaires des USA et de l’URSS-  c’est à dire leur capacité potentielle à détruire d’une façon sans précédent. Ce n’est pas par hasard que les scientifiques qui ont créé la bombe H se référaient à elle parfois dans ces termes stupéfiants  de « super bombe » ou simplement «  la Super ».  et de laquelle il pouvait ne pas y avoir de retour possible.

L’inimaginable s’est produit. Il s’est avéré qu’il existait quelque chose comme le trop de pouvoir. Ce qui, lors de la Seconde Guerre Mondiale en est venu à se faire nommer la « guerre totale », la pleine application du pouvoir d’un état à la destruction d’un autre état n’était plus concevable. La Guerre Froide a gagné son nom pour une raison. Une guerre chaude entre les US et l’URSS ne pouvait pas être engagée, de même qu’une autre guerre totale, une réalité ramenée à la maison par l’affaire des missiles cubains. Leur puissance ne pouvait être exprimée que dans l’ombre ou dans des conflits localisés à la périphérie. Le pouvoir se trouvait maintenant  pieds et poings liés.   Ce serait bientôt reflété dans la terminologie américaine de la guerre. Dans le sillage de l’impasse frustrante de la Corée (1950/1953) une guerre dans laquelle les US se sont trouvés incapable d’utiliser ses armes majeures, Washington utilisa un nouveau terme pour le Vietnam. Le conflit qui devait avoir lieu était une « guerre limitée » et cela signifiait une chose, le pouvoir nucléaire pourrait être retiré de la table.

Il semble que pour la première fois, le monde  faisait face à une sorte de saturation de pouvoir. Il est assez raisonnable d’assumer que, dans les années qui ont suivi l’impasse de la Guerre Froide, cette réalité a dans une certaine mesure glissé de l’arène nucléaire au reste de le guerre. En même temps, les guerres des grandes puissances allaient être limitées de nouvelles façons, tout en étant d’une certaine façon réduites à leur aspect destructif et rien d’autre. Elles ne semblaient soudain ne plus détenir aucune autre possibilité –  ou du moins c’est ce que suggère l’existence d’une superpuissance unique.

Les guerres et les conflits n’ont pas de fin dans ce vingt et unième siècle mais quelque chose a été ôté de l’habituelle efficacité de la guerre. Le développement de l’armement n’a pas cessé non plus, mais les plus récentes des techniques actuelles se montrent étrangement inefficaces également. Dans ce contexte, l’urgence de notre époque à utiliser des   «  armes de haute précision » – plus le bombardement pilonnage des B52, mais les capacités de frappe « chirurgicale » d’une joint direct attack  munition ou JDAM ( attaque guidée par GPS ) pourrait être conçue comme l’arrivée de la « guerre limitée » dans le monde du développement de l’armement.

Le drone

Une de ces armes de précision est un exemple frappant. En dépit de ses penchants pour les « dommages collatéraux »   ce n’est pas une arme de massacre sans discrimination du genre Deuxième Guerre Mondiale. Il a, en fait, été utilisé relativement efficacement pour jouer  au chat et à la souris avec les têtes des groupes terroristes,  tuant les leaders ou les lieutenants les uns après les autres. Et cependant tous les mouvements contre lesquels ils étaient dirigés ont proliféré gagnant en force et brutalité pendant ce même temps. Le drone s’est montré une arme efficace de soif de sang et de revanche mais pas de politique. Si, comme le dit Carl Von Clausewitz, la guerre est un autre moyen de faire de la politique, la revanche ne l’est pas. Personne ne devrait être surpris que le drone ait promu non une guerre effective contre la terreur mais une guerre qui semble promouvoir la terreur. 

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Un autre facteur pourrait être ajouté ici : cette saturation de pouvoir a crû exponentiellement d’une autre façon également. Ces dernières années, le pouvoir destructif des dieux est descendu sur terre d’une deuxième façon également, via la plus paisible des activités, la combustion des énergies fossiles. Le changement climatique promet une version  lente de l’Armageddon nucléaire, augmentant à la fois la pression et la fragmentation sociale, pendant qu’il introduit une nouvelle forme de  destruction de nos vies.

Suis-je un peu clair ? A peine, je fais seulement mon possible pour témoigner de l’évidence : que le pouvoir militaire ne semble plus agir sur la Planète Terre comme il le faisait auparavant. Sous des pressions apocalyptiques distinctes, quelque chose semble avoir lâché, quelque chose semble s’être fragmenté et avec cela, les histoires familières, le cadre familier, pour envisager comment nos outils perdent de leur efficacité.

Le déclin est peut-être dans le déclin américain, mais sur une planète poussée à ses extrémités, ne comptez pas sur le conte habituel de la montée et de la chute des grandes puissances ou des superpuissances. Quelque chose d’autre se produit sur la planète Terre. Soyez préparés.

Tom Engelhardt est le co-fondateur de l’ American Empire Project et l’auteur de  The United States of Fear ainsi que d’unehistoire de la Guerre Froide, The End of Victory Culture. Il est un compagnon de  the Nation Institute et dirige TomDispatch.com.Son dernier livre est  Shadow Government: Surveillance, Secret Wars, and a Global Security State in a Single-Superpower World.

Traduction : Elisabeth Guerrier

Un COP21 des Corporations, c’est officiel

A corporate COP21, it’s official

Par le Corporate Europe Observatory

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Les premières corporations sponsors du sommet “ historique” de cet hiver sur le climat ( COP21) ont été officiellement désignées : la marque de produits de luxe Louis Vuitton (LVMH) et Suez Environment, un membre clef du lobby pro-fracking français. Selon l’article de Maxime Combes (lien externe)  d’autres  avaient été initialement annoncé par la presse ( BMW, Vattenfall et New Holland Agriculture) mais ont été démentis ultérieurement par les organisateurs.

Juste une question de temps

Découvrir si oui ou non le COP21 aurait des sponsors a toujours été la question du «  quand » plutôt que du «  si ». En Novembre 2014, le Gouvernement Français a annoncé que le Sénat avait effectué des coupes dans le budget (lien externe)

Et que en conséquent ils devraient se tourner vers le secteur privé. Mais il y eu aussi de nombreuses réassurances (lien externe)  aux groupes de la société civile que la Présidence Française ne commettrait pas les mêmes erreurs que celle de Varsovie deux ans plus tôt, lorsque quelques-uns parmi les plus gros pollueurs – y compris les industries multinationales du pétrole, du gaz et du charbon furent à même de s’envelopper dans les couleurs des Nations Unies et de clamer leur volonté de s’attaquer au changement climatique.

La liste complète a été promise par les officiels français  ( lien externe) pour la fin Mars mais n’est pas encore publiée.

Blanc est le nouveau noir cet hiver

Donc à quel point ces sponsors annoncés sont-ils respectueux de l’environnement, ou bien utilisent-ils l’opportunité d’une sponsorisation des Nations Unies pour blanchir leur image sale ? Suez Environment est une multinationale française et le deuxième fournisseur mondial de services environnementaux, particulièrement centre sur l’eau.

Quand le gouvernement argentin a repris de Suez en 2006 le contrôle de ses services de distribution d’eau avec un énorme soutien populaire, le géant français a lancé – et récemment gagné- une poursuite judiciaire pour 405 millions d’euros de compensation (lien externe). Dans le cadre du très controversé ISDS (Investor. State . Dispute. Settlement) dont le mécanisme est si courant au sein du commerce international et des traités d’investissement.

Un des principaux objets d’attention est maintenant le traitement des eaux usées, en particulier dans le cadre des mines de charbon et de l’extraction du gaz de schiste.  Pour mémoire, GDF Suez – lourdement investi dans le charbon et le fracking lui accorde un intérêt financier dans le processus d’extraction des énergies polluantes- possède plus du tiers de Suez Environment. Ceci peut permettre d’expliquer la participation de Suez au nouveau groupe de pression le  «  Centre pour les hydrocarbures non-conventionnels » ( lien externe)

LVMH (Moet Hennessey – Louis Vuitton) n’est pas impliqué dans l’extraction des énergies sales mais fait plutôt son beurre en vendant des produits extrêmement chers aux uber-riches, assez paradoxal avec l’idée d’une vie équitable sur une planète limitée. D’autant plus qu’ils sont connus pour être des fraudeurs du fisc avec plus de deux cents comptes subsidiaires (lien externe)  situés dans des paradis fiscaux, leur permettant d’éviter leur juste quote-part dans le domaine des transitions énergétiques dont nous avons besoin si nous voulons maîtriser le changement climatique.

Mais si le climat devient chic, alors Louis Vuitton et sa clientéle élitiste ne peuvent pas manquer d’être vus lors de cette saison de son de cloche obscène des Nations Unies.

Les autres sponsors originellement listés par Europe1  ( lien externe) puis plus tard déniés par la présidence française incluaient BMW l’opérateur de central nucléaire et de mines de charbon Vatenfall et New Holland agriculture. Vatenfall qui est en train de poursuivre le gouvernement allemand  qui se débarrasse du nucléaire, et a déjà gagné un procès contre Berlin ayant osé élever les standards de fonctionnement de ses installations charbonnières et BMW, le dévoreur d’essence qui a ligoté  Angela Merkel aux lobbies contre l’augmentation des standards d’émission pour les voitures. Et New Holland Agriculture, impliqué dans «  l’agriculture climatiquement intelligente », et met la culture entre les mains des multinationales et des marchés du carbone en faillite   ( lien externe)

Même s’ils ne sont pas des sponsors officiels du COP21, tous trios sont confirmés pour être les sponsors du forum pro-multinationales Sustainable Innovation Forum 2015 ( lien externe)  se déroulant pendant le COP21 ( les 7 et 8 Décembre). Bien que n’étant pas l’événement le plus important il lui a été conféré le label approuvé par le COP21, un label  appuyant toutes sortes d’initiatives et son website rend la connexion immanquable. ( lien externe)

Le sommet de l’iceberg des corporations.

La sponsorisation du COP21 n’est que le sommet de l’iceberg en terme d’utilisation des pourparlers par les multinationales et de l’ attention qui les entoure pour promouvoir leurs propres solutions quant au changement climatique. Malheureusement, de telle solutions fausses ne permettront que d’assurer la continuité  du “Le Business comme d’habitude”  plutôt que les changements et les transformations auxquels nous avons besoin d’assister.

Les événements corporatistes – au sein des Nations Unies -comme celui de l’année passée, sponsorisé par Chevron et Shell afin de contrecarrer les mouvements anti-énergies fossiles en faveur des énergies expérimentales vont être très répandus.  Et sait-on jamais, le business peut même obtenir ce qu’il souhaite et obtenir un siège  à la table des négociations.  (Ils se plaignent actuellement de manquer d’influence.)

Il y a deux ans, les négociations préliminaires se sont tenues à Varsovie entre les négociateurs et les corporations avec l’exclusion de la société civile, ce ne serait donc pas un si grand pas à franchir  même si c’est un peine de mort prononcée pour le climat et ceux qui souffrent déjà. Mais pourquoi attendre Paris – l’influence des corporations sur les pourparlers des Nations Unies a déjà commencé. Dans la capitale française, des événements fleurissent partout, comme le « Business and Climate Summit [Sommet Affaires et Climat] » en Mai, co-accueilli par l’UNESCO, l’UNEP et le Conseil Mondial Economique pour un Développement durable- qui comprend les compagnies pétrolières Shell, Dow Chemicals et les ciments Lafarge parmi d’autres ( les citoyens ont organisé une  protestation massive à Lima l’an passé lors des pourparlers pour le climat) Dans les capitales, le Big Business travaille déjà dur, à travers le lobbying direct et de gros événements PR ( Public Relation) , afin d’assurer que lorsque les leaders politiques arriveront à Paris, le travail soit déjà fait et qu’ils puissent tous lire la même partition.

Il existe une alternative

En dépit de son apparence incontournable, l’influence excessive et l’accès privilégié du big business aux décisions des hommes politiques n’ont pas à être tolérés. Dans le domaine du contrôle de la consommation de tabac,  les militants de la société civile et les gouvernements du Sud on été les témoins de l’introduction d’un pare-feu entre les lobbies de l’industrie du tabac et les officiels de la santé publique afin de résoudre le problème. Ils ont  argument que les dommages occasionnés par l’industrie, par exemple en interférant dans les recherches scientifiques, le lobbying contre les bonnes politiques, la proposition de fausses solutions, la création de faux groupes citoyens, la sponsorisation d’événements, l’emploi d’anciens officiels de la santé ou de fonctionnaires – ainsi que le fait que leurs intérêts ne seront jamais alignés sur les intérêts publics justifiait une telle séparation ( lien externe)

Et ce mur pare-feu entre les lobbies et les officiels de la santé publique ne s’est pas uniquement appliqué aux discussions sur le contrôle de la consommation de tabac, mais à un niveau national, pour chacun des gouvernement qui a signé le traité. L’industrie des énergies fossiles tombe dans la même catégorie, ( lien externe)  – lobbying pour compromettre les progrès et ayant ses propres intérêts complètement en opposition avec ce que nous devons faire pour endiguer le changement climatique i.e laisser le pétrole dans le sol.

Nous avons besoin d’un mur pare-feu entre les gros pollueurs, nos politiciens et ceux à la tête des négociations des Nations Unies, y compris la Secrétaire de l’Exécutif Christina Figueres  ( qui a été consultante climat pour la grosse firme gazière Endesa) qui doit mener à publier , par exemple, toutes ses rencontres et refuser les rendez-vous avec les gros pollueurs. Et François Hollande et son gouvernement devraient donner l’exemple, en refusant toute interaction avec les industries sales – les sponsors du COP21 inclus. C’est à eux que revient d’assurer que le COP21 ne soit pas simplement une nouvelle opportunité pour certaines corporations les moins socialement et environnementalement conscientes de sa blanchir et de cacher la réalité.

Climate and energy

Traduction : Elisabeth Guerrier

Coke et Pepsi cherchent à vous vendre du soda soi-disant artisanal Tom Philpott

 

Face à la complexité des enjeux et aux risques encourus par l’essence vitale elle-même, on se sent démunis, tenus de s’éparpiller dans des directions toujours plus nombreuses pour comprendre et affronter des problèmes qui sont souvent tous de nature systémique et liés les uns aux autres même si ces liens ne sont pas palpables. N’oublions jamais que la qualification même du fonctionnement social est celle de ” Société de CONSOMMATION “. Terme qui, entre parenthèse, à quelque peu disparu du lexique actuel peut-être à cause de son poids signifiant alors qu’il reste une des seules définitions de l’essence même, avec la guerre d’invasion et l’impérialisme, des caractéristiques du monde néo-capitaliste. Une des voies d’accès et de prise de pouvoir est, dans un régime oligarchique totalitaire basé sur le marché et la rentabilité cynique du Big Business, celle de celui ou celle qui est la base même de ce système, le CONSOMMATEUR. C’est lui et lui seul qui décide même si tout est fait pour le transformer en ventre muet et en manipulateur de carte de crédit. Cet article sur les travers qu’ont à affronter deux des industries iconiques du libéralisme global, Coke et Pepsi donne une parfaite démonstration de ce pouvoir détenu, sinon attribué au consommateur. Consommer est un acte hautement politique. Prouvons-le. E.G

Coke and Pepsi are trying to sell you pretend craft soda

Par  Tom Philpott

Mercredi 24 Juin

bn-it502_pepsic_j_20150604153243 Juste ajouter des moustaches : la nouvelle ligne “Stubborn” de Pepsi vous donnera accès à un ” Rituel de la fontaine à soda ” Photo: PepsiCo

Vendre des volumes gigantesques d’eau du robinet colorée, sucrée, et pétillante à un marché obèse en croissance n’est plus ce que c’était. Les ventes de soda aux US ont décliné de 10% dans la seule année 2014.

Pendant un temps, les géants Coca et Pepsi ont pu se tourner vers les sodas allégés pour faire une pause. Mais maintenant, les produits artificiellement sucrés perdent leur popularité, même plus rapidement que les sodas de base.- les ventes des boissons allégées ont chuté de près de 20% depuis leur pic de 2009 et on attend un autre plongeon de 5% supplémentaires cette année.

La ligne «  artisanale » de PepsiCo inclut des parfums comme cerise noire et estragon, orange hibiscus, crème d’ananas, et agave à la crème de vanille.

Voilà qu’entre leur nouveau sauveur : « Le soda artisanal ». Exactement comme les deux plus grandes marques de bières au monde vient leurs ventes décliner alors que des dizaines de brasseurs arrivistes participent à un développement rapide de la bière artisanale, les Big Sodas ont vus des petits joueurs comme Jones Soda et Reeds  croître rapidement, défiant la chute des sodas sur le long terme.  Et tout comme la Big Bière, les géants du soda ont choisi l’approche «  Si tu ne peux pas les battre, rachète les ou imite les. »

La motivation est claire. Non seulement les sodas artisanaux augmentent leur popularité alors que la catégorie générale s’effondre,  mais les prix qu’ils offrent sur le marché sont beaucoup plus doux.  Pour un pack de 12 Pepsi de 33 cl vendu pour la modique somme de 5 dollars, Reeds propose au même  prix un pack de 4 de sa Gingerale.

L’Associated Press rapporte que PepsiCo a récemment annoncé ses plans pour une nouvelle ligne de sodas « artisanaux » nommée “ Stubborn” (Têtu)  avec des parfums incluant cerise  noire et estragon, orange et hibiscus, crème d’ananas et agave à la crème de vanille. Sucrés avec du sucre de canne à la place du sirop de maïs très chargé en fructose, ils seront initialement servis dans des fontaines à sodas, par des machines spéciales qui servent ce que la compagnie désigne par  «  un rituel de la fontaine à soda». (Apparemment les cadres en charge de ce truc devront fournir leur propre moustache de jeune homme branché) *(Hipster mustache)

Le lancement imminent de Stubborn ( la date a été annoncée) n’es pas la première incursion de Pepsi dans le marché bourgeonnant du soda-alternatif. Plus tôt cette année ils ont lancé  « Mountain Dewshine » ( à peu près : éclat de rosée en montagne) une version plus claire et sucrée de la boisson vert-sordide, chargée au sirop de maïs et à la caféine. Employant un schéma commercial éculé en comparant la boisson à un éclat de lune illicite, PepsiCo a souligné la nature  « artisanale » de Mountain Dewshine en ne le rendant commercialisable qu’ en bouteille de verre. L’année dernière, la compagnie a introduit le Caleb’s kola  « une boisson à base de produits du commerce équitable, sucre de canne, noix de kola d’Afrique, un mélange spécial d’épice du monde entier et un zest de citron » (Caleb se réfère à Caleb Bradham, qui, en 1890 développa la recette du Pepsi. Bloomberg Report.)

33 cl de Mountain Dewshine apportent 42 grammes de sucre – Presque autant que le sucre contenu dans un Mountain Dew ( 46 grammes)

Le rival Coca-Cola est aussi en train de tester les eaux manufacturées.  En Juin, la compagnie lançait le Hansen et le Blue Sky, marques de «  soda naturel » – apparemment le premier mouvement fait par sa nouvelle unité de Boissons Artisanales, que Coca Cola a montée en Mars, selon le rapport du Wall Street Journal. La compagnie doit encore lancer un produit artisanal fait maison, mais étant entendu qu’elle a cru bon de dévouer une unité entière à ce concept, nous allons certainement entendre parler d’un projet de soda artisanal d’ici peu de temps.

La question est, se revêtir du halo « artisanal » suffira-t-il à raviver les chances chancelantes du Big Soda ?

Je pense que non. La brasserie artisanale s’est développée intensément durant ces dernières années parce que les consommateurs étaient fatigués des produits sans goût comme Bud et Miller et commencèrent à chercher ailleurs de plus robustes alternatives. Avec les boissons non alcoolisées, par contre, les gens ne cherchent pas des produits gazeux, saturés de sucre et ayant plus de goût. Ils en ont juste assez des boissons trop sucrées. Point. Parce qu’il est de plus en plus clair que des énormes quantités de sucre génèrent des effets désastreux sur la santé, de l’obésité au diabète jusqu’à ( peut-être) la maladie D’Alzheimer. 

Comme en témoigne ma collègue Maddie Oatman au mois de Mars,  L’Organisation Mondiale de la Santé ne recommande la consommation que de 25 grammes de sucre ajouté par jour (environ 6  cuillères à café, 5ml).

mountaindeweu_500_1Une dose de Mountain Dewshine délivre aux alentours de 42 grammes de sucre presque autant qu’un Mountain Dew (46 grammes). Le business du Big Soda  était Florissant lorsque les gens n’y regardaient pas à deux fois avant d’écluser plusieurs Mountain Dews par jour. Les consommateurs qui se détournent maintenant de Mountain Dew à cause du sucre qu’il contient ne vont vraisemblabement pas faire machine arrière pour retrouver leurs vieilles habitudes simplement parce le Mountain Dew est servi en bouteilles de verre. Et qu’il est plus cher, pour l’achever.

Un article récent de Food Dive résume la situation : « Les gens aiment le soda. Ils ne boivent simplement plus autant de sodas qu’avant parce que cela ne fait plus partie de leur régime » dit Jonathan Texeira, co-propriétaire des distributeurs de boissons Refreshments Direct et de la marque Batch Craft Soda. « Occasionnellement, ils vont vouloir une bière d’origine, disons deux à trois fois par semaine, et quand ils en choisissent une, ils vont alors vouloir une bonne bière d’origine. »

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Il y deux problèmes pour le Big Soda dans cette phrase, le premier est que lorsque les gens veulent une  « vraiment bonne bière » pourquoi se tourneraient-ils vers Coke ou Pepsi, plus connus comme des eaux grasses pour la masse, quand tant de fabricants de sodas plus petits, régionaux sont en train de fleurir ? Le second est le   morceau de « deux ou trois fois par semaine ».  Le modèle entier du business du Big Soda – ses usines immenses, ses flottes de frets, ses contrats de distribution avec des sous-traitants comme Walmart- est supposé débiter et vendre des quantités importantes de produit bon marché à un public qui considère le soda comme un produit quotidien de base, pas comme un plaisir. Je prédis que le soda artisanal restera une niche de marché – mais qui ne ramènera les bulles aux ventes de Pepsi et de Coke

* Hipster mustache  voir référence

Traduction : Elisabeth Guerrier

La vérité sur Diego Garcia David Vine

The truth about Diego Garcia

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Ils ont d’abord essayé de tirer sur les chiens. Puis ils ont essayé de les empoisonner avec de la strychnine. Quand les deux échouèrent comme méthode d’extermination efficace, les agents du gouvernement britannique et le personnel de l’US Navy utilisèrent de la viande crue pour piéger les animaux à l’intérieur d’un hangar fermé hermétiquement.  Après les avoir enfermés, ils asphyxièrent les chiens qui hurlaient avec des gaz de pots d’échappement des véhicules de l’armée US. Puis, mettant le feu avec des coquilles de noix de coco, ils brûlèrent les carcasses des animaux pendant que leurs maîtres commençaient à s’interroger sur leur sort.

La vérité sur la base militaire américaine sur l’île de l’Océan Indien de Diego Garcia, contrôlée par les Britanniques est souvent difficile à croire. Il serait simple de confondre l’histoire vraie avec les récits d’îles trouvées dans les films Transformer, dans les séries de télévision 24 ou dans les théories conspirationnistes sur la disparition du vol MH370 pour la Malaisie.

Bien que la saga sinistre de Diego Garcia puisse fréquemment se lire comme une fiction, elle s’est montrée plus que vraie pour les personnes impliquées. Elle est l’histoire d’une base militaire US  et d’officiels britanniques construite sur des fictions de la vie réelle pendant plus d’une cinquantaine d’année. La fiction centrale est que les Américains ont construit leur base sur une île «  inhabitée ». Ce qui n’était «  vrai » que parce que les peuples indigènes furent exilés secrètement de l’archipel Chagos lorsque la base a été construite. Bien que leurs ancêtres aient été installés sur place depuis la révolution américaine, les officiels anglo-américains décidèrent, comme l’écrit l’un d’entre eux de “maintenir la fiction”  que les habitants de Chagos [n’étaient] pas des résidents permanents ou semi-permanents mais juste «  des travailleurs transitoires sous contrat ». Le même officiel résumant la question sans ménagement : «  Nous sommes à même de créer les règles que nous suivons ». Et c’est ce qu’ils firent : entre 1968 et 1973, les officiels américains conspirèrent avec leurs collègues britanniques pour déplacer les Chagossiens, cachant soigneusement leur expulsion du Congrès, du Parlement, des Nations Unies et des médias. Pendant leur déportation, les agents britanniques et les membres du bataillon de construction de l’US Navy rassemblèrent et tuèrent tous les chiens domestiques. Puis ils déportèrent leurs propriétaires dans les îles Maurice et les Seychelles, à plus de 1931 kilomètres de leur terre natale, où ils ne reçurent aucune espèce d’aide à la réinstallation. Plus de quarante ans après leur expulsion, les Chagossiens demeurent généralement les plus pauvres entre les pauvres sur leur terre d’adoption, luttant pour survivre dans des lieux que les regards extérieurs considèrent comme des destinations de tourisme exotiques.

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Pendant cette période, Diego Garcia est devenue une base militaire de plusieurs milliards pour la Marine et l’armée de l’air et un point central  dans l’effort de contrôle du Grand Moyen-Orient,  de son pétrole et de ses ressources en gaz naturel. La base, dont peu d’Américains connaissent l’existence, est plus importante stratégiquement et plus secrète que la base-et-prison de Guantanamo Bay, à Cuba, contrairement à Guantanamo, aucun journaliste n’a pu jeter plus d’un seul coup d’œil à Diego Garcia en plus de trente ans. Et pourtant elle a joué un rôle majeur  dans les guerres du Golf, dans l’invasion de l’Irak en 2003, dans la guerre menée en Afghanistan par les US et dans les actuelles campagnes de bombardements de l’Etat islamique en Syrie et en Irak.

Faisant suite à des années de rapport   affirmant que la base était un secret «  site noir » de la CIA prévu pour détenir les suspects de terrorisme et des années de déni des officiels britanniques et américains, les responsables des deux côtés de l’Atlantique  se sont déboulonnés en 2008. «  Contrairement à des affirmations antérieures explicites, a dit le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et du Commonwealth David Miliband  Diego Garcia a joué bien sûr un certain rôle dans le programme secret de la CIA  « Interprétation ». 

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L’année dernière, les officiels britanniques prétendaient que le livre de bord des vols, qui aurait pu mettre quelque lumière sur ces opérations du programme Interprétation,  étaient «  incomplet à cause de dégâts causés par l’eau, à cause d’un temps extrêmement pluvieux en Juin 2014 ». Une semaine plus tard, ils font subitement volte-face disant que «  les documents auparavant humides avaient séché ». Deux mois plus tard, ils insistent sur le fait que les livrets de vol n’ont pas séché du tout et «  sont endommagés au point de ne pouvoir être utilisé du tout ».  Sauf que les propres données météorologiques  du gouvernement britannique indiquent que Juin 2014  a été un mois exceptionnellement sec à Diego Garcia. Un avocat des droits légaux dit que les officiels britanniques «  pourraient à peine être plus crédible si ils disaient simplement que «  le chien a mangé mon cahier de devoirs »

Et ce ne sont là que quelques-unes des fictions concernant la base militaire occupant l’ancienne terre des Chagossiens et que les militaires US ont surnommée « L’empreinte de la Liberté ».   Après plus de quatre décennies d’exil, cependant, avec un mouvement pour le retour sur leur terre croissant, les fictions de Diego Garcia pourraient finir par s’effondrer.

Pas des  “Tarzans”

L’histoire de Diego Garcia commence à la fin du 18ième siècle. A cette époque des esclaves originaires d’Afrique, travaillant sur les plantations de noix de coco franco-mauritaniennes, deviennent les premiers occupants de l’archipel de Chagos. Suite à l’émancipation des contrats synallabatiques* des travailleurs venant des Indes, une population mixte crée une nouvelle société avec son propre langage le Créole Chagos. Ils se nomment eux-mêmes les Ilois, les Insulaires.

Bien que demeurant une société de plantations, l’archipel, à cette époque sous le contrôle de l’empire colonial britannique, offre une vie sûre avec un emploi généralisé et de nombreux bénéfices sociaux sur cette île, décrite par beaucoup comme idyllique. «  Ce bel atoll de Diego Garcia, juste au centre de l’océan » est la façon dont Stuart Barber le décrit en 1950. Un civil travaillant pour l’US Navy, Barber deviendra l’architecte d’une des bases militaires américaines les plus puissantes outre-mer.

* Le contrat est dit “synallagmatique” ou “bilatéral”, lorsque ses dispositions mettent à la charge de chacune des parties ayant des intérêts opposés l’exécution de prestations qu’elles se doivent réciproquement. Tel est le cas de la vente ou du contrat de bail. L’adjectif exprimant le contraire de synallagmatique est “unilatéral“. La donation qui est consentie sans charges pour le donataire, est une disposition unilatérale.

Le contrat synallagmatique “imparfait”, est un acte juridique qui dans sa première phase, présente les caractères d’un engagement unilatéral, mais dont l’exécution génère des obligations réciproques. Il en est ainsi de la donation avec charges et du dépôt. L’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique* de vente valant vente définitive lorsque les deux promesses réciproques ont le même objet et sont stipulées dans les mêmes termes. (Com. – 22 novembre 2005, BICC n°635 du 1er mars 2006).

Textes

  • Code civil, Article 1102.

Au cœur de la compétition avec l’Union Soviétique de la guerre froide, Barber et d’autres officiels étaient soucieux de l’absence presque totale de présence militaire US autour et dans l’Océan Indien. Barber nota que l’isolement de Diego Garcia- à moitié chemin entre l’Afrique et l’Indonésie et à 1600 kilomètres des Indes- assurerait une sécurité en cas d’attaque, tout en restant à distance de frappe des territoires d’Afrique du Sud et du Moyen-Orient jusqu’à l’Asie du Sud et du Sud-Est.

Guidés par l’idée de Barber, l’administration de John. F. Kennedy et de Lyndon Johnson convainc le gouvernement britannique de détacher l’archipel de Chagos de la Mauritanie coloniale et de créer une nouvelle colonie, dont le nom serait Territoire Britanniques de l’Océan Indien. Son seul but étant de devenir un hébergement pour les équipements de l’armée américaine.

Lors de négociations secrètes avec leur homologues britanniques, les officiels du Pentagone et du Département d’Etat ont insisté sur la fait que Chagos passe sous leur «  contrôle exclusif (sans ses habitants) » incluant un ordre d’expulsion dans une phrase entre parenthèse à l’allure polie. Les officiels américains veulent une île « nettoyée » et  « assainie ». Les officiels britanniques semblent heureux de leur être obligés, déplaçant un peuple qu’un des officiels nomma «  des Tarzans » et, dans une référence raciste à Robinson Crusoe, des «  Hommes Vendredi ».

“ Ils doivent absolument partir”

Ce plan se confirme dans un  « échange de notes »,  signées le 30 Décembre 1966, par les officiels britanniques et américains, comme me l’a confié un des négociateurs du Département d’Etat «  sous la protection de l’obscurité ». Les notes constituaient en effet un traité mais ne requéraient pas l’approbation du Congrès ou du Parlement, impliquant que les deux gouvernements allaient garder leurs plans cachés.

Selon cet accord, les Etats Unis gagneraient l’usage de cette nouvelle colonie « sans charge ». Ce qui est une autre fiction. Dans confidential minutes les Etats Unis décidèrent d’effacer une dette militaire de 14 millions de dollars, contournant le besoin de demander un financement au Congrès. En échange, mes Britanniques donnèrent leur accord pour prendre les «  mesures administratives » pour la «  réinstallations des habitants ».

Ces mesures signifiaient que, après 1967, tout habitant de Chagos quittant son domicile pour un traitement médical ou des vacances ordinaires en Mauritanie se verrait interdire le retour. Bientôt, les officiels britanniques commencèrent à réduire l’approvisionnement de nourriture et de médicaments à Chagos. Comme les conditions se détérioraient, de plus en plus d’habitants commencèrent à quitter l’île. En 1970, l’US Navy avait rassemblé les fonds pour ce que les officiels décrirent au Congrès comme « une austère station de communication ». Ils avaient cependant, déjà prévu de demander un financement supplémentaire pour développer l’équipement d’une base plus importante. Comme le précise le bureau de la communication et de la cryptologie de l’US Navy, «  Les exigences de communication évoquées comme justification sont une fiction » . Dès les années 1980, Diego Garcia deviendra une garnison de plusieurs milliards de dollars.

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Dans des documents d’instructions au Congrès, la Navy décrit la population de Chagos comme «  négligeable » avec les îles «  dans tout objectif pratique…inhabitées » En fait il y avait à peu près 1000 personnes vivant à Diego Garcia dans les années 60 et entre 500 et 1000 dans les autres îles de l’archipel. Avec les fonds alloués par le Congrès assurés, l’amiral le plus haut gradé de la Navy, Elom Zumwalt, a résumé le destin des Chagossiens en 1971 dans une note de trois mots «  doivent absolument partir ». Les autorités embarquèrent rapidement aux derniers Chagossiens –  lesquels avaient droit à une boîte où mettre leurs biens et à un matelas pour dormir- sur des cargos surpeuplés à destination des Seychelles et de la Mauritanie. En 1973, les derniers Chagossiens étaient partis.

Une pauvreté abjecte

Arrivé à destination, la plupart des Chagossiens furent littéralement laissé sur les docks, sans logis, sans travail, et avec très peu d’argent.  En 1975, deux ans après la dernière expulsion, un reporter du Washington Post a trouvé qu’ils vivaient dans une  «  pauvreté abjecte ».

Aurélie Lisette Talate   fût une des dernières à partir. «  Je suis arrivée en Mauritanie avec six enfants et ma mère «  nous a-t-elle dit, « nous avons eu un logement mais il n’y avait pas de porte ni d’eau courante, il n’y avait pas l’électricité. Puis mes enfants et moi avons commencé à souffrir. Tous mes enfants ont commencé à tomber malades.

En deux ans elle a perdu deux de ses enfants. Le second a été enterré dans une tombe sans nom parce qu’elle manquait d’argent pour lui organiser des funérailles correctes. Aurélie a eu des crises d’évanouissements et ne pouvait se nourrir. «  Nous vivions comme des animaux. De la terre ? Nous n’en avions pas. Et nos enfants n’étaient pas scolarisés.

Aujourd’hui, la plupart des Chagossiens, qui sont maintenant plus de 5000 demeure dans la grande pauvreté. Dans leur langue, leur vie est  lamizer (misère financière) et sagren (profonde tristesse et désespoir d’avoir été exilés http://www.counterpunch.org/2015/03/20/what-the-torture-report-missed/ de leur terre natale.  Beaucoup d’insulaires attribuent la maladie et même la mort à ce sagren. « Je suis atteint de quelque chose qui m’affecte depuis très longtemps, depuis qu’on nous a déracinés » a été la façon dont Aurélie me l’a expliqué. «  Ce sagren, ce choc, c’est la même chose qui a tué mes enfants. Nous ne vivions plus libres comme quand nous étions encore dans notre pays natal. »

 Lutter pour la justice

A partir du moment où ils ont été déportés, les Chagossiens ont exigé leur retour ou au moins des conditions décente de réinstallation. Après des années de protestation, dont cinq grèves de la faim menées par des femmes comme Aurélie Talate, quelques-uns parmi eux en Mauritanie ont reçu quelques compensations très modestes du gouvernement britannique : de petites maisons de préfabriqué, de minuscules parcelles de terre, et à peu près 6000 dollars par adulte. Beaucoup ont utilisé cet argent pour rembourser des dettes importantes qu’ils avaient accumulées. Ceux qui vivent aux Seychelles n’ont rien reçu.

La lutte des Chagossiens s’est développée en 1997, avec le dépôt d’une plainte contre le gouvernement britannique. En Novembre 2000, la Haute Court de Justice de Grande Bretagne s’est prononcée pour l’illégalité de la déportation. En 2001 et 2002, la plupart des Chagossiens ont déposé de nouvelles plaintes à la fois devant les tribunaux britanniques et américains exigeant le droit au retour ou des compensations correctes http  pour leur déplacements et pour le réaménagement de leurs îles. La poursuite américaine a été rejetée en dernier ressort sur la base d’une incapacité du judiciaire, dans la plupart des cas, régler les domaines de l’exécutif dans les domaines militaires ou de politique étrangère. En grande Bretagne, les Chagossiens ont eu plus de succès, En 2002, ils se sont assurés du plein droit d’accès à la citoyenneté britannique. Plus de 1000 Chagossiens ont depuis déménagé en Grande Bretagne

Deux autres fois, la court britannique a jugé en faveur du peuple, avec des magistrats nommant le comportement de l’état «  répugnant » et comme «  abus de pouvoir »

Dans un dernier appel du gouvernement, cependant, la court suprême de Grande Bretagne, les juges siégeant à la Chambre des Lord ont maintenu la décision d’exil à 3 voix contre 2. Les Chagossiens ont fait appel devant la Court Européenne des Droits de l’Homme pour modifier ce jugement.

Une fiction verte

Avant que la court Européenne ne se prononce, le gouvernement britannique a annoncé la création de la plus grande zone maritime protégée ( Marine Protected Area, MPA) au monde dans l’archipel de Chagos. La date de l’annonce, le 1ier Avril 2010 aurait pu être un indice qu’il y avait bien autre chose qu’une question environnementale derrière cette décision. La MPA bannit la pêche commerciale et limite d’autres activités humaines dans l’archipel, rendant risquée la viabilité de toute tentative de réinstallation. Puis vint Wikileaks. En Décembre 2010, il a publié une dépêche de l’Ambassade américaine à Londres citant un ancien haut responsable de l’Office de la politique étrangère et du Commonwealth [ Foreign and Commonwealth Office], disant que «  les anciens habitants trouveront difficile voire impossible, de maintenir leur plainte pour une réinstallation dans les îles si l’archipel entier de Chagos est une réserve marine. » Les officiels US acquiescèrent. Selon l’Ambassade, le Conseiller Politique Richard Mills a écrit, «  Etablir une réserve marine pourra, bien sûr, être la meilleure façon à long terme d’empêcher tout ancien habitant des îles Chagos ou leur descendants de se réinstaller. »

Sans surprise, la préoccupation principale du Département d’Etat était de savoir si une MPA pourrait affecter les opérations. «  Nous sommes inquiets » note l’Ambassade londonienne ; «  que certains puissent venir constater que la création d’une MPA soit fondamentalement contradictoire avec l’usage militaire de Diego Garcia ». Les officiels britanniques assurèrent aux Américains qu’il n’y aurait « aucune contrainte quant aux opérations militaires »

Bien que la Cour Européenne des Droits de l’Homme se soit finalement  prononcée contre les Chagossiens en Mars 2013, un tribunal des Nations Unies  a déclaré que la Grande Bretagne avait enfreint les lois internationales en créant cette zone maritime protégée.  La semaine suivante, les Chagossiens ont porté leur requête sur la MPA et leur expulsion auprès de la Cour Suprême Britannique, maintenant la plus haute instance, armé des lois des Nations Unies et des révélations que le gouvernement a gagné la décision de la Chambre des Lords avec l’aide d’une étude falsifiée sur la réinstallation.

Pendant ce temps, le Parlement Européen a voté une résolution prévoyant le retour des Chagossiens, l’Union Africaine a condamné leur déportation en la qualifiant d’horrible, trois lauréats du Prix Nobel ont parlé en leur faveur et des dizaines de membres du Parlement Britannique ont rejoint un groupe supportant leur lutte. En Janvier, une  étude de faisabilité  publiée par le gouvernement britannique a estimé qu’il n’y avait pas de barrières légales significatives à leurs plans de réinstallation dans les îles et a esquissé plusieurs plans de réinstallation à commencer par Diego Garcia. Il est à noter que les Chagossiens ne demandent pas le déplacement de la base militaire américaine. Leur opinion à son propos sont diverses et compliquées. Au moins, certains préféreraient des emplois sur la base à des vies sans emploi en exil.Bien sûr aucune étude n’était nécessaire pour savoir que la réinstallation à Diego Garcia et dans le reste de l’archipel était possible.  La base qui a hébergé des milliers de militaires et de personnel civil pendant plus de quarante ans a démontré cela suffisamment bien. En fait, Stuart Barber, son architecte, en est venu à la même conclusion quelques années avant sa mort. Après qu’il ait appris le sort des Chagossiens, il a écrit une série de lettres passionnées au Centre de surveillance des droits de l’homme ( Human Rights Watch) et à l’ambassade britannique de Washington, entre autres, les implorant d’aider les Chagossiens à revenir chez eux. Dans une lettre au Sénateur de l’Alaska Ted Stevens, il dit crûment que l’expulsion «  n’était pas nécessaire sur le plan militaire ».

Dans une lettre au Washington Post en 1991, Barber suggère « qu’il est temps de redresser ces torts inhumains inexcusables infligés par les Britanniques contre nos protestations ». Il ajoute, «  Des compensations supplémentaires substantielles pour ces 18 à 25 années de misère passées pour tous les évincés sont certainement légitimes. Même si cela devait se monter à 100.000 dollars par famille, nous n’atteindrions que la somme de 40 à 50 millions de dollars, somme modeste par rapport aux investissements effectués dans la base militaire. »

Presque un quart de siècle plus tard, rien encore n’a été fait. En 2016, le contrat de 50 ans pour Diego Garcia expirera. Bien qu’il soit l’objet d’un renouvellement automatique de vingt ans, il offre un période de renégociation de deux ans, qui commence à la fin 2014. Avec la dynamique de soutien acquise par les Chagossiens, ceux-ci sont optimistes sur la capacité des deux gouvernements à corriger l’injustice. Les officiels américains ayant autorisé l’étude de faisabilité britannique afin de reconsidérer une réinstallation pour Diego Garcia est un signe d’espoir que la politique anglo-américaine puisse finalement changer et redresser de grands torts commis dans l’Océan Indien.

Malheureusement, Aurélie Lisette Talate ne verra jamais le jour où son peuple retournera chez lui. Comme d’autres parmi le nombre rapidement décroissant des Chagossiens nés sur l’archipel, Aurélie est décédée en 2012 à l’âge de 70 ans, succombant d’un malaise cardiaque dû au sagren.

David Vine, un auteur régulier de TomDispatch , est Professeur Associé d’Abnthropologie à l’Université Américiane de Washington D.C. Son nouveau livre  Base Nation: How U.S. Military Bases Abroad Harm America and the World sera publié en Août dans le cadre de l’American Empire Project (Metropolitan Books). Il est aussi l’auteur de l’ Island of Shame: The Secret History of the U.S. Military Base on Diego Garcia. Il a écrit pour le NYT, le Washington Post et Mother Jones entre autres publications. Pour plus de renseignements sur ses écrits, visiter www.davidvine.net.

Traduction : Elisabeth Guerrier

Tom Engelhardt : “AFRICOM” Des bases militaires américaines qui cernent l’Afrique

Ceci n’est que la traduction de l’introduction à l’article de David Vine sur la base militaire américaine installée de force et de quelle force sur l’île de Diego Garcia dans le Pacifique.

Les informations touchant la réalisation de projets de présence militaire complètement hors de contrôle d’aucune institution de régulation internationale, les tactiques et anticipations des conflits à venir dus au manque d’eau et aux modifications climatiques, les créations réactives de groupes extrémistes et l’or noir qui continue de couler à flot et nécessite une main mise constante sont anticipés par cette seule nation en toute impunité. C’est donc ” AFRICOM” et c’est ça la forme la plus pure de l’impérialisme, gaver de produits de consommation et de culture de masse les peuples passifs et se préparer en toute impunité et avec quelques prévaricateurs largement soudoyés pour aménager le terrain à écraser les autres. L’Amérique du Sud en entier en pleure encore de toute son identité. Rome n’a pas procédé autrement.

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L’armée américaine pénètre en Afrique 

Je suis sûr que vous avez entendu parler des trois essentielles “ aires d’avant-postes” ou dans le jargon du contrat des “ zones de sécurité cooperative ”  que les Marines américains ont installé au Sénégal, au Ghana et au Gabon. Nous parlons du  “Special Purpose Marine Air-Ground Task Force Crisis Response-Africa  [ Marines à objectifs spéciaux Air.Terre Force responsable des réponses aux crises africaines], une unité basée à present à Moron, Espagne.  Elle est censée être une base – bien que ce ne soit pas un terme utilisé  aux “ US African Command [Commandes américaines en Afrique ] AFRICOM qui peut superviser n’importe quelle expansion – prête à l’accueillir dans un avenir où tout peut arriver dans une Afrique au bord de l’explosion ou avec la montée des groupes terroristes.

Vraiment ? Vous n’avez rien noté à ce sujet ? Il faut l’admettre, l’histoire n’a pas été mentionnée dans les informations quotidiennes, ni fait la une des journaux locaux, ni, sans doute de ses pages intérieures mais honnêtement, elle était pleinement visible juste là, dans Military Times !   Bien sûr, il peut être facile de passer à côté de trois locations de” sécurité coopérative” largement inoccupées  dans des pays qui ne sont pas exactement sur le bout de la langue des Américains dans de telles circonstances, mais que dire de ces autres huit “ aires de transbordements ” que AFRICOM admet maintenant avoir établi à travers toute l’Afrique ?  Le commandement a tout d’abord nié avoir aucune “ base” sur le continent autre que celle en croissance permanente qu’il a établi sur la petite nation de Djibouti dans la Corne de l’Afrique et dans laquelle a déjà été englouti les trois quarts d’un milliard de dollars avec au moins 1, 2 milliards d’aménagements nouveaux à venir. 

Cependant, le commandant d’AFRICOM, le Général David Rodriguez, insiste maintenant fièrement sur le fait que les onze avant-postes principaux ne seront situées qu’à quatre heures de tout haut-risque ou haute-menace diplomatiques sur tout le continent.

Vraiment, vous n’avez rien entendu sur ces bases non plus bien que “ Stars and Stripes” ait eu l’information en couverture et en page central ?

Hum.. ce serait vraiment étrange si personne dans ce pays, en dehors du Pentagone, portrait le moindre intérêt à la question de la répartition générale des garnisons américaines. Bien sûr que ça ne les intéresse pas. Cela ne les a jamais intéressé, ce qui pourrait caractériser un des plus grands mystères de la vie américaine et pourtant, d’une certain façon ne le caractérise pas. Les bases américaines à l’étranger ne figurent Presque jamais dans les informations. Rares sont les journalistes qui écrivent à leur propos, bien qu’ils y passent souvent du temps. Les commentateurs en parlent rarement. Les candidats n’en débattent jamais, les éditorialistes n’écrivent pas sur elles.

Ces jours derniers, nous nous sommes souvenus des 505 (!)   bases allant de minuscules avant-postes de combat à de petites villes américaines  (avec presque tous les aménagements d’un véritable foyer) que les US ont construits, entretenus puis abandonné en Irak entre 2003 et 2011 au coup de dizaines de milliards de dollars – ceci, c’est-à-dire avant que des formateurs américains et d’autres personnels y soient à nouveau envoyés dans quelques uns d’entre eux pour la 3ième guerre d’Irak. 

Presque personne, même le Congrès généralement impatient de couper les subventions sur à peu près tout, n’a discuté le coût de cette maintenance de centaines et de centaines de bases de toute tailles et formes que le Pentagone maintient globalement d’un façon historiquement encore sans précédent.

Déjà en 2012, le rédacteur régulier de TomDispatch David Vine estimait que ces coûts s’élevaient aux alentours de 170 milliards de dollars par an, d’une façon conventionnelle, et que depuis le 11 Septembre, s’y était ajouté au total près de deux milliers de milliards de dollars..Si vous n’évaluez pas la manière dont ce pays a transformé en garnison toute la planète, si vous ne notez jamais son empire de bases militaires, il n’y aura alors aucune façon de vous en faire saisir la nature impérialiste, qui peut-être est le vrai point. 

Et bien sûr, si vous n’avez aucune conscience de tout cela, ce qui est probable si vous êtes un Américain pur sang bien viril, alors vous n’avez probablement pas l’idée que ce pays a engouffré des milliards de dollars dans une seule base militaire, sur une seule île, Diego Garcia, perdue dans les fins fonds de l’océan Indien  mais vitale quant aux conflits de l’Amérique avec le Moyen-Orient. Ceci signifie également que vous ignorez que le Pentagone, commettant un acte de cruauté de premier ordre a exigé que toute la population soit exilée de leur pays, de leur vie, de tout ce qui avait de la valeur pour elle, de tout ce que l’appartenance aux racines représente dans ce monde, de façon à ce qu’il puisse construire, pourvoir en personnel et utiliser dans la guerre sans fin des USA avec le grand Moyen–Orient sans aucun témoin d’aucune sorte.

C’est un conte sinistre que vous n’avez probablement entendu. ( même si vous lisez  Military Times ou Stars and Stripes ) David Vine est un des rares Américains qui se soit trouvé fascine par ce que Chalmers Johnson a nommé une fois ” le monde des bases américaines.” Il a écrit à leur propos d’une façon très vive dans :  So Base Nation: How U.S. Military Bases abroad harm America and the world  [Une Nation de Bases militaires, comment les bases américaines endommagent les USA et le monde] , un livre que Andrew Bacevich a décrit comme “ une critique dévastatrice » et qui sort en Août. Personne ne sait plus de choses sur Diego Garcia et sur le destin de ses habitants que Vine. ( Il  écrit un livre précédemment  ” Island of shame” [ L’île de la honte]

Prenez donc un moment pour jeter un coup d’œil sur les bord lointains de l’empire des bases militaires américaines et de rapidement considérer certains autres coûts induits par la manie de ce pays de mettre le monde en garnison. Tom

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Traduction : Elisabeth Guerrier

Au regard de l’absence quasi complète d’information sur les procédés d’invasion de l’île de Diego Garcia et la violence commise comme un droit sur tous ses habitants, la traduction de l’article de David Vine du TomDispatch, très documentée, suivra cette introduction.

Dahr Jamail «  Effondrement imminent de la calotte glaciaire et une nouvelle ère pour l’Arctique »

L’article de Dahr Jamail du magazine ” Truth Out”  nous offre un aperçu très large et documenté des multiples facettes de la catastrophe climatique qui se prépare et a déjà montré son ampleur. Il se réfère aux études les plus sérieuses et les plus récentes afin de pointer l’extrême urgence avec laquelle les pouvoirs politiques devraient agir ainsi que les résistances toujours farouches à la seule réalité du changement climatique anthropogénique.

Il se réfère principalement à des recherches et des analyses faites aux USA mais évoque également de nombreuses autres parties d’un monde qui, ne l’oublions pas est menacé dans sa survie globale.

Avant la lecture une citation de la fin du texte, qui nous montrera, à nouveau, l’extrême urgence des changements nécessaires : Nous n’avons pas un moment à perdre : une analyse récemment publiée dans la  prestigieuse revue Science, montre qu’une espèce animale sur six est en voie d’extinction à cause du réchauffement.

NB : Dans la traduction, nous avons fait le choix en place de  “changement climatique”, d’utiliser l’acronyme anglo-saxon choisi par l’auteur,  “ACD” (Anthropogenic Climate Disruption ).

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Comme les perturbations climatiques causées par l’homme progressent, la montée du niveau des mers se produit beaucoup plus vite que prévu. (Photo: Iceberg via Shutterstock)

Récemment, deux amis et moi avons tenté l’ascension du beau sommet enneigé du Mont Baker dans l’état de Washington. Encordés pendant que nous escaladions le glacier, à à peu prêt 457 mètres au-dessous du sommet, notre route s’est transformée en une impasse.

Étant donné qu’il était techniquement tôt dans la saison d’escalade et que nous étions sur une route standard, nous avons été surpris de trouver un pont de neige s’étalant sur une crevasse large de plus de 10 mètres sur le point de s’effondrer. Ne trouvant pas d’autres voies autour du gouffre, nous nous sommes mis d’accord pour faire demi-tour et de revenir un autre jour.

Après avoir démonté notre camp et pris le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés pour manger un morceau dans la petite ville la plus proche de Glacier, Washington. Notre  hôtesse nous a parlé d’un de ses amis travaillant au service forestier de  l’endroit qui lui avait dit que la zone ” avait reçu, l’année passée, la quantité la plus faible de précipitations dans les cent dernières années. ”

L’élévation du niveau des mers se produit maintenant beaucoup plus vite que ce que tout le monde prévoyait.

Pendant que nous planifions notre prochaine sortie au Mont Baker, un de mes partenaires parla avec un guide local qui l’informa que, en dépit du fait que nous n’étions qu’à la mi-mai  ” les conditions d’escalade sont déjà les mêmes que celles de la mi ou fin Juillet, des crevasses s’ouvrent, des ponts de neige sont déjà en train de fondre comme si nous étions en fin de saison ”

L’escalade, aux prises avec les perturbations climatiques anthropogéniques  (A.C.D : Anthropogenic Climate Disruption), comme le reste de la vie, est en train de devenir de plus en plus un défi et de plus en plus dangereuse. Les signes nous entourent, chaque jour maintenant. Tout ce que nous avons à faire et d’ouvrir les yeux aux changements se produisant dans nos régions. Nous devons y regarder de plus près et penser à ce qui se produit sur la planète.

Les changements dans l’océan Arctique sont devenus si importants que la région entre dans ce que les scientifiques norvégiens appelant  ” une nouvelle ère ” . Ils nous avertissent des   ” implications  d’une portée considérable “, provenant du passage d’une couverture permanente de glace épaisse à une couche beaucoup plus fine disparaissant pendant l’été.

Pendant ce temps, l’élévation du niveau des mers se produit maintenant beaucoup plus vite que toutes les prévisions le supposaient, selon une étude récemment publiée des climatologues d’Australie. Cette étude montre que la montée des niveaux de la mer s’est accélérée lors de la dernière décennie.

La NASA a récemment publié une étude révélant que les régions polaires de la planète sont au milieu d’une transformation énorme, et a montré que la calotte glaciaire Larsen B, vieille de 10.000 ans va bientôt disparaître, peut-être dès 2020. Et ces tendances sont sur la voie d’une accélération, car Mars a vu la moyenne de dioxyde de carbone toucher les 400. 83 parts par million.  Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration,  c’était la première fois que la moyenne surpassait les 400 parts par million pendant un mois entier depuis le début des mesures en 1950.

Terre

Sur les fronts de la terre, des changements furieux viennent à une vitesse folle

Une étude  dévoilée par les chercheurs en Suède et en Chine montre comment l’ACD peut sérieusement compromettre la survie de presque tout ce qui vit sur la planète, en particulier  celle des oiseaux. Les chercheurs ont montré comment lors du dernier âge de glace s’est produit un déclin sévère de la vaste majorité des espèces étudiées, ce qui est précisément ce à quoi nous assistons en ce moment. De très nombreuses espèces d’oiseaux sont actuellement dans un déclin dramatique.

Un récent exemple frappant de ce phénomène se produit dans l’Ohio, où les oiseaux sont en train d’être dévastés par les impacts de l’ ACD, selon les scientifiques les plus experts de l’ Audubon Society, qui s’attendant à voir les choses empirer.

Les gaz à effets de serre s’extraient de la forêt californienne plus vite qu’ils ne sont absorbés.

En Californie, l’actuelle mega-sècheresse est déjà responsable de la mort de 12,5 millions d’arbres de la forêt nationale, selon les scientifiques du service des forêts nord-américaines. Ils s’attendent à voir l’extinction continuer. ” Il est presque certain que des millions d’autres arbres vont mourir dans le cours de l’été à venir puisque la situation de la sécheresse continue et va s’inscrire encore plus dans le long terme. ” dit le biologiste Jeffrey Moore, responsable du programme d’enquête du Services des forêts nord-américaines.

Des recherches récentes  en dehors de la Californie montrent également que les forêts sont en fait devenues de pollueurs plutôt que des réducteurs de dioxide de carbone, à cause, encore, de l’impact de l’ ACD. L’étude montre que les gaz à effets de serre s’extraient des forêts plus vite qu’ils ne sont absorbés, à cause principalement des feux de forêts amplifiés par l’ACD.

À travers tous les états de l’ouest des USA frappés par la sècheresse, les animaux sauvages meurent littéralement de soif, car ils sont maintenant obligés de chercher de l’eau et de la nourriture dans des zones éloignées de leur territoires habituels, ce qui entraine une augmentation des morts.

Une autre étude récente montre que comme l’ACD  progresse, des étendues de forêt majestueuse à travers le monde vont rétrécir et se rabougrir, à cause des changements dans les courants de fluide du travail intérieur de la végétation. Pendant ce temps, l’augmentation du niveau de dioxyde de carbone et d’autres impacts de l’ACD ont un effet massif sur les capacités des populations indigènes de fournir leur propre médecine car les plantes médicinales sont sur le déclin.    Cette question dépasse le cadre des USA : sur les 7, 3 milliards de personnes vivant sur terre maintenant, approximativement 5 milliards ne se rendent pas à une pharmacie pour chercher leurs prescriptions.

Dans cette même note, une récente étude troublante dans le Proceedings of the National Academy of Sciences    a montré que le réchauffement climatique faisait déjà baisser les rendements de céréales aux USA et probablement ailleurs autour du globe. C’est pourquoi nourrir les 7, 3 milliards d’êtres humains va devenir de plus en plus un défi.

Plus largement, un rapport récent de médecins et de scientifiques en Australie nous avertit que l’ACD conduira à plus de maladies, de mort et de violents conflits lorsque les pays devront se battre plus pour les ressources en aliments et en eau.

Eau

Comme d’habitude, quelques-uns des effets les plus ouvertement évidents de l’ACD se font reconnaître sur les fronts de mer, à la fois sous la forme de trop ou de pas assez d’eau.

En ce qui concerne le dernier, le lac Mead du Nevada, le plus grand réservoir d’eau des USA, est maintenant à son plus bas niveau dans l’histoire enregistrée.

Dans la région du nord-ouest pacifique – pas la région à laquelle on pense quand on évoque la sécheresse — une étude récente a montré que plus de montagnes étaient sans neige plus tôt dans l’année que jamais, d’autant que la région a eu un hiver sans neige avec les manteaux neigeux à leur plus bas niveau

Les responsables de l’eau avaient l’espoir que des neiges tardives ou d’importantes pluies printanières allaient remplir les réservoirs, mais elles ne sont pas venues. À la place, sur les 98 sites gérés par Washington, 66 étaient sans neige au début du mois de Mai et ” 76% de la neige à long terme des sites de l’Oregon avaient le plus mince manteau neigeux jamais enregistré. ” en Avril.

Lors d’une année typique, à cette même période, la plupart des sites seraient proches de leur manteau neigeux le plus épais.

Dans l’Arctique, le lanceur d’alerte, les circonstances deviennent de plus en plus catastrophiques.

Les choses sont suffisamment graves pour que à la mi-mai, le gouverneur de la région Jay Inslee déclare une urgence dans tout l’état  à cause de la sécheresse  quand les manteaux neigeux de cet état n’avaient pas atteints 16% de leur moyenne et le niveau des cours d’eau et des rivières s’étaient asséchés jusqu’à devenir des filets qu’on n’avait pas vu depuis 1950.  Inslee a également averti que ”  les résidents devaient se préparer à une saison d’incendies précoce et active qui pourraient atteindre  des lieux plus hauts comme celles des montagnes Olympiques ou celles de Cascade., où de nombreux points sont déjà complètement sans neige. ”

Nous tournant plus au nord, ce dernier hiver a aussi été le moins neigeux parmi ceux enregistrés à Anchorage, Alaska selon le  National Weather Service

Nous déplaçant à travers le Pacifique vers Taïwan, pas un pays dont on imaginerait qu’il subisse l’impact de la sécheresse alors que cette nation traverse une des plus sévères sécheresses  depuis des décennies, les habitants vivant dans ce pays lourdement peuplé de la côte ouest doivent rationner leur utilisation d’eau.

Dans l’Arctique, notre signe avant-coureur des impacts de l’ACD, les conditions deviennent de plus en plus terribles. Il y avait moins de glace dans l’Arctique cet hiver que lors d’aucun hiver de l’ère des satellites selon le National Oceanic and Atmospheric Administration 

Une équipe internationale de scientifiques a récemment confirmé une crainte ancienne : la vaste quantité de carbone actuellement préservée dans les sols gelés et la toundra de l’Arctique, sera, à cause de la fonte du permafrost, finalement rejetée dans l’atmosphère. C’est une évidence de boucle de rétroaction : les températures se réchauffant font fondre le permafrost, libérant le dioxyde de carbone stocké dans l’atmosphère, qui plus tard réchauffe encore les températures, encore et encore.

Comme une nouvelle version arctique du film post-apocalyptique Mad Max, le dégel de la calotte glaciaire pousse plusieurs nations de l’ouest et la Russie à se précipiter pour marquer et sauvegarder leurs droits à de nouveaux passages de navigation et à de nouveaux sites de forage en haute mer. En d’autres termes, la dernière itération de la guerre froide est en train de s’échauffer, rapidement.

Dans l’Arctique-même, cette dépêche trouve également des développements dramatiques. La couverture de glace Larsen C, qui est beaucoup plus grande que Larsen A et B et a une surface à peu près deux fois plus large que celle du Pays de Galles  semble sur le point de s’effondrer. Une étude récemment publiée rapporte que des mécanismes existent qui pourraient faire courir des ” risques imminents ” à la couverture glaciaire.

Dans un autre exemple de boucle de rétroaction qui s’emballe, un rapport récent  montre qu’une accélération de la montée des eaux  se produit pendant que la couche de glace fond à des vitesses de plus en plus rapides.

Dans cette note, les leaders politiques des Caraïbes, http://www.ipsnews.net/2015/05/caribbean-looks-to-paris-climate-summit-for-its-very-survival/   dont les quarante pays insulaires sont confrontés à l’acidification de l’océan, à la montée du niveau des eaux et à une saison cyclonique de plus en plus intense mettent tous leurs espoirs sur le sommet climatique de Paris attendu dans l’année pour leur survie même.

Feu

La sécheresse actuelle en Californie transformant tout l’état en poudrière où ont conduit plusieurs années de conditions d’hyper-sècheresse, a amené les experts à prévenir que  la sècheresse et les conditions actuelles sont une “ recette de désastres “. La Californie dépense déjà plus que les 10 autres états de l’Ouest combinés dans la lutte contre les incendies et cette année, le compte des feux jusqu’à maintenant est de 967, ce qui est 38 % plus important que la moyenne à cette date depuis 2005. Le nombre d’hectares brûlés est presque le double de ce qu’il était à la même période l’année passée et 81%  au-dessus de la moyenne depuis 2005.

À travers le reste des USA de l’ouest, la saison des feux de forêt à venir s’annonce aussi sinistre. Comme la sécheresse continue d’empirer dans tout l’ouest et le centre-ouest des États-Unis le Service des Forêt s’attend à dépenser plus de  1,26 milliards à combattre les incendies en 2015 pendant une saison des feux de forêts qui s’annonce bien pire que la normale.

Une étude récemment publiée  par des chercheurs du National Park Service, de l’Université de Californie, Berkeley, et d’autres institutions a confirmé ce que nous savons déjà : lorsque de la terre boisée desséchée part en flamme, le feu contribue à l’ACD, provoquant encore un autre emballement de la boucle de rétroaction

Air

Un article récent  publié dans   Nature Climate Change a révélé que 75 % des journées mondiales anormalement chaudes et 18 % de ses chutes extrêmes de neige et de pluie étaient directement liées à l’ ACD. Deux rapports récemment publiés par l’UCLA montrent que d’ici 2050, des parties de la région de Los Angeles vont subir un nombre triple ou quadruple de chaleur extrême ( des jours au-dessus de 35 degrés.) par rapport à la situation actuelle.

Dans ce domaine, une autre étude  récemment publiée indique que l’exposition américaine aux chaleurs extrêmes va vraisemblablement être multipliée par six d’ici 2050, à cause de la combinaison de l’augmentation des températures et du rapide accroissement de la population à travers le sud et l’ouest. L’actuelle sécheresse en Californie a également rendu la qualité de l’air bien pire, selon un rapport de l’American Lung Association report.

De l’autre côté de l’Atlantique, les scientifiques nous avertissent  que les records de chaleur battus pendant ces dernières années ont 13 fois plus de chance d’être attribuées à l’ACD.

Un autre rapport récent  montre qu’à cause de l’ACD, les ouragans, globalement, vont arriver plus groupés et être beaucoup plus intenses que dans le passé.

Déni et réalité

Aux USA, il semble que dans le camp des détracteurs de l’ACD, il n’y ait pas de temps mort. Le comité de la Maison Blanche dont la tâche consiste à autoriser les dépenses de la NASA s’est récemment centré sur une question-clef prioritaire de l’administration Obama avec un vote sur une ligne du parti à propos d’une coupe franche  dans le budget des sciences de la Terre : les missions qui étudient l’ACD. Les opposants cherchent à ôter les fonds alloués à l’environnement et aux sciences de la Terre qui peuvent aider les décideurs politiques à faire des choix quant à la régulation de la pollution et aux effets du réchauffement climatique.

En Alaska, la sénatrice anti-environnementaliste belliqueuse Lisa Murkowski est en train de pousser l’ Environmental Protection Agency à libérer son état des règles touchant les émissions de centrales de l’ACD et il est possible qu’elle y réussisse.

En Floride, bien que l’élévation du niveau de la mer fait de jour en jour peser une menace plus grande à toute la côte, il n’y a, dans tout l’état aucun plan général sur les moyens de mitiger l’impact de l’ACD.

Le Président Obama, qui a donné son feu vert pour les forages en haute mer, a fait pression pour une action urgente sur le climat comme un impératif de sécurité nationale.

Les Etats-Unis ne sont pas la seule nation avec un fort mouvement de déni du réchauffement basé sur l’industrie du pétrole. En Australie, l’ancien chef de la respectée Commission Climatique, qui a été dissoute par le Premier Ministre Conservateur Tony Abbott en 2013, a récemment convié le gouvernement à expliquer pourquoi il finançait un «  Institut de Recherche » qui supporte les détracteurs du changement climatique.

Je ne sais pas si ce dernier exemple est à classer dans la catégorie  « déni »  ou « réalité » : de retour aux USA, le Président Obama qui a donné son feu vert pour des forages en haute-mer à la fois dans l’Arctique et sur la côte atlantique a précisé que l’ACD était un risque immédiat pour les USA en poussant à des actions immédiates pour des impératifs de sécurité nationale.

Pleinement sur le front de la réalité, le chef de la Banque Mondiale a affirmé que l’ACD est une « menace fondamentale » pour le développement, reconnaissant comme la progression des dangers a empiré.

Le Département américain de la Défense, qui n’est pas connu pour ses préoccupations pour l’environnement, est en train de franchir de larges pas  vers l’adaptation et la préparation à l’ACD .

Peu connue également pour être préoccupée par l’ACD, l’Arabie Saoudite par son Ministre du pétrole, Ali al-Naimi a récemment annoncé que son pays avait l’intention de basculer vers le tout solaire d’ici 2040.2050. «  Nous nous sommes embarqués dans un programme de développement de l’énergie solaire. Nous espérons qu’un jour viendra où au lieu d’exporter du pétrole nous exporterons des gigawatts. N’est-ce pas une bonne idée ? »

Oui, Monsieur le Ministre, c’en est une, bien qu’un peu tardive dans le jeu.

Également sur le front de la réalité, les Nations Unies et le Vatican ont fait équipe contre les climato-sceptiques, avertissant le monde à propos des impacts de l’ACD tout en détractant fermement les «  climato-sceptiques ». L’ancien Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan est intervenu  en disant que «  Nous devons faire face aux climato-sceptiques » qui nient les faits et le Pape Francis a donné des instructions aux responsables de L’Eglise Catholique afin qu’ils se joignent aux politiciens, aux scientifiques et aux économistes pour établir un bilan déclarant que non seulement l’ACD est une réalité scientifique mais aussi qu’il s’y engage une responsabilité morale et religieuse à faire quelque chose contre lui.

Tout cela est parfait mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous n’avons pas un moment à perdre : une analyse récemment publiée dans la  prestigieuse revue Science, montre qu’une espèce animale sur six est en voie d’extinction à cause du réchauffement.

Boucle de rétroaction  Feedback loop

Traduction : Elisabeth Guerrier

Dialogues non-sexistes. A propos des ” Monologues du Vagin” de Even Ensler

Un groupe d’étudiantes de l’Université de Mount Holyoke a décidé d’annuler la représentation annuelle des  « Monologues du Vagin », disant que la pièce excluait l’expérience des femmes transsexuelles qui n’ont pas de vagin.

Depuis que le décision a été annoncée la semaine dernière, plusieurs organisations médiatiques, commentateurs de théâtre et activistes féministes ont discuté autour de l’adéquation de la pièce écrite il y a une vingtaine d’années à propos de la sexualité féminine et de la question de sa pertinence sur un campus universitaire contemporain.

Projet : Le théâtre, le groupe Mount Holyoke qui produit le spectacle a dit avoir pris cette décision en ayant tenu compte des avis des étudiants sur « Les Monologues du Vagin » Cette traduction a été demandée par l’association féministe canadienne Sisyphe. Il s’agit de l’annulation demandée par un groupe d’étudiante de la pièce programmée ” Les Monologues du Vagin ” de Even Ensler, pièce qui continue d’être jouée un peu partout dans le monde. L’argumentaire doit, semble-t-il nous mettre sur nos gardes. La décision en effet a été prise parce que le thème et l’écriture de la pièce n’évoquaient pas la réalité transsexuelle des femmes vivant sans vagin et par conséquent était discriminatoire. Il lui avait aussi été précédemment reproché de ne s’adresser qu’à des femmes occidentales et blanches et de ne pas prendre en compte les femmes d’autres appartenances culturelles ou ethniques. Il y a ici  une forme de totalitarisme qui s’ignore en voulant plaider le meilleur. Mais le meilleur dans ce contexte, que pourrait-il être ? Des œuvres ou tout, absolument tout de la diversité humaine serait évoqué ? Genre, culture, race ? Et pour en dire quoi ? Une litanie de l’unification et de l’effacement des écarts, un penser correct qui castre  de sa nécessité strictement individuelle même lorsqu’elle est politisée, toute nécessité d’écrire, de peindre dans son propre contexte avec ses propres outils d’analyse et sa propre histoire  au profit d’une bienséance aussi violente que toutes les répressions contre lesquelles elle s’est battue ? 

Comment créer autrement ? Avec la pression des groupes du nouvel âge du fondamentalisme inclusif où il ne peut s’évoquer de spécificité qu’à lui faire d’une façon ou d’une autre prendre les couleur des LGTB , horreur d’ailleurs que cet acronyme qui tente de laisser croire que derrière lui peut se rassembler une collectivité alors qu’il n’endosse qu’ une forme de norme encore plus contraignante que celle qui a été fuie. Plaque d’immatriculation identitaire qui agglomère toutes ces situations si diverses et n’identifie chaque individu qu’au regard de son appartenance. Les évolutions récentes ont certainement ouvert des droits indiscutables mais ont créé des cases dures comme le peu de jeu entre la pensée catégorielle dont elles sont issues.

Le Bien et sa défense sont toujours à prendre avec beaucoup de prudence, le Bien est l’origine du mal, par la main mise qu’il s’octroie sur tout comportement et toute spécificité. Il est un domaine dont il devrait être exclu, surtout lorsqu’il touche à ce qui n’existe que sans limites et sans censure : l’Art

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Continue reading “Dialogues non-sexistes. A propos des ” Monologues du Vagin” de Even Ensler”

La Mafiocratie mondiale et l’Empire de l’Economie par Andrew Gavin Marshall

 Un projet à soutenir. Andrew Gavin Marshall est en train de travailler sur une histoire des forces en présence dans le système en en faisant…des histoires, lisibles, amusantes, terrifiantes, humaines afin de contrer le discours volontairement fumeux des technocrates et ramener les enjeux à ce qu’ils sont depuis toujours : pouvoir, dynasties, oligarques, rivalités, avec les noms des individus derrière les réunions secrètes où se décident le sort du monde. Il mettra en parallèle les mouvements de la base, ses vibrations et ses oppositions, sa force et la méconnaissance de son véritable pouvoir. Pour cela, lancer le premier chapitre, expérimental où il donnera une explication plus complète de son projet il a besoin de lever la somme de 500$. C’est peu. Mais il les faut. Je joins la version française de la présentation de son travail qui, j’en suis convaincue mérite d’être suivi de près.EG

The Global Mafiocracy and the Empire of Economics Andrew Gavin Marshall

Chers lecteurs,

Je cherche à rassembler 500$ afin de terminer et de publier pour tous  un chapitre d’introduction à mon livre sur la Mafiocratie et l’Empire de l’Économie. Le chapitre offrira un extrait du sujet traité, du style et de la démarche discutant ces questions complexes de façon à les rendre compréhensibles et accessibles pour une audience aussi large que possible. L’extrait sera achevé assez rapidement (dans une semaine ou deux), pour autant que l’objectif des subventions est atteint afin que je puisse investir le temps nécessaire pour achever l’avant-projet.

Quels sont donc les thèmes et les objectifs de ce livre ?

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Ceci est une carte virtuelle que j’ai dessinée, soulignant quelques-unes des institutions et des connexions dans le monde de la finance mondiale, de la diplomatie et de la finance.

  • Traduire le monde de l’économie et des finances en Anglais de base, démanteler le langage “technique” des “experts” et le transformer en une dialectique plus directe et plus honnête.
  • Une introduction à la Mafiocratie Globale : les banques, les corporations, les firmes de gestionnaires d’actifs, les fonds souverains, les sociétés qui exercent de portefeuille et les compagnies d’assurance qui s’appartiennent collectivement les unes les autres et le réseau plus étendu des corporations mondiales et des institutions financiers, se présentant comme un relativement petit cartel d’à peine 150 grandes institutions financières qui exercent un pouvoir sans précédent sur le monde moderne. Comment ce cartel a-t-il évolué ? Quelles sont en son sein les institutions qui le dominent ?  Qui sont les individus et les groupes qui dirigent ces organisations ? Comment la richesse est elle accumulée et le pouvoir exercé dans ces cartels ? Quels rôles ces cartels jouent-ils dans la finance mondiale, l’économie, la politique ?
  • Derrière les institutions corporatistes et financières majeures sont des individus et des familles, de plus petites unités de pouvoir concentré qui possèdent les parts les plus importantes et dirigent les opérations de ces cartels au niveau mondial. Ces oligarques et ces dynasties – les Rockfeller aux USA, Wallenberg en Suède, les Agnellis en Italie, Desmarais au Canada, la maison des Saud en Arabie Saoudite, les Oppenheimer en Afrique du Sud parmi d’autres – contrôlent et/ou influencent des pourcentages importants de richesse dans leur nation respectives et dans l’économie et le commerce globalisé. Comment ces dynasties et ces oligarques ont-ils émergé ? Que possèdent-ils et contrôlent-ils ? Comment leur richesse et leur pouvoir sont-ils organisés et exercés ? Quelles sont leurs idéologies et leurs croyances ?
  • Empire/ Economie : quand des individus pense «  empire », ils imaginent souvent le vieux pouvoir colonial européen s’avançant en Afrique en Amérique Latine et en Asie où ils vont occuper militairement et coloniser des terres étrangères, des régions et des peuples pour le bénéfice de leur propre empire. Bien que le colonialisme soit largement un anachronisme historique, injustifiable et intenable d’une façon croissante dans le monde modern, l’Empire lui-même n’a jamais disparu. Pendant que les composants militaires et ouvertement politiques de l’empire et de l’impérialisme restent pertinents dans le monde moderne (pensons à l’armée américaine, au Département d’Etat, à L’OTAN etc.) les moyens les plus efficaces et évolués de l’impérialisme dans le monde sont exercés à travers les sphères économiques et financières. Dans ces royaumes, l’empire est plus efficace parce que son idéologie, ses objectifs, ses actions et ses effets sont cachés derrière un langage vague et obscure, l’ »expertise » des économistes, des ministres des finances, des banquiers de la banque centrale, et autres technocrates qui se réclament d’être séparés du politique et uniquement intéressés dans l’économie. L’empire est plus évolué dans ces sphères parce qu’il est devenu l’avant-garde d’une mafiocratie globale et d’un système impérialiste, dirigeant l’appareil politique et souvent militaire de l’empire, beaucoup plus institutionnalisé et avancé sur l’échelle mondiale qu’aucune autre sphère parallèle politique ou militaire.
  • La diplomatie mondiale et la gouvernance : quelles sont les institutions qui organisent et modèlent l’ordre de l’économie impérialiste ? Dans un monde de finances et de gouvernance, ces institutions qui exercent un pouvoir et une autorité incroyables ( et augmentant de plus en plus) restent largement inconnues et incomprises du grand public. Le livre examinera quelques-unes des origines, des évolutions et des caractéristiques de nombre d’entre elles, y compris : l’International Monetary Found ( FMI), la World Bank (Banque Mondiale) la Bank for International Settlements ( BRI Banque des Règlements Internationaux), l’Organization for Economic Cooperation and Development ( OCDE), la World Trade Organization (OMC ), les banques centrales et les ministères des finances parmi d’autres. Quels sont les rôles spécifiques, les fonctions et les objectifs de ces institutions ? Comment exercent-elles le pouvoir ? Qui les dirigent ?
  • Le pouvoir d’état : les institutions qui constituent le monde de la finance et de la gouvernance s’appuie principalement sur le pouvoir d’état pour leur légitimité et leur puissance politique. Qu’il s’agisse d’une Banque Centrale, d’un Ministère des Finances, du FMI ou d’autres agences, le rôle des puissantes nations comme les Etats Unis et d’autres pays riches est central au système et aux structures de l’empire mondial de l’économie. La centralisation du pouvoir d’état est rendue d’autant plus apparente par l’examen des origines et l’évolution moins formelle des regroupements internationaux, comme le Groupe des Sept ( G7), le Groupe des Vingt ( G 20) , le Groupe des 10 ( G 10), le Groupe des Cinq ( G5) , les forums principaux pour le système de gouvernance globalisée et impérialiste. Qui assiste à ces forums ? Quelles institutions sont-elles représentées ? Quel est le rôle des “ marchés émergents” de pays comme la Chine, la Russie, le Brésil, les Indes, la Turquie, et l’Afrique du Sud au sein du système ?
  • La Mafia Financière Mondiale : quelle est la relation entre le pouvoir d’état, les different groupes de nations, les institutions internationales, les ministères des finances et les banques centrales avec les cartels mondiaux des banques et des corporations, les oligarques et les dynasties qui contrôlent ces cartels ? Dans ces forums, est-ce que les individus qui mènent ces activités variées interagissent, coopèrent, communiquent, se fréquentent et s’organisent ? Dans de différents Think Tanks, fondations, forums, conférences et événements sociaux les technocrates de haut-niveau se rencontrent, souvent en secret, avec des PDG de banques et de corporations, les patriarches et matriarches de familles puissantes et autres oligarques. Parmi tels événements et forums on trouve : le Groupe Biderberg, La Conférence Monétaire Internationale, Le Forum Economique Mondial, La Commission Trilatérale, L’Institut de la Finance Internationale et le Groupe des 30 parmi d’autres. Ces forums et événements fournissent aux leaders politiques et aux responsables des institutions influentes un forum privé où ils peuvent avoir des discussions sans traces, souvent secrètes sur des questions d’une dimension mondiale importantes pour les populations de leurs nations respectives et pour la planète dans sa totalité.  Collectivement ce groupe, et l’institution qui le domine composent une Mafiocratie Globale : un système politique, social, et économique mondial dominé par relativement peu de nations et d’institutions qui opèrent largement dans l’intérêt d’un petit cartel criminel de banques et de corporations : une mafia financière mondiale.
  • Démarche de synthèse : ces institutions, individus et idéologies seront examinés et discutés non en tant que compte-rendu historique mais en racontant une série d’histoires. Je veux essayer de présenter cette information et cette analyse de la même façon qu’elles me satisfont le plus, le récit fantastique, intéressant, souvent horrible et choquant d’intrigues, d’empire, de pouvoirs politiques, de tyrans mesquins, de luttes intestinales, de domination, de destruction et d’empires. Je veux que les gens qui mènent et participent à ce système deviennent aussi familiers au lecteur qu’ils le sont pour moi, donner à voir une image et à lire une histoire sur les personnalités et des complexités de ceux qui règlent et mènent le monde. Ce qui en émerge est l’histoire, ou une série d’histoires, aussi valables qu’une intrigue et intéressante sur un plan historique et fictionnel sur les familles impériales et les anciens empires, les mondes mythiques, les contes fantastiques, les sociétés de science-fiction. Obtenir une vue plongeante sur notre monde.
  • Démarche analytique : parallèlement aux institutions, aux individus et aux idéologies qui dominent et modèlent le monde à partir du haut, il existe aussi des processus, des personnes, des protestations et des mouvements de masse ou des révolutions qui modèlent, recréent et réimaginent le monde à partir du bas. Pendant que les ministres des finances européens se rencontrent en secret, en dehors des enregistrements des conversations dans des châteaux éloignés situés dans le Luxembourg, décidant du destin de l’Europe et de ses citoyens, des protestations de masse, des manifestations et des émeutes ont lieu dans les rues d’Athènes, de Madrid, de Lisbonne, de Rome et de Francfort, dans lesquelles les populations s’opposent et rejettent les décisions prises dans des lieux éloignés par des technocrates non élus qui ne servent que leurs propres intérêts. Quel rôle jouent les protestations et les mouvements populaires dans le dessin et le changement du monde ? Comment les institutions dominantes et les individus vient-ils et répondent-ils à de tels événements et de telles actions ? Ont-ils peur du potentiel du peuple ? Quel est ce potentiel ou que pourrait-il être ? Quelle est l’histoire racontée par le bas de la Mafiocratie globale et de l’empire économique ?
  • Une série d’histoires : l’Histoire, ses personnages principaux, les institutions et l’évolution sont mieux comprises lorsqu’elles sont racontées comme une histoire, avec des personnages auxquels le lecteur et l’observateur peuvent s’identifier, comprendre, par lesquels ils peuvent être intrigués ou même horrifiés. Il semblerait que la meilleure façon d’expliquer le monde inutilement trop compliqué des finances et de l’économie est de l’expliquer non comme on ne pourrait le trouver ni dans un livre de classe, une publication industrielle, ni dans un reportage de la presse économique, ni à travers le discours ennuyeusement trompeur et la rhétorique des économistes, des détenteurs de chaires, des ministres des finances, des banques centrales, des technocrates ou des politiciens. Non, c’est un monde qu’on comprendra mieux à travers les histoires, les personnages, les défis, les triomphes, les désastres et les guerres déclarées par des personnalités et des individus qui ont modelé et changé le monde. Un système de « civilisation » humaine est, après tout, finalement le produit d’humains, et il est pour cette raison, aussi profondément défectueux, complexe, conflictuel et intrigants comme le sont toutes les histoires d’ascension et de chute de monarques, de reines, d’empereurs, de dictateurs ou les triomphes et les tribulations des «  gens communs », ceux de la rue, des écoles, s’affairant dans les villes, les villages et les banlieues. L’être humain comprend les luttes humaines et les histoires humaines. C’est pourquoi ce livre n’est pas une histoire de l’économie et des finances, c’est une histoire d’êtres humains, combats, souffrance, succès et complexité. En bref, c’est une histoire comme n’importe laquelle.

J’ai besoin de votre aide afin d’écrire ces histoires et de terminer ce livre, qui sera le premier de la série. Maintenant, mon objectif est d’écrire un chapitre à titre d’exemple, dessinant, à partir des plusieurs milliers de pages de recherche effectuées dans les mois récents et depuis des années. Ce chapitre sera disponible en ligne et accessible à tous, afin d vraiment gagner une meilleure compréhension des visées, des approches et des objectifs de ce livre. Afin de faire cela, j’ai besoin de votre aide. S’il s’agit de quelque chose que vous seriez intéressés à lire, pouvez-vous avoir l’obligeance de faire un don pour ce travail, de partager et de promouvoir par le biais des médias sociaux et autres.

Mon objectif est de rassembler 500$ à court terme. Si ce but est atteint, le chapitre-témoin sera terminé ( sous sa première forme) et publié en ligne avec accessibilité à tous en Avril 2015

Courte Biographie : Andrew Gavin Marshall est un chercheur indépendant et auteur vivant à Montréal, Canada. Il occupe la chaire de géopolitique du Département de l’Institut Hampton et l’adresse de son site personnel est : www.andrewgavinmarshall.com

Ne détournez pas le regard, maintenant la crise climatique a besoin de vous. Naomie Klein

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Le Guardian s’embarque dans une série majeure d’articles sur la crise climatique et sur les moyens pour l’humanité de la résoudre. En tout premier, un extrait de l’introduction de “ Tout peut changer ” de Naomi Klein, l’auteure y défend que si non traitons le changement climatique comme la crise qu’il est réellement, nous n’avons pas seulement la possibilité d’éviter le désastre mais pouvons améliorer la société dans le même temps.

Naomi Klein

Naomi Klein

Une voix se fit entendre dans le haut-parleur : les passagers du vol 3935, prévu au départ de Washington DC pour Charleston, Caroline du Sud auraient-ils l’obligeance de récupérer leurs bagages à main et de sortir de l’avion. Ils descendirent de l’escalier et se rassemblèrent sur le bitume brûlant. Là ils virent quelque chose d’inhabituel, les roues de l’avion USAirways étaient plongées dans le sol noir comme si c’était du ciment frais. Les roues étaient enfoncées si profondément, en fait, que le camion qui intervint pour extraire l’avion ne pouvait pas l’extraire. La compagnie avait espéré que sans le poids supplémentaire des 35 passagers du vol, l’avion serait assez léger pour être tracté. Ça n’a pas été le cas. Quelqu’un a posté une photo : pourquoi le vol a-t-il été annulé ? Parce qu’il faisait tellement chaud à DC que notre avion s’était enfoncé de plus de douze centimètres dans le sol.

A la fin, un véhicule plus large et plus puissant a été amené pour remorquer l’avion et cette fois ça a marché, l’avion a finalement décollé, avec trois heures de retard. Un représentant de la compagnie aérienne a attribué l’incident à “ des températures très inhabituelles ”.

Les températures de l’été 2012 ont été évidemment anormalement élevées. (Comme elles l’avaient été l’année précédente et l’année suivante). Et les raisons pour lesquelles ceci s’est produit ne sont pas mystérieuses : la combustion extrêmement généreuse des énergies fossiles, la chose précise à laquelle  la compagnie aérienne était liée et déterminée à poursuivre en dépit de l’inconvénient d’une piste de décollage qui fonde. Cette ironie – le fait que l’usage des énergies fossiles change à un point tel notre climat qu’il vient contrecarrer notre capacité à utiliser les énergies fossiles – n’a pas empêché les passagers du vol 3935 de ré-embarquer et de poursuivre leur voyage. Ni le changement climatique de n’être pas mentionné dans un seul des médias grand public ayant couverts l’incident.

Je ne suis pas en position de juger ces passagers. Tous parmi nous, qui avons un mode de vie de haute-consommation, où que nous vivions, sommes, métaphoriquement, des passagers du vol 3935. Ayant à faire face à une crise qui menace notre survie en tant qu’espèce, notre culture entière continue à perpétuer la chose même qui a causé cette crise, avec, simplement une dose supplémentaire d’huile de coude derrière elle. Comme cette compagnie devant mobiliser un camion avec un moteur plus puissant pour remorquer l’avion, l’économie globale relève la barre des sources conventionnelles d’énergies fossiles  pour atteindre leurs versions plus sales et plus dangereuses – le goudron extrait des sables bitumeux d’Alberta, le pétrole extrait des forages en eaux profondes, le gaz extrait de la fracturation hydraulique, le charbon extrait de l’explosion de montagnes etc.

Pendant ce temps, chaque nouveau désastre écologique produit ironiquement des instantanés chargés d’un climat de plus en plus inhospitalier à ces mêmes industries qui sont le plus responsables du réchauffement. Comme l’inondation historique de Calgary en 2013, qui a obligé les responsables des compagnies pétrolières qui extrayaient le goudron de Alberta à couper toute alimentation électrique et à renvoyer leurs employés chez eux pendant qu’un train transportant des matériaux pétroliers inflammables était sur le point de chanceler en désintégrant un pont de chemin de fer.

Ou la sécheresse qui a frappé le Mississippi une année  plus tôt, abaissant le niveau des eaux si bas que les barges chargées de pétrole et de charbon  ont été immobilisées des jours durant pendant qu’on attendait que l’équipe des ingénieurs militaires creuse un canal, ils bénéficiaient des fonds accordés pour la reconstruction suivant les inondations historiques qui s’étaient produites l’année précédente le long de la même voie navigable.

Ou les centrales alimentées au charbon dans d’autres parties du pays qui durent fermer temporairement parce que les circuits d’eaux sur lesquels ils s’appuyaient pour leur refroidissement étaient ou trop chauds ou trop secs ou quelquefois les deux.

Vivre avec ce genre de dissonance cognitive fait simplement partie de la façon de vivre en ces temps bouleversants de notre histoire, quand une crise que nous avons ignorée avec application nous frappe de plein fouet – et que malgré cela nous doublons la mise sur ce qui en est à l’origine.

J’ai nié le changement climatique plus longtemps que je ne veux l’admettre. Je savais que cela arrivait, certainement. Pas comme Donald Trump et les membres du Tea Party qui persistent à prétendre que l’existence des hivers prouve que c’est une supercherie. Mais je restais plutôt vague sur les détails et je me contentais d’effleurer la plupart des nouvelles, surtout les plus effrayantes. Je me disais que la science était trop complexe et que les environnementalistes s’occupaient de ça. Et je continuais de me comporter comme s’il n’y avait rien de mal dans la carte brillante et le statut de  “ voyageuse d’élite ” dans mon portefeuille.

Un grande partie de nous est engagée dans cette sorte de déni du changement climatique. Nous y prêtons attention pendant une seconde et puis nous regardons ailleurs. Ou bien nous regardons et nous le transformons en plaisanterie (plus de signes de l’apocalypse !). Ce qui est une autre façon de regarder ailleurs. Ou bien nous regardons mais nous nous racontons des histoires réconfortantes sur l’intelligence humaine et sa capacité à créer un miracle technologique qui aspirera en toute sécurité le carbone des cieux ou baissera magiquement la chaleur du soleil. Ce qui, j’allais le découvrir en écrivant ce livre, est une autre façon de regarder ailleurs.

Ou bien nous regardons mais essayons d’être hyper-rationnels à son propos (“Dollar pour dollar, c’est plus efficace de se concentrer sur le développement économique que sur le changement climatique puisque la richesse est la meilleure protection contre les températures extrêmes.”) – comme si le fait d’avoir quelques dollars de plus pouvait faire une quelconque différence quand votre ville est sous l’eau. Ou nous regardons et nous nous disons que nous sommes trop occupés pour nous préoccuper de quelque chose d’aussi lointain et abstrait. – même si nous avons vu l’eau dans le métro de New York City pendant l’ouragan Katrina et savons que nul n’est protégé, les plus vulnérables d’entre nous encore moins que les autres. Et bien que ce soit parfaitement compréhensible, cela aussi est une façon de regarder ailleurs.

Ou bien on regarde et l’on se dit que la seule chose qu’on puisse faire est se concentrer sur soi. Méditer et faire nos achats sur les marchés bio, arrêter de conduire- mais nous oublions d’essayer de changer le système qui rend cette crise inévitable parce que cela consomme trop de “ mauvaise énergie” et que ça ne marchera jamais. Et en premier lieu il peut sembler que nous regardions, parce que beaucoup de ces changements de styles de vie font bien sûr partie de la solution, mais on garde un œil bien fermé.

Ou bien on regarde, on regarde vraiment – et puis ensuite, inévitablement, on semble oublier. Nous rappeler puis à nouveau oublier. Le changement climatique est comme cela, il est difficile de le garder à l’esprit très longtemps. Nous nous engageons dans cette étrange parti-présent sorte d’amnésie écologique pour des raisons parfaitement rationnelles. Nous la nions parce que nous craignons que de laisser visible la totale réalité de la crise puisse tout changer. Et nous avons raison.

Nous savons que si nous continuons sur notre lancée et laissons les émissions augmenter année après année, le changement climatique va tout changer dans notre monde. Des villes importantes vont vraisemblablement être submergées, des cultures anciennes vont être avalées par les mers et il y a de fortes chances que nos enfants passent la plupart de leurs vies à fuir ou à se remettre de tempêtes vicieuses ou de sécheresses extrêmes. Et nous n’avons rien à faire pour provoquer cet avenir. La seule chose que nous ayons à faire, c’est rien. Simplement continuer à faire ce que nous faisons maintenant, que ce soit de compter sur une réparation-technologique, de nous tourner vers nos jardins ou de nous dire que nous sommes malheureusement trop occupés pour nous occuper de ça.

La seule chose que nous ayons à faire est de ne pas réagir comme si c’était une crise majeure. Tout ce que nous avons à faire est de continuer de nier à quel point nous sommes effrayés. Puis, petit à petit, nous arriverons à la place qui nous terrorise le plus, la chose dont nous avons détourné les yeux.  Aucun effort supplémentaire n’est demandé.

Il existe des façons de prévenir cet avenir macabre, ou du moins de le rendre beaucoup moins sinistre. Mais le point complexe est qu’elles impliquent elles aussi de tout changer. Pour nous grands consommateurs, cela implique de changer nos modes de vie, le fonctionnement de nos économies, et même changer les histoires qu’on se raconte sur notre place sur terre. La bonne nouvelle est que la plupart de ces changements sont distinctement  tout sauf catastrophiques. Beaucoup sont tout à fait excitants. Mais je n’ai pas découvert ceci avant un long moment.

En 2009, quand la crise financière battait son plein, la réponse massive des gouvernements dans le monde a montré qu’il était possible quand nos élites l’ont décidé de se déclarer en état de crise.

Nous avons tous vu comment des milliards de dollars ont été rassemblés en quelques instants. Si on laissait les banques s’effondrer, nous a-t-on dit, le reste de l’économie s’effondrerait avec elles. C’était une question de survie collective, il fallait donc trouver l’argent. Dans le mouvement furent exposées des fictions au cœur de notre système économique ( Besoin de plus d’argent, imprimez-en !) Quelques années plus tôt, les gouvernements avaient pris des mesures similaires à l’égard des finances publiques après les attaques terroristes du 11 Septembre. Dans les pays occidentaux, lorsqu’il s’est agi de construire un état de sécurité-surveillance sur place et de déclencher  des guerres à l’étranger, les questions budgétaires n’ont jamais semblé être un problème.

Le changement climatique n’a jamais reçu le statut de crise par nos leaders, en dépit du fait qu’il porte le risque de la destruction de vies à une échelle autrement plus vaste que l’effondrement de banques ou de bâtiments. Les diminutions d’émission de gaz à effet de serre que les scientifiques disent nécessaires afin de réduire d’une façon notable les risques de catastrophe ne sont pas traitées autrement que comme de gentilles suggestions, des actions pouvant être reportées presque indéfiniment. Clairement, ce qui est déclaré comme crise est l’expression du pouvoir et de ses priorités autant que celle des faits objectifs. Mais nous n’avons pas besoin d’être les spectateurs de tout cela : les politiques ne sont pas les seuls à détenir le pouvoir de déclarer une crise. Les mouvements de masse des gens ordinaires peut en déclarer une également.

Pour les élites britanniques et nord-américaines jusqu’à ce que l’abolitionnisme le transforme en crise, l’esclavage n’était pas une crise. Jusqu’à ce que le mouvement des droits civils la transforme en crise, la discrimination raciale n’en était pas une. Jusqu’à ce que le féminisme la transforme en crise la discrimination sexiste n’était pas une crise. Jusqu’à ce que le mouvement anti-apartheid le transforme en crise l’apartheid n’en était pas une non plus.

De la même façon, si suffisamment de personnes parmi nous arrêtent de regarder au loin et décident que le changement climatique est une crise méritant ce que certains ont nommé  “un plan Marshall pour la terre”, alors il en deviendra un, à la fois en apportant les ressources nécessaires et en pliant les règles du marché qui se sont montrées si flexibles lorsque les intérêts de l’élite étaient en péril.

Á l’occasion, nous nous rendons compte de ce potentiel lorsqu’une crise pousse le changement au premier plan de nos esprits pour un temps.  ” L’argent n’est pas un problème dans cet effort d’aide. Quelle que soit la quantité d’argent nécessaire pour lui, elle sera dépensée.”  a déclaré le premier ministre britannique David Cameron, Monsieur Austérité lui-même – quand de grandes parties du Royaume Uni étaient sous l’eau après l’inondation historique de Février 2014 et que le public était en rage de voir que le gouvernement ne faisait rien de plus pour apporter son aide.

500

The artist Illustration: Antony Gormley. Soir 2003, charbon caséine et encre indienne sur papier, 19/28cm

J’ai commencé à comprendre comment le changement climatique- s’il était traité au même titre que ces inondations comme une urgence planétaire- pourrait devenir une force galvanisante pour l’humanité, nous laissant non seulement plus sûr face aux  conditions météorologiques extrêmes mais avec des sociétés plus sûres et plus justes dans de nombreux autres domaines également. Les ressources exigées pour quitter rapidement les énergies  fossiles et se préparer pour la venue des températures extrêmes pourraient sortir des parties énormes de l’humanité de la pauvreté, offrant des services manquant cruellement actuellement, de l’eau potable à l’électricité, et sur un modèle plus démocratique et moins centralisé que les modèles du passé. C’est une vision du futur qui va bien au-delà de la simple survie ou de l’adaptation au changement climatique, au-delà de “ allègement” et de “l’adaptation” pour utiliser le langage macabre des Nations Unies. C’est une vision dans laquelle nous utilisons collectivement la crise pour atteindre  un lieu qui, franchement, semble meilleur que celui dans lequel nous sommes maintenant.

Une fois que l’objectif s’est tourné de la crise vers la possibilité, j’ai découvert que je ne craignais plus de m’immerger dans la réalité scientifique de la menace climatique. Et comme de nombreux autres, j’ai commencé à voir que le changement climatique pouvait devenir le catalyseur pour un changement positif – comme il pourrait être le meilleur argument des progressistes pour reconstruire et raviver les économies locales, pour reprendre nos démocraties aux influences corrosives des corporations, pour bloquer les dangereux nouveaux contrats de libre-échange et de réécrire les anciens, d’investir dans les infrastructures agonisantes comme le transport collectif et l’immobilier accessible et de reprendre la possession des services essentiels comme l‘eau et l’énergie. Tout ceci pouvant aider à éliminer le niveau grotesque des inégalités à l’intérieur des nations et entre elles.

Il y a une riche histoire populaire de grandes victoires  de justice sociale et  économique remportées au milieu de crise à grandes échelles. Elles incluent une des plus notoire, la politique du New Deal après l’effondrement de la crise de 1929  et la naissance d’innombrables programmes sociaux après la deuxième guerre mondiale. Ceci n’a pas demandé le genre de supercherie que j’ai décrit dans mon livre La doctrine du choc ”. Tout au contraire, ce qui était essentiel était  la construction d’un mouvement musclé de masse capable de se lever contre un status quo défaillant et qui exigeait un partage du gâteau économique significativement plus équitable pour tous. Quelques-uns des legs restants ( bien que combattus) de ces moments historiques incluaient : la sécurité sociale, les pensions de retraite, l’immobilier subventionné et des fonds publics pour les arts.

Je suis convaincue que le changement climatique représente une opportunité historique à une échelle encore plus grande. Tout en projetant de baisser nos émissions au niveau recommandé par les scientifiques, nous avons une nouvelle fois l’occasion de mettre en place des réformes qui améliorent significativement la vie, ferment le fossé entre les riches et les pauvres, créent un nombre énorme de bons emplois et revigorent la démocratie.

Mais avant qu’aucun de ces changements puisse advenir- avant que nous puissions penser que le changement climatique peut nous changer -, nous devons arrêter de regarder ailleurs

“ Vous avez négocié toute ma vie”, ainsi s’est exprimée l’étudiante canadienne Anjali Appadurai, en regardant fixement l’assemblée des négociateurs gouvernementaux à la conférence sur le climat de 2011 aux Nations Unies à Durban, en Afrique du Sud. Et elle n’exagérait pas. “

Les gouvernements mondiaux parlent de la prévention du changement climatique depuis plus de vingt ans, ils ont commencé à négocier l’année où Anjali, alors âgée de 21 ans est née. Et cependant, comme elle l’a noté dans son discours mémorable dans l’espace de la convention, prononcé au nom de toute la jeunesse présente. “ Pendant tout ce temps vous n’avez pas respecté vos promesses, vous vous êtes trompés de cibles, vous avez trahi vos engagements ” En vérité, le groupe intergouvernemental chargé de prévenir les niveaux “ dangereux” de changements climatiques n’a pas seulement échoué à faire le moindre progrès tout au long de ces vingt années de travail ( et des presque 100 négociations officielles depuis que l’accord a été adopté), il a supervisé tout un processus de récidives presque ininterrompues. Nos gouvernements ont perdu des années à esquiver les chiffres et à se chamailler sur les dates de mises en place, cherchant perpétuellement à trouver des délais comme des bacheliers face à leurs derniers contrôles.

Le résultat catastrophique de tous ces faux-fuyants et de ces atermoiements est maintenant indéniable. En 2013, les émissions de carbone de dioxyde étaient 63% plus fortes qu’en 1990, quand les négociations vers un traité sur le climat ont sérieusement commencé. Bien sûr, la seule chose augmentant plus vite que nos émissions est la production des mots s’engageant à la faire baisser. Pendant ce temps le sommet annuel sur le climat des Nations Unies, qui demeure le meilleur espoir pour une avancée vers une action sur le climat, a commencé à moins ressembler à un forum pour de sérieuses négociations qu’à un coûteux rassemblement à hautes émissions de thérapie de groupe, un lieu pour les représentants des pays les plus vulnérables du monde où décharger  leurs reproches et leur rage sur les tragédies qui leur pendent au nez.

Bien qu’un certain dynamisme semble inaugurer les négociations terriblement importantes de Décembre à Paris, ceci a été l’humeur depuis l’échec de l’ultra-médiatique sommet sur le climat de Copenhague en 2009. Lors de la dernière nuit de ce rassemblement massif, je me suis retrouvée avec un groupe d’activistes pour la justice climatique, parmi lequel l’un des plus éminent militant de Grande Bretagne.

Tout au long du sommet ce jeune homme avait été l’image même de la confiance et du sang-froid, s’entretenant avec des dizaines de journalistes par jour sur ce qui s’était produit lors des sessions de négociations et sur ce que les différentes émissions avaient comme conséquence dans le monde réel. En dépit de ces challenges, son optimisme à propos du sommet n’a jamais vacillé. Quand il s’est achevé cependant, et que le marché pitoyable a été conclu, il s’est effondré devant nos yeux. Assis dans un restaurant italien trop éclairé, il a commencé à sangloter d’une façon incontrôlable.  “Je croyais vraiment qu’Obama avait compris ” répétait-il encore et encore.

J’en suis venue à penser que cette nuit avait été le moment de maturité du mouvement climatique : cela avait été le moment où il a fallu réaliser brutalement que personne n’allait nous sauver. La psychanalyste et spécialiste du climat Sally Weintrobe décrit ceci comme le « legs fondamental » du sommet – la précise et pénible réalisation que    ” nos leaders ne s’occupaient pas de nous…personne ne prenait soin de nous au niveau de notre survie même “. Peu importe le nombre de fois où nous avons été déçus par nos politiciens, cette prise de conscience intervient comme un coup. Que nous soyons seuls et l’unique source d’espoir dans cette crise devra venir du bas.

À Copenhague, les gouvernements des pays les plus pollueurs – y compris les USA et la Chine – ont signé un agrément non contraignant s’engageant à empêcher  la montée des températures de plus de 2° C, au-dessus de ce qu’elles étaient avant que nous ne faisions tourner nos économies au charbon. Cette cible bien connue, qui représente soi-disant la limite « sûre » du changement climatique, a toujours été un choix hautement politique qui a plus à faire avec la protection des enjeux économiques qu’avec la protection du plus grand nombre.

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” This changes everything ” est publié cette semaine

” Tout peut changer ” 

Quand la perspective des 2 degrés a été officialisée à Copenhague, il y eut des débats passionnés de la part de nombreux délégués, affirmant que cet objectif équivalait à une “ condamnation à mort ” pour quelques états insulaires, ainsi que pour une large partie de l’Afrique Sub-saharienne.

En fait c’est une cible très risquée pour nous tous : jusqu’à présent les températures ont augmenté de seulement 0, 8 °C et nous expérimentons déjà de nombreux impacts alarmants, y compris la fonte sans précédent de la couche glaciaire du Pôle Nord en cet été 2012 et l’acidification des océans se produisant beaucoup plus rapidement que prévu. Permettre aux températures de se réchauffer deux fois plus aura sans aucun doute des conséquences périlleuses.

Ce à quoi le monde pourrait ressembler en 2100 si les températures augmentent de :

1°C

Les glaciers et la glace de l’océan Arctique continuent à décliner sur le long terme. Très lentement mais d’une façon irréversible, la fonte des couches glaciaires les plus importantes peuvent commencer.

2°C

L’Océan Arctique sera vraisemblablement sans glace pendant les mois d’été.

3°C

Les couches polaires vont libérer des volumes massifs de glace causant la montée importante du niveau des mers.

4°C

Les glaces de l’Arctique disparaissent. La perte quasi complète de la couche glaciaire entraînant une montée finale des eaux jusqu’à 7 mètres.

Source: Intergovernmental Panel on Climate Change; Research: Karl Mathiesen

Dans son rapport de 2012, la Banque Mondiale a dessiné les enjeux impliqués par ces objectifs.  ” Comme le réchauffement climatique approche et excède les deux degrés Celsius, il y a un risque de déclenchement de basculement non linéaires des éléments. Les exemples incluent la désintégration de la banquise de l’Antarctique Ouest amenant une plus rapide montée du niveau de la mer, ou le dépérissement final de l’Amazone affectant drastiquement les écosystèmes, les rivières, l’agriculture, la production d’énergie et les moyens d’existence. Ceci s’ajoutera au réchauffement planétaire et aura des impacts sur les continents entiers.”  En d’autres termes, une fois que nous laissons les températures monter au-delà d’un certain point, là où le mercure s’arrête est hors de notre contrôle.

Mais le problème le plus important – et la raison pour laquelle Copenhague a déclenché un tel désespoir- est que comme les gouvernements ne se sont pas mis d’accord pour des cibles contraignantes, ils restent libres de presque ignorer  leurs engagements. Ce qui est précisément en train de se produire. Bien sûr,  les quantités d’émissions  augmentent si rapidement qu’à moins qu’un changement radical ait lieu au cœur de notre structure économique, deux degrés maintenant ressemblent à un rêve utopique. Et ce ne sont pas que les environnementalistes qui sonnent l’alarme. La Banque Mondiale a aussi mis en garde lorsqu’elle a publié son rapport que ” nous sommes sur la piste d’un monde plus chaud de 4° ( à la fin du siècle) marqué par des vagues de chaleur extrême, la perte des écosystèmes et de la biodiversité et la montée des eaux mettant la survie en jeu.” Et le rapport avertit : ” Il n’est pas certain que la vie avec une adaptation à 4° supplémentaire soit possible “. Kevin Anderson, l’ancien directeur ( maintenant sous-directeur) du Centre Tyndall pour la Recherche sur le Changement Climatique, qui s’est rapidement imposé comme l’une des institutions majeures de recherche du Royaume Uni est encore plus brutal, il dit que 4°C de réchauffement sont ” incompatibles avec  aucune caractéristique raisonnable d’une communauté mondiale organisée, équitable et civilisée.”

On ne peut pas savoir exactement ce à quoi un monde chaud de plus de 4°C  pourrait ressembler mais même les scénarios les plus optimistes sont vraisemblablement tous calamiteux. 4°C de réchauffement ferait monter le niveau des mers d’un ou peut-être deux mètres d’ici 2100 ( et se stabiliserait à au moins quelques mètres supplémentaires dans les siècles suivant ). Ceci ferait couler des nations insulaires comme les Maldives et Tuvalu et inonderait des zones côtières de l’Equateur et du Brésil jusqu’au Pays-Bas, ainsi que la majeure partie de la Californie et du Nord-Est des USA, de même que d’énormes bandes d’Asie du Sud et du Sud-Est. Des villes majeures seraient probablement compromises comme Boston, New York, le grand Los Angeles, Vancouver, Londres, Mumbai, Hong Kong et Shanghai.

Pendant ce temps des vagues de chaleur brutales qui pourront tuer des milliers de personnes, même dans les pays nantis deviendront des étés ordinaires sur tous les continents sauf l’Antarctique. La chaleur amènera aussi les semences de base à souffrir de terribles pertes sur toute la surface du globe ( Il est possible que la production de maïs indien et américain chute de 60%) ceci à un moment où la demande se renforcera à cause de la croissance de la population et de la demande croissante pour la viande.

Quand vous ajoutez à cela des ouragans ruineux, des incendies dévastateurs, l’effondrement des pêcheries, de vastes manques d’eau potable, les extinctions et les maladies se disséminant sur tout le globe, cela devient évidemment difficile d’imaginer qu’une société paisible, ordonnée puisse subvenir à ses besoins ( c’est-à-dire, là où ceci est le cas )

Gardons à l’esprit que ce sont des scénarios optimistes dans lequel le réchauffement se stabilise à 4°C et ne déclenche pas des points extrêmes au-delà desquels un réchauffement sans limite se produirait. Et ce processus pourrait démarrer plus tôt que ne l’ont dit toutes les prévisions. En Mai 2014, le NASA et l’Université de Californie, les scientifiques de Irvine ont révélé que la fonte d’un glacier de la taille de la France dans la section ouest de l’Antarctique ” apparaissait impossible à arrêter ” ” maintenant, ce qui, suivant l’étude de l’auteur Eric Rignot   “vient avec une augmentation du niveau des mers entre trois et cinq mètres.  Un tel événement déplacera des millions de personnes de par le monde.” La désintégration, par contre, pourrait s’étendre sur des siècles et il reste du temps pour ralentir les processus d’émissions et de prévenir le pire.

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 Antony Gormley,CONNECTION, 2001, Aniline dye on paper, 28 x 38cm, © the artist Photograph: Antony Gormley

Beaucoup plus effrayant que tout ceci est le fait que de nombreux analystes des médias grand public pensent que sur l’actuelle trajectoire d’émissions, nous nous dirigeons vers plus de 4°C de réchauffement. En 2011, l’habituellement contrainte ” International Energy Agency ”  IEA, a soumis un rapport constatant que nous sommes en fait sur la voie d’un réchauffement de 6°C  10 .8°F. Et c’est ainsi que le chef de l’IEA l’économiste Fatih Birol le présente :  “Tout le monde, même les enfants d’âge scolaire, sait que cela aura des implications catastrophique pour nous tous”

Ces projections variées sont l’équivalent de toutes les sonneries d’alarme se déclenchant simultanément dans votre maison. Et puis chaque alarme dans la rue également, les unes après les autres. Cela signifie, tout simplement que le changement climatique est devenu une crise existentielle pour l’espèce humaine. Le seul précédent historique d’une crise de cette ampleur et de cette profondeur fût la peur que la Guerre Froide nous entraîne vers un holocauste nucléaire, qui aurait rendu presque toute la planète inhabitable. Mais ça a été (et reste) une menace, une possibilité mineure, au cas où la géopolitique fuit hors de contrôle. La vaste majorité des scientifiques du nucléaire ne nous ont jamais dit qu’à un certain point nous allions mettre notre civilisation en danger si nous continuions à mener nos vies quotidiennes comme d’habitude, à faire exactement ce que nous étions en train de faire, ce que les scientifiques du climat nous répètent depuis des années.

Comme le climatologue de l’Université d’état de l’Ohio Lonnie G. Thompson, un chercheur sur la fonte glaciaire de renommée mondiale l’expliquait en 2010 : ”  Les climatologues, comme les autres scientifiques, tendent à être un groupe impassible. Nous ne nous adonnons pas à des déclamations théâtrales sur la chute des cieux. La plupart d’entre nous est beaucoup plus à l’aise dans son laboratoire à accumuler des données dans le domaine qu’à donner des interviews aux journalistes ou bien à parler devant un comité du Congrès. Pourquoi donc les climatologues parlent-ils des dangers du changement climatique ? La réponse est que virtuellement tous sont maintenant convaincus que le changement climatique pose un danger clair et présent pour la civilisation “

Ça ne rend pas les choses plus claires pour autant. Et cependant, plutôt que de répondre par l’alarme et de faire tout ce qui est en notre possible pour changer le cours des choses, de large pans de l’humanité, tout à fait consciemment, continuent à suivre la même voie. Seulement, comme les passagers du vol 3935, aidé par un moteur lus puissant et plus sale.

Qu’est ce qui cloche donc en nous ?

Traduction Elisabeth Guerrier

Les nouvelles lois canadiennes sur le commerce du sexe Janice Raymond

Les nouvelles lois canadiennes sur le commerce du sexe
Janice Raymond

Traduction à la demande de l’association canadienne Sisyphe. La question de la législation et de la pénalisation de la prostitution est épineuse. Nous avons l’avantage d’avoir le recul donné par plusieurs tentatives dans de nombreux pays et de pouvoir en analyser les conséquences. Il est évident par contre que le point de vue premier sera toujours d’avantage orienté par les a priori moraux ou idéologiques que par les chiffres. Là, chacun prend ses responsabilités et fait ses choix, les premiers et premières concernées étant, semble-t-il, les prostitué(e)s eux-mêmes. EG

 

Pros.

 

Lors des dernières années, un méli-mélo d’articles a revendiqué la démystification du trafique sexuel et de la prostitution. Ces articles se sont concentrés sur plusieurs thèmes : tourner en ridicule les témoignages d’exploitation de femmes comme faisant partie de la presse à sensation créant des mouvements de «  panique morale », discréditant les mots, les vies et les efforts qui pouvaient être identifiés comme des survivants de la prostitution et du trafique sexuel, pester contre le sauvetage de ces prostituées et de ces femmes et enfants objets du trafique par des ONG beaucoup trop zélées, et discutant les nombre de femmes et d’enfants exploités lors d’événements marquants comme la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques ou le super-bowl.

Une coterie d’écrivains s’est spécialement mobilisée pour critique les lois pénalisant la demande de prostitution, rendant illégale la recherche d’activités sexuelles.  Une des récentes productions illustre le fait que les «  preuves » sont toujours modifiées par l’interprétation et par le choix de certains exemples au détriment d’autres.

Dans le New York Times ( 20/1/15) la rédactrice Julie Kaye s’attaque dans sa chronique aux nouvelles lois sur la prostitution en blâmant le Canada pour suivre un modèle nordique « défaillant » qui a été voté en Suède, en Norvège, en Island et d’une façon modifiée en Finlande. Kaye base ses «  preuves » sur un seul pays, la Nouvelle Zélande, pour placer les bénéfices de la décriminalisation et de la régulation de prostitution. Si elle avait pris la peine de représenter l’ensemble des pays qui ont fait de même, le résultat aurait été très différent.

Dans les années 2000, les Pays Bas ont extrais les souteneurs et les bordels de la sphère criminelle et mis en place une “ zone sûre « e tolérance dans la plupart des villes où les hommes pouvaient librement et légalement acheter les services des femmes prostituées.

De 2003 à 2009, Amsterdam, Rotterdam et d’autres municipalités fermèrent ces zones parce qu’elles étaient rapidement devenues dangereuses et sordides et que le crime organisé s’y perpétrait en toute impunité. En 2007, 2008, Amsterdam ferma également un tiers des vitrines légales des bordels parce que les investigations de la police concluaient que le système néerlandais de prostitution était hors de contrôle.

L’Allemagne décriminalisa certains aspects de son système de prostitution en 2002. Deux années après que la loi soit passée, le nombre de personnes investies dans la prostitution avait augmenté de 200.000 à 400.000 – principalement des femmes provenant de pays étrangers. Dans son évaluation de 2002 du German Prostitution Act, un rapport officiel du ministère reconnaît que la loi n’a pas eu d’effets «  réels et mesurables sur la sécurité sociale des prostituées »

Dans l’état de Victoria, en Australie, la légalisation a encouragé une croissance intense du secteur illégal. Dès les années 1998. 1999, quatre ans après la complète légalisation dans l’état de Victoria, les maisons de passe sans licence avaient triplé leur nombre. Les maquereaux d’hier étaient devenus les entrepreneurs légitimes du sexe d’aujourd’hui profitant d’un marché toujours en croissance qui tenait son pouvoir en majeur partie des fonds publics.

Le pays vitrine de Kaye pour la décriminalisation de l’industrie du sexe est la nouvelle Zélande. Cependant, en 2013, une femme ancienne prostituée intervint devant le comité du parlement, établissant que le Prostitution Reform  Act de 2003 ( PRA) avait échoué avec elles et d’autres femmes qui étaient restées dans l’industrie du sexe. Elles affirmèrent que de décriminaliser l’industrie du sexe «  avait simplement joué en faveur de souteneurs et des propriétaires de maisons closes et leur avait permis de gagner une façade de respectabilité en faisant légalement leurs proies des femmes sous leur contrôle. » Le Président de l’Association de la Police a lui rapporté que la décriminalisation en Nouvelle-Zélande avait créé des gangs et un essor du crime organisé, blanchissant l’argent à travers les entreprises légitimes.

La tribune du New York Times  ravive des arguments éculés et contrecarrés à propos de la législation suédoise sur laquelle la nouvelle loi sur la prostitution au Canada est basée. Une lecture attentive du rapport du Swedish National Board of Health and Welfare ( SNBH)  utilise par Kaye pour montrer que sa revendication- que le taux de prostitution avait rebondi après une première réduction notable – n’était pas la vérité entière. Le rapport du SNBH ne déclare pas que le nombre de la prostitution citadine s’est accru dans trois des villes suédoises importantes, mais que le nombre de personnes prostituées est encore plus bas qu’avant que la loi ne prenne effet.

D’une façon flagrante, Kaye ignore les conclusions fondamentales du rapport SOU : que la prostitution urbaine a été diminuée de cinquante pour cent, un résultat direct de la loi criminalisant les consommateurs, moins d’hommes affirment qu’ils recherchent des services sexuels, et il n’existe pas de prévue que la baisse de la prostitution de rue ait amené l’augmentation de la prostitution ailleurs, que ce soit dans des lieux spéciaux ou sur internet.  De plus, la Suède est un des deux pays en Europe où la prostitution et le trafique sexuel n’est pas en augmentation. L’autre est la Norvège, qui a adopté la législation suédoise de prohibition sur l’achat des activités sexuelles

La loi canadienne provident d’un fond législative testé et expérimenté qui reconnaît la prostitution et le trafique sexuel comme une exploitation, pas comme «  un travail du sexe ». Elle reconnaît également qu’à moins de se confronter à la demande, l’exploitation sexuelle continuera de prospérer. Pas seulement dans les pays nordiques mais aussi en Corée de Sud, une loi interdisant l’achat d’activités sexuelles a mené à renforcer la protection des victimes et l’assistance en réduisant le nombre de consommateurs et les quartiers chauds.

En 2014, L’Irlande du Nord a passé une loi identique rendant illégal l’achat d’activités sexuelles.

Le Canada est en bonne compagnie. Comme la journaliste canadienne, survivante de la prostitution Trisha Baptie l’affirme : «  Pour la première fois, nous nous adressons aux racines de ce qui cause la prostitution, la loi ira à la source de l’exploitation et permettra à des femmes et des filles de sortir de la prostitution en criminalisant l’achat de leur corps. Cibler la demande va accélérer la fin d’une injustice systémique ».

 


Janice Raymond

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

Mars 2015

 

Charlie Hebdo : les dangers d’un débat polarisé

 Les dangers d’un débat polarisé.

 Charlie Hebdo :  the danger of a polarised debate

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Nous sommes déjà dans ” l’après “, en fait nous passons nos vies dans l’après, presque soulagés que le pire n’ait été que passager. Effaçant et les angoisses et les peurs et bien sûr les questions. Il pourra sembler inopportun de resaler une soupe qui a déjà tant nourri de fantasmes, de certitudes, de positions claironnantes, clairvoyantes, définitives. Or c’est bien en échappant au définitif que nous avons une seule petite chance de nous y retrouver, nous c’est à dire,  plus ou moins bien sûr, avec des côtes cassées, des bleus à l’âme et surtout des questions résonnant à chaque pas comme des casseroles. On a entendu, ce matin quelques mots de ce président qui ne mérite aucune majuscule amalgamant terrorisme et fuite fiscale. Pourquoi pas, tout est dans tout. Mais à force de conglomérats vaseux, de superficielles analyses, de trucs propagandistes aussi patents que l’impuissance qu’ils montrent, on a envie de  dire d’abord que non, rien n’est fait, rien n’est compris, rien n’est su et qu’il faudra des penseurs et des forts * pour tenter de mettre quelques lumières dans tant d’obscurité et puis que ce n’est pas parce que le calme semble revenu que le travail de s’effectue pas sans discontinuer.

Le travail de fanatisation, bien sûr mais aussi celui plus lent de la culture, le ” Kulturarbeit” de S. Freud, celui qui permet de continuer à pouvoir se placer dans une monde ” déjà fini et pas encore là” ** . Cet article de Gary Young a un grand avantage, il ne met pas les mains là où tous les ont mis. Il contourne les faits et tout aussi bien questionne de front la sacralisation de la liberté d’expression elle-même comme un leurre. 

Le voici donc :

 A balloon reading "Je suis Charlie" in Paris

 Loin d’être “sacrée”, comme certains l’ont clamé, la liberté d’expression est toujours contingente. Photographie: Joel Saget/AFP

En ces temps de crise, ceux qui veulent que nous n’ayons qu’une seule idée en tête sont rapides à brandir les mégaphones. En donnant un cadre des évènements en terme manichéens – blanc vs noir, bien vs mal – une moralité binaire imposée cherche à rassembler dans des camps rudimentaires. Il n’y a pas de dilemme, uniquement des déclarations. L’absence de complexité  étant compensée par une clarté polémique et l’offre d’un ennemi clair.

Un homme noir tue deux policiers dans leur voiture à New York et soudain ceux qui protestent contre l’assassinat impuni de noirs sans armes dans tout le pays ont du sang sur les mains.

Sony, sous la menace de représailles violentes,  retire un film de fiction sur l’assassinat d’un leader étranger réel et soudain n’importe quelle personne mettant en cause la sagesse d’un tel film ouvre un accès à son Neville Chamberlain secret.  Des arguments spécieux sont figés et recherchés au cas où ils apportent des nuances, puis enfermés jusqu’à la fin de la crise. Aucune charge n’est retenue car un procès nécessiterait des questions et des preuves. Tu es ou contre ou pour nous.

Les événements horribles des semaines passes ont généré une telle crise. Que ce soit à gauche ou à droite, les efforts pour expliquer les assassinats du magazine Charlie Hebdo, dans le supermarché kasher et ailleurs sont devenus inévitablement réductifs. La plupart des recherches, avec une thèse singulièrement linéaire, cherchant à expliquer ce qui s’est passé et comment nous devons réagir ont dit : c’est l’Islam, cela n’a rien à voir avec l’Islam mais avec la politique étrangère, ça n’a rien à voir avec la politique étrangère, c’est la guerre, c’est la criminalité, c’est la liberté d’expression, l’intégration, le racisme, le multiculturalisme. Il y a un peu de tous ces arguments. Et cependant pas assez de chacun d’entre eux pour s’approcher même un peu des événements. Trop peu, semble-t-il, sont décidés à concéder que si l’acte de tuer des civils où ils vivent et travaillent est sommaire, les racines  des telles actes sont profondes et complexes et les motivations, dans une certaine mesure, incompréhensibles et incohérentes. Plus une analyse est osée, plus il est vraisemblable qu’elle contienne un argument qualifié ou contradictoire au moins aussi plausible.

Clairement, il s’est agi d’une attaque de la liberté d’expression. Malgré les propos courageux des dernières semaines, chaque dessinateur pensera deux fois avant de publier le genre de dessins pour lesquels Charlie Hebdo a acquis sa notoriété. Le principe devrait être défendu sans équivoque. Il devrait être aussi honnêtement défini.

Chaque pays, la France y compris, a des limites à sa liberté d’expression. En 2005, Le Monde a été déclaré coupable de  “diffamation raciste ” contre Israël et le peuple juif. En 2008, un dessinateur à Charlie Hebdo a été licencié après avoir refusé de s’excuser d’avoir fait des remarques antisémites dans une de ses colonnes. Et deux ans avant que le journal danois Jyllands-Posten ait publié les dessins de Mohammed en 2006, il en avait rejeté qui proposaient une version badine de la résurrection du Christ par peur de «  provoquer un tollé ».

Loin d’être  “sacrée” comme certains l’affirment, la liberté d’expression est toujours contingente. Toutes les sociétés tracent des lignes, qui sont plus ou moins bien définies, constamment mouvantes et continuellement débattues, à propos de ce qui constitue des standards acceptables dans le discours publique lorsqu’on touche aux sensibilités culturelles, raciales ou religieuses. La question est de savoir si ces lignes comptent aussi pour les Musulmans.

Exiger que les Musulmans répondent de ces crimes est répugnant. Les Musulmans ne peuvent pas plus être tenus responsables de ces atrocités que les Juifs pour les bombardements de Gaza. Les Musulmans ne forment pas une communauté monolithique et leur religion ne définit pas leur politique – bien sûr, ils sont ceux qui sont les plus susceptibles d’être tués par les extrémistes islamiques. Les tueurs parisiens ont assassiné un policier de confession musulmane, le jour suivant, un vendeur musulman a caché 15 personnes dans la salle froide du supermarché kasher pendant que le tueur tenait les autres clients en otages à l’étage. Personne n’a élu ces tireurs, ils ne représentent personne.

Ceci dit, c’est intenable de prétendre que ces tueurs n’ont rien n’à faire avec l’Islam, de même que de dire que le Ku Klux Klan n’a rien n’à voir avec la Chrétienté, ou que le BJPindien n’a rien n’à voir avec l’ Hindouisme. C’est dans le sein de cette religion qu’ont été trouvées son inspiration et sa justification. Cela ne valide pas les justifications, ni ne rend les inspirations moins perverses.  Mais cela ne les rend pas non plus aberrantes. Ceux qui proclament que l’Islam est violent «  dans son essence » sont plus haineux mais pas plus insensés que ceux qui le disent pacifique dans son essence. L’insistance sur le fait que ces actes haineux soient réfutés par les textes anciens a autant de sens que ceux qui les disent soutenus par eux. L’Islam, comme toute religion, n’est pas intrinsèquement quoi que ce soit sauf ce que les pratiquants en font. Une petite mais significative minorité a décidé de le rendre violent.

Il n’est pas besoin d’être dans le déni à ce propos. Etant donnés les évènements passés dans le monde lors de la décennie passée, l’explication la plus évidente est aussi la plus plausible : le destin des Musulmans dans les conflits étrangers a joué un rôle dans la radicalisation de ces jeunes hommes. Des parisiens de la classe populaire ne vont pas au Yémen pour un entrainement militaire par caprice. Depuis leur adolescence, ces jeunes hommes ont été élevés dans un régime de guerre illégales, de tortures et de massacres civils quotidiens dans le Golfe et le Moyen –Orient dans lesquels les victimes ont habituellement été des Musulmans.

Dans une courte déposition en 2007, Chérif Kouachi, le plus jeune des frères affilié à al-Quaïda qui a tué les journalistes de Charlie Hebdo a été très clair à ce propos. «  J’ai eu cette idée lorsque j’ai vu les injustices se déroulant là-bas à la télévision. Je parle des tortures que les Américains ont infligées aux Irakiens. »

Dans une vidéo de l’au-delà, l’autre tueur, Amedy Coulibaly, se revendique de l’Etat Islamique pour venger les attaques faites aux Musulmans. Ces reproches sont fondés, même si les tentatives pour apporter une réponse font mal. La France s’est opposée à la guerre contre l’Irak, ISIS et al-Qaïda sont des ennemis jurés et tous deux ont massacrés un bon nombre de Musulmans. Non seulement la moralité est en faillite mais la logique tordue.

Mais les Islamistes ne sont pas seuls avec leurs contradictions. Aujourd’hui est le jour anniversaire de l’ouverture de Guantanamo Bay. Etant donné la récente parution du rapport sur la torture, ou le rôle de la France dans la résistance au changement démocratique du Printemps arabe, beaucoup parmi ceux qui clament que c’est une bataille de la liberté contre le barbarisme ont un pied dans chaque camp. C’est la raison pour laquelle décrire ces attaques comme criminelles est à la fois axiomatique et inadéquat. Ils n’étaient pas en train de cambrioler une banque ni en train de se venger pour une affaire de territoire. La police anti-terroriste décrit ces assaut comme «  calmes et déterminés ». Ils sont entrés, ont demandés aux personnes présentes leurs noms et les ont exécutées. Coulibaly a tué une policière et un jogger avant de bloquer le supermarché kasher et de tuer quatre juifs. Ce n’étaient pour la plupart pas des cibles accidentelles. Ni des actes guidés par la folie. C’étaient des actes calculés de violence politique menés par l’allégeance incohérente de jeunes hommes abîmés et dangereux.

Ils sont personnellement responsables pour leurs actes. Mais nous, société, sommes collectivement responsables des conditions qui les ont produits. Et si nous souhaitons que d’autres deviennent différents- moins haineux, plus pleins d’espoir- nous aurons à faire cohabiter dans nos esprits plus d’une idée à la fois.

Traduction Elisabeth Guerrier

Références

* Fethi Benslama : ” La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam”  Editions Champs, Flammarion 2002 Un ouvrage qui va questionner à la fois la construction des mythes musulmans à travers les refoulements collectifs mais aussi mettre en perspective les rapports nouveaux entre religion, science et nationalisme dans les pays islamiques.

** ” Tout mystérieux retournement du monde a ses déshérités tels que ce qui était ne leur appartient plus, et pas encore, ce qui s’approche. Car même le plus proche est lointain pour l’homme”  Septième élégie Rainer Maria Rilke

Charlie Hebdo. Attiser les contradictions. Juan Cole

Sharpening the contradictions 

Dans ce qui se nomme un ” contexte” les positions prises sont à la mesure des effets de panique et de choc générés par les événements. Il va de soi que la première forme de réaction est celle des plaquages de réponses qui rassurent. Nous sommes dans et face à une situation d’une rare complexité, nourrie d’histoire récente et plus ancienne, nourrie de choix politiques désastreux et sous tendue en plus des mouvements idéologiques extrémistes, par l’absence complète de valeurs morales que le néo-libéralisme tient comme un de ses constituants et dont il a abondamment irrigué toute la vie politique internationale. Les interprétations des faits se doivent d’être diversifiées, offrant dans leur analyse des perspectives à la hauteur de la complexité de la situation. En voici, pour commencer une de Jan Cole, journaliste nord-américain, spécialiste du Moyen-Orient  publiée également dans The Nation. Elle a été rédigée le 7 Janvier, certains éléments ont été modifiés depuis mais les questions de fond demeure inchangées. La lire ne sera pas avoir les moyens de croire qu’il a la réponse car les réponses sont multiples si elles existent. C’est dans une réserve et un travail de recherche d’informations que nous pouvons peut-être, tant bien que mal, dépasser la confusion et le traumatisme.  EG

  Attiser les contradictions Pourquoi Al-Qaeda a-t-il attaqué les satiristes à Paris. Par Juan Cole | Jan. 7, 2015 |   Le massacre terrible de l’éditeur, des dessinateurs et d’autres membres du personnel de l’irrévérencieux hebdomadaire «  Charlie Hebdo », avec celui de deux policiers perpétré par deux terroristes à Paris a été, à mon sens une frappe stratégique, tendant à polariser le public français et européen. Le problème pour un groupe terroriste comme Al-Qaeda est que ses sources de recrutement sont les Musulmans mais que la plupart des Musulmans ne sont pas intéressés dans le terrorisme.

La France est un pays de 66 millions d’habitants dont 5 millions ont un héritage musulman. Mais dans les statistiques, seulement in tiers, moins de 2 millions, dit être intéressé par la religion. Les Musulmans français sont probablement les plus séculiers au monde (les membres de l’ancienne Union Soviétique a aussi un faible taux de croyants et de pratiquants). De nombreux musulmans immigrés en France dans la période d’après-guerre vinrent comme main d’œuvre et n’étaient pas des populations lettrées et leurs petits-enfants sont plutôt distant du fondamentaliste du Moyen-Orient, impliqués dans une culture suburbaine comme le Rap ou le Rai. A Paris, où les Musulmans sont généralement mieux éduqués et plus pratiquants, la vaste majorité rejette la violence et se disent loyaux envers la France. Al-Qaeda souhaite coloniser mentalement les Musulmans français, mais ils font face à un mur de désintérêt. Mais si cela peut amener des Français non Musulmans à rejeter les Musulmans sous le prétexte qu’ils sont Musulmans, cela peut générer une identité politique commune autour de la plainte contre la discrimination. Cette tactique est identique à celle utilisée par les Stalinistes au début du 20ième siècle. Il y a des dizaines d’années, j’ai lu un compte rendu du philosophe Karl Popper racontant comme il avait flirté avec le Marxisme pendant à peu près 6 mois en 1919 quand il assistait au cours de l’université de Vienne. Il quitta le groupe dégoûté lorsque il découvrit qu’ils essayaient d’utiliser des fausses opérations pour provoquer les confrontations entre militants. Dans l’une d’entre elles, la police tua 8 jeunes socialistes à Hörlgasse le 15 Juin 1919. Pour quelques Bolchevicks sans scrupules- qui allaient devenir plus tard des Staliniens- le fait que la plupart des étudiants et des travailleurs ne souhaite pas renverser la classe des affairistes est un inconvénient et il sembla donc souhaitable pour certains d’entre eux «  d’aiguiser les contradictions » entre le travail et le capital.   Les opérateurs qui ont mené cette attaque ont montré des signes d’entrainement professionnel. Ils parlaient un français sans accent et savaient certainement qu’ils jouaient pour le compte de Marine Le Pen et de  l’extrême droite française islamophobique. Il est possible qu’ils aient été Français mais il semble qu’ils aient été durement entraînés. Ce massacre horrible n’a pas été une protestation pieuse contre la diffamation de leur icône religieuse, c’était une tentative pour provoquer dans la société européenne le pogrom des Musulmans français, à partir duquel le recrutement d’Al- Qaeda pourrait soudainement montrer un certain succès au lieu de ester chancelant face à la culture tonique de la culture Beur ( Les Arabes français se nomme eux-mêmes sardoniquement avec cet anagramme) Ironiquement, il est précisé que l’un des deux policiers tués était Musulman.

Al-Qaeda en Mésopotamie, dirigé alors par Abu Musab al-Zarqawi a déployé avec succès cette sorte de stratégie en Irak, attaquant constamment les Shiites et leurs symboles sacrés et provoquant le nettoyage ethnique des millions de Sunnites de Baghdad. A suivi la polarisation, avec l’aide des incarnations variées du Daesh ( ISIS ou ISIL en Arabe, qui vient d’ Al-Qaeda en Mésopotamie) Et à la fin la stratégie brutale et génocidaire a marché, de telle façon que le Daesh a été capable d’inclure tous les Arabes Sunnites d’Irak, qui ont subi tant de représailles Chiites qu’ils étaient prêts à chercher la protection de n’importe quel groupe qui avait délibérément et systématiquement provoqué les Chiites. “ Attiser les contradictions”  est la stratégie des sociopathes et des régimes totalitaires, cherchant à déstabiliser émotionnellement de leur insouciance ordinaire  les collectivités et d’en faire leur proie en mobilisant leur énergie et leur richesse pour l’intérêt d’un grand leader auto-proclamé. La seule réponse efficace à cette stratégie manipulatoire ( comme les Grand Ayatollah Ali Sistani a tenté de le dire aux Shiites il y a une dizaine d’années) est de résister à l’impulsion de rendre responsable un groupe entier pour les actions de quelques-uns et de refuser de mener des représailles identitaires. Pour ceux qui ont besoin que des personnes non liées aux évènements endossent la responsabilité pour leur coreligionnaires ( ce qui n’est jamais exigé des Chrétiens) , le Séminaire al-Azhar, siège de l’apprentissage et des fatwas des Musulmans Sunnites a condamné l’attaque,  comme l’a fait la Ligue Arabe, qui comprend 22 états  à majorité musulmane.

Nous avons un modèle de réponse aux provocations terroriste et à leur tentative d’attiser les contradictions. C’est celui de la Norvège après le massacre commis par Anders Behring Breivik où la gauche norvégienne a choisi d’être douce avec l’Islam. Le gouvernement norvégien n’a pas lancé de guerre contre la terreur. Il a mené Breivik devant les tribunaux comme n’importe quel criminel.  Ils sont restés investis des admirables valeurs de la Norvège  moderne. La plus grande partie de la France restera impliquée dans les valeurs française des Droits de l’Homme. Mais une minorité localisée et haineuse profitera de l’avantage donné par cette polarisation délibérée de l’horreur pour pousser leur propre agenda. L’avenir de l’Europe dépend du fait que Marine Le Pen devienne majoritaire.

L’extrémisme prospère sur les extrémismes et est définitivement mis à mal par la tolérance. Laissez-moi conclure en offrant mes profondes condoléances aux familles, amis et fans de nos collègues assassins à Charlie Hebdo, dont  Stephane Charbonnier, Bernard Maris,  et les caricaturistes Georges Wolinski Jean Cabut, ou Cabu, and Berbard Verlhac (Tignous)– ainsi que tous les autres. Comme l’a dit Charbonnier, connu sous le pseudonyme Charb, «  Je préfère mourir debout que de vivre à genoux.”.

Traduction Elisabeth Guerrier

Chomsky, un monde en crise, de l’ISIS à l’Ukraine

Chomsky: A World in Crisis, from Isil to Ukraine November 1, 2014

Interview de Noam Chomsky

chomsky

                                                                 Crédit photo : Fotostory/Shutterstock.com

L’Institut de Plymouth pour la Recherche sur la Paix Plymouth Institute for Peace Research (PIPR) : Cette année commémore le centenaire de la soi-disant « Grande Guerre ». Quelles sont vos réflexions ?

Noam Chomsky (NC) : Il y a de nombreux débats pour la détermination des responsabilités/ torts dans ce conflit atroce, avec un accord sur un point : il y avait un très haut niveau d’accidents et de contingences, les décisions auraient pu facilement être différentes, évitant la catastrophe. Il y a des parallèles de mauvais augure avec une catastrophe nucléaire.
L’investigation historique des risques de confrontations révèle combien fréquemment le monde a été proche d’un auto-annihilation, de très nombreuses fois, à tel point qu’y échapper a été presque un miracle, mais qui ne se reproduira pas probablement pas encore longtemps. Les analyses soulignent l’avertissement de Bertrand Russel et d’Albert Einstein en 1955 nous disant que nous faisons face à un choix qui est « difficile, terrible et incontournable : allons-nous mettre une fin à la race humaine ou allons-nous renoncer à la guerre ? »
Une deuxième constatation qui fait froid dans le dos est l’empressement vers la guerre des deux côtés, et en particulier l’immédiat dévouement des intellectuels à la cause de leurs propres états, avec une petite frange d’exceptions notables, qui pour la plupart ont été punies pour leur bon sens et leur intégrité – une microcosme de l’histoire des secteurs éduqués et cultivés de la société, et de l’hystérie de masse qu’ils expriment souvent.

 PIPR : Les commémorations ont commencé à peu près au même moment que l’opération Protective Edge. C’est une ironie tragique que Gaza soit le foyer de de la mémoire des tombes de la première guerre mondiale. Quelle furent les réelles – opposées aux rhétoriques- raisons du dernier assaut sur Gaza .
NC : C’est extrêmement important de reconnaître qu’un modèle a été établi il y a Presque une décennie et a été suivi régulièrement depuis. : un accord de cessez-le-feu est établi, Israël prévient qu’elle ne l’observera pas et continue ses assauts sur Gaza ( une prise de contrôle illégale de ce qu’il veut ailleurs dans les territoires occupés), pendant que le Hamas observe le cessez-le-feu, comme Israël l’admet, jusqu’à ce que les escalades israéliennes génèrent une réponse du Hamas, offrant un prétexte à Israël pour un nouvel épisode où elle va « tondre la pelouse « ( pour reprendre l’élégante formule israélienne) J’ai vérifié les données ailleurs, c’est même anormalement clair en tant qu’évènements historiques. Le même modèle préside à l’opération Protective Edge. Une autre série d’accords de cessez-le-feu a été signée en Novembre 2012. Israël l’a ignoré comme d’habitude le Hamas l’a observé malgré tout.

En Avril 2014, le Hamas basé à Gaza et les autorités palestiniennes de la Cisjordanie ont établi un gouvernement unitaire, qui en une seule fois a adopté toutes les demandes du Quartet ( USA, UE, NU, Russie) et n’incluait aucun membre du Hamas. Israël, furieuse lance une opération brutale en Cisjordanie, s’étendant sur Gaza et visant principalement le Hamas. Comme toujours il y avait un prétexte, qui n’a pas résisté à l’inspection. Finalement les meurtres à Gaza ont provoqué une réponse du Hamas, suivie par l’opération « Protecting Edge ». Les raisons de la furie d’Israël ne sont pas mystérieuses. Pendant vingt ans, Israël a cherché à séparer Gaza de la Cisjordanie, avec l’entier support des USA et la stricte violation des accords d’Oslo, accords que les deux parties avaient signé, qui déclare que chacune d’elles est une entité territoriale unique et indivisible. Un coup d’œil sur la carte nous donne les raisons. Gaza offre le seul accès de la Palestine au monde extérieur, sans un accès libre à Gaza, toute autonomie qui pourrait être accordée à une quelconque entité palestinienne fragmentée en Cisjordanie serait effectivement emprisonnée.
PIPR : Les gouvernements d’Israël, de Grande Bretagne, et des US sont certainement sont sûrement ravis de l’apparition d’ISIS, une nouvelle menace leur fournissant de nouvelles excuses pour la guerre et la répression interne. Quel est votre avis sur ISIS et les derniers bombardements en Irak ?
NC : Les enquêtes sont limitées, nous ne pouvons donc conclure qu’à partir de la construction de preuves éparpillées. Pour moi cela ressemble à ça : ISIS est une réelle monstruosité, une de nombreuses conséquences affreuses des remèdes de cheval des US, qui parmi d’autres crimes, ont attisé des conflits sectaires qui ont fini par détruire l’Irak et transforme la région en lambeaux. La défaite quasi instantanée de l’armée irakienne a été complètement étonnante. C’était une armée de 350.000 hommes, armée lourdement, entrainée par les US depuis plus de dix ans. L’armée irakienne a mené une guerre longue et amère contre l’Iran dans les années 1980. Aussitôt qu’ils ont été confrontés à quelques milliers de militants légèrement armés, les officiers aux commandes ont fui et les troupes démoralisées soit se sont enfuies avec eux, ont déserté ou ont été massacrées. Dorénavant, ISIS contrôle Presque toute la province de Anbar et se trouve à proximité de Bagdad. Avec l’armée irakienne virtuellement disparue, les combats sont entre les mains des milices shiites organisée par le gouvernement sectaire, qui mettent à exécution des crimes contre les Sunnites qui donnent une idée de ceux perpétrés par ISIS. Avec l’aide cruciale de l’aile armée des Kurdes Turcs, le PKK, les Peshmerga kurdes irakiens ont apparemment repoussé l’ISIS Il semble aussi que le PKK soit la force la plus significative ayant permis de sauver les Yazidi de l’extermination et tenant à distance l’ISIS en Syrie, y compris dans la défense cruciale de Kobane.
Pendant ce temps la Turquie a intensifié ses attaques contre le PKK, avec la tolérance des US sinon leur support. Il semble que la Turquie soit satisfaite d voir ses ennemis, l’ISIS et les Kurdes s’entretuer à quelques mètres de la frontière, avec les conséquences terribles prévisibles si les Kurdes ne peuvent pas résister à l’assaut de l’ISIS sur Kobane et au-delà.
Un autre opposant majeur de l’ISIS, l’Iran est exlu de la coalition américaine pour des raisons politiques et idéologiques, comme l’est bien sûr son allié Assad. La coalition conduite par les US comprend quelques-unes des dictatures du pétrole arabe qui supportent elles-mêmes des groupes djihadistes en compétition. Le principal, l’Arabie Saoudite, a été une des principales sources de fonds pour l’ISIS et a fourni ses racines idéologiques. Et ce n’est pas une mince affaire. L’ISIS est une des ramifications des doctrines Wahabi/Salafi saoudiennes, elles-mêmes une version extrémiste de l’Islam et une version missionnaire, utilisant les énormes ressources pétrolières saoudiennes pour répandre leurs enseignements à travers tout le monde musulman.
Les USA, tout comme la Grande Bretagne avant eux, a tenté de supporter le fondamentalisme radical en opposition au nationalisme séculier et l’Arabie Saoudite a été un des premiers alliés des US depuis que la dictature familiale a été consolidée et que de vastes ressources de pétrole y ont été découvertes.

Le journaliste le mieux informé et l’ analyste de cette région Patrick Cockburn décrit la stratégie nord-américaine, telle qu’elle est, comme une construction d’Alice aux pays des merveilles, opposant à la fois l’ISIS et son ennemi principal et incorporant largement des alliés arabes douteux avec le soutien européen.
Une alternative pourrait être d’adhérer aux lois intérieures et internationales, faire appel au Conseil de Sécurité de l’ONU puis suivre ses directives en cherchant des issues politiques et diplomatiques pour sortir du bourbier et au moins pour mitiger ses horreurs. Mais c’est presque impensable dans la culture politique américaine.
PIPR: Comme les opérations militaires en Irak s’intensifient, l’OTAN déstabilise plus avant l’Ukraine. Que pensez-vous à propos de cette guerre par procuration entre les USA et la Russie et de son potentiel pour une guerre nucléaire ?
NC: C’est un développement extrêmement dangereux, qui fermente depuis que Washington a violé son engagement verbal à Gorbatchev et a commencé à étendre les forces de l’OTAN à l’Est, à ras la frontière de la Russie en menaçant d’incorporer l’Ukraine, qui est d’une grande importance stratégique pour la Russie et a des liens serrés tant historique que culturels. Il y a une analyse très éclairée de la situation dans le principal journal official “Affaires Etrangère”” par le spécialiste des relations internationales John Mearsheimer, titrée “Pourquoi la crise d l’Ukraine est la faute de l’Ouest”. L’autocratie russe est loin d’être innocente, mais nous revenons à nos commentaires antérieurs : nous nous sommes approchés dangereusement du danger avant et nous jouons à nouveau avec la catastrophe. Et ce n’est pas du fait du manque de solutions pacifiques. Une dernière remarque, à propos d’un nuage sombre et menaçant qui plane au-dessus de tout ce que nous évoquons : comme les proverbiaux moutons de Panurge, nous avançons vers une catastrophe environnementale qui peut parfaitement déplacer d’autres soucis, dans un future assez proche.

Traduction: Elisabeth Guerrier

Nous avons besoin d’un féminisme audacieux et provocateur Jacqueline Rose

” Nous avons besoin d’un féminisme audacieux et provocateur “

Par  Jacqueline Rose The Guardian

Malala Yousafzai

 Malala Yousafzai a montré au monde la violence que les femmes doivent affronter si elles revendiquent le droit d’être éduquées.  Photographe : Olivia Harris/Reuter

Il est temps de revenir à ce que le féminisme    a à nous dire.  Il est temps de prendre en compte ce que les femmes ont à nous dire sur les dangers du monde moderne. Mais la prise en compte ne peut pas être faite en suivant les lignes qui nous sont devenues si familières. Nous ne pouvons pas le faire uniquement en revendiquant les droits à l’égalité pour les femmes ou en argumentant sur leur légitimité à occuper des postes dans les tribunaux de grande instance et dans les corridors du pouvoir. Ces revendications sont importantes mais elles tendent se faire – bruyamment, comme il se doit-  au détriment d’un autre type de compréhension, moins évident mais pas moins vital, qui se trace une route dans les espaces les plus sombres du monde, déchirant la couverture sur les préalables qui font que les formes les plus mortifères de pouvoir se nourrissent et se congratulent les unes les autres. C’est ça que nous pourrions appeler le savoir des femmes. Dans ses meilleures formes, c’est ce qui permet aux femmes de lutter pour leur liberté sans avoir à être cooptées par sous de faux prétextes ou par l’exercice brutal du pouvoir pour lui-même.

Ceci appelle à un nouveau langage pour le féminisme. Un  qui permettent aux femmes de proclamer leur place dans le monde mais qui creuse également sous la surface pour aller se confronter aux aspects souterrains de l’histoire et de l’âme humaine. Que tout ce qui est personnel est politique est, bien sûr, une analyse féministe rebattue. Aux commencements, elle a attiré l’attention à juste titre sur la façon dont les vies privées et familiales des femmes étaient noyées dans la réalité la plus sordide du pouvoir patriarcal. Mais si la revendication s’est quelque peu estompée, c’est probablement parce qu’elle s’est  éloignée d’un des paramètres les plus perturbant de propre vision – qui est que dès que s’ouvre la porte sur ce qui est personnel, intime, personne ne sait ce qui va être trouvé. Mon plaidoyer est pour un féminisme qui n’essaie pas de se désinfecter lui-même.

Nous avons besoin d’un féminisme scandaleux, qui embrasse sans inhibition les aspects les plus pénibles, avilissant du cœur humain en leur donnant leur place tout à fait au centre de ce que le féminisme veut créer. Ce sera certainement un monde bien différent de celui auquel le féminisme aspire- sain, équilibré, raisonnable, où les femmes se voient attribuer leur juste part. Non pas parce que ces aspirations ne sont pas légitimes ni parce que nous souhaitons un monde insensé mais parce que les femmes ont ce don de voir déjà au travers de ce qui est déjà fou dans le monde, et en particulier l’injustice sur laquelle il semble devoir s’organiser lui-même.

Prenez un journal au hasard n’importe quel jour de la semaine. Des preuves de la cruauté et de la violence exercée sur les femmes peuvent être trouvées à chacune des pages. Le mois dernier, Oscar Pistorius , le champion sud-africain paraolympique, un héros du sport national et international, a été acquitté des charges de meurtre pour avoir tiré sur son amie Reeva Steenkamp en Février 2013 à travers la porte fermée à clef de la salle de bain. ( Il a été reconnu coupable des charges minimales d’homicide volontaire )

Le juge a argument en disant que son intention de tuer Steenkamp ne pouvait pas être prouvée, même si elle a aussi insisté sur le fait que n’importe qui tirant à quatre reprises pourrait savoir que la mort devrait – ou au moins devrait- être la conséquence. Pour ceux qui reconnaisse ici les signes classiques de la violence domestique , ce jugement est un affront, sans parler de la demande faite par ses avocats de lui éviter la prison. Pendant le procès, les militants du Royaume Uni ont mis en avant e fait que les restrictions dans les aides légales et les coupes de budget placent les victimes d’une telle violence de plus en plus en danger :-  «  Des femmes vont mourir, ont-ils prévenu. Ce n’est pas dramatiser que de dire ça. ». Quelques jours plus tard, Carol Howard  une des rares femmes officier sapeur-pompier des forces de police, a été décrite devant la Cour comme sujette à une campagne vicieuse de diffamation après qu’elle ait porté plainte contre une discrimination raciale et sexuelle ( accumulant les abus). Et pendant l’été est apparu le fait que 1400 jeunes filles à Rotterdam avaient été la cible de prédation et d’exploitation sexuelles.

Selon l’actrice Samantha Morton, parlant pour la première fois, en réponse aux événements de Rotherham de la façon dont on avait abusé d’elle enfant dans un foyer d’accueil,  il s’agit probablement du sommet de l’iceberg. Quelque chose d’infâme est en train d’être mis à jour. Nous savons maintenant que les comportements de Jimmy Savile et de Rolf Harris n’étaient qu’une des parties d’une culture du divertissement où de tels abus sont aussi endémiques qu’ils sont tolérés ou ignorés. Pendant ce temps on apprend que le harcèlement sexuel et les agressions sur les campus sont en augmentation.- un officier de police a décrit la semaine des premières années comme un champ de la mort  pour la violence sexuelle.

Nigeria Kidnapped School Girls

Une manifestation à Abuja le mois dernier appellant le gouvernement nigérien à faire plus pour sauver les centaines de filles kidnappées par Boko Haram. Photographie : Olamikan Gbemiga/AP

Nous évoquons le climat international de violente oppression qui semble empirer de jour en jour. Les 200 écolières kidnappées par Boko Haram dans le nord du Nigéria en Avril cette année sont encore portées disparues. Selon l’agence des Nations Unies consacrée au femmes, plus de la moitié des femmes au travail dans le monde n’ont pas de droits légaux, le même nombre n’a aucune protection contre les violences domestiques et les agressions sexuelles sont devenues la caractéristique principale des conflits modernes.

Le jour international de la femme l’année dernière, dans une lettre adressée au Guardian, 50 personnes, allant de l’avocate des Droits de l’Homme Helena Kennedy  à  Philippe Sands   en passant par la chanteuse et compositrice  Annie Lennox, , faisait état du fait que les femmes entre 15 et 44 ans dans le monde   “courent plus de danger d’être violées ou victimes de violences domestiques plutôt que de mourir de cancer, d’accidents de la route, de la guerre et de la malaria combinés.”

De récentes statistiques montrent que 9 fois plus de personnes sont tuées dans des querelles entre individus, y compris les violences domestiques, que lors des guerres ou dans les conflits globaux. (Le coût de la violence individuelle s’élève au deux-tiers du coût total, 7.59 trillions d’euros, de toutes les formes de violence). Pour la première fois, le terme «  violence coercitive » – maltraitance financière, psychologique, physique, sexuelle ou émotionnelle de leur partenaires hommes sur les femmes- entre dans le lexique pénal.

Aujourd’hui, la violence domestique, l’excision et le viol en tant qu’armes de guerre sont classés comme crime de guerre depuis 2008 et sont de plus en plus présents sous le regard public.

La collégienne de dix-sept ans Fahma Mohamed    a évoqué l’excision et réussi à se faire entendre du gouvernement de Grande Bretagne et du Secrétaire général de l’ONU. Malala Yousfzai  sur qui les Talibans ont tire alors qu’elle allait à l’école en Afghanistan, a montré au monde la violence à laquelle les femmes doivent faire face dans leur affirmation du droit de tout humain à l’éducation (à être humain pourrait-on dire)

” Une balle, un tir qui a été entendu tout autour du monde ”    a-t-elle dit lorsqu’elle a reçu le prix Nobel de la Paix la semaine dernière. Cependant  comme l’a signalé Kamila Shamsie, ce n’est toujours pas prudent de retourner au Pakistan. Ces actes immondes n’ont pas d’équivalent. Ensemble et séparément, ils exigent une forme nourrie de reconnaissance. Nous pouvons aussi espérer que les changements politiques qui ont été promis – une plus grande sensibilité de la police à l’égard de la violence domestique, une éducation sur l’excision dans toutes les écoles de Grande Bretagne- lors du sommet international sur le viol en temps de guerre en Juin seront appliqués et feront la différence ( bien que cela demandera bien plus qu’aucune de ces promesses là). Dans chaque cas, cependant, on en parle, les femmes qui ont été cachées ou ignorées en parlent, ceci en soi vaut la peine d’être noté. De jeunes femmes comme Mohamed ou Yousafzai ne se contentent pas de le faire entendre à un monde qui ne veut surtout pas écouter. Elles osent une forme de discours adressé directement et sans excuse à la violence dont elles sont la cible.

Prendre en compte une telle violence est peut-être le plus grand challenge du féminisme aujourd’hui. Certainement, je ne peux pas me souvenir d’une autre période où elle est apparue aussi rampante et aussi éhonté. Et cependant il fut un temps où en écoutant décrire tous ces cas, comme je viens de le faire, aurait transformé tous les hommes en cibles pour tous les maux du monde. Ce à quoi certains féministes, moi y compris, auraient objecté que de généraliser ainsi c’était peindre les hommes uniquement sous leurs pires couleurs, les réduire ainsi que les femmes sans porte de sortie, au sein du cadre les plus débilitant de la société.

Ceci suppose aussi que tous les comportements  induits par la testostérone, comme certains arguments féministes le supposent, reflète- depuis des siècles et pour toujours- qui sont ou ce que sont et seront les hommes inévitablement. Ceci ignore la fait que, même si nombreux  sont déjà ceux qui embrassent la tâche, les hommes et bien sûr les femmes, doivent se construire dans leurs rôles. Depuis Simone de Beauvoir  , les prémisses fondamentales du féminisme furent que les femmes ne naissent pas femmes mais le deviennent, un argument qui assigne l’identité sexuelle au royaume de la culture et ne peut être efficace que s’il s’applique également aux hommes. Dans le cas contraire, nous entrons dans le scénario étrange où les hommes seraient pure biologie, les femmes pure culture, dont l’unique avantage est qu’il renverse le cliché prévalent : que les femmes appartiennent au royaume du corps, plus proche de la nature et que les hommes partout dans le monde, appartiennent au cœur de la vie publique, du social. Ceci ignore également le fait que la croissance des violences contre les femmes rapportées durant les dernières années, au moins en Grand Bretagne, a reflété la déroute économique du pays dont elle est au moins partiellement, la réponse désespérée et brutale.. Ce qui, bien sûr n’est en rien une excuse.

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 Nawal El Saadawi,  auteur de “ La face cachée de Eve”  Photographie : Felix Clay

Nous devons nous demander, aujourd’hui peut-être plus que jamais, pourquoi les hommes se tournent contre les femmes quand leur propre masculinité est menacée, pourquoi l’agression d’une femme apparaît souvent comme le meilleur moyen de compenser l’échec de la masculinité et la détresse. Poser ces questions nous entraîne sur des voies difficiles, dans les zones les plus sombres de l’âme humaine, où le féminisme, unique peut-être parmi les partis politiques, n’a pas – selon moi- peur d’avancer. Il s’agit de suggérer que quand les hommes passent à l’acte violemment contre les femmes, ils répondent à la fois à ce qui est requis pour leur identité et donnent à voir également leur fragilité.

Dans son fameux texte de 1977, “ La face cachée d’Eve”  la féministe égyptienne Nawal El Saadawi suggère que les hommes arabes- mais pas uniquement eux-  ne peuvent pas tolérer une femme intelligente parce que  «  Elle sait que sa masculinité n’est pas réelle, n’est pas une vérité essentielle » Cette soi-disant masculinité est à la fois la plus féroce des armes et une escroquerie pour la confiance : elle sait toujours qu’elle pourrait être plus forte. Parce que prétendre à la masculinité ne fonctionne jamais vraiment, cela doit être fait et refait sans cesse.

Est-ce que cela pourrait aussi indiquer, par contre, qu’il y a quelque chose touchant la différence sexuelle qui génère la violence en soi et par soi ?  Ceci pourrait nous aider à comprendre l’agonie du féminisme, pourquoi le progrès des femmes, en dépit des avancées durement gagnées et peut-être à cause d’elles, est si tortueusement lent, susceptible de faire machine arrière à n’importe quel moment- ce qui est aussi une des raisons pour lesquelles le féminisme ne peut pas s’arrêter et pourquoi c’est une folie de prétendre que la tâche du féminisme est achevée. Ce n’est ni un argument basé sur la biologie, ni simplement basé sur la culture mais il appartient à un lieu glauque, difficile à sérier entre les deux. Un lieu déraisonnable où  tous, hommes et femmes résident et qui est partagé dans le monde entier, nourrissant autant de haine que de force. Que voient les hommes lorsqu’ils regardent les femmes ?

Ni plus ni moins, expliquerait un psychanalyste, qu’une différence menaçante avec eux-mêmes. Pour la philosophe et critique Hannah Arendt la différence en tant que telle était ingérable et pourrait aisément expliquer la violence du monde moderne. Dépouillé de son statut national, l’individu sans patrie du 20ième siècle est un anathème parce qu’il ou elle représente la différence- elle nomme cela » l’arrière-plan noir de la simple différence »- pour le monde dans sa forme la plus crue, la plus débilitante. C’est un royaume, suggère-t-elle , dans lequel «  l’homme ne peut pas changer et ne peut pas agir, et dans lequel il a une tendance notoire à détruire ». Nous sommes à nouveau face au paradoxe que le féminisme expose à nu comme rien d’autre : le pire exercice du pouvoir humain est la conséquence d’ l’impotence du genre humain.

Campaigners, some dressed as suffragettes, attend a rally organised by UK Feminista to call for equa

 Des militant(e)s, dont certaines sont habillées en suffragettes, assistant à un rally organize par le Feminista de Grand Bretagne pour un appel à l’égalité des droits entre hommes et femmes en 2012. Photographie : Oli Scarff/Getty

Le point central de Harendt n’était pas la haine des femmes, mais il n’a été besoin que d’un petit coup de pouce accordé à sa théorie pour mettre en avant le côté mortifère de la différence sexuelle. La sexualité désarçonne parce qu’elle nous confronte à ce que nous ne pouvons pas maîtriser, le royaume de l’inconscient où le désir fait des ravages, où il est impossible, par définition, simplement d’être fidèle à soi même. C’est un lieu où le savoir chancelle et est confronté aux limites de ses propres amplitudes.

Selon la fameuse psychanalyste anglaise Mélanie Klein   , les deux sexes sont mal assortis ( nous sommes loin de l’idéal hétérosexiste qui célèbre les hommes et les femmes comme parfaitement complémentaires) Le garçon lutte pour renoncer à une identification avec le corps de la mère. Klein n’était pas renommée pour ses commentaires sur la vie sociale, mais, comme une remarque intrigante presque jetée aux côtés d’un essai sur la petite enfance, elle suggère que cela puisse nous aider à comprendre, comme elle le décrit, « la rivalité d’un homme avec une femme «  sera beaucoup plus asociale que la rivalité avec ses congénères ». La possibilité d’être une femme est gravée dans le corps et l’esprit du garçon, parce qu’il a déjà été là. Pour le garçon, connaître le terrain jusque dans ses parties les plus intimes et le rejeter de toutes ses forces est la façon dont il devient un homme. Pour la fille

Quelque complexe que puisse être sa future identité sexuelle, quelque difficile soit le chemin qu’elle suivra- et pour les psychanalystes toutes les voies sexuelles, même l’ostensible voie «  normale » sont difficiles – il s’agira d’une façon ou d’une autre toujours d’un royaume qu’elle finira par reconnaître, par placer pour se déplacer. Il ne s’agit pas de quelque chose qu’elle doive, – soit obligée conviendrait mieux- afin de devenir une femme, répudier.

La rivalité des hommes avec les femmes peut être reliée à un savoir qu’il préférerait oublier. Sa rivalité avec les hommes, même répugnante- guerre, politique ou simplement comparer les tailles des pénis dans les vestiaires- est d’une façon étrange plus civilisée, attendue. Suivant cet argument, les hommes qui agressent des femmes ne le font pas parce qu’ils ont ça dans le sang- nous ne parlons pas là d’une violence instinctive, incorporée à l’espèce mâle- mais parce que chaque femme est le souvenir d’un passé fantomatique, féminin qu’aucun homme digne de ce nom, si c’est ce qu’il est, puisse se permettre de reconnaître. La clef est l’expression inattendue de  la formulation de Mélanie Klein «  Rivalité », qui implique que les hommes et les femmes ne sont pas trop différents mais trop semblables. Il ya quelque chose de potentiellement libérant dans l’idée que d’une certaine façon, depuis le début, les sexes sont profondément emboîtés. Mais pas pour longtemps, pas en suivant le cours  “normal”  des choses, pas si la police de notre vie intérieure fait son travail et subordonne les caprices inconscients de notre vie sexuelle aux exigences du monde.

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 Laurie Penny, une des auteures de la nouvelle génération des écrivains féministes Photographie : Jon Cartwright

Ça ne marche pas toujours- ça aussi est la découverte fondamentale de la psychanalyse. L’identité sexuelle attendue n’épuise jamais nos possibilités, ni le répertoire psychique de la vie de tout un chacun. Tous les hommes ne se comportent pas de cette façon. Mais il n’est aucune violence plus mortifère et incontrôlée- asociale précisément- que la violence qui entend répudier celui qui, profondément au-delà de tout savoir conscient, vous avez été et qui sait pourrait être. N’importe quelle femme est alors susceptible est alors supposée pouvoir attirer les résidus, les placentas de ce tout premier moment avec tout ce qui ne peut pas être contrôlé pleinement ou connu du monde ou de l’esprit. : le royaume qui, selon les mots de Arendt « que l’homme ne peut ni changer ni sur lequel il peut agir et que par conséquent il a tendance à détruire. » Et , suggère-t-elle, ce qui ne peut pas être contrôlé par-dessus tout est le moment chaotique, imprédictible d’une nouvelle  naissance, d’un nouveau commencement, auxquels les femmes participent et avec lequel, qu’elles soient mère ou pas, elles sont identifiées.  Sur ce nouveau commencement, continue Arendt,  “aucune logique, aucune déduction convaincante ne peuvent avoir de pouvoir parce que la suite présuppose, en terme de prémices, un nouveau commencement.”  La terreur et notablement le totalitarisme du siècle dernier sont nécessaires “de peur qu’avec la naissance de chaque nouvel être humain, un nouveau commencement de lève et fasse entendre sa voix dans le monde”  Nous ne pouvons pas contrôler le monde et nous le détruisons si nous essayons. C’est quelque chose, dirais-je, que le féminisme à son meilleur sait bien, même quand le combat contre une destinée injuste, les femmes mesurant leurs vies pour elles-mêmes, est au cœur de la lutte.

Aujourd’hui avec la quatrième vague du féminisme – UK Feminista– , Everyday sexism  une nouvelle génération d’écrivaines, comme Laurie Penny  et Nina Power, témoignent du fait que le féminisme n’est pas terminé. Et pourtant, il est souvent dit que la femme moderne est libre, que la sexualité est quelque chose  dont les femmes, au moins en Occident, contrôlent et disposent à volonté. En fait, les femmes ne sont pas libres, pas même en Occident, où les inégalités sont encore flagrantes. Certainement, ce doit être un des buts du féminisme que les femmes soient plus libres dans leur vie sexuelle. Mais nous devons être très attentifs de ne pas échanger une injustice contre une illusion. Nous ne sommes jamais aussi déçu que lorsque nous présentons la sexualité non pas comme la source d’ennui qu’elle a toujours été mais comme un autre bien de consommation. La sexualité contient toujours un élément au-delà de la manipulation humaine, aussi libre que nous pensions l’être. Dire le contraire est une sorte de vol en plein jour qui heurte la sexualité de toutes les femmes, et celle bien sûr des hommes et ensuite, la haine des femmes qui en est si souvent la conséquence, est quelque chose que la soi-disant raison ou lumière de notre monde moderne peut simplement et sûrement dissiper.

Je ne souhaite pas que le féminisme s’accroche à ce wagon. Bien sûr, plutôt que l’idée de la lumière triomphant sur l’obscurité, confronté l’obscur à l’obscur peut être un chemin plus créatif. S’il existe quelque chose comme un savoir de femmes, c’est ici, si j’ose dire que nous devrions le chercher. Le féminisme devrait nous alerter sur la folie du monde. Mais il devrait aussi insister sue le fait que de répondre en faisant du diktat de la raison notre seul mantra et guide est aussi appauvrissant qu’illusoire et dangereux.

Laissons le féminisme, alors, être le lieu de notre culture qui demande à tous, hommes et femmes, de reconnaître l’échec de la distribution actuelle. – son contrôle ankylosé, sa croyance impitoyable en sa propre maîtrise, ses tentatives vouées à l’échec de mettre le monde à ses pieds. Laissons le féminisme être le lieu où les aspects les plus pénibles de notre monde intérieur n’aient pas à se cacher de la lumière mais soient menés comme les servants de nos revendications. Le féminisme que j’appelle aurait le courage de ses contradictions. Il défendrait le droit des femmes, audacieusement et effrontément, mais sans transformer ses propres convictions en fausse identité ou éthique. Il poserait ses exigences avec une clarté qui ne supporterait aucun débat mais sans être séduit par sa propre rhétorique. La dernière chose qu’il ferait serait de clamer que la sexualité lui appartient ou qu’elle est une marchandise.

C’est un féminisme sachant que les choses bougent, qu’elles doivent bouger, à travers les courants souterrains de notre vie où toutes les certitudes se transforment en peine. Autrement, lui aussi se retrouvera à fouetter les impondérables du monde, complice de ses cruautés et de ses fausses promesses. Un tel féminisme accepterait de faiblir et de souffrir en son for intérieur, tout en acceptant- sans hésitation- d’assumer les actes d’accusation contre l’injustice. Ceci pourrait-être, je m’autorise à le penser, un immense soulagement pour les deux sexes. C’est, à mes yeux, uniquement ce que le féminisme a à apporter aux temps de plus en plus sombres dans lesquels nous vivons.

Jacqueline Rose. Le livre : Women in Dark Times    http://bookshop.theguardian.com/ est publié par Bloomsbury (£20). Pour commander un exemplaire à  £15.49 appeller Guardian book service on 0330 333 6846 or go to guardianbookshop.co.uk.

Traduction : Elisabeth Guerrier

L’Âge de l’Ignorance Charles Simic

L’âge de l’ignorance par Charles Simic

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Chip Somodevilla/Getty Images  Fairgoers cheer for Sarah Palin while she appears on the Sean Hannity Show at the Iowa State Fair, August 12, 2011

 By Charles Simic in The New York Review of Books

 

Une ignorance diffuse frôlant l’abrutissement est devenue notre nouvel objectif national. Il est vain de prétendre le contraire et de nous dire comme Thomas Friedman l’ a fait  dans le Times il y a quelques jours, que les individus cultivés représentaient la ressource nationale la plus précieuse. Bien sûr qu’ils le sont mais qui veut encore d’eux ?

Il ne me semble pas que  nous les désirions.  Le citoyen idéal d’un état corrompu politiquement, comme celui dans lequel nous vivons maintenant , est un abruti naïf, incapable de discerner la vérité de l’amas d’inepties.

A une population éduquée, correctement informée, comme celle qu’une démocratie qui fonctionne nécessite, il serait difficile de mentir, et elle ne pourrait pas être menée par le bout du nez par les intérêts acquis divers se déchaînant dans ce pays.  La plupart de nos hommes politiques, leurs conseillers et leurs lobbyistes se retrouveraient sans emploi, de même que les moulins à paroles qui se font passer pour nos faiseurs d’opinions. Heureusement pour eux, rien d’aussi catastrophique, bien que parfaitement mérité et largement bienvenu, n’a la moindre chance de se produire dans un futur proche. Tout d’abord, il y a plus d’argent à se faire avec les ignorants qu’avec les clairvoyants et berner les Américains reste une des rares industries locales en croissance qui nous reste dans ce pays. Une populace éduquée serait fâcheuse, à la fois pour les politiciens et pour le business.

Il a fallu des années d’indifférence et de stupidité pour nous faire accéder au niveau d’ignorance où nous sommes maintenant. Qui que ce soit qui ait enseigné à l’université comme je l’ai fait pendant les dernières quarante années peut confirmer comme les étudiants sortant du lycée  en savent chaque année de moins en moins.  Tout d’abord, c’était choquant mais cela ne surprend plus aucun enseignant de constater comment les gentils et impatients jeunes gens inscrits dans nos classes n’ont pas la capacité de comprendre la plupart du matériel enseigné.  Enseignant la littérature américaine, comme je l’ai fait, est devenu de plus en plus dur durant ces dernières années, parce que les étudiants lisent très peu de littérature avant de venir à l’université et manquent souvent des informations historiques les plus basiques sur la période où le roman ou le poème fût écrit, y compris quelles idées ou questions essentielles occupaient l’esprit de l’époque.

Même l’histoire régionale s’est fait expédier sans ménagements. Des étudiants originaires des vieilles villes industrielles de la Nouvelle Angleterre, comme je l’ai découvert, n’ont jamais entendu parlé des grèves fameuses de leur communauté dans lesquelles des travailleurs furent abattus de sang-froid, laissant les responsables s’en tirer sans aucune sanction. Je ne fus pas surpris que leur lycée soit soucieux à l’idée d’évoquer le sujet mais j’ai été surpris que leurs parents ou leur grands -parents, ou qui que ce soit en contact avec eux lors de leur croissance n’ait jamais mentionné ces exemples d’injustice foncière. Ou les familles n’évoquent-elles jamais le passé ou bien les enfants n’y prêtent pas garde lorsqu’elles le font. Quelle que soit la cause, nous sommes confrontés au problème de la solution à apporter à leur vaste ignorance face à des choses avec lesquelles ils devraient déjà être familier comme des générations d’étudiants avant eux l’étaient.

Si cette absence de connaissances est le résultat d’années de nivellement par le bas des programmes du secondaire et de familles qui ne parlent pas à leurs enfants du passé, il se présente une autre forme pernicieuse d’ignorance à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Il s’agit du produit d’années de polarisation idéologique et politique et d’efforts délibérés déployés par les partis les plus fanatiques et intolérants dans ce conflit pour le façonnage de cette ignorance à laquelle nous sommes confrontés, en mentant à propos de nombreux aspects de notre histoire ainsi que de notre passé récent. Je me souviens avoir été stupéfait il y a quelques années lorsque j’ai lu que la majorité des Américains avaient répondu aux sondages que Saddam Hussein était derrière les attentats du 11 Septembre. Cela m’a étonné comme une prouesse de propagande dépassant les pires régimes totalitaires du passé – beaucoup d’entre eux ayant eu a à utiliser les camps de travail et les pelotons d’exécution afin de forcer le peuple à croire ces mensonges sans obtenir un succès comparable.

Aucun doute, Internet et le câble ont permis à divers intérêts politiques et corporatistes de disséminer la désinformation à une échelle impossible à atteindre auparavant mais que cela soit cru demande une population mal éduquée, inhabituée à vérifier les sources de ce qui lui est soumis.  Où donc ailleurs sur terre un président qui sauve les trusts bancaires de la banqueroute avec l’argent des contribuables et autorise les autres à perdre douze-mille milliards d’investissement, de retraite et de valeurs immobilières serait-il appelé un socialiste ?

Dans le passé, lorsque quelqu’un ne savait rien et disait des idioties, personne ne prêtait attention à lui. Plus maintenant; maintenant de tels individus sont courtisés et flattés par les politiciens conservateurs et les idéologues, comme les “Véritables Américains” défendant leur pays contre l’appareil d’état et l’élite libérale cultivée.  La presse les interviewe et reporte leur opinions avec beaucoup de sérieux sans jamais pointer l’imbécillité de leurs croyances.  Les baratineurs, qui les manipulent pour leur pouvoir financier puissant, savent qu’ils peuvent faire croire n’importe quoi parce que pour l’ignorant et le sectaire, les mensonges sonnent toujours plus juste que la vérité :

Les Chrétiens sont persécutés dans ce pays.

Le Gouvernement va nous enlever nos armes.

Obama est un Musulman.

Le réchauffement climatique est un canular

Le Président oblige à la pratique de l’homosexualité dans l’armée.

Les écoles élaborent des programmes de gauche.

La Sécurité Sociale est un programme identique à l ‘aide sociale.

Obama hait les Blancs.

La vie sur terre est vieille de dix mille ans, tout comme l’univers.

La Sécurité Sociale contribue à la pauvreté.

Le Gouvernement prend votre argent et le donne à des femmes universitaires  folles de sexe pour payer le coût de leur contraception.

Nous pourrions ajouter de nombreux lieux-communs illusoires crus par les Américains à cette liste. Ils sont maintenus en circulation par des centaines d’hommes politiques de droite et par les médias religieux dont la fonction est de fabriquer une réalité alternative pour leur spectateurs et leurs auditeurs. ” La stupidité est parfois la plus grande des forces historiques” dit un jour Sidney Hook. Sans aucun doute.  Ce à quoi nous assistons dans ce pays est à la rébellion des esprits bornés contre l’intellect. C’est une des raisons pour lesquelles ils aiment tant les hommes politiques qui pestent contre les enseignants de ce pays endoctrinant leurs enfants à l’encontre des valeurs de leurs parents et en veulent à ceux qui montre l’habilité à penser sérieusement et indépendamment. Mais en dépit de leur  bravade, on peut toujours compter sur ces idiots pour voter contre leur propres intérêts.  Et ça, à mon avis, est la raison pour laquelle des millions sont dépensés pour maintenir mes compatriotes dans leur ignorance.

20 Mars 2012. 10.55 am
Document proposé par R.C. NYS
Traduction Elisabeth Guerrier
Se référer à l’ouvrage de Richard Hofstadter ” Anti-intellectualism in American life “, pour comprendre que si les effets de cette lutte quasi viscérale contre l’effort intellectuel,  son composant critique et sa démarche sont palpables quotidiennement et matérialisés par un dogmatisme réductionniste collectif, l’histoire des USA elle-même est porteuse de cette forme d’allergie à la réflexion et de croyance en la ” vérité ” déposée dans les certitudes émotionnelles et l’utilitatrisme immédiat.EG

Quelle sécurité l’armée US et les services extérieurs assurent-ils ? Noam Chomsky

Le travail de Noam Chomsky permet de toujours remettre les faits et actions politiques dans un contexte plus large, l’histoire d’une idéologie de l’impérialisme américain et des choix qu’elle impose au monde.  Nous pouvons ainsi suivre à la trace les véritables préoccupations politiques derrière les principes affichés de maintien de la paix et de la sécurité à travers le monde. Nous pouvons aussi constater que la présence de tous les régimes dictatoriaux, religieux extrémistes ou non, ont tous eu l’aval et le soutien militaire et financier des différents gouvernements qui se sont succédés. La raison sous-jacente à cette apparente absurdité dans la désignation des ennemis trouve dans le texte ci-joint son éclairage et sa rationalité. EG

Quelle sécurité l’armée US et les services extérieurs assurent-t-ils?

Common Dreams

Par  Noam Chomsky

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Soldats américains participant au déclenchement d’un incendie reel lors d’un entrainement de l’OTAN en Allemagne. (Photo: flickr / cc / MATEUS_27:24&25)

La question de savoir comment est déterminée la politique étrangère est un point crucial dans le monde des affaires. Dans le commentaire qui suit, je ne peux fournir que quelques entrées sur la façon dont le sujet peut être envisagé productivement, m’en tenant aux USA pour plusieurs raisons. La première, les USA n’ont pas leur pareil en ce qui concerne leur signification mondiale et leur impact. La deuxième, c’est une société inhabituellement ouverte, d’une façon vraisemblablement unique, ce qui signifie qu’on peut en savoir plus à cet égard. Et enfin, et c’est tout simplement un point le plus important pour les Américains, ils sont à même d’influencer les choix politiques des USA – et bien entendu des autres pays, pour autant que leurs actions puissent influencer de tels choix. Les principes généraux, malgré tout, s’étendent aux puissances  principales et bien au-delà.

Il y a une “ version communément acceptée” par les universitaires, les déclarations gouvernementales et le discours publique. Elle suppose que le premier engagement des gouvernements est d’assurer la sécurité et que la première préoccupation des USA et de ses alliés depuis 1945 a été la menace soviétique.

Il y a de multiples façons d’évaluer la doctrine. Une question évidente à poser est la suivante : Que s’est-il passé lorsque la menace soviétique a disparu en 1989 ? Réponse : tout a continué comme avant.

Les USA ont immédiatement envahi Panama, tuant probablement des limiers de personnes et installant un régime de potiches. C’est une pratique de routine dans les territoires dominés par les USA- mais dans ce cas précis pas complétement la routine. Pour la première fois, un choix majeur de politique étrangère ne se justifiait pas par la prétendue menace russe.

A sa place, une série de prétextes frauduleux furent concoctés pour l’invasion qui cèdent immédiatement à l’examen. Les médias ont carillonné avec enthousiasme, louant la merveilleuse réussite qu’était la défaite de Panama, peu inquiet du fait que les prétextes étaient absurdes, que l’acte lui-même était une violation radicale des lois internationales et qu’elle était amèrement condamnée ailleurs, le plus sévèrement surtout en Amérique du Sud. Comme fut ignoré le veto des USA sur une résolution du Conseil de Sécurité  condamnant les crimes commis par les troupes américaines pendant l’invasion, voté à l’unanimité, avec comme seule abstention la Grand Bretagne.

Tout ça de la routine ? Et tout ça oublié ( ce qui fait aussi partie de la routine)

 Du Salvador à la frontière russe.

L’administration de George H. Bush élabora une nouvelle politique de sécurité nationale et un budget de la défense en réaction à la chute de l’ennemi global. Il s’agissait à peu près du même que précédemment bien qu’avec de nouveaux prétextes. Il apparut donc nécessaire de maintenir un appareil militaire presque aussi important que celui du reste du monde regroupé et beaucoup plus avancé sur le plan de la sophistication technologique- mais plus pour le défense contre une menace non existante de l’Union Soviétique. Maintenant, plutôt, l’excuse se porta sur l’escalade de la «  sophistication technologique » des pays du Tiers Monde. Les intellectuels disciplinés comprirent qu’il aurait été de mauvais goût de basculer dans le ridicule, aussi maintinrent-ils un silence adéquat.

Les USA, insistaient les nouveaux programmes, devaient maintenir la « base d’une défense industrielle ». La phrase est un euphémisme, se référant généralement à l’industrie high-tech qui repose lourdement sur ses interventions importantes de l’état pour la recherche et le développement, souvent sous la couverture du Pentagone, dans ce que les économistes continuent de nommer l’ « économie du libre-échange » américaine.

Un des plus intéressants approvisionnements du nouveau plan concernait le Moyen Orient. Là, déclara-t-on, Washington devait maintenir des forces d’interventions dans cette région cruciale où les problèmes majeurs n’ « auraient pas pu être déposés à la porte du Kremlin ». Contrairement à cinquante années de tromperie, il était calmement concédé que le souci principal n’était pas les Russes mais plutôt ce qui fût nommé le «  nationalisme radical », c’est-à-dire le nationalisme indépendant n’étant pas sous le contrôle des US.

Tout ceci avait des incidences évidentes sur la version standard mais est passé inaperçu- ou peut-être est passé inaperçu pour cette même raison.

D’autres évènements importants se sont produits juste après la chute du mur du mur de Berlin, achevant la guerre froide. Une d’entre elles fut le Salvador, le principal destinataire de l’aide militaire des USA – Israël et l’Egypte mis à part, catégorie séparée. Et avec l’un des pires records de violations des droits de l’homme jamais vu. Il y a là une et familière très proche corrélation.

Le Haut commandement du Salvador ordonna à la brigade Atlacat d’envahir l’Université des Jésuites et d’assassiner six leaders parmi les intellectuels d’Amérique du Sud, tous les Jésuites, y compris le recteur Frère Ignacio Ellacuria ainsi que tous les témoins, c’est-à-dire, le personnel domestique et leur fille. La Brigade venait juste de revenir d’un entrainement anti insurrectionnel poussé au Centre et à l’Ecole Militaire Spéciale de l’armée US John F. Kennedy de Fort Bragg, en Caroline du Nord et avait déjà laissé derrière elle la trace sanglante de milliers de victimes habituelles dans le cadre de la campagne de terreur menée par les US au Salvador, une partie d’un programme plus étendu de  terreur et de torture sur toute la région.  Tout ça, juste la routine ? Ignorée et virtuellement oubliée  par les USA et leurs alliés, ceci aussi routine. Mais qui nous en dit long sur les facteurs qui mènent les choix politiques, si nous prenons la peine de regarder le monde réel.

Un autre évènement important se produisit en Europe. Le Président de L’URSS Mikhail Gorbatchev accepta l’unification de l’Allemagne et son adhésion à l’OTAN, une alliance militaire hostile. A la lumière de l’histoire récente était une concession surprenante. Mais il y eu un quiproquo. Le Président Bush et le Secrétaire d’Etat James Baker agréèrent que l’l’OTAN ne s’étendrait pas «  d’un pouce vers l’Est », ce qui signifiait en Allemagne de l’Est. Immédiatement, ils étendirent l’OTAN en Allemagne de l’Est.

Gorbachev se sentit évidemment outragé, mais comme il se plaignit on lui fit savoir de Washington que ça n’avait été qu’une promesse verbale, un accord informel, donc sans réelle valeur. Si il avait été assez naïf pour faire confiance à la parole des leaders américains, c’était son problème.

Tout ceci également, routine, routine, tout comme l’accord tacite et l’approbation de l’expansion de l’OTAN dans les US et dans l’Ouest en général. Le Président Bill Clinton étendit donc l’OTAN un peu plus loin, jusqu’aux frontière de la Russie. A l’heure actuelle, le monde fait face à une crise sérieuse qui n’est pas sans lien avec le résultat de ces politiques.

L’intérêt de piller les pauvres.

Une autre source de preuves sont les documents historiques rendus publiques. Ils contiennent des comptes rendus révélateurs sur les motifs qui guident la politique d’état. L’histoire est riche et complexe, mais quelques thèmes jouent un rôle dominant. Un d’eux a été clairement présenté lors d’un conférence de l’hémisphère occidental organisée par les US à Mexico en Février 1945 où Washington  imposa «  Une charte économique des Amériques » destinée à éliminer le nationalisme économique «  sous toutes ses formes ». Il y avait une condition non évoquée. Le nationalisme économique serait tout à fait convenable pour les USA dont l’économie s’appuie considérablement sur les aides de l’état.

L’élimination du nationalisme économique pour les autres se situait dans une stricte opposition avec les positions de l’Amérique Latine de l’époque que les membres du Département d’Etat décrivirent comme «  la philosophie du Nouveau Nationalisme [qui] comprend des politiques tendant à produire une distribution des richesses plus large et à élever les standards de vie des masses ». Et comme ajoutent les analystes US «  Les Américains du Sud sont convaincus que les premiers bénéficiaires du développement des ressources de leur pays devraient être les peuples de ces mêmes pays. »

Ceci, bien sûr n’est pas pensable. Washington comprends que les «  premiers bénéficiaires » devraient être les investisseurs américains, pendant que l’Amérique Latine remplit ses fonctions de service. Elle ne devrait pas, comme l’ont clairement précisé les administrations Truman et Eisenhower, subir « un développement industriel excessif » qui risquerait d’empiéter sur les intérêts américains.. Le Brésil pourrait donc produire de l’acier de basse qualité dont  les corporations américaines ne se soucient pas, mais cela deviendrait «  excessif » s’il en venait à rentrer en compétition avec les firmes américaines.

Des préoccupations identiques ont résonné tout au long de la période de l’après-guerre. Le système global supposé être dominé par les USA était menacé par ce que les documents nomment «  les régimes radicaux et nationalistes » répondant à la pression populaire en vue d’un développement indépendant. C’est cette préoccupation qui a motivé le renversement des parlements iraniens et guatémaliens en 1953 et 1954, ainsi que de nombreux autres. Dans le cas de l’Iran, le souci principal était l’impact potentiel de l’indépendance iranienne sur l’Egypte, alors en train de se débattre avec les pratiques coloniales britanniques. Au Guatemala, mis à part le crime commis par cette jeune démocratie en donnant du pouvoir à la majorité paysanne et en débordant sur les possessions de l’United Fruit Company » – déjà bien assez offensive- les inquiétudes de Washington portaient sur l’agitation ouvrière et la mobilisation populaire dans le voisinage des régimes dictatoriaux soutenus par les USA.

Dans les deux cas, les conséquences se font sentir au présent. Littéralement, pas un jour ne s’est écoulé depuis 1953 où les USA n’aient pas torturé le peuple iranien. Le Guatemala demeure une des pires chambres de l’horreur au monde. Jusqu’à maintenant, les Mayas cherchent à fuir les effets des campagnes militaires gouvernementales, proches du génocide dans les régions montagneuses, qui ont été soutenues par les Président Reagan et ses représentants officiels. Comme l’a rapporté récemment  le Directeur d’Oxfam, un médecin guatémaltèque : «  Il y a une détérioration dramatique du contexte politique, social et économique. Les attaques contre les défenseurs des Droits de l’Homme ont augmenté de 300% durant l’année dernière. Il y a des preuves très claires de l’existence d’une stratégie organisée par le secteur privé et par l’armée. Les deux ont mis main basse sur le gouvernement de façon à maintenir le statu quo  et d’imposer le modèle économique d’extraction, repoussant systématiquement les populations indigènes hors de leurs terres à cause de l’industrie des mines, de la culture des palmes et des plantations de canne à sucre. En plus, les mouvements sociaux pour la défense de leurs terres ont été criminalisés, beaucoup de leaders sont en prison et beaucoup d’autres ont été tués. »

Rien de ceci n’est connu aux USA et les causes les plus évidentes restent cachées.

Dans les années 1950, le Président Eisenhower et le Secrétaire d’Etat John Foster Dulles expliquèrent tout à fait clairement le dilemme auquel les Etats-Unis devaient faire face. Ils se plaignirent de l’avantage injuste qu’avaient les Communistes. Ils étaient capables d’ « attirer directement les masses » et de « prendre le contrôle des mouvements populaires, ce que nous n’avons pas la possibilité de reproduire, les pauvres sont ceux qu’ils attirent et ils ont toujours voulu piller les riches ».

Ceci pose des problèmes. Les US trouvent quelque peu difficile d’attirer les pauvres avec une doctrine où les riches sont supposés les piller.

 L’exemple cubain.

Une illustration Claire du modèle d’ensemble a été Cuba quand elle a finalement gagné son indépendance en 1959. En l’espace d’à peine quelques mois, les attaques militaires contre l’île commencèrent.  Peu de temps après, l’administration Eisenhower pris la décision secrète de renverser le gouvernement. Puis John F. Kennedy fut élu président. Il avait l’intention de consacrer plus d’attention à l’Amérique Latine et donc, en prenant ses fonctions, il créa un groupe d’étude pour le développement politique, dirigé par l’historien Arthur Schlesinger, qui établit un rapport pour le nouveau président.

Comme l’expliqua Schlesinger, la menace d’un Cuba indépendant était   «  l’idée de Castro de prendre en main ses propres affaires ». C’était  une idée  qui devait malheureusement être attrayante pour la majeure partie de la population sud-américaine  « où la distribution de la terre  et des autres formes de richesses nationales favorisait grandement les classes nanties,  et où les pauvres et les défavorisés, stimulés par l’exemple e la révolution cubaine, allaient maintenant exiger les moyens d’une vie décente » À  nouveau, le  traditionnel dilemme washingtonien.

Comme l’explique la CIA,  l’influence grandissante du Castroisme n’est pas une fonction du pouvoir cubain, l’ombre de Castro est menaçante parce que les conditions sociales et économiques à travers l’Amérique Latine invite à l’opposition à l’autorité et encourage l’agitation vers un changement radical » pour lequel Cuba peut offrir un modèle. Kennedy craignait que l’aide russe puisse faire de Cuba une vitrine du développement, offrant aux Soviets l’avantage à travers toute l’Amérique Latine.

Le Conseil du Département d’Etat pour la planification politique ‘The State Department Policy Planning Council » averti que «  le premier danger que nous affrontons avec Castro est… l’impact que l’existence même de son régime a sur les mouvements de gauche de beaucoup de pays d’Amérique Latine… le simple fait que Castro représente une provocation contre les USA couronnée de succès, une négation de toute notre politique dans l’hémisphère depuis presque un siècle et demi » c’est-à-dire depuis la doctrine de Monroe en 1824, quand les US ont déclaré leur intention de dominer tout l’hémisphère.

L’objectif immédiat à cette époque était de conquérir Cuba mais c’était impossible à cause du pouvoir de l’ennemi britannique. Cependant, le grand stratège John Quincy Adams, le père spirituel de la doctrine de Monroe et du Manifeste de la Destinée, informa ses collègues qu’avec le temps Cuba tomberait entre nos mains à cause  des «  lois de la gravitation politique » comme une pomme tombe d’un arbre. En bref, le pouvoir des US s’accroitrait et celui de l’Angleterre déclinerait.

En 1898, le pronostic d’Adams se réalisa. Les USA envahirent Cuba au nom de sa libération. En fait, cela empêchait la libération de l’île  par l’Espagne et la transformait en «  colonie virtuelle » pour citer les historiens Ernest May et Philip Zelikow. Cuba est resté dans cet état jusqu’en Janvier 1959, quand elle a gagné son indépendance. Depuis cette époque, elle a été sujette à de nombreuses guerres terroristes américaines, principalement pendant les années Kennedy et victime d’un étranglement économique. Pas à cause de Russes.

Le prétexte d’un bout à l’autre était que nous nous protégions contre la menace soviétique. Une explication absurde mais qui est généralement restée sans controverse. Un simple test sur cette thèse est ce qui est advenu quand toute menace soviétique a disparu. La politique des US envers Cuba est devenue encore plus dure, menée par les Démocrates libéraux, y compris par Bill Clinton, qui déborda par la droite les manœuvres de Bush lors des élections de 1992. Face à tout cela, ces évènements auraient dus considérablement peser sur la validité da cadre doctrinal des discussions sur la politique étrangère et sur les facteurs qui la guident. Une fois encore cependant, l’impact fut dérisoire.

Le virus du Nationalisme

Pour emprunter la terminologie de Henri Kissinger, le nationalisme indépendant est un “ virus” qui peut étendre sa contamination”. Kissinger faisait référence au Chili de Salvador Allende. Le virus était une idée qu’il puisse  y avoir une voie parlementaire vers une sorte de démocratie socialiste. La façon de traiter une telle menace était de détruire le virus et d’inoculer ceux qui pourraient être infectés, habituellement en leur imposant des états à la sécurité nationale meurtrière. Ceci a été accompli dans le cas du Chili mais il est important de savoir que cette stratégie touche le monde entier.

C’est par exemple, le raisonnement derrière la décision de s’opposer au nationalisme vietnamien dans le début des années 50 et de supporter l’effort français pour reconquérir son ancienne colonie. On craignait que la nationalisme indépendant vietnamien ne devienne un virus  qui puisse s’étendre dans les régions avoisinantes, y compris l’Indonésie, si riche en ressources naturelles. Ceci aurait même pu mener le Japon, – appelé le « Superdomino » par le spécialiste de l’Asie John Dower- à devenir le centre commercial et industriel d’un nouvel ordre dans le genre de celui que le Japon impérial s’était battu récemment pour imposer. Ceci aurait en retour, signifié que les USA avaient perdu la guerre du Pacifique, ce qui n’était pas une option envisageable dans les années 50. Le remède était clair- et largement appliqué. Le Vietnam fut virtuellement détruit et repris en main par une dictature qui empêcha le virus de se propager.

Rétrospectivement, le Conseiller de la Sécurité Nationale sous Kennedy. Johnson Mc Georges Bundy, suggéra que Washington aurait dû cesser la guerre du Viet Nam en 1965, quand la dictature de Suharto était installée en Indonésie, au prix de massacres immenses que la CIA compara aux crimes d’Hitler, de Staline et de Mao. Mais qui furent, cependant acclamés avec une euphorie sans limite par les US et par l’Ouest en général, parce que le «  bain de sang incroyable » comme la presse le décrivit gaillardement, mettait un point final à toutes les craintes de propagation et ouvrait les riches ressources de l’Indonésie à l’exploitation occidentale.

La même chose se produisit en Amérique Latine la même année. Un virus après l’autre furent vicieusement attaqués et ou bien détruits ou bien affaiblis jusqu’à être réduits à la survie. A partir du début des années 60 une vague de répression fut imposée sur le continent qui n’avait aucun précédent dans la violente histoire de l’hémisphère., s’étendant jusqu’en Amérique Centrale dans les années 1980, sous Ronald Reagan, un sujet sur lequel il n’est pas nécessaire de revenir.

La même chose à peu près se produisit dans le Moyen Orient. La relation unique des USA avec Israël fut établie sous la forme qu’on lui connait en 1967, quand Israël donna un coup  violent à l’Egypte, le centre du nationalisme arabe séculier. En faisant cela, il protégeait l’allié des USA l’Arabie Saoudite, alors engagée dans un conflit militaire contre l’Egypte et le Yémen. L’Arabie Saoudite, bien sûr, est l’état fondamentaliste le plus radical et également un état missionnaire, dépensant des sommes énormes pour la propagation de ses doctrines Whahabi-Salafistes au-delà de ses frontières. IL est important de se souvenir que les USA, comme l’Angleterre auparavant, ont tendu à supporter l’Islam fondamentaliste en opposition au nationalisme séculier, qui a toujours été perçu comme vecteur de plus de menaces d’indépendance et de contagion.

 La valeur du secret

Il y aurait beaucoup à ajouter mais les données officielles démontrent très clairement que la doctrine standard a peu de mérite. La sécurité dans son acceptation générale n’est pas un facteur essential dans la genèse du politique.

Reprenons :, dans son acceptation générale. Mais en évaluant la doctrine standard,nous devons nous demander ce qui est sous-entendu par “ sécurité” : la sécurité contre qui ?

Une réponse est la suivante : sécurité pour le pouvoir d’état. Il y a de nombreuses illustrations. Il y a l’illustration actuelle. En Mai les USA ont donné leur accord pour supporter une résolution de la Cour Pénale Internationale  pour mener une investigation sur les crimes de guerre en Syrie mais à une condition : qu’il n’y ait pas d’enquête possible sur les crimes de guerre israéliens. Ou par Washington, bien qu’il ne soit pas utile d’ajouter cette dernière condition. Seules les USA sont auto-immunes contre le système légal international. En fait il existe même une législation du Congrès autorisant les Président à utiliser la force armée pour «  sauver » tout American qui devrait passer devant le tribunal de La Hague pour être jugé. Le «  Netherlands Invasion Act », comme il est nommé parfois en Europe. Ceci illustre une nouvelle fois comme il est important de protéger la sécurité du pouvoir d’état.

Donc, protéger contre qui ? Il y a, en fait, un cas essentiel à préciser, celui du souci du gouvernement pour la protection du pouvoir d’état contre sa propre population. Comme tous ceux qui ont passé du temps à consulter les archives devraient le savoir, le secret gouvernemental est rarement motivé par un souci de sécurité mais il sert complètement à maintenir la population dans le noir. Et pour de bonnes raisons, qui furent lucidement expliquées par l’éminent spécialiste et conseiller gouvernemental Samuel Huntington, le Professeur de Sciences du Gouvernement à Harvard. Selon ses propres mots : «  Les architectes du pouvoir aux USA doivent créer une force qui doit être sentie mais invisible. Le Pouvoir reste fort quand il reste dans l’obscurité, exposé à la lumière il commence à s’évaporer »

Il écrivit ça en 1981, quand la Guerre Froide se réchauffait à nouveau et il expliqua plus loin que « vous pouvez avoir à vendre [ l’intervention ou toute autre action militaire] de façon à créer la fausse impression que c’est l’Union Soviétique que vous combattez. C’est ce qu’on fait les USA depuis la doctrine de Truman »

Ces vérités simples sont rarement reconnues mais elles apportent des éclairages sur le pouvoir d’état et sa politique qui ont des réverbérations sur le moment présent.

Le pouvoir d’état doit être protégé contre ses ennemis intérieurs, dans un contraste flagrant, la population n’est pas protégée contre le pouvoir d’état. Une illustration actuelle frappante est l’attaque radicale de la Constitution par la mise en place du programme de surveillance massive de l’administration Obama. Programme justifié bien sûr par la «  sécurité nationale ». Il s’agit de routine pour pratiquement toutes les actions de tous les états et apporte donc peu d’informations.

Quand le programme de surveillance de la NSA fut exposé par les révélations d’Edward Snowden, des officiels haut placés  affirmèrent qu’il avait permis de prévenir 54 actions terroristes. Après enquête, le chiffre a été ramené à une dizaine. Des représentants haut placés du gouvernement découvrir ensuite qu’il n’y avait en fait qu’un seul cas, quelqu’un avait envoyé 8500 dollars en Somalie. C’était donc le niveau de rendement de cet énorme assaut à la constitution américaine et, bien sûr, aux autres à travers le monde.

L’attitude de la Grande Bretagne est intéressante. En 2007, le gouvernement britannique fit appel à l’agence d’espionnage colossal pour «  analyser et retenir les numéros de téléphone mobile et les fax  de tout citoyen britannique, emails et adresse IP prit dans ses coups de filets. » rapporte The Guardian. C’est une indication utile de l’importance relative, aux yeux du gouvernement, du respect de la vie privée de ses citoyens et des exigences de Washington.

Une autre source d’inquiétude est la sécurité du pouvoir privé. Une des illustrations sont les accords gigantesques actuellement négociés, les Accords Trans-Pacifiques et Trans-Atlantiques. Ceux-ci sont négociés en secret – mais pas complètement en secret. Il n’y a pas de secret pour les centaines d’avocats des corporations qui dessinent les prévisions à venir. Il n’est pas difficile de deviner ce que le résultat sera et les quelques renseignement à leur propos suggèrent que les attentes sont précises.

En fait il ne s’agit pas même de négociations commerciales mais d’accords sur les droits des investisseurs.  A nouveau, le secret est extrêmement important pour protéger la première force politique impliquée, le secteur privé.

 Le dernier siècle de la civilisation humaine ?

Il y a d’autres exemples, trop nombreux pour être cites, des faits parfaitement établis et qui pourraient être transmis dans les écoles élémentaires dans des sociétés libres.

Il y a, autrement dit, des preuves que sécuriser le pouvoir d’état contre la population civile et sécuriser la concentration du pouvoir privé sont les forces motrices des formations politiques. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait aussi. Il existe des cas intéressants, dont certains tout à fait banals, de ces conflits d’intérêt mais nous pouvons considérer ceci comme une première approximation radicalement opposée à la doctrine standard généralement admise.

Penchons-nous sur une autre question : qu’en est-il de la sécurité de la population ? Il est facile de démontrer que c’est une préoccupation secondaire pour les planificateurs politiques.

Prenons deux exemples contemporains prééminents : le changement climatique et les armes nucléaires. Comme toute personne à peu près cultivée peut le savoir sans le moindre doute, il y a dans les deux une menace désastreuse pour la sécurité de la population. En nous tournant vers la politique d’état, nous trouvons qu’elle est investie dans l’accélération de ces deux menaces- dans l’intérêt de ses premières préoccupations, la protection du pouvoir d’état et de la concentration du pouvoir privé qui détermine largement les décisions politiques.

Considérons le changement climatique. Il y a maintenant beaucoup d’exubérance aux Etats Unis sur les «  100 ans d’indépendance énergétique » depuis que nous devenons «  L’Arabie Saoudite du siècle prochain » Peut-être le siècle ultime de l’espèce humaine si la politique actuelle persiste.

Ceci illustre très clairement la nature des soucis pour la sécurité, certainement pas celle de la population. Cela illustre également le calcul moral du capitalisme d’état anglo-américain. Le destin de nos petits-enfants ne compte pour rien comparé à l’impératif de la hausse des profits de demain.

Ces conclusions sont consolidées par un regard plus précis au système de propagande. Il existe aux USA une campagne de relations publiques gigantesque, organisée complètement ouvertement par les secteurs de l’énergie et le monde des affaires, afin d’essayer de convaincre le public que le réchauffement climatique est ou bien faux ou bien n’est pas le résultat des activités humaines. Et cela a eu un impact : le niveau d’inquiétude du public américain à propos du réchauffement climatique  plus bas que dans les autres pays et la stratification des résultats, au sein des Républicains, le parti le plus dédié aux intérêts des nantis et au pouvoir des corporations, le niveau de conscience est nettement plus bas que dans la norme globale.

Cette question est développée d’une façon intéressante dans le premier journal critique des médias

«  Le Columbia Journalism Review” , attribuant ce résultat à la doctrine médiatique “ justesse et équilibre” . Autrement dit, si un journal publie un article d’opinion reflétant les conclusions de 97% des scientifiques, il doit aussi produire le contre point en exprimant la perspective des magnas de l’énergie.

C’est bien sûr ce qui se produit, mais il n’existe certainement pas de doctrine  “ justesse et équilibre. Ainsi, si un journal produit une opinion dénonçant le Président Vladimir Poutine pour l’acte criminel commis en annexant la Crimée, il n’ certainement pas à exhiber un autre article disant que bien que l’acte soit criminel, le Russie a de bien plus forts arguments aujourd’hui qu’en avaient les USA il ya un siècle en annexant le sud-est de Cuba, y compris son port principal. Et en rejetant la demande cubaine depuis son indépendance de se le réapproprier.  Et la même chose est vraie pour de nombreux autres cas. L’actuelle doctrine médiatique de «  justesse  et d’équilibre »  lorsque les préoccupations du pouvoir privé concentré sont impliquées mais certainement pas dans les autres cas.

Sur la question de l’armement nucléaire, les données sont identiquement intéressantes- et effrayantes. Elles révèlent clairement que, depuis le tout début, la question de la sécurité des populations n’a jamais été un problème et le demeure. Il n’y a pas le temps dans ce cadre de préciser toutes les données choquantes mais il y a fort peu de doute qu’elles appuient fortement les plaintes du Général Lee Butler, le dernier commandant des forces aériennes stratégiques qui étaient équipées d’armes nucléaires. Selon ses mots nous avons survécu à l’ère nucléaire grâce à «  une combinaison de compétences, de chance  d’intervention divine et je suspecte cette dernière d’être celle qui a agi dans la plus forte proportion ». Et nous pouvons difficilement compter sur la prolongation de l’intervention divine lorsque les politiciens jouent à la roulette avec le destin de l’espèce en poursuivant les bases doctrinaires des décisions politiques.

Comme nous en sommes totalement prévenus, nous faisons face maintenant aux décisions les plus menaçantes de toute l’histoire de l’humanité. Il ya de multiples problèmes qui doivent être résolus mais deux d’entre eux sont accablants par leur portée er leur signification, la destruction de l’environnement et la guerre nucléaire. Pour la première fois dans notre histoire, nous sommes face à la possibilité de destruction d’une existence décente- et pas dans un futur éloigné. Pour cette seule raison, il est impératif de balayer les nuages de l’idéologie et de faire face honnêtement et d’une façon réaliste aux questions sur la façon dont les décisions politiques sont prises et sur ce que nous pouvons faire avant qu’il ne soit trop tard.

© 2014 Noam Chomsky

 

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

 

Pourquoi le mensonge est-il si acceptable lorsqu’il s’agit de promouvoir les accords commerciaux ? Dean Baker

 

 Il est toujours intéressant de lire les mêmes critiques sur ce marché de dupe qu’est le TTIP adressées de l’autre côté de l’Océan.  Il faut savoir que l’article du Washington Post cité par Baker évoque la montée du mouvement d’extrême droite en Europe suite aux élections et prône une vigilance accrue des USA chargés, encore, de veiller à la bonne marche du processus démocratique tout en appuyant sans aucune réserve l’accord du TTIP qui serait la solution miracle aux mouvements insalubres que connait l’Europe. Il est également bon de ne pas oublier que la crise qu’elle traverse vient d’une gestion absolument vandalisée des droits des grands trusts financiers, s’origine donc, une fois de plus, aux USA et que toutes les voix pouvant dénoncer  le scandale d’accords commerciaux là pour rendre les pouvoirs du néo-libéralisme barbare encore plus grands sont toujours les bienvenues. E.G

Why Is It So Acceptable to Lie to Promote Trade Deals?

 

by Dean Baker

Common DreamsTTIPLe marché transatlantique est avant tout l’imposition de nouvelles régulations sur les deux continents, dont quelques-unes pourront être des améliorations mais dont beaucoup ne seront qu’au service des intérêts des grandes compagnies qui participent à ces négociations.

 Il n’est pas de bon ton d’utiliser le mot  “m……e” , ici à Washington, mais il est difficile de ne pas être un peu plus que dégoûté par la fréquence avec laquelle les pactes commerciaux sont vendus comme les gros moteurs de la création d’emploi et de la croissance économique, quand il est absolument clair qu’ils ne le seront pas. Le dernier coupable dans ce domaine est  Bruce Ackerman, un Professeur de droit de l’université de Yale.

Dans un article  du Washington Post Ackerman en appelle au Président Obama pour pousser l’accord du Traité TTIP ( Transatlantic Trade and Investement Parnership) qu’il décrit comme ” l’ouverture d’un chemin pour la création d’emploi pour les travailleurs sur les deux continents ” Vraiment, quelle preuve le Professeur Ackerman donne-t-il de ses assertions ?

Les projections les plus largement citées  en ce qui concerne l’impact du TTIP sur la croissance proviennent du Center for Economic Policy Research de Londres ( pas de connexion avec mon propre CEPR)  qui montre que le pacte pourrait mener à une augmentation du PIB de 0, 4 % aux USA quand ses effets se seront pleinement sentir en 2027, et de 0,5% pour l’Union Européenne.  L’analyse dit explicitement que cela ne mènera pas à plus d’emplois puisque les modèles sont des modèles du plein emploi. Cela peut conduire à des salaires quelque peu plus élevés  mais ce n’est pas une façon de donner des emplois à ceux qui en sont privés. D’autant plus que la discussion note que lors de l’ajustement des économies à la transition, certains emplois pourront être supprimés.

Sous-entendre qu’un marché qui permet une croissance du PIB de 0,4 à 0, 5 %  en 13 ans signifie « une opportunité de création d’emplois pour les travailleurs sur les deux continents «  est tout simplement malhonnête. La légère augmentation de la croissance annuelle est de l’ordre de 0, 03 %. Bonne chance pour trouver ce renseignement dans les données.

D’autant qu’il y a des raisons de craindre que les effets de la croissance ne se produisent dans la direction opposée. Le modèle utilisé par le CEPR de Londres  ne prend pas en compte les impacts négatifs sur la croissance comme la hausse des prix des médicaments et d’autres marchandises qui pourront être rendus plus onéreux à cause de l’augmentation des patentes et de la protection des droits d’auteur découlant du traité.

Ce sera probablement un frein à la croissance. Les économistes tendent à apprécier les patentes et les droits d’auteur (probablement parce que leurs amis et leur famille en profitent) mais cela ne change pas le fait qu’ils mènent à des distorsions du marché et ont un coût économique majeur. Si le prix des médicaments augmente de 1000% parce que nous imposons des protections aux patentes plus fortes et plus longues, cela a le même effet sur le marché que si nous imposons une augmentation de tarif de 1000% sur les médicaments eux-mêmes.

Le marché est stupide, il ne réalise pas que l’augmentation des prix est provoquée par une politique supportée par les économistes contrairement à une autre politique à laquelle ils s’opposent. Il répond de la même façon dans les deux cas.   Alors que comme résultat de la transaction, nous  ne savons pas de quel montant va être l’augmentation des patentes et des protections qui leur sont liées,  mais il ne fait aucun doute qu’elles vont augmenter et que cela ralentira la croissance d’une façon qui n’est pas prise en compte dans l’analyse du CEPR.  (Oui, des prix plus élevés stimulent l’innovation.  Si vous trouvez des preuves que ça finira  par apporter un véritable progrès à l’économie, vous obtenez un prix Nobel et des quantités énormes de fric par l’industrie pharmaceutique)

Réduire les barrières commerciales peur mener à une amélioration de la croissance économique et à des gains pour les travailleurs et les consommateurs, cependant les barrières entre les USA et l’Europe sont déjà très faibles dans presque tous les cas. Ceci signifie que les gains potentiels à venir sont très limités. Ce marché consiste tout d’abord à imposer de nouvelles règles sur les deux continents, dont certaines seront des améliorations mais dont la plupart seront destinées à servir les intérêts des corporations qui sont impliquées dans les négociations. Ils espèrent accomplir à travers cet accord sur le  «  marché »  ce qui peut ne pas être possible à travers un véritable processus démocratique. Et ils n’hésiteront pas à vendre la saloperie qui s’effectue en coulisse comme créatrice d’emplois.

© 2014 Center for Economic & Policy Research

Dean Baker is the co-director of the Center for Economic and Policy Research (CEPR). He is the author of The Conservative Nanny State: How the Wealthy Use the Government to Stay Rich and Get Richer and the more recently published Plunder and Blunder: The Rise and Fall of The Bubble Economy. He also has a blog, “Beat the Press,” where he discusses the media’s coverage of economic issues.

 

L’impasse de la croissance exige un nouveau système économique. Georges Monbiot

Il en va peut-être de toute situation extrême, elle est rendue telle par l’incapacité collective à la formaliser. Des mesures sont prises pour colmater les fuites, des chansons chantées pour donner le moral aux passagers mais le bateau coule et c’est une évidence. Le problème est qu’il ne fallait pas monter dans ce bateau et que entre le cocktail organisé sur le pont et les manœuvres réglées par le capitaine et son équipage, on finit par l’oublier. Le modèle de notre croissance est de quelque façon qu’on le prenne injouable. Et c’est ce modèle-même qui peine tant à se laisser bousculer par ceux qui en paieront le prix tôt ou tard. Il y a certainement une forme de ” tant que ça dure” qui borne l’horizon du fait ostensible que non, justement, ça ne durera pas. Les exemples de demande de forages dans des parcs nationaux en Équateur et au Niger en sont comme les pointes à la fois douloureuses et aberrantes,  c’est un système qui engloutit tout en agitant un drapeau minuscule où est  écrit ” après nous le déluge” . E.Guerrier

Pourquoi l’effondrement est-il difficile à distinguer du salut ?

Article Common Dreams The Impossibility of Growth Demands a New Economic System

par George Monbiot

 

Imaginons qu’en 3030 avant JC, les possessions des habitants de l’Égypte aient empli un mètre cube. Proposons pour ces possessions une croissance de 4, 5% par an. De quelle taille aurait été le stock en 30 avant JC, lors de la bataille d’Actium ? C’est un calcul qui a été effectué par le banquier d’affaires Jeremy Grantham (1).

Growth

La trajectoire de la croissance cumulée montre que le décapage de la planète ne vient que de commencer. Nous ne pouvons simplement pas continuer de cette façon-là.

Allez, essayez de deviner : dix fois la taille des pyramides ? Tout le sable du Sahara ? L’océan Atlantique ? Le volume de la planète ? Un peu plus ? Non, c’est l’équivalent de 2, 5 milliards de milliards de système solaires. (2). C’est assez rapide, en réfléchissant à ce résultat, de voir que le salut réside dans l’effondrement.
Réussir c’est nous détruire. Échouer c’est nous détruire. C’est le pétrin que nous avons créé. Ignorez si le changement climatique si vous le devez, la disparition de la biodiversité, l’épuisement de l’eau, du sol, des minéraux, du pétrole, même si tous ces problèmes disparaissaient miraculeusement, les mathématiques de la croissance soutenue rendraient la continuation impossible.
La croissance économique est un artéfact de l’usage des énergies fossiles. Avant que tant de quantités de charbon aient été extraites, tout essor de la production industrielle allait de pair avec un recul de la production agricole, car le charbon de bois ou les chevaux vapeur exigés par l’industrie réduisaient la terre disponible pour cultiver des denrées alimentaires. Chacune des révolutions industrielles antérieures a échoué parce que la croissance ne pouvait pas être maintenue (3). Mais le charbon a cassé ce cycle et a rendu possible – pour quelques centaines d’années – le phénomène appelé «croissance soutenue ».
Cela n’a été ni le capitalisme ni le communisme qui ont rendu possible le progrès et les pathologies (guerre totale, concentration sans précédent des richesses mondiales, destruction de la planète) de l’âge moderne. Ça a été le charbon, suivi par le pétrole et le gaz. La méta-tendance, le récit souche est l’expansion due au carbone. Nos idéologies sont de simples intrigues secondaires. Maintenant, comme les réserves les plus accessibles ont été épuisées, nous devons saccager tous les coins cachés de la planète pour approvisionner notre impossible axiome.

Vendredi, quelques jours après que les scientifiques aient annoncé que la fonte de la banquise de l’Arctique était maintenant inévitable (4), le gouvernement de l’Équateur a décidé que le forage pétrolier pourrait continuer au cœur du parc national de Yanusi (5). Il a fait une offre aux autres gouvernements : s’ils donnaient au gouvernement la moitié de la valeur du pétrole de ce parc, ils le laisseraient dans le sol. Vous pouvez considérer ça comme du chantage ou comme un échange équitable, L’Équateur est un pays pauvre et ses gisements de pétrole sont riches, pourquoi, a argumenté le gouvernement, devrait-il les laisser intouchés sans compensation quand tout le monde est en train de forer jusqu’au cercle intérieur de l’enfer ?
Il a demandé 3, 6 milliards de dollars et en a reçu 13 millions. Le résultat est que Petroamazonas, une compagnie qui a à son actif un record remarquable de destruction et de fuites (6) ne pénétrera pas dans un des lieux de la planète qui offre une des plus grandes biodiversités, dans lequel un hectare de forêt tropicale contient plus d’espèces que toutes celles qui existent sur le continent nord-américain.(7)
La compagnie anglaise Soco, espère maintenant s’introduire dans le plus ancien parc naturel d’Afrique, Virunga, dans la République Démocratique du Congo (8), un des derniers bastions du gorille des montagnes et de l’okapi, des chimpanzés et de l’éléphant des forêts. En Angleterre, où une réserve de 4, 4 milliards de barils vient d’être identifiée dans le sud-est(9), le gouvernement fantasme sur la transformation de banlieues boisées en delta du Niger. A cette fin, il est en train de changer les lois de violation de propriétés afin d’autoriser les forages sans accord préalable et offre des pots de vin grandioses aux habitants locaux ( 10.11). Ces nouvelles réserves ne changeront rien. Elles ne calment pas notre faim de ressources, elles l’exacerbent.
La trajectoire de la croissance montre que le pillage de la planète ne fait que commencer. Comme le volume de l’économie globale s’étend, tous les lieux qui contiennent quelque chose de concentré, d’inhabituel, de précieux sera recherché et exploité, ces ressources traitées et dispersées, les merveilles diverses et multiples du monde réduites à la même cendre grise.

Certains essayent de résoudre cette équation impossible avec le mythe de la dématérialisation : l’affirmation que si les processus deviennent plus efficaces et les gadgets sont miniaturisés, nous utilisons, en les agrégeant, moins de matériaux. Il n’y aucun signe que ceci se produise. La production de minerai d’acier a augmenté de 180% en dix ans (12). Les associations professionnelles de l’industrie forestière nous disent : « La consommation globale de papier est à son niveau record et cela va continuer d’augmenter “ (13) Si à l‘aire du digital nous sommes incapables de réduire notre consommation de papier, quoi dire des autres produits de consommation ? »
Regardez la vie des super-riches, qui ont donné le pas de la consommation globale. Est-ce que leurs yachts deviennent plus petits ? Leurs maisons ? Leurs œuvres d’art ? Leur recherche de bois rare, de poissons rares, de pierres rares ? Ceux qui en ont les moyens achètent des maisons toujours plus vastes pour stocker leurs quantités d’objets alors qu’ils ne vivront jamais assez longtemps pour les utiliser. Par cette accumulation à peine visible, toujours plus de surface de la planète est utilisée pour extraire, fabriquer et stocker les choses dont nous n’avons pas besoin. Ce n’est peut-être pas un hasard si les fantasmes de colonisation de l’espace – qui nous disent qu’on peut exporter nos problèmes au lieu de les résoudre- refont surface. (14)
Comme le signale le philosophe Michael Rowan, l’inévitabilité de la croissance cumulée signifie que si nous atteignons le taux de croissance prévu en 2014 ( 3, 1%), même si nous réduisons par miracle la consommation de matières premières de 90%, nous repoussons l’incontournable de seulement 75 ans (15).  L’efficacité ne résout rien tant que la croissance continue.
L’échec inévitable d’une société basée sur la croissance et la destruction des systèmes vivants planétaires sont les faits accablants de nos existences. Le résultat est qu’ils ne sont jamais évoqués. Ils sont les plus grands tabous du 21 ième siècle, les sujets qui nous mettront à dos nos amis ou nos voisins. Nous vivons comme si nous étions enfermés dans le supplément du Dimanche, obsédés par la renommée, la mode et les trois tristes éléments de base de la conversation de la classe moyenne, les recettes, les rénovations, les hôtels. Tout sauf le sujet qui demanderait notre attention.
Les constats sacrément évidents, les résultats mathématiques élémentaires, sont traités comme des distractions exotiques ou impardonnables qui ne valent pas même la peine d’être mentionnées.
C’est à ça qu’on peut mesurer la gravité du problème, à notre incapacité d’en discuter.

 

Traduction : Elisabeth Guerrier

http://www.monbiot.com
References:
1. http://www.theoildrum.com/node/7853 http://www.theoildrum.com/node/7853
2. Grantham exprime ce volume par 1057 mètres cubes. Dans son article ” Nous devons parler de la croissance ” Michael Rowan a traduit ceci en 2, 5 milliards de milliards de systèmes solaires  / Cette source donne un volume du système solaire, si il est traité comme une sphère de  39,629,013,196,241.7 kilomètres cubes, ce qui revient à peu près à 40 x 1021 mètres cubes. Multiplié par 2.5 milliards de milliards, ceci donne  1041 mètres cubes. Donc, à moins que je ne me sois trompé sur le volume du système solaire ou ne me sois mélangé les pédales sur les unités, ce qui est tout à fait possible, la traduction de  Michael Rowan semble sous-estimée. Je vais rester avec cette image pourtant, car je n’ai pas confiance dans la mienne. Toute amélioration, commentaire ou correction pourra se faire à travers la page de contact et sera la bien venue.
3. EA Wrigley, 2010. Energy and the English Industrial Revolution. Cambridge University Press.
4..
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6.
7.
8.
9.
10.
11.
12. Philippe Sibaud, 2012. Opening Pandora’s Box: The New Wave of Land Grabbing by the Extractive Industries and the Devastating Impact on Earth. The Gaia Foundation.

Biosurveillance : le Gouvernement va traquer votre santé pour des questions de sécurité nationale.

Le rapport est consternant. Il est surtout le témoignage du fonctionnement absurde d’un système qui est incapable de réglementer son étiquetage des denrées alimentaires, de donner accès à un contrôle des conditions d’élevage et d’abattage des animaux, de veiller à l’innocuité de leur alimentation ni à la composition de la plupart de ses produits conditionnés mais qui envisage de faire payer les effets dévastateurs de sa politique agro-alimentaire par le consommateur au nom de la sécurité nationale et d’utiliser ce cumul de données à des fins de prévention quand elles sont avant tout le point ultime de la surveillance du nouveau totalitarisme.

 Biosurveillance : le Gouvernement  va traquer votre santé pour des questions de sécurité nationale.

 

Par  Darlene Storm

May 21, 2014 11:42 AM EDT

Un très important plan de biosurveillance qui fait des données sur votre santé une affaire de “ sécurité nationale” s’est montré sur mon radar aujourd’hui. Il ouvre l’accès à un contrôle en temps réel du gouvernement sur votre santé. Je suis désolée de n’avoir entendu parler de cela que maintenant et de le publier à la dernière minute, la limite pour les commentaires étant le 21 mai.

Bien sûr, les raisons pour lesquelles nous n’avons pas entendu parler de ce plan de biosurveillance sournois qui récupérera les données de santé des Américains sont que le document départemental d’essai de 50 pages affiche  “  ne pas citer ou mentionner  “ (pdf)   Eh bien c’est vraiment fâcheux parce que ça affecte vous, moi, nos enfants, tout le monde aux USA !

C’est considéré comme de la «  sécurité nationale » ce qui signifie que de la meme façon que la surveillance de la NSA était secrète jusqu’à ce que Snowden la révèle, vous ne saurez même pas que l’on espionne sur votre santé et que ces données sont partagées. Le 2015-2018 National Health Security Strategy (NHSS) ( Stratégie sécuritaire pour la santé nationale) (pdf) gardera et partagera les informations non seulement sur les personnes ou les animaux malades mais aussi sur les plantes malades.

“Les informations collectées par le gouvernement seront une couverture totale et incluront  “ce qu’est le statut de votre santé, si vous prenez de l’exercice, la fréquence de vos rhumes, ou quelles sortes de médicaments vous prenez” selon le Citizens’ Council for Health Freedom (CCHF).

“Il n’y a plus de vie privée“ dit Twila Brase, présidente and co-fondatrice de CCHF, (pdf),  “Les officiels veulent des rapports pratiquement en temps réel par l’intermédiaire des données des systèmes électroniques. Que signifie une “menace pour la santé“ ou un “incident“ qui pourraient compromettre notre système de sécurité nationale ? Cette stratégie dit que cela inclut les activités terroristes, la résistance aux antibiotiques, le changement climatique et les sujets autour de l’environnement économique. En d’autres termes, tout et n’importe quoi peut devenir une menace pour la santé selon les standards gouvernementaux.”

Brase ajoute que “les propositions  de la NHSS permettront au gouvernement fédéral de contrôler les comportements individuels avant, pendant et après tout incident de santé défini selon les ‘critères’ du gouvernement. C’est extrêmement large. Cela semble être sans limite, mis à part le fait qu’ils prétendent, bien sûr protéger les données. Mais de notre perspective, si le gouvernement a accès a ces sortes d’informations et s’il est autorisé à faire des recherches grâce à ells, alors notre vie privée est déjà compromise. Le gouvernement a déjà dit que nos données sont ses données dans le cadre de la sécurité de la santé nationale”

 

Il y a une vidéo de l’ACLU ( American Civil Liberty Union) sur la commande d’une pizza dans l’avenir  qui a été faite pour pointer le désagréable “ potentiel de surveillance généralisée “ et les possibilités d’un avenir sombre où chacun de nos mouvements, chacune de nos transactions, de nos communications seront enregistrées, compilées et gardées, prêtes à l’accès par les autorités lorsqu’elles le désireront..” Dans ce futur, une personne ne sera pas autorisée à commander une pizza ou un soda qui seraient malsains ou ils pourraient les commander mais devraient payer une pénalité et devraient signer une décharge auprès de leur compagnie d’assurance- car l’employé de la pizzeria aurait accès aux renseignements sur la santé de cette personne. Nous sommes déjà suivis à travers nos portables, nos sites web, nos achats, nos plaques d’immatriculation et maintenant la biosurveillance projette de s’approprier les données des Américians sur leur santé. C’est triste que cette plaisanterie datant de 2006 soit si proche de la réaltité de 2014.

Les propositions de l’avant-projet affirment que la NHSS va créer une “vigilance situationnelle pour la santé “  faite de “ nombreuses données liées ou non à la santé“

 Une illustration graphique des caractéristiques de la vigilance situationnelle pour la santé inclut : des sources n’ayant pas à voir avec la santé comme l’informatique, les chaînes d’alimentation,  l’énergie, l’environnement, les productions d’évènements, les médias, les déterminants sociaux, les services de transport, l’intelligence active, et  la médecine vétérinaire. Les exemples de source liées à la santé incluent : la morbidité et la mortalité, les laboratoires et les diagnostiques, l’utilisation des services sociaux, les prévalences de maladies, l’utilisation des services de santé, les investigations sur la santé publique, et les réponses aux gestions des données. Tout ce qui figure ci-dessus fait simplement parti du grand tableau, ou est un exemple de ce que les données alimentent dans le cadre de la portion «  biosurveillance » de la santé publique ou de la vigilance médicale situationnelle.

 Dit autrement :

La vigilance situationnelle impliquera la collecte, l’accumulation, et le traitement  des données à la fois des sources traditionnelles et non traditionnelles ( comme par exemple les réseaux sociaux)  et de diverses parties prenantes gouvernementales et non-gouvernementales, tout en s’assurant que ces données issues de différentes sources sont restent de haute qualité. La vigilance situationnelle sur la santé inclura la capacité à interpréter des données afin de créer des informations pertinentes, adaptées que les décideurs pourront utiliser. Les décideurs auront la possibilité de visualiser et de manipuler des données issues de nombreuses sources afin de créer une image opérationnelle adaptée aux situations spécifiques et aux décisions les concernant

Brase avertit que “le plan de surveillance gouvernementale est beaucoup plus intrusive que la collection de données actuellement effectuée par le  Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (centre pour le contrôle et la prévention des maladies).“ Il évoque “le besoin de l’examen des données électroniques des rapports médicaux et demande la cooperation au sein des parties-prenantes fédérales et non fédérales, y compris celle de la communauté scientifique et des fournisseurs de soins médicaux publiques ou privés afin de réaliser un systèle de surveillance fiable et efficace.”

Elle ajoute, “Il est très clair pour nous que le gouvernement s’oriente vers un accès en temps reel aux données, vers une collaboration étroite entre gouvernement et docteurs pour un accès tout prêt aux rapports médicaux puis à la conduite de recherches et d’analyses.”

“La terrifiante vérité est que le programme de surveillance gouvernementale implique la participation de plusieurs agences fédérales qui vont toutes être à même de consulter, de partager, d’interpréter et de mener des recherches sur les données collectées par le système.” CCHF avertit (pdf). f “En vous débarrassant du jargon et en le disant simplement, le plan du gouvernement vise à  partager vos informations et vos dossiers médicaux avec les fonctionnaires de l’état.”

CCHF presse à prendre position contre la biosurveillance gouvernementale de stocker les données touchant notre santé.

 

Traduction : Elisabeth Guerrier